Commandes pour la publicité : décision du 4 octobre 2017, Cour de cassation ch. civ.

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Commandes pour la publicité : décision du 4 octobre 2017, Cour de cassation ch. civ.
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CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 octobre 2017

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 1032 F-D

Pourvoi n° X 16-10.411

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Anne X…, épouse Y…, domiciliée […] ,

contre l’arrêt rendu le 14 septembre 2015 par la cour d’appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l’opposant à la société Z…, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 5 septembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. A…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. A…, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme X…, de la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat de la société Z…, l’avis de M. B…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Moyens
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Motivation
Vu les articles 1101 et 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Exposé du litige

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Z… (la société) a demandé à Mme X… (l’auteur), exerçant son activité sous le nom d’Anne C…, de rédiger divers documents publicitaires pour la promotion de chocolats ; qu’alléguant que la société avait reproduit ses textes sur son site internet et sur des brochures publicitaires en l’absence d’accord sur les conditions générales applicables entre les parties, l’auteur l’a assignée en contrefaçon ;

Attendu que, pour rejeter ses demandes, l’arrêt retient que le devis signé par les parties, la remise des travaux, puis leur facturation établissent que l’auteur a cédé ses droits à la société et que la clause, qui permet à cette dernière de refuser les textes de l’auteur, n’a pas empêché la rencontre des volontés ;

Motivation

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’auteur avait adressé à la société le fruit de son travail sans qu’un accord ait pu être trouvé sur les conditions générales destinées à définir la portée de la cession consentie par celui-ci, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Dispositif
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autre branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 septembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nancy, autrement composée ;

Condamne la société Z… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X… la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille dix-sept.

Moyens annexés
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme X…

Le pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR débouté Mme Anne X…, dite Anne C…, de l’action en contrefaçon qu’elle formait contre la société Z… ;

AUX MOTIFS QUE, « courant juillet 2012 la société Z…, qui préparait sa nouvelle collection de chocolats, a approché Mme Anne X… en vue d’une collaboration ; que le 1er août 2012 Mme X… a adressé à la société Z… un devis d’un montant de 500 € correspondant aux prestations qu’elle proposait de réaliser en vue de la “présentation de la collection automne-hiver 2012, signée Patrice Z…” ; que le “contenu éditorial” de cette présentation était ainsi décrit : / – Sensoriel “atmosphère”. Description de l’atmosphère générale de la collection automne-hiver créée par Patrice Z… et de la philosophie de son créateur, le chocolat un “art de vivre”. Rédactionnel d’un bref communiqué de presse. / – Sensoriel “visuel”. 4 boîtes écrins, trois coffrets, 1 soie foulard, 2 porcelaines assiettes et tasses. Total 10 articles “sensoriel visuel”. Possibilité de regrouper un même texte pour plusieurs objets, si l’aperçu des prototypes manque de clarté. / – Sensoriel “gustatif”. Deux textes gustatifs de la nouvelle collection automne-hiver » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 1er attendu) ; « qu’à ce devis étaient jointes des “conditions générales de vente” prévoyant notamment la nature des droits cédés, la destination des droits cédés (brochures publicitaires, sites web, communiqués de presse) et leur étendue » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 2e attendu) ; « que M. Z…, en sa qualité de gérant de la société Z… a signé le devis avec la mention “sous réserve de l’appréciation des textes en question”, mais a refusé de signer les conditions générales en raison, notamment, du montant des pénalités fixées par la clause pénale applicable en cas de non-respect des conditions de la cession » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 3e attendu) ; « qu’ensuite Mme X… a adressé à la société Z… le fruit de son travail sans qu’un accord n’ait pu être trouvé sur les conditions générales applicables » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 4e attendu) ; « qu’il résulte de ces éléments qu’entre la société Z… et Mme X… a été passé un contrat par lequel celle-ci s’est engagée à réaliser et à livrer à celle-là un texte de présentation de la collection automne-hiver de chocolats créée par M. Z… ; que la réserve mentionnée par la société Z… n’a pas empêché la rencontre des volontés, cette clause permettant à la société Z… de se réserver la possibilité d’agréer ou de refuser les textes proposés et d’exiger des modifications » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 1er attendu) ; « que les dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet la transmission des droits de l’auteur à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits soit délimité quant à son étendue, sa destination et sa durée, ne visent que les seuls contrats énumérés à l’article L. 131-2, alinéa 1er, à savoir les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle ; qu’elles ne sont donc pas applicables au présent contrat, de sorte que la cession de l’exploitation des droits litigieux n’était soumise à aucune exigence de forme, et que la preuve de la cession pouvait en être rapportée selon les prescriptions des articles 1341 à 1348 du code civil ; que Mme X… a expliqué dans ses conclusions que les textes qu’elle avait été chargée de créer étaient destinées à être utilisés par la société Z… pour commenter sa nouvelle collection de chocolats ; que les conditions générales proposées par Mme X…, que la société Z… n’a refusé de signer que parce qu’elle n’acceptait pas les clauses pénales qu’elles contenaient, avaient pour objet la cession de l’exploitation de ses textes ; qu’après avoir adressé à M. Z… les textes qu’elle avait rédigés, Mme X… lui a adressé une facture pour le montant forfaitaire figurant au devis qui prenait en compte l’exploitation des textes litigieux ; qu’il se déduit de l’ensemble de ces éléments qu’est rapportée la preuve de la cession des droits d’exploitation litigieux à la société Z… » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 2e attendu) ; « que Mme X… n’est pas fondée à soutenir que la société Z… a exploité sans droits litigieux ; que les faits de contrefaçon reprochés à cette dernière ne sont donc pas établis » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 3e attendu) ;

1. ALORS QUE l’acceptation ne forme le contrat que si, coïncidant avec l’offre, elle est pure et simple ; que l’acceptation qui comporte des réserves ou encore qui est assujettie à une condition que ne prévoit pas la pollicitation, s’analyse en une contreproposition, et n’emporte donc pas conclusion d’une convention légalement formée au sens de l’article 1134 du code civil ; qu’en énonçant qu’un contrat s’est formé entre Mme Anne X…, dite Anne C…, et la société Z…, quand elle constate que sur le vu du devis détaillé proposé par la première, la seconde a assorti son acceptation à la fois d’une réserve (le refus des conditions générales annexées à l’offre) et d’une condition (l’appréciation qu’elle serait elle-même amenée à porter sur les textes composés et livrés), la cour d’appel, qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1101 et 1134 du code civil ;

2. ALORS, dans le cas contraire, QUE le contrat de commande d’une oeuvre publicitaire, qui est conclu entre un producteur et un auteur, n’emporte cession au producteur des droits d’exploitation de l’oeuvre, que si la convention précise la rémunération distincte due pour chaque mode d’exploitation de l’oeuvre en fonction notamment de la zone géographique, de la durée de l’exploitation, de l’importance du tirage et de la nature du support ; que, si, comme le décide la cour d’appel, un contrat s’est conclu dans l’espèce, il s’agit, ainsi que le soutenait Mme Anne X…, dite Anne C…, dans ses écritures d’appel, p. 23, 5e alinéa, d’un contrat de commande d’une oeuvre publicitaire, puisque la société Z…, annonceur et par conséquent producteur, a demandé à Mme Anne X…, dite Anne C…, auteur, de concevoir et de lui fournir des textes littéraires permettant de mieux promouvoir la distribution et la vente du chocolat qu’elle produit et qu’elle commercialise ; qu’en énonçant que « la cession de l’exploitation des droits litigieux [de l’espèce] n’était soumise à aucune exigence de forme » et que la société Z…, annonceur et producteur, est devenue, par l’effet du contrat de commande d’une oeuvre publicitaire qu’elle a souscrit, cessionnaire du droit d’exploiter l’oeuvre de Mme Anne X…, dite Anne C…, sans justifier que ce contrat précise la rémunération distincte due pour chaque mode d’exploitation de l’oeuvre publicitaire commandée en fonction notamment de la zone géographique où elle sera exploitée, de la durée de cette exploitation, de l’importance du tirage et de la nature du support, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile, l’article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle et les articles 1341 à 1348 du code civil, ensemble l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3. ALORS, toujours dans le même cas contraire, QUE Mme Anne X…, dite Anne C…, faisait valoir, dans ses écritures d’appel (19 février 2015) qu’« aucune convention relative à l’exploitation voire à la cession des droits d’auteur n’a jamais été signée » entre les parties, et que « les parties n’ont jamais trouvé d’accord sur les conditions d’exploitation » (p. 23, 2e alinéa) ; qu’elle ajoutait que, « s’agissant [] des dispositions légales concernant spécifiquement les oeuvres de commande pour la publicité, il convient de faire application de l’article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle » (p. 23, 5e alinéa), et que les dispositions de ce texte « viennent confirmer l’application aux commandes faites pour la publicité des dispositions générales applicables en matière de cession de droit d’auteur stipulées dans l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit encore que la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée » (p. 23, 6e alinéa) ; qu’après avoir souligné que « c’était bien également la volonté de la concluante telle qu’exprimée dans ses conditions générales que la société Z… a expressément refusé de signer » (p. 23, 7e alinéa), elle soutenait que « les affirmations de la société Z… selon lesquelles tous les éléments nécessaires sont contenus dans le devis sont rigoureusement fausses » (p. 23, 9e alinéa) ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur les conséquences juridiques de la qualification de contrat de commande pour la publicité dont Mme Anne X… se prévalait ainsi expressément, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.


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