Chauffeur Poids-Lourd : décision du 21 avril 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-12.846

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 21 avril 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-12.846
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COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 avril 2022

Rejet

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 286 F-D

Pourvoi n° B 20-12.846

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 AVRIL 2022

1°/ La société CFAR, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ Mme [L] [J], domiciliée [Adresse 4], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société DS2L conseils dont le siège est [Adresse 6],

3°/ Mme [L] [J], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Serrurerie mécanique moderne, dont le siège social est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° B 20-12.846 contre l’arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la cour d’appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [Z] [P], épouse [G],

2°/ à M. [M] [G],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

3°/ à M. [X] [G], domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société CFAR et de Mme [J], en sa qualité de liquidateur des sociétés DS2L conseils et Serrurerie mécanique moderne, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. et Mme [G], après débats en l’audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 27 novembre 2019), par acte du 15 février 2017, Mme [G], M. [M] [G] et M. [X] [G] (les consorts [G]) ont cédé à la société DS2L conseils, dirigée par M. [A], et à la société CFAR la totalité des titres de la société Serrurerie mécanique moderne (la société Sercam), au prix global provisoire de 375 000 euros, le contrat stipulant une clause de révision à la hausse dans l’hypothèse où le résultat après impôt de la société serait supérieur à 90 000 euros dans le bilan arrêté au 31 décembre 2016, le prix provisoire devenant le prix définitif dans le cas contraire.

2. Un rapport d’audit établi le 15 mai 2017 par le commissaire aux comptes de la société Sercam, à la demande des cessionnaires, ayant fait apparaître que le résultat de la société au 31 décembre 2016 était déficitaire à hauteur de 224 675,71 euros et ayant mis en évidence certaines anomalies, les sociétés DS2L conseils et CFAR ont assigné les consorts [G] en annulation de la cession et en dommages et intérêts, sur le fondement du dol.

3. La société Sercam et la société DS2L conseils ont ensuite été mises en redressement puis liquidation judiciaires, Mme [J] étant désignée en qualité de liquidateur de ces deux sociétés.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société CFAR et Mme [J], ès qualités, font grief à l’arrêt de déclarer les sociétés DS2L Conseils et CFAR mal fondées en leurs demandes de réduction de prix et de dommages et intérêts et de les en débouter, alors :

« 1°/ que constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il savait le caractère déterminant pour l’autre partie ; que le silence gardé par le cédant sur des informations faisant peser un aléa sur la pérennité des sociétés qu’il cède est nécessairement intentionnel ; qu’en jugeant que la preuve d’une réticence dolosive n’était pas rapportée, sans expliquer en quoi les consorts [G], au nombre desquels figuraient le gérant et le comptable permanent de la société Sercam, auraient légitimement pu ignorer le résultat net déficitaire de cette société pour l’exercice 2016 au jour de la cession de titres, la cour d’appel a violé l’article 1137, alinéa 2, du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 20 avril 2018 ;

2°/ qu’outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement au devoir d’information de l’article 1112-1 du code civil peut entraîner l’annulation du contrat ou conduire à une réduction du prix dans les conditions prévues à l’article 1137 du code civil ; que celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ; qu’en jugeant qu’il appartenait aux sociétés DS2L Conseils et CFAR, cessionnaires, “d’apprécier avec prudence les chiffres avancés” par les cédants et qu’”il n’est pas démontré que [M. [A]] aurait été dans l’impossibilité d’avoir accès aux éléments comptables” de sorte que “la preuve d’une réticence dolosive n’est pas rapportée” sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les consorts [G] n’avaient pas instauré une relation de confiance privilégiée et si cette relation de confiance pouvait dispenser les sociétés DS2L Conseils et CFAR de vérifier les chiffres avancés, de sorte qu’elle aurait rendu les cédants débiteurs d’une information sur les situations financière et comptable réelles de la société Sercam au jour de la cession, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1112-1 et 1137 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 20 avril 2018 ;

3°/ qu’ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ; que l’information sur des éléments susceptibles de faire peser un aléa sur la pérennité de l’entreprise cédée est présumée déterminante ; qu’en jugeant “qu’il ne résulte d’aucun des documents contractuels établis, que les cessionnaires, qui certes visaient cet objectif dans leur offre, ont fait du résultat net après impôt de 90 000 euros, qui constitue le seuil à partir duquel est dû un complément de prix, une condition déterminante de leur consentement, aucune révision à la baisse n’étant en effet prévue dans l’hypothèse où ce résultat ne serait pas atteint, ou dans l’hypothèse d’une diminution des capitaux propres par suite de pertes, alors que l’hypothèse d’un résultat inférieur avait pourtant été expressément envisagée par les cédants dans leur réponse à l’offre, le 25 juillet 2016”, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à établir que les sociétés DS2L Conseils et CFAR, cessionnaires, avaient expressément accepté l’éventualité d’un résultat net après impôt déficitaire susceptible d’affecter la pérennité de l’entreprise cédée, et a partant privé sa décision de base légale tant au regard de l’article 1112-1 du code civil que de l’article 1137, alinéa 2, du même code, dans sa version antérieure à la loi du 20 avril 2018 ;

4°/ que l’erreur et le dol vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ; qu’en jugeant “qu’il ne résulte d’aucun des documents contractuels établis, que les cessionnaires, qui certes visaient cet objectif dans leur offre, ont fait du résultat net après impôt de 90 000 euros, qui constitue le seuil à partir duquel est dû un complément de prix, une condition déterminante de leur consentement, aucune révision à la baisse n’étant en effet prévue dans l’hypothèse où ce résultat ne serait pas atteint, ou dans l’hypothèse d’une diminution des capitaux propres par suite de pertes, alors que l’hypothèse d’un résultat inférieur avait pourtant été expressément envisagée par les cédants dans leur réponse à l’offre, le 25 juillet 2016” sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si en connaissance du déficit de 286 048,57 euros, les sociétés DS2L Conseils et CFAR auraient acquis la société Sercam pour un prix ne différant pas substantiellement de celui payé (375 000 euros) dans l’ignorance de ce déficit, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1137, alinéa 2, dans sa version antérieure à la loi du 20 avril 2018, et 1130 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir constaté qu’au jour de la signature de l’avant-contrat, le 13 décembre 2016, les cessionnaires disposaient de la situation intermédiaire établie au 30 septembre 2016, faisant apparaître à cette date un résultat courant avant impôts de 28 557,69 euros et, pour l’exercice clos au 31 décembre 2015, un résultat courant avant impôt négatif à hauteur de 27 774,85 euros, le bénéfice de 22 872 euros réalisé pour cet exercice trouvant son origine dans des produits exceptionnels sur opérations de gestion et en capital, l’arrêt relève que les consorts [G] avaient accepté le principe d’un audit comptable avant la cession et qu’ils ont transmis le 2 décembre 2016 les documents demandés par l’expert- comptable mandaté par la société CFAR, qu’à partir du mois de novembre 2016, M. [A] était présent deux jours par semaine dans l’entreprise et qu’il n’est pas démontré qu’il aurait été dans l’impossibilité d’avoir accès aux éléments comptables, les cédants lui ayant au contraire remis le Grand livre au 30 septembre 2016, les balances clients et fournisseurs à la même date et ayant transmis au commissaire aux comptes de la société Sercam, le 3 janvier 2017, les relevés de comptes bancaires 2016. L’arrêt, qui relève que le rapport du commissaire aux comptes et à la transformation en date du 5 janvier 2017 fait état d’une trésorerie tendue, mais n’évoque pas un état de cessation des paiements, et qu’un rapport d’audit en date du 15 mai 2017, ne l’évoque pas davantage, retient enfin qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir que la société Sercam se serait trouvée en état de cessation des paiements avant la cession ni que les cédants pouvaient avoir connaissance de cet état.

6. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a souverainement estimé que l’intention de tromper des consorts [G] n’était pas établie.

7. Par ces seuls motifs, et abstraction faite de ceux, surabondants, relatifs au caractère déterminant des informations litigieuses, la cour d’appel, qui répondait exclusivement à la demande fondée sur le dol, sans être saisie d’une demande fondée sur le manquement des cédants à leur devoir d’information, et qui n’était pas tenue d’effectuer la recherche inopérante invoquée par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision.

8. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches, n’est pas fondé pour le surplus.

 


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