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PS/JD
Numéro 22/2826
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 21/07/2022
Dossier : N° RG 20/00599 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HQEY
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande de prise en charge au titre des A.T.M.P. et/ou contestation relative au taux d’incapacité
Affaire :
CAISSE PRMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MAYENNE
C/
[W] [Z]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 21 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 02 Mai 2022, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame SORONDO, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente
Madame NICOLAS, Conseiller
Madame SORONDO, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
CAISSE PRMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MAYENNE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante en la personne de Madame [H], munie d’un pouvoir régulier
INTIME :
Monsieur [W] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Comparant en personne
sur appel de la décision
en date du 16 JANVIER 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TJ DE TARBES
RG numéro : 19/00097
FAITS ET PROCEDURE
La caisse primaire d’assurance maladie de la Mayenne a été destinataire d’une déclaration d’accident du travail en date du 26 juin 2018 établie par la société Transports [5] concernant un accident survenu le 14 juin 2018 à 18 h 50 à M. [W] [Z], salarié en qualité de conducteur routier. La déclaration mentionnait – «’selon le salarié, alors qu’il descendait du camion, la porte de ce dernier s’est refermée et lui a heurté le genou’»,
– siège des lésions : genou droit,
– éventuelles réserves de l’employeur «’quant au siège des lésions, à savoir le genou droit, dans la mesure où c’est le genou gauche qui se trouve du côté de la porte. Pas de témoin.
– accident connu le 25 juin 2018 à 17 h 14 par les préposés de l’employeur,
– accident inscrit au registre d’accidents du travail bénins le 15 juin 2018.’»
Cette déclaration était accompagnée d’un courrier de réserves ci-après : «’L’intéressé n’apporte pas la preuve à sa charge qu’il a bien été victime de cet accident au temps et au lieu du travail. La matérialité repose sur les seules déclarations du salarié et aucun témoin oculaire n’est en mesure de confirmer ces allégations. De plus le siège des lésions n’est pas cohérent avec les circonstances. Le salarié déclare une douleur au genou droit après avoir heurté la porte du camion alors que la porte se situe à sa gauche. Par ailleurs, 11 jours se sont écoulés entre les faits et la consultation chez le médecin et durant ces 11 jours, il a effectué son travail habituel’».
Le certificat médical initial en date du 25 juin 2018 mentionnait «’traumatisme direct genou droit entre porte de camion et montant ‘ suspicion d’entorse’».
Par courrier du 20 août 2018, la caisse a notifié à M. [Z] un refus de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
M. [Z] a saisi le 6 septembre 2018 la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté sa demande le 5 février 2019.
Par courrier réceptionné le 6 mai 2019, M. [Z] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Tarbes, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Tarbes qui, par jugement du 16 janvier 2020, a :
– reçu M. [Z] en son recours, l’a dit bien fondé et en conséquence,
– annulé la décision de la CPAM de la Mayenne en date du 20 août 2018,
– dit que l’accident du travail dont a été victime M. [Z] sera pris en charge au titre de la législation professionnelle,
– renvoyé M. [Z] devant la CPAM pour la liquidation de ses droits,
– condamné la CPAM de la Mayenne aux dépens.
Ce jugement a été notifié à la CPAM de la Mayenne par courrier recommandé qu’elle a réceptionné le 24 janvier 2020. Elle en a interjeté appel par courrier recommandé expédié au greffe de la cour le 21 février 2020.
Selon avis de convocation du 30 décembre 2021, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l’audience du 2 mai 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRETENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions visées par le greffe le 2 mai 2022, reprises oralement à l’audience et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM de la Mayenne, appelante, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré,
– confirmer sa décision de refuser de reconnaître le caractère professionnel du prétendu accident du 14 juin 2018,
– débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts,
– débouter M. [Z] de toutes ses demandes.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 17 mars 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, M. [Z], intimé, demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré,
– condamner la CPAM de la Mayenne à lui payer la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice financier subi suite à la décision de la caisse et à celle de son ancien employeur,
– condamner la CPAM de la Mayenne à lui payer la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation «’temps et de l’énergie’» consacrés à «’la procédure’».
SUR QUOI LA COUR
Sur le caractère professionnel de l’accident
La CPAM de la Mayenne soutient que la preuve n’est pas rapportée de la survenance d’un accident au temps et au lieu du travail :
– le certificat médical est postérieur de 11 jours au fait accidentel prétendu,
– comme relevé par l’employeur, c’est le genou gauche qui se présente en premier lorsque le conducteur descend du camion,
– ce n’est que lors de l’audience du 7 novembre 2019 que M. [Z] a déclaré être sorti côté passager après sa pause repos et il indiquait initialement être descendu du camion pour contrôler la température du frigo,
– le salarié a poursuivi son travail pendant plusieurs jours,
– l’accident n’a pas eu de témoin ; M. [L] est la première personne qui en a été avisé.
M. [Z] fait valoir qu’étant chauffeur poids lourd, il travaille seul. Lors de l’accident, il terminait sa pause de repos de 45 minutes, et est descendu du camion pour vérifier la température du frigo. Il se trouvait [Adresse 6], sur une route de passage, sans personne à proximité. Il a terminé sa journée de travail et a signalé l’accident le lendemain à M. [F], M. [M] et M. [U]. Mme [P], responsable de la sécurité, lui a fait compléter une déclaration d’accident bénin le 15 juin 2018. Il a consulté 11 jours plus tard parce qu’il pensait que son état s’améliorerait. Son employeur a aménagé son planning en lui faisant faire des navettes sans manutention. L’entreprise était en sous-effectif compte tenu des congés posés et sa présence était indispensable. La douleur s’étant intensifiée, il a prévenu son employeur le 22 juin 2018 qu’il allait consulter un médecin. Il a subi un premier accident du travail au genou droit le 29 mars 2015 qui a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels alors qu’il est survenu également sans témoin.
Sur ce,
Suivant l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
La notion d’accident du travail suppose un événement ou une série d’événements survenus à dates certaines, par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion. La présomption d’imputabilité au travail ne bénéficie au salarié que s’il rapporte la preuve, autrement que par ses seules allégations, de la réalité d’une lésion apparue aux temps et lieu de travail ou apparue ultérieurement dès lors qu’elle est rattachable à l’accident. Cette preuve peut être établie par tout élément objectif ou résulter de présomptions graves, précises et concordantes au sens de l’article 1353 devenu 1382 du code civil.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que :
– suivant la déclaration d’accident du travail comme le questionnaire renseigné par l’employeur, M. [Z] travaillait seul comme chauffeur routier le 14 juin 2018 de 13 h 19 à 22 h 05, de sorte que l’absence de témoin n’est pas un fait anormal ;
– le 15 juin 2018, soit dès le lendemain du fait accidentel invoqué, M. [Z] l’a déclaré à l’employeur, lequel, autorisé à tenir un registre des accidents du travail bénins, ce qui suppose, d’une part la présence permanente dans l’entreprise d’un médecin, ou d’un pharmacien, ou d’un infirmier diplômé d’Etat, ou d’une personne chargée d’une mission d’hygiène et de sécurité détentrice d’un diplôme national de secouriste complété par le diplôme de sauveteur secouriste du travail délivré par l’Institut national de recherche et de sécurité ou les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, et d’autre part l’existence d’un poste de secours d’urgence, a, en l’absence d’arrêt de travail et de soins à cette date, renseigné comme suit ledit registre : «’le collaborateur descendait du tracteur, la porte de la cabine s’est refermée suite à un coup de vent et lui a heurté le genou ; siège des lésions, genou droit’» ;
– interrogé par questionnaire, M. [Z] a indiqué «’je descendais de mon camion, au moment où j’ai mis ma jambe droite dans le marche-pied il y a eu un coup de vent qui a fermé la porte sur celle-ci’» ; à la question «’veuillez décrire avec précision le travail effectué au moment où s’est produit le fait accidentel’», il a répondu «’je devais descendre de mon camion pour contrôler la température de mon frigo’» ; d’après les motifs du jugement, il a expliqué lors de l’audience en première instance qu’il était descendu, après une pause, côté passager ; contrairement aux affirmations de la caisse, ces deux circonstances, d’une pause avant le fait accidentel, et de la tâche effectuée lors du fait accidentel, à savoir descendre du camion pour aller vérifier la température du frigo, ne sont pas incompatibles ; de même, contrairement à ce qu’elle soutient et à la réserve émise par l’employeur, le siège de la lésion, soit le genou droit, n’est pas incohérent avec les circonstances déclarées de l’accident par le salarié qui n’a pas relaté être descendu côté conducteur et il ne peut être raisonnablement considéré qu’un chauffeur routier ne peut en aucune circonstance se trouver côté passager et donc descendre de ce côté là ;
– M. [Z] admet avoir travaillé le lendemain de l’accident déclaré, soit le vendredi 15 juin 2018, et produit son «’programme prévisionnel’et attestation d’activité et de repos » établi par l’employeur pour la période du 17 au 23 juin 2018, d’après lequel il a travaillé le mardi 19 juin de 4 h 30 à 14 h, le jeudi 21 juin de 2 h 30 à 11 h 30, le vendredi 22 juin de 2 h 30 à 11 h et le samedi 23 juin de 9 h à 15 h ; il a donc travaillé au total 5 ou 6 jours postérieurement au fait accidentel invoqué ; il n’est pas permis de déterminer d’aménagement particulier par rapport à son travail habituel’;
– il a consulté son médecin traitant le 25 juin 2018 qui a fait état «’d’un traumatisme direct du genou droit entre porte de camion et montant’- suspicion d’entorse » ; il a passé une radiographie du genou droit le 3 juillet 2018 puis un IRM le 3 août 2018, et a enfin consulté un chirurgien orthopédiste le 6 septembre 2018 ; le courrier adressé à ce dernier par son médecin traitant mentionnait «’traumatisme direct du genou droit par porte de camion le 14 juin 2018 ; a continué à travailler ; douleur devenue trop importante pour les montées et descentes du camion, ainsi que les longs trajets ; douleur à la marche prolongée’…’». Le chirurgien orthopédiste a constaté «’une douleur diffuse à la fois interne et externe’», a conclu ‘«que les douleurs sont liées à une chrondopathie fémoro-patellaire post-traumatique sur un terrain de dysplasie fémoro-patellaire’», a prescrit un traitement anti-inflammatoire et a préconisé une mise au repos avec glaçage et éventuellement le port d’une genouillère fémoro-patellaire. Les constatations médicales sont donc compatibles avec le fait accidentel déclaré.
Il résulte de ces éléments des circonstances graves et concordantes de la réalité d’une lésion apparue aux temps et lieu de travail, à savoir une déclaration précise à l’employeur dès le lendemain de sa survenance d’un choc au genou droit occasionnant une douleur, dans des circonstances qui sont cohérentes, et des constatations médicales de douleurs persistantes au genou droit en lien avec un traumatisme direct de celui-ci tel que déclaré par le salarié. Il convient donc de confirmer le jugement.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de M. [Z] à raison du préjudice financier subi suite à la décision de la caisse et à celle de son ancien employeur
En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
M. [Z] invoque la perte financière subie en raison de sa situation de chômage survenue dans la période qui a suivi la décision de la caisse, faisant état de ce que «’suite à notre désaccord j’ai subi des pressions qui m’ont amené à quitter mon emploi à durée indéterminée précipitamment puisque notre relation de confiance s’est rompue’». Pour autant, la décision de la caisse était motivée, et il n’est pas caractérisé de lien de causalité entre le préjudice invoqué, soit la perte financière consécutive à une situation de chômage survenue au début de l’année 2019, et la faute alléguée. La demande de réparation sera donc rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts en réparation du «’temps et de l’énergie’» consacrés à «’la procédure’»
Cette demande s’analyse en une demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile qui dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l’espèce, M. [Z] a dû consacrer du temps à réunir des pièces puis se déplacer aux audiences de première instance et d’appel de sorte qu’il est justifié de lui allouer de ce chef une somme de 500 €. La CPAM de la Mayenne sera par ailleurs condamnée aux dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Tarbes,
Y ajoutant :
Rejette la demande reconventionnelle de M. [W] [Z] d’indemnisation d’un préjudice financier,
Condamne la CPAM de la Mayenne à payer à M. [Z] la somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la CPAM de la Mayenne aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,