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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JUIN 2022
N° RG 21/01048 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UNYQ
AFFAIRE :
[C] [U]
C/
S.A.R.L. TRANSPORTS [W]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mars 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Boulogne-Billancourt
N° Section : Commerce
N° RG : 17/00667
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Abdelaziz MIMOUN
Me Julie GOURION
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [C] [U]
né le 15 Septembre 1968 à [Localité 7] (PORTUGAL)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Abdelaziz MIMOUN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 89
APPELANT
****************
S.A.R.L. TRANSPORTS [W]
N° SIRET : 430 110 007
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Claude Benjamin MIZRAHI de la SELARL MIZRAHI ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0068 – Représentant : Me Julie GOURION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 24 septembre 2013, M. [C] [U] était embauché par la société Transports [W] en qualité de chauffeur poids lourd, par contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
Après un passage de l’inspection du travail relevant des horaires de travail non conformes aux durées légales, l’entreprise se dotait d’un logiciel lui permettant de constater si des chauffeurs ne respectaient pas les temps de pause minimaux. L’entreprise constatait de nouvelles irrégularités suite à ce rappel, entraînant un avertissement à l’encontre du salarié. Celui-ci contestait son avertissement et réclamait le paiement de ses heures supplémentaires. Un deuxième avertissement était prononcé peu de temps après, pour le même motif.
Au mois de mai 2017, M. [U] faisait l’objet de plusieurs plaintes et incidents parmi lesquels une conduite dangereuse et l’intervention non nécessaire d’une dépanneuse. M. [U] était sanctionné d’une mise à pied de deux jours en juillet 2017.
De nouveaux incidents étaient relevés par la suite, parmi lesquels une dégradation du véhicule et un accident de circulation avec un cycliste. Les clients Cemex et Lafarge en venaient à refuser M. [U] sur leurs unités de production.
Le 24 novembre 2017 mai 2017, la société Transports [W] convoquait M. [U] par courrier à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien se déroulait le 5 décembre 2017.
Le 8 juin 2017, M. [U] saisissait le conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 9 décembre 2017, il lui était notifié son licenciement pour faute grave.
Vu le jugement du 3 mars 2021 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui a’:
– Débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens ;
– Débouté la société Transports [W] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Vu l’appel interjeté par M. [U] le 8 avril 2021
Vu les conclusions de l’appelant, M. [C] [U], notifiées le 7 avril 2022 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
– Infirmer le jugement rendu le 3 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. [U] de ses demandes au titre du rehaussement de la rémunération à la somme de 2’649,90 euros en raison de l’illégalité de la rémunération aux “tours”, du paiement des heures supplémentaires d’octobre 2014 à mars 2017 et des congés payés y afférents, de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés y afférents, de fixer à la somme de 3’813,81 euros le salaire brut moyen mensuel, de dommages et intérêts pour non-respect des limites maximales de travail, d’indemnité pour travail dissimulé, de la demande d’annulation des sanctions disciplinaires des 26 juillet 2016, 1er mars 2017 et 26 avril 2017 et indemnisation du préjudice moral, de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de la demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, d’indemnité de licenciement et des frais irrépétibles.
– Statuant de nouveau, condamner la société Transports [W] au profit de M. [U] dans les termes suivants :
01°) Rehaussement de la rémunération à la somme de 2’649,90 euros en raison de l’illégalité de la rémunération aux “tours”‘;
02°) Paiement des heures supplémentaires octobre 2014 à mars 2017′: 8’106,88 euros’;
03°) Congés payés y afférents’: 810,68 euros’;
04°) Contrepartie obligatoire en repos’: 5’351,76 euros’;
05°) Congés payés y afférent’: 535,17 euros’;
06°) Fixer à la somme de 3’813,81 euros le salaire brut moyen mensuel’;
07°) Dommages et intérêts pour non-respect des limites maximales de travail’: 3’000,00 euros’;
08°) Indemnité pour travail dissimulé’: 22’882,86 euros’;
09°) Annulation des sanctions disciplinaires des 26 juillet 2016, 1er mars 2017 et 26 avril’2017 et indemnisation du préjudice moral’: 1’000,00 euros’;
10°) Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail’;
11°) Dommages et intérêts pour licenciement abusif’: 30’000,00 euros’;
12°) Indemnité compensatrice de préavis’: 7’627,62 euros’;
13°) Congés payés y afférents’: 762,76 euros’;
13°) Indemnité de licenciement’: 3’654,89 euros’;
14°) Article 700 du code de procédure civile : 4’000,00 euros’;
15°) Intérêts de retard avec capitalisation à compter de la saisine’;
16°) Condamnation aux entiers dépens y compris ceux d’exécution.
Vu les écritures de l’intimée, la société Transports [W], notifiées le 5 mai 2022 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de’:
– Déclarer la société Transports [W] recevable et fondée en ses demandes.
Y faisant droit,
– Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Y ajoutant,
– Débouter M. [U] en toutes ses demandes, fins et conclusions.
– Condamner M. [U] à verser à la société Transports [W] la somme de 10’000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner M. [U] aux dépens y compris ceux de l’exécution.
– Dire que les dépens d’appel pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 9 mai 2022.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail’:
Sur le montant de la rémunération
M. [U] demande un rehaussement de sa rémunération à la somme de 2’649,90 euros en faisant valoir une illégalité de la rémunération aux “tours” et que nombre de ses bulletins de salaire mentionnent cette prime ; la société Transports [W] considère au contraire que le nombre de tours effectués par le salarié ne dépendait pas de sa réactivité ou de son efficacité mais des demandes des clients de l’entreprise ;
Il est constaté que dans ses écritures, M. [U] ne sollicite pas de dommages et intérêts ni à proprement parler de rappels de salaire qui correspondraient à des sommes impayées mais plus exactement demande que son salaire brut moyen soit recalculé en tenant compte de cette prime, pour être fixé à la somme de 2 649,90 euros ;
L’article 3 de son contrat de travail prévoit que “à titre de rémunération complémentaire au-delà de 80 tours mensuels effectués, une rémunération supplémentaire de 10 euros net par tour vous sera attribuée “;
Il ressort des bulletins de salaire produits que M. [U] a perçu au cours de nombreux mois pendant la relation de travail une prime sous l’intitulé “prime d’assiduité” ou encore “prime d’assiduité 10 euros nets/tour”, comme par exemple en janvier, février 2014 mais aussi décembre 2016, janvier, février et mars 2017 ;
Indépendamment même du débat sur la légalité de la rémunération aux “tours”, il est justifié de réintégrer ces sommes dans le salaire brut moyen et de fixer par suite ce dernier à la somme de 2 649,90 euros ;
Sur les sanctions disciplinaires
M. [U] sollicite l’annulation des sanctions disciplinaires des 26 juillet 2016, 1er mars 2017 et 26 avril’2017 et l’indemnisation de son préjudice moral ;
Le 26 juillet 2016, la société Transports [W] a averti M. [U] qu’il n’avait pas respecté son temps de pause, au regard des données de son chronotachygraphe en ce sens, dont elle produit le relevé aux débats ;
Le 1er mars 2017, elle a remis en main propre à M. [U] un avertissement en raison d’un non-respect des temps de pause et de son amplitude horaire de 10 heures maximum ; elle produit également des relevés s’y rapportant ;
Le 26 avril’2017, elle a indiqué à M. [U] qu’elle se voyait contrainte de le changer de site de production, par suite de la demande de son client ; elle en justifie aussi, par la production du courrier daté du 14 avril 2017 de la société Cemex dénonçant le comportement de M. [U] et informant la société Transports [W] qu’elle n’acceptait plus ce chauffeur sur l’unité de production de Port [6] et demandait son remplacement ;
Le rejet des demandes d’annulation des sanctions disciplinaires des 26 juillet 2016, 1er mars 2017 et 26 avril’2017 et d’indemnisation de préjudice moral sera en conséquence confirmé ;
Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé
M. [U] sollicite le paiement d’heures supplémentaires sur la période d’octobre 2014 à mars 2017’et pour la somme totale de 8’106,88 euros ;
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ;
En l’espèce, M. [U] expose que dans le cadre de son activité, il assurait à la fois la conduite du poids lourds mais également le chargement du béton ainsi que les manipulations rendues nécessaires sur les différents chantiers pour assurer la livraison du béton auprès des clients, qu’entre le 24 septembre 2013 et le 5 décembre 2017, son employeur ne lui a jamais adressé de rappel à l’ordre en lui interdisant d’effectuer des heures supplémentaires et qu’il a bien effectué des heures supplémentaires demeurées impayées ;
Pour étayer ses dires, il produit notamment’des relevés d’activité ;
Le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ;
L’employeur expose qu’il a versé au salarié les sommes correspondant aux heures supplémentaires effectuées et que M. [U] s’est vu rappeler à maintes reprises de respecter la législation en vigueur relative aux temps de pause, de repos et de conduite et que le salarié qui s’abstient d’obtempérer à l’ordre ou exigence reçu de son employeur, notamment celui de cesser d’effectuer des heures aboutissant au dépassement de la durée de travail hebdomadaire, ne peut prétendre en obtenir le paiement ;
Le contrat de travail de M. [U] prévoit en son article 2 une durée hebdomadaire de 39 heures et ajoute qu’il “pourra être amené à effectuer des heures supplémentaires sur demande de l’employeur, selon les conditions légales et conventionnelles en vigueur” ;
En application de l’article L.3121-22 du code du travail que l’article 12 relatif à la durée du temps de travail inséré dans la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, “conformément à cette législation, la durée légale du travail effectif du personnel est fixée à 39 heures par semaine. Durée pouvant être augmentée par le recours aux heures supplémentaires dans les limites fixées par la réglementation en vigueur. Les heures de travail ainsi effectué au-delà de la durée légale sont majorées à 25% pour les heures de la 40 ème à la 47 ème et de 50 % au-delà de la 47ème ” ;
Les bulletins de salaire produits aux débats font ressortir le paiement de nombreuses heures supplémentaires par la société Transports [W] au profit du salarié :
– bulletin de paie du mois novembre 2014 : 117,36 euros correspondant aux « heures supplémentaires exonérées 25% le 8/11,
– bulletin de paie du mois de janvier 2016 : 105,23 euros correspondant aux « heures supplémentaires exonérées 25% le 23/1,
– bulletin de paie du mois de juillet 2016 : 100 euros correspondant aux «heures supplémentaires exonérées 25% le samedi 9/07,
– bulletin de paie du mois de janvier 2017 : 100 euros correspondant aux « heures supplémentaires exonérées 25% le samedi 21,
– bulletin de paie du mois de février 2017 : 260,52 euros correspondant aux « heures supplémentaires exonérées 25% le 23/1,
– bulletin de paie du mois de février 2017 : 228,56 euros correspondant aux « heures supplémentaires exonérées 50%,
– bulletin de paie du mois de mars 2017 : 150,33 euros correspondant aux « heures supplémentaires exonérées 25% ;
L’employeur justifie par ailleurs avoir à maintes reprises demandé à M. [U] de respecter la législation en vigueur relative aux temps de pause, de repos et de conduite, justifie de temps de pause non respectés et avoir exprimé son désaccord explicite sur l’accomplissement d’autres heures supplémentaires par le salarié, de sorte que ce dernier, qui s’est abstenu d’obtempérer à ces rappels à l’ordre ou exigences reçues de son employeur, notamment celui de cesser d’effectuer des heures aboutissant au dépassement de la durée de travail hebdomadaire, non sollicité ne peut prétendre en obtenir le paiement ;
La demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée ;
Le jugement est confirmé sur ce point ;
S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; une telle intention, qui ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ;
En l’espèce, M. [U] a été payé des heures supplémentaires lorsqu’elles ont été régulièrement accomplies ; en outre son attention a été attirée par l’employeur sur le dépassement de son amplitude de travail journalier mais également de ses obligations découlant de la réglementation en vigueur ;
Ainsi, en l’absence d’élément tant matériel qu’intentionnel, le travail dissimulé n’est pas établi ;
Le rejet de la demande formée à ce titre sera donc confirmé ;
Sur la contrepartie obligatoire en repos et les limites maximales de travail
M. [U] sollicite la somme de 5’351,76 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre les congés payés y afférent’;
La convention collective des transports routiers fixe en son article 12-2 un contingent annuel d’heures supplémentaires de 195 heures, seuil à partir duquel s’enclenche la contrepartie obligatoire en repos ;
En l’espèce, dans la suite des motifs susvisés, il n’est pas justifié d’un dépassement de ce seuil en ce qui concerne M. [U] ;
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a également rejeté cette demande ;
Sur le dépassement de la durée hebdomadaire du travail et la méconnaissance de l’obligation de sécurité
M. [U] sollicite des dommages et intérêts en invoquant un non-respect des limites maximales de travail’et une méconnaissance par l’employeur de son obligation de sécurité ;
La société Transports Drame produit notamment son courrier du 3 août 2017 par lequel elle a averti M. [U] en ces termes : ” (‘) je vous confirme le bien-fondé de votre mise à pied (‘) pour le non-respect des rappels à la législation concernant vos horaires de travail ” et qu’auparavant le 18 avril 2017, elle lui avait adressé un courrier en ces termes :
” Votre comportement, malgré notre entretien oral et nos échanges de courriers, n’a pas changé et vous avez continué voire amplifié votre volume horaire malgré l’ordre exprès de cesser ce comportement. (‘) Pour la journée du samedi 4 mars, je constate que vous avez effectué 8 tours alors que vous savez pertinemment qu’il vous est demandé de ne pas dépasser les amplitudes journalières et que le client n’est pas demandeur à ces dépassements (‘). Vous avez pourtant effectué un dernier chargement à 17h19, sans aucune demande expresse en ce sens. (‘) Je vous adresse donc un ultime avertissement et réitère ma demande que vous respectiez les termes de votre contrat et de ne plus effectuer aucune heure supplémentaire au-delà de vos 39h hebdomadaires” ;
Elle justifie qu’elle n’a pas incité ni sollicité celui-ci afin qu’il effectue de nouvelles heures supplémentaires ni plus généralement manqué à son obligation de sécurité mais qu’au contraire le salarié a persisté en ces propres agissements irréguliers en violation des demandes de se conformer à la législation en vigueur ;
Le rejet de la demande de dommages et intérêts sera donc confirmé ;
Sur la rupture du contrat de travail’:
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur ; la résiliation judiciaire peut être prononcée pour des faits constituant un manquement grave de l’employeur ;
En l’espèce, la demande de résiliation judiciaire a été formée par M. [C] [U] préalablement à son licenciement ;
Sur la résiliation judiciaire
M. [U] forme une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en invoquant les éléments suivants :
– absence de paiement de l’intégralité des heures supplémentaires,
– non-respect de la durée maximale hebdomadaire du travail,
– mention sur les bulletins de salaire d’une durée du travail intentionnellement sous-évaluée, – défaut de versement de la contrepartie obligatoire en repos,
– sanctions abusives ;
Il résulte des motifs précédents qu’aucun des manquements ainsi allégués à l’encontre de l’employeur n’est établi ;
Il y a donc lieu de confirmer le rejet de la demande de résiliation judiciaire ;
Sur le licenciement
En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis ; la charge de la preuve incombe à l’employeur qui l’invoque ;
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, invoque une faute grave aux motifs que : ” (…) nos deux clients nous ont rapporté une attitude inacceptable de votre part sur les sites de production (…) de sorte que ces derniers refusent dorénavant votre affection sur l’ensemble de leurs sites de productions.
En outre, vous n’avez cessé de dénigrer l’entreprise en public et, ce même devant nos clients,
De plus, vous adoptez régulièrement une conduite dangereuse qui vous a conduit à avoir un accident avec un cycliste (…),
A cela s’ajoute que vous avez ignoré une convocation à votre visite médicale le 6 septembre 2017 (…)
Enfin, le 4 septembre 2017, à votre retour de congés, vous nous avez informés, seulement en fin de matinée, de votre disponibilité du fait que notre client n’ait pas souhaité faire appel à vos services ce jour-ci, nous aurions pu vous affecter à une autre tâche dans l’intervalle (…)” ;
M. [U] invoque d’une part la prescription des faits et d’autre part l’application de la règle non bis in idem au regard des sanctions précédentes ;
En application de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ; toutefois ce texte ne s’oppose pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dès lors que le salarié a commis dans le délai de prescription un agissement fautif de même nature ;
En l’espèce, la société Transports [W] a initié la procédure disciplinaire le 24 novembre 2017 par la convocation du salarié à un entretien préalable fixé à la date du 5 décembre 2017 ;
Il ressort des pièces versées aux débats que la société Transport [W] a reçu un second courrier de son client Cemex, daté du 4 novembre 2017, – soit une date postérieure au 24 septembre 2017 – par lequel la société Cemex dénonçait, après plainte de M. [O], chef d’unité de production de [Localité 5] à l’encontre de M. [U] le comportement à plusieurs reprises inacceptable de ce dernier générant une ambiance délétère et des tensions et indiquant qu’elle n’acceptait plus ce chauffeur sur aucun site de production de l’Ile de France (et non plus seulement sur le site de Port [6] à partir duquel il avait été précédemment transféré sur le site de [Localité 5] pour des motifs de même nature) ;
Ces faits nouveaux ne sont donc ni prescrits ni déjà sanctionnés ;
M. [U] rappelle les demandes de son propre employeur lui demandant de se conformer aux règles relatives au temps de travail ; il ajoute que le mécontentement du client serait lié à la volonté de ce dernier de le voir accomplir pour sa part des “tours” supplémentaires ; toutefois, cette dernière indication ne repose que sur ses propres affirmations, qu’elles ait été formulées par lui oralement ou par écrit ;
Ces faits sont aussi de même nature avec les faits de dénigrement qui sont attestés le 24 juillet 2017 par M. [M], chauffeur, selon lequel M. [U] ‘a ouvertment tenu des propos dénigrants et destablisants vis à vis de l’employeur, M. [W]” et proféré des insultes telles que ” c’est un salaud, il a pris la grosse tête” et “je coulerai son entreprise” ;
Les faits de mauvaise utilisation du chronotachygraphe, de premier comportement hostile sur le site de client et de propos dénigrant et de conduite dangereuse vis-à-vis d’un cycliste le 5 mai 2017, lequel avait pu se déporter, avaient justifié la sanction de mise à pied disciplinaire prononcée le 29 juin 2017 ;
Dans ces conditions, même si d’autres faits invoqués sont pour leur part prescrits, la société Transports [W] justifie d’une faute grave de M. [U], étant souligné que ce dernier avait déjà été mis en garde par de précédents rappels à l’ordre et sanctions pour des faits de même nature ;
En conséquence, le jugement sera aussi confirmé en ce qu’il a retenu le bien fondé du licenciement prononcé et débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [U];
La demande formée par la société Transports [W] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 500 euros ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne M. [C] [U] à payer à la SARL Transports [W] la somme de 500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d’appel,
Condamne M. [C] [U] aux dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme’Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRÉSIDENT