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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
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ARRÊT DU : 18 MAI 2022
PRUD’HOMMES
N° RG 21/06013 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MMVC
Monsieur [G] [J]
c/
SA SPIE BATIGNOLLES MALET
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 25 octobre 2021
(RG n° R 21/00232) par le conseil de prud’hommes – formation référé de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 07 novembre 2021,
APPELANT :
Monsieur [G] [J], né le 29 décembre 1958 à [Localité 2],
de nationalité française, profession chauffeur répandeur, demeurant [Adresse 1],
représenté par Maître Florian BECAM, avocat au barreau de LIBOURNE,
INTIMÉE :
SA Spie Batignolles Malet, siret n° 302 698 873 00635, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 5],
représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUÉ, BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX,
assistée de Maître Patrice MANCEAU substituant Maître Sabine ANGELY- MANCEAU, avocats au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 mars 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Monsieur Rémi Figerou, conseiller
Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [G] [J], né en 1958, a été engagé par société Bellin, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2006 en qualité de chauffeur-réparateur.
Le contrat de travail a été repris le 1er janvier 2008 par la société entreprise Malet, devenue depuis SPIE Batignolles Malet.
Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics.
En 2015, M. [J] a ressenti des douleurs dans l’épaule droite et a cessé l’activité de répandage à compter de l’année 2017. Il a bénéficié de séances de kinésithérapie et a subi une opération chirurgicale en 2018.
Le 7 novembre 2018, M. [J] a régularisé une déclaration de maladie professionnelle pour tendinopathie de l’épaule droite.
M. [J] a été placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle, renouvelé jusqu’au 17 juin 2019.
Lors de la visite de reprise le 26 juin 2019, le médecin du travail a déclaré M. [J] apte à son poste avec restrictions concernant la manutention de charges lourdes, l’utilisation d’engins vibrants et des tractions répétitives du bras droit.
Après avis du CRRMP de [Localité 3] du 4 juillet 2019, sa maladie a été prise en charge par la CPAM au titre de la législation sur les risques professionnels.
L’employeur a contesté la décision de la CPAM et a saisi la Commission de Recours Amiable le 9 septembre 2020.
Le salarié a fait l’objet d’autres arrêts de travail pour maladie professionnelle.
Lors de la seconde visite de reprise le 3 mars 2020, le médecin du travail a déclaré
M. [J] apte à son poste avec restrictions concernant la manutention de charges lourdes et l’utilisation d’engins vibrants.
M. [J] a à nouveau été placé en arrêt de travail.
Lors de la troisième visite de reprise le 5 août 2020, le médecin du travail a déclaré
M. [J] apte à son poste dans les mêmes conditions, sans aménagement particulier, à savoir avec restrictions concernant la manutention de charges lourdes et l’utilisation d’engins vibrants.
Le 9 novembre 2020, M. [J] a régularisé une seconde déclaration de maladie professionnelle en raison d’une épicondylite du coude droit.
Le 6 avril 2021, la CPAM a informé M. [J] de la prise en charge de son épicondylite du coude droit au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le 29 avril 2021, la CPAM a informé M. [J] qu’elle considérait son état de santé consolidé concernant la tendinopathie de l’épaule droite.
Le 12 mai 2021, M. [J] a reçu notification de son taux d’incapacité permanente de 8 %.
Lors d’une quatrième visite de reprise le 2 septembre 2021, M. [J] a été déclaré apte à son poste dans les mêmes conditions que les avis précédents.
Contestant l’avis d’aptitude, M. [J] a saisi le 14 septembre 2021, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par ordonnance de référé du 25 octobre 2021, a :
– confirmé l’avis du médecin du travail,
– rejeté les autres demandes.
Par déclaration du 7 novembre 2021, M. [J] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 novembre 2021, M. [J] demande à la cour de :
– prononcer la nullité de l’ordonnance de référé en date du 25 octobre 2021,
Sur le fond,
– infirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,
– le déclarer bien fondé en ses demandes,
– infirmer l’avis d’aptitude du médecin du travail en date du 2 septembre 2021,
– prononcer son inaptitude à son poste de chauffeur,
Subsidiairement, avant dire droit,
– ordonner une consultation médicale confiée au Dr [H], médecin-inspecteur régional du travail, DREETS siège, [Adresse 4],
– dire que le médecin-inspecteur consulté aura pour mission de :
* demander au médecin du travail la communication de l’entier dossier médical en santé au travail du salarié,
* procéder à l’examen clinique détaillé du salarié,
* procéder à l’étude du poste du salarié,
* dire si le salarié est inapte ou apte à occuper ce poste, et le cas échéant avec quelles restrictions,
* recevoir de l’employeur les éventuelles propositions d’aménagement et d’adaptation du poste occupé par le salarié, ou de reclassement du salarié sur un autre poste,
* procéder à l’étude du ou des postes proposés,
* donner son avis sur l’aptitude du salarié à occuper le ou les postes proposés,
* préconiser lui-même, le cas échéant, l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié,
* émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude,
* répondre aux dires des parties,
– fixer le délai dans lequel le médecin-inspecteur devra réaliser sa mission et rendre son rapport,
– mettre la consignation de la provision des honoraires et frais du médecin-inspecteur à la caisse des dépôts et consignations à la charge de la société SPIE Batignolles Malet, dans le délai de quinze jours,
– renvoyer les parties à la prochaine audience utile,
– réserver les dépens.
En tout état de cause,
– condamner la société SPIE Batignolles Malet à verser à M. [J] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappeler le caractère exécutoire du jugement,
– condamner la défenderesse aux entiers dépens, dont les frais d’instruction éventuels.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 février 2022, la société demande à la cour de’:
A titre principal,
– déclarer que la déclaration d’appel n’opère pas d’effet dévolutif et que la cour n’est par suite saisie d’aucune demande.
A titre subsidiaire,
– confirmer la décision prononcée par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 25 octobre 2021,
– condamner M. [J] à payer à la société la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se référe aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’effet dévolutif de l’appel
La société Spie Batignolles Malet fait valoir que l’objet de l’appel vise le régime de l’appel nullité et l’appel limité. Selon la société, l’annulation et l’infirmation partielle sont contradictoires, l’objet de l’appel est donc indéterminé, de sorte que l’effet dévolutif n’opère pas. La déclaration d’appel n’est pas susceptible de régularisation le délai imparti étant limité.
M. [J] fait valoir que la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible et qu’ainsi la cour d’appel qui annule un jugement, pour un motif autre que l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, est, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, tenue de statuer sur le fond de l’affaire.
Suivant les dispositions de l’article 542 du code de procédure civile, ‘L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel’.
La déclaration d’appel est ainsi rédigée :
‘Appel nullité ( article 562 du code de procédure civile) et sur le fond limité aux chefs de jugement et de l’ordonnance ayant débouté Monsieur [J] de ses demandes aux fins de voir : Infirmer l’avis d’inaptitude du médecin du travail en date du 2 septembre 2021. Prononcer l’inaptitude de Monsieur [J] à son poste de chauffeur ; subsidairement, avant dire droit, Ordonner une consultation médicale confiée au docteur [H], médecin-inspecteur régional du travail, DREETS siège, [Adresse 4], -dire que le médecin-inspecteur consulté aura pour mission de demander au médecin du travail la communication de l’entier dossier médical en santé au travail du salarié, procéder à l’examen clinique détaillé du salarié, procéder à l’étude du poste du salarié, dire si le salarié est inapte ou apte à occuper ce poste, et le cas échéant avec quelles restrictions,
recevoir de l’employeur les éventuelles propositions d’aménagement et d’adaptation du poste occupé par le salarié, ou de reclassement du salarié sur un autre poste, procéder à l’étude du ou des postes proposés, donner son avis sur l’aptitude du salarié à occuper le ou les postes proposés, préconiser lui-même, le cas échéant, l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié, émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude, répondre aux dires des parties, -fixer le délai dans lequel le médecin-inspecteur devra réaliser sa mission et rendre son rapport,- mettre la consignation de la provision des honoraires et frais du médecin-inspecteur à la Caisse des dépôts et consignations à la charge de la société SPIE Batignolles Malet, dans le délai de quinze jours, – renvoyer les parties à la prochaine audience utile, – réserver les dépens; en tout état de cause – condamner la société SPIE Batignolles Malet à verser à M. [J] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, – rappeler le caractère exécutoire du jugement, – condamner la défenderesse aux entiers dépens, dont les frais d’instruction éventuels.’
Il s’en déduit que la cour est saisie d’un appel tendant à l’annulation de la décision rendue, aucunement d’un appel nullité.
Il résulte de l’application des articles 561 et 562, alinéa 2 du code de procédure civile que lorsqu’un appel porte sur l’annulation du jugement, la cour d’appel, saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité.
Sur le dispositif des conclusions de M. [J]
La société Spie Batignolles Malet fait valoir que M. [J] concluant à la fois à l’annulation de la décision et à son infirmation, la cour ne peut, s’agissant de prétentions antinomiques, partant irrevevables, que confirmer le jugement déféré.
M. [J] ne conclut pas expressément de chef.
Il résulte des dispositions combinées de l’article 542 et de l’article 954 du code de procédure civile, que la partie appelante doit demander, dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation ou l’annulation du jugement dont appel.
La lecture des conclusions de M. [J] établit que la cour est saisie d’une demande en annulation de la décision rendue, tenant à la violation par les premiers juges des dispositions de l’article 481-1 du code de procédure civile et de l’article L. 4624-7 du code du travail, et d’une demande en infirmation de la décision dans ses dispositions qui confirment l’avis du médecin du travail, tenant à l’inaptitude du salarié à occuper son poste en raison de son état de santé, qu’il n’en résulte aucune antinomie.
Sur la nullité de la décision déférée
M. [J] fait valoir que doit être prononcée la nullité de la décision dont appel, le conseil de prud’hommes ayant statué en contravention des dispositions des articles 481-1 du code de procédure civile et L. 4624-7 du code du travail, par ordonnance de référé n’ayant pas autorité de la chose jugée, et non selon jugement au fond dans le cadre de la procédure accélérée.
La société Spie Batignolles Malet considère que la procédure a été respectée et que la mention ‘ordonnance de référé’ n’est qu’une erreur matérielle que seule la cour peut réparer. Or, cette demande n’est pas formulée, de sorte que la demande de nullité devra être rejetée.
Pour débouter M. [J] de sa demande, la cour relève que les premiers juges ont statué dans le respect des dispositions des articles R. 1455-2 et R. 4624-45 du code du travail et de l’article 481-1 du code de procédure civile, que M. [J], qui a régulièrement relevé appel de la décision déférée, ne justifie d’aucun grief.
Sur le bien-fondé de la contestation
M. [J] fait valoir qu’aujourd’hui âgé de 62 ans, il exerce les fonctions de chauffeur poids lourd depuis 40 ans. Son poste impliquait une pénibilité due aux nombreuses manutentions. Il verse aux débats le questionnaire maladie professionnelle du 23 novembre 2018 (pièce 7) et l’avis du 4 juillet 2019 du comité régional de reconnaissance des maladies processionnelles. De plus, le salarié soutient que son état de santé s’est aggravé depuis 2018, comme en atteste la reconnaissance de sa seconde maladie professionnelle en date du 6 avril 2021. Selon le salarié, le médecin du travail avait dès le départ envisagé de prononcer l’inaptitude du salarié, ainsi que cela ressort de ses propres annotations dans le dossier médical du salarié puisque ses arrêts sont en lien avec ses conditions de travail et que le médecin du travail aurait dit au salarié que son ‘cas avait été arrangé avec la direction’.
La société Spie Batignolles Malet fait valoir que le litige est circonscrit à la demande d’infirmation de l’avis d’aptitude en date du 2 septembre 2021. Selon elle, les avis, propositions et conclusions du médecin du travail antérieurs au 2 septembre 2021 ne sont pas remis en cause et ces derniers reposent sur des éléments de nature médicale qui ont fondé les avis d’aptitude. Ils ne peuvent pas être utilisés pour remettre en cause l’avis d’aptitude du 2 septembre.
A titre subsidiaire, les arguments sur lesquels se fonde l’appelant sont inopérants car le questionnaire rempli par le salarié lors de l’enquête CPAM est contredit par les déclarations de l’employeur, la motivation du CRRMP pour établir le lien de causalité entre la pathologie et l’activité professionnelle ne permet pas de retenir une causalité directe, enfin le salarié ne peut pas invoquer une aggravation de son état de santé puisqu’il ne conteste pas les avis d’aptitude des 3 mars et 5 août 2020.
En l’espèce, le médecin du travail qui l’a examiné le 2 septembre 2021 a conclu à l’aptitude de M. [J] à son poste de chauffeur poids lourds, avec contre indications au port de charges supérieures à 15 kg et à l’utilisation d’engins vibrants.
Force est de relever qu’il ne résulte d’aucune des pièces du dossier que des éléments tenant à la dégradation de l’état de santé de M. [J] depuis 2018 n’ont pas été pris en compte par le médecin du travail, la reconnaissance de travailleur handicapé au mois de décembre 2021 n’y suppléant pas ; si M. [J] soutient que le médecin du conseil lui a confié avoir le directeur régional sur le dos (sic) s’agissant de son dossier il n’en rapporte aucunement la preuve, peu important que le praticien ait envisagé une déclaration d’inaptitude en 2019 ; M. [J] n’a d’ailleurs contesté aucun des avis d’aptitude antérieurs. M. [J] ne peut dès lors qu’être débouté de sa demande, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une expertise, et la décision déférée être confirmée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
M. [J], qui succombe, est tenu aux dépens, au paiement desquels il sera condamné en même temps qu’il sera débouté de la demande qu’il a formée au titre de ses frais.
Il n’est pas contraire à l’équité que l’employeur conserve la charge de ses frais non compris dans les dépens. La société Spie Batignolles Malet est en conséquence déboutée de la demande qu’elle a formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DIT que la cour est saisie de l’entier litige,
DÉBOUTE M. [J] de sa demande en nullité,
CONFIRME la décision déférée,
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [J] aux dépens, en conséquence, le DÉBOUTE de la demande qu’il a formée au titre de ses frais non répétibles,
DÉBOUTE la société Spie Batignolles Malet de sa demande au titre de l’article 700 du code code procédure civile.
Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Anne-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire