Chauffeur Poids-Lourd : décision du 3 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00906

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 3 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00906
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 03 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/906

N° RG 22/00906

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ63R

Copie conforme

délivrée le 03 Septembre 2022 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TGI

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2022 à 10H45.

APPELANT

Monsieur [Y] [X]

né le 25 Mai 1988 à [Localité 1]

de nationalité Algérienne

Comparant en personne, assisté de Me Béchir ABDOU, avocat choisi au barreau de MARSEILLE.

INTIME

Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHONE

Représenté par Mme [D] [F].

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DEBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 03 Septembre 2022 devant Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistéee de Madame Charlotte COMBARET, Greffier,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2022 à 15H30,

Signée par Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère et Madame Charlotte COMBARET, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté d’expulsion du 28 Juin 2022 par le préfet des BOUCHES DU RHONE, notifié le 1er Juillet 2022 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 20 Juillet 2022 par le préfet des BOUCHES DU RHONE, notifiée le même jour à 17H05;

Vu l’ordonnance du 02 Septembre 2022 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE, sur saisine directe de l’intéressé, décidant le maintien de Monsieur [Y] [X] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 03/09/2022 à 09H17 par Monsieur [Y] [X] ;

Monsieur [Y] [X] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare :

Je suis né le 23/05/2022 en Algérie. Oui je comprends le français. Je vis depuis septembre 2021, avec mon frére. Je suis séparé de ma femme. Oui j’ai eu un arrêt de travail. Je travaille en tant que chauffeur poids lourd. Oui j’ai 4 enfants. Ils sont avec ma femme en Lozère. C’est moi qui vais les voir tous les WE. Oui j’ai un véhicule. Je fais tout ça pour mes enfants. Oui j’ai des justificatifs concernant mes enfants, mais je ne les ai pas fourni dans le cadre de cette procédure.

Oui j’ai mes parents en Algérie qui sont séparés. Ils m’ont demandé mon passeport je l’ai donné. Oui je ne me suis pas soumis au test anti-covid. Oui je ne veux pas partir par rapport à mes enfants. Non je ne suis pas vacciné. J’avais mes papiers, mais ils sont périmés. Je veux ne pas être loin de mes enfants. Je demande pardon pour les bêtises que j’ai faites. Je ne veux pas que vous m’éloignez de mes enfants, s’il vous plaît.

Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut :

Je ne reviens pas sur la situaiton de fait qui le conduit devant vous. Il est pére d’enfants de nationalité française et marié avec une ressortissante française. Il y a une situation de fait mais aucune procédure introduite pour un éventuel divorce. La préfecture ne rapporte pas cette preuve. Il s’agit d’une situation de fait. Le dernier enfant a moins de 2 ans. Cette séparation s’est accentuée par l’état de santé de Monsieur. Ce qui a fondé la saisine du JLD, c’est l’absence de diligence de la préfecture : apprécié strictement par la Cour de cassation (arrêts cités, avec numéros de pourvoi au sein de mes écritures). La préfecture doit être diligente pour que la procédure de reconduite d’un étranger, soit admise. Mais dans cette procédure, tel n’est pas le cas : il y a une absence de diligence de la part de la préfecture (arrêt de la Cour d’appel de Douais du 27/06/2021). On a l’analyse que le droit n’est pas respecté. Ici la préfecture ne justifie pas lorsqu’a été formulée la première demande de routing. Un vol a été prévu pour le 05/08/2022 : Monsieur a été placé en rétention en juin 2022. Mais on ne sait pas à quel moment la préfecture a fait les diligences. Une diligence faite 15 jours après atteste d’une absence de diligence. Ce n’est pas une diligence au sens du CESEDA. Nous ne savons pas si la préfecture a fait la demande de routing dans l’heure ou quelques jours après le placement en rétention. Peu importe si nous nous trouvons en période estivale ou pas, ce qui comptent, ce sont les diligences. Il est sollicité la main levée du placement en rétention de Monsieur. Un élément important, c’est l’état de santé de Monsieur : schizophrénie importante diagnostiquée pour Monsieur depuis la fin d’année 2017. Pendant toute cette période, il a subi des soins. De février 2022 jusqu’à juin 2022, il a été hospitalisé. Il y a une obligation de poursuite des soins pour M. [X]. Si il peut obtenir un traitement approprié dans son pays d’origine, mais son médecin énonce qu’il est préférable qu’il reste dans un bon cadre pour poursuivre ses soins. Il n’a pas d’attache dans son pays d’origine. Ses parents ont 75 ans et ils sont séparés. Nous n’avons aucune certitude d’avoir un domicile en Algérie, pour M. [X]. Alors qu’ici, il a ses enfants qui sont de nationalité française et sa femme qui est française. Il a également en France des fréres et soeurs. Toute sa famille est en France. Il avait été demandé au début une assignation à résidence. On n’a dit que Monsieur risquait de ne pas si soumettre. Il a un domicile qui est justifié, il a également remis son passeport. Il n’a pas pu le remettre avant car il était hospitalisé. Nous sollicitons la main levée du placement en RA.

Le représentant de la préfecture sollicite :

Pour le premier moyen, l’absence de diligence par la préfetcure : Monsieur a été placé le 20/07/2022, en rétention. Le jour même, on a saisi les autorités comme il n’avait pas de passeport. Puis Monsieur a remis un samedi son passeport (la préfecture est fermée le dimanche). Le 25/07/2022, dès le lundi suite à sa remise de passeport pendant le WE, nous avons fait une demande de routing. Nous avons obtenu un vol pour le 05/08/2022. Mais Monsieur [X], le 03/08 a refusé de se soumettre au test PCR. Donc le 03/08, le jour même, nous avons fait une demande de routing : Le 17/08, il s’agissait des premières disponibilités. Nous avons obtenu un vol pour le 02/09. Mais monsieur a refusé a nouveau de se soumettre à un test PCR. Le jour même, nous avons redemandé un nouveau routing. Une fois que Monsieur a donné son passeport nous faisons une demande de routing et même lorsque monsieur se refuse au test PCR les routing ont été demandés.

Monsieur a déjà été présenté deux fois à votre juridiction. Cette dernière s’est déjà prononcée sur l’état de santé de monsieur. Le 25/08/2022, nouveau certificat médical : Ce certificat ne dit pas que l’état de santé de monsieur est incompatible avec une mesure de placement en rétention. Lorsque monsieur a été présenté à votre juridiction, il avait bien été mentionné, ‘il appartient à monsieur [X] de solliciter l’OFI, pour que la mesure soit valable …’. Monsieur on lui a dit que seul l’OFI peut se prononcer sur son état de santé, pour permettre ou non une mesure en rétention, idem pour son retour dans son pays d’origine. Sans ces documents, il n’y a pas de possibilité de dire qu’une de ces mesures pouraient nuire à sa santé. Monsieur n’a jamais contesté l’arrêté de placement en rétention. Il avait 48H pour le contredire, mais il ne l’a jamais fait. Il ne peut pas venir dire que cet arrêté lui nuit ou qu’il est illégal. Il n’y a pas de nouveau élément, la dessus, monsieur ne peut pas avancer de nouveaux éléments. Monsieur [X] a montré deux fois qu’il refuse de partir. Pour régulariser sa situation, il faut que monsieur retourne dans son pays pour faire des démarches. Je vous demande de ne pas faire valoir la demande de ce jour et je vous demande de confirmer la décision du JLD de première instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur le fond, il apparaît que Monsieur [Y] [X] fait valoir:

-l’absence de diligences de l’administration,

-son état de santé,

-l’atteinte grave et manifestement illégale à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme.

Sur l’absence de diligences de l’administration :

Aux termes de l’article L.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour un temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

En l’espèce, Monsieur [Y] [X] a été placé en rétention le 20 juillet 2022 par ordonnance du juge des libéretés et de la détention de Marseille. Sur appel interjeté par l’intéressé, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé son placement en rétention par ordonnance du 25 juillet 2022.

Il apparaît que les services de la Préfecture ont formulé une demande de routing dès le 25 juillet 2022 et qu’un vol a été prévu le 5 août 2022, soit 10 jours après la décision de confirmation, un vol à destinataion de l’Algérie afin de reconduire Monsieur [Y] [X] dans son pays d’origine.

Néanmoins, celui-ci a refusé le 3 août 2022 de se soumettre à un test de dépistage du covid sans justifier de motif valable, et a refusé d’indiquer aux services de Police s’il était vacciné.

Une nouvelle demande de routing d’éloigenement a été effectuée le jour même par la Préfecture.

Un second vol a été fixé au 02 septembre 2022. Monsieur [Y] [X] a à nouveau refusé de se soumettre au test de dépistage le 30 août 2022 et a saisi directement le juge des libertés et de la détention d’une demande afin qu’il soit mis fin à sa rétention.

En conséquence, il ressort de ces éléments qu’aucun défaut de diligences n’est mis en évidence de la part des services de la Préfecture et que l’absence d’éloignement de Monsieur [Y] [X] procède du seul comportement de l’intéressé qui, en refusant par deux fois de se soumettre aux tests PCR, a fait obstacle à l’exécution de l’arrêté d’expulsion pris à son encontre.

Ce moyen doit dès lors être rejeté.

Sur l’état de santé de Monsieur [Y] [X] :

Aux termes de l’article L.741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile la décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger.

En l’espèce, Monsieur [Y] [X] fait état de deux certificats médicaux antérieurs au 25 juillet 2022 et d’ores et déjà évoqués par la précédente ordonnance rendue par cette cour. Il produit également un certificat du Dr [E] [B] en date du 25 août 2022.

Si ce certificat note que l’intéressé nécessite ‘une prise en charge médicale spécialisée au long cours, mensuelle, dont le défaut pourrait entrainer chez lui des conséquences préjudiciables éventuellement irréversibles’ il n’est pas relevé que l’état de santé de Monsieur [Y] [X] est incompatible avec sa rétention.

Monsieur [Y] [X] n’a pas davantage saisi l’OFI d’une demande d’évaluation de la compatibilité de son état de santé avec son maintien au centre de rétention.

Ce moyen doit dès lors être rejeté.

Sur l’atteinte grave et manifestement illégale à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme :

Il n’est pas contesté que Monsieur [Y] [X] est marié et père de quatre enfants nés en France, dont le dernier est né en 2020.

En dépit de l’attestation de Madame [Z] [W], son épouse, indiquant le 22 août 2022 qu’il est ‘toujours en contact avec ses enfants’, Monsieur [Y] [X], qui dit résider chez son frère à [Localité 2] et dont les enfants sont domiciliés en Lozère (information donnée par Monsieur [X] à l’audience et non plus à [Localité 3]), ne justifie pas contribuer en aucune façon à leur entretien et à leur éducation et vit séparé de leur mère.

En outre, Monsieur [Y] [X] a encore de la famille en Algérie (parents) et est âgé de 34 ans de sorte que son retour en Algérie ne présente pas une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale.

En outre, le respect des droits individuels de l’intéressé doit s’apprécier également à la lumière de la protection des intérêts de la société et notamment des faits ayant motivé l’arrêté d’expusion de Monsieur [Y] [X], tels qu’ils ressortent du procès-verbal de réunion de la commission départementale d’expulsion tenue le 16 juin 2022 et faisant état de la menace grave que représente celui-ci à l’ordre public à la suite de son interpellation dans une église en faisant l’apologie du terrorisme (février 2022). Il convient en outre de relever les condamnations ressortant de son casier judiciaire (10 mentions) incluant des actes de violence.

Au demeurant, le recours de, Monsieur [Y] [X] devant le tribunal administratif de Marseille aux fins de contestation de l’arrêté d’expulsion a été rejeté par ordonnance du 12 août 2022.

La mesure de rétention apparaît dès lors justfifiée. Une mesure d’assignation à résidence est insuffisante considérant qu’il n’existe pas de perspectives raisonnables d’éloignement à l’initiative de Monsieur [Y] [X] dès lors qu’il manifeste son désir de rester en France et qu’il s’est opposé par deux fois à la mesure de reconduite.

Ce moyen doit dès lors être également rejeté et la décision du juge des libertés et de la détention de Marseille confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2022.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier,Le président,

 


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