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PS/JD
Numéro 22/3371
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 22/09/2022
Dossier : N° RG 20/00965 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HRFB
Nature affaire :
Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
Société DES TRANSPORTS CHALOSSAIS
C/
[P] [D]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 22 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 11 Mai 2022, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, Greffière.
Madame CAUTRES-LACHAUD, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Société DES TRANSPORTS CHALOSSAIS
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée par Maître JECHOUX loco Maître VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIME :
Monsieur [P] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Maître DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 04 MARS 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : 18/00210
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [P] [D] a été embauché le 1er avril 2014 par la société Des Transports Chalossais, ci après la société STC, en qualité de chauffeur poids lourds, groupe 6, coefficient 138 M, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des transports routiers.
Par courrier du 25 novembre 2015, M. [D] s’est plaint auprès de l’employeur du mauvais état du camion mis à sa disposition et de la non prise en considération de certains temps de travail.
Le 6 novembre 2015, l’inspection du travail a réalisé un contrôle au sein de l’entreprise portant sur la période du 21 juillet au 20 octobre 2015.
Suite à ce contrôle, en décembre 2015, la société STC a versé à M. [D] une somme de 2’336,38 € à titre de rappel de salaire afférent à des heures supplémentaires.
Le 28 janvier 2016, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 21 juin 2016, il a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 4 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Pau a :
– dit que la prise d’acte de rupture de M. [D] en date du 28 janvier 2016 repose sur des manquements suffisamment graves de la part de la société STC empêchant la poursuite du contrat de travail,
– dit qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamne la société STC à verser à M. [D] les sommes de’:
. 2.058,73 € bruts au titre des heures supplémentaires,
. 205,87 € bruts à titre des congés payés afférents,
. 2.031,82 € bruts à titre d’indemnité de préavis,
. 203,18 € bruts à titre de congés payés afférents,
. 745 € net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
. 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail,
. 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les condamnations de remise de documents que l’employeur est tenu de délivrer et celles en paiement de créances salariales ou assimilées dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (R.’1454-28 du code du travail),
– dit ne pas y faire droit pour le surplus,
– dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 1er juillet 2016, pour celles à caractère salarial ou assimilé, et à compter de la réception de la notification du présent jugement pour celles à caractère indemnitaire ou en dommages et intérêts,
– débouté la société STC de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société STC aux dépens d’instance et frais éventuels d’exécution.
Le 30 mars 2020, la société STC a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions visées au greffe le 26 juin 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société STC demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris,
– dire et juger que ses manquements invoqués par M. [D] sont inexistants ou, en toute hypothèse, insuffisamment graves et qu’ils n’empêchaient pas la poursuite du contrat de travail,
– dire et juger en conséquence que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission,
– en conséquence,
– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– le condamner aux dépens et au paiement d’une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 22 septembre 2020, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [D] demande à la cour de’:
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a’:
. dit et jugé que les griefs qu’il évoque au soutien de sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail sont établis et justifient que la rupture du contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. condamné la société STC à lui payer les sommes suivantes’:
au titre du reliquat des heures supplémentaires effectuées d’avril 2014 à décembre 2015′: 2.058,73’€ bruts outre 205,87’€ bruts au titre des CP afférents,
au titre de l’indemnité compensatrice de préavis : 2.031,82 € bruts,
au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 203,18 € bruts,
au titre de l’indemnité légale de licenciement : 745 € nets,
. condamné la société STC à lui payer la somme de 1.000’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
. dit que les sommes qui lui seront allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts,
– infirmant le jugement entrepris sur l’indemnisation du préjudice subi par le caractère abusif de la rupture du contrat de travail, condamner la société STC à lui payer la somme de 12.000’€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-5 du code du travail,
– y ajoutant, condamner la société STC à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais de l’exécution forcée.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
L’article L.3121-4 du code du travail précise que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, sauf s’il dépasse le temps normal d’un trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, hypothèse dans laquelle il fait l’objet d’une contrepartie, sous forme de repos ou de compensation financière, déterminée par convention ou accord collectif de travail, ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’il en existe. Selon une jurisprudence constante, le salarié contraint de passer au siège social de la société ou dans un établissement de l’entreprise avant de se rendre sur un chantier ou de rejoindre son domicile, pour notamment récupérer ou/et transporter du matériel ou/et des collègues, reste à la disposition permanente de l’employeur sans pouvoir vaquer à ses obligations personnelles et bénéficie pour ces trajets de la rémunération d’un temps de travail effectif. De même le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre constitue un temps de travail effectif.
Le règlement 561/2006 du parlement européen et du conseil du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, est, aux termes de son article 29, entré en vigueur le 11 avril 2007, obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre. Il s’applique notamment (article 2) au transport routier de marchandises par des véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes et au transport routier de voyageurs par des véhicules construits ou aménagés pour le transport de plus de 9 personnes, conducteur compris, sauf si le transport routier est effectué par des véhicules affectés au transport de voyageurs par des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 km (article 3). Son article 9 énonce que tout temps passé par un conducteur conduisant un véhicule n’entrant pas dans le champ d’application dudit règlement pour se rendre sur le lieu de prise en charge d’un véhicule entrant dans le champ d’application du présent règlement ou en revenir, lorsque celui-ci ne se trouve pas ni au lieu de résidence du conducteur, ni à l’établissement de l’employeur auquel le conducteur est normalement rattaché, n’est pas considéré comme un temps de repos ou de pause (sauf si le conducteur se trouve dans un ferry ou un train accès à une couchette) et est considéré comme une autre tâche. La cour de cassation a, sur le fondement de ce texte, considéré que les trajets effectués par un salarié, au moyen d’un véhicule de service ou de son véhicule personnel, entre son domicile et les lieux des ses diverses prises de poste distincts du lieu de rattachement de l’entreprise étaient du temps de travail effectif quelle que soit la distance séparant ces lieux du domicile du salarié et ouvraient droit au paiement des heures supplémentaires (cour de cassation chambre sociale 12 janvier 2016 n° 13-26318 bulletin 2016 V n° 6).
M. [D] produit :
– un courrier que lui a adressé l’inspection du travail le 23 juin 2016 relativement au contrôle du 6 novembre 2015 portant sur la période du 21 juillet au 20 octobre 2015 : l’inspecteur du travail indique que la plupart des salariés rencontrés lors du contrôle travaillaient depuis le début de l’année 2015 sur le chantier de la voie ferroviaire [Localité 5]-[Localité 2] ; ils arrivaient au dépôt de [Localité 4] vers 6 h (et à 6 h 30 jusqu’en septembre 2015) puis partaient à [Localité 3], soit avec le minibus de l’entreprise, soit avec l’un des véhicules des salariés ; ils arrivaient vers 6 h 45 à [Localité 3] où ils prenaient leur véhicule de plus de 3,5 t équipés d’un chronotachygraphe et rejoignaient le chantier de la voie ferroviaire où les horaires des temps de trajet étaient mentionnés sur le bulletin de paie sans qu’il soit possible d’en déterminer les modalités de calcul ; il précise que concernant M. [D], ces temps de trajet représentaient 69,60 h supplémentaires ;
– un courrier du 25 novembre 2015 par lequel il a fait reproche à son employeur de ne pas comptabiliser comme temps de travail effectif le temps passé pour rejoindre [Localité 3] ;
– un courrier de l’employeur du 20 janvier 2016 d’après lequel ce dernier a considéré l’existence de 183 heures supplémentaires majorées à 25 % et 50 % ; ce courrier ne comporte aucun élément de décompte de ces heures supplémentaires ;
– le bulletin de salaire de décembre 2015 d’où il résulte qu’il a été procédé à des rappels de salaire de 1.577,17 € au titre de 130,75 heures supplémentaires à 25 % et de 759,21 € au titre de 52,45 heures supplémentaires à 50 % relativement au chantier d'[Localité 5]-[Localité 2] ; il ne comporte aucun élément de décompte de ces heures supplémentaires ;
– en pièce 7, un courrier adressé à l’employeur le 12 mai 2016 réclamant le paiement de 362 heures supplémentaires à 25 % et de 143,30 heures supplémentaires à 50 % pour les mois de juin, juillet, septembre, octobre et novembre 2014 et sur les mois de mars, avril, mai, juin, août, septembre et octobre 2015 pour un montant de 2.058,73 € après déduction d’une somme «’services dépôt chantier’» et du rappel reçu en décembre 2015 de «’1.699,41 €’» ; ce courrier est accompagné d’un décompte des heures supplémentaires à 25 % et à 50 % pour les mois considérés ainsi que des heures de trajet payées ; il en résulte les éléments suivants :
2014
heures dues
25 %
50 %
trajet payé
juin
34h
13h30
13,20
juillet
34h
13h45
20,00
septembre
34h
12h15
22,40
octobre
34h
17h
16,80
novembre
14h15
0
16,00
150h15
56h30
98,40
1.809,45
817.83
1186.99
Solde de 1.440,29€
2015
heures dues
25%
50%
trajet payé
mars
34h
11h
10,40
avril
34h
16h
15,20
mai
32h45
0
13,60
juin
34h
24h
15,20
août
9h
0
11,20
septembre
34h
18h
24,80
octobre
34h
18h
33,60
211h45
87h
124
2.554,34
1.259,32
1.495,81
Solde de 2.317,85 €
soit une somme due de 1.440,29 + 2.317,85 ‘ rappel reçu de 1.699,41 € = 2.058,73 €
– en pièce 8, un décompte des heures supplémentaires payées et de celles dues, différent de celui ci-dessus quant aux mois concernés et au nombre d’heures supplémentaires dues, et qui s’établit comme suit :
2014
heures payées
25%
50%
avril
19,5
mai
0
juin
10,5
8,5
juillet
9,5
août
12
septembre
11,6
octobre
15,5
novembre
0
décembre
0
heures dues
25%
50%
Total
avril
0
4,5
63,21
mai
5,25
0
62,54
juin
18,75
11,50
387,76
juillet
14,5
9,75
314,29
août
8
1,75
121,84
septembre
20,5
6,6
342,83
octobre
13,75
9,25
295,80
novembre
17,50
10,5
358,60
décembre
15,50
1
201,02
2015
heures payées
25%
50%
janvier
0
février
0
mars
0
avril
10
mai
15
juin
0
juillet
13,3
août
15
septembre
1,3
octobre
0,4
14,6
novembre
0
décembre
0
heures dues
25%
50%
Total
janvier
16
8,49
316,62
février
16
12,22
364,66
mars
24
15,19
504,84
avril
13,35
0
161,04
mai
7,29
0
87,94
juin
30,15
13,15
523,53
juillet
0
0
0
août
4
13,42
240,69
septembre
29,09
22,33
667,66
octobre
23,6
0
284,68
novembre
0
0
0
décembre
0
0
0
– en pièce 9, la lecture des disques chronotachygraphes d’avril 2014 à novembre 2015 au moyen du logiciel king truck ; il en résulte les heures supplémentaires ci-après :
Heures à 25%
Heures à 50%
mars 2015
15,28
septembre 2015
18
5,37
octobre 2015
18
5,49
novembre 2015
0,41
– en pièce 10, les rapports de conduite du 1er avril 2014 au 30 septembre 2015 établis à partir du logiciel tachoSafe ;
– en pièce 11, ses disques chronotachygraphes des 21 mai 2014, 11 septembre 2014, 12 septembre 2014, 15 septembre 2014, 16 septembre 2014, 17 septembre 2014, 18 septembre 2014 19 septembre 2014, 22 septembre 2014, 23 septembre 2014, 24 septembre 2014, 25 septembre 2014, 26 septembre 2014, 29 septembre 2014, 30 septembre 2014, 1er octobre 2014, 2 octobre 2014, 3 octobre 2014, 6 octobre 2014, 7 octobre 2014, 8 octobre 2014, 9 octobre 2014, 10 octobre 2014, 13 octobre 2014, 14 octobre 2014, 16 octobre 2014, 17 octobre 2014, 20 octobre 2014, 21 octobre 2014, 22 octobre 2014, 23 octobre 2014, 24 octobre 2014, 28 octobre 2014, 30 octobre 2014, 31 octobre 2014, 3 novembre 2014, 4 novembre 2014, 5 novembre 2014, 6 novembre 2014, 7 novembre 2014, 12 novembre 2014, 13 novembre 2014, 14 novembre 2014, 18 novembre 2014, 19 novembre 2014, 20 novembre 2014, 24 novembre 2014, 25 novembre 2014, 26 novembre 2014, 27 novembre 2014, 1er décembre 2014, 2 décembre 2014, 3 décembre 2014, 5 décembre 2014, 8 décembre 2014, 9 décembre 2014, 10 décembre 2014, 12 décembre 2014, 15 décembre 2014, 21 janvier 2015, 6 mai 2015, 7 mai 2015, 16 juin 2015, 17 juin 2015, 18 juin 2015, 19 juin 2015, 22 juin 2015, 23 juin 2015, 24 juin 2015 et 25 juin 2015, qui tous mentionnent comme point de départ et comme point d’arrivée [Localité 4], ainsi que ses disques chronotachygraphes des 1er juin 2015, 2 juin 2015, 3 juin 2015, 4 juin 2015, 5 juin 2015, 8 juin 2015, 9 juin 2015, 10 juin 2015, 11 juin 2015, 12 juin 2015 et 15 juin 2015 qui tous mentionnent comme point de départ et comme point d’arrivée [Localité 3] ;
– une attestation de M. [B] [G], chauffeur poids-lourd, du 14 mai 2018, qui déclare avoir travaillé du 6 octobre 2014 au 1er octobre 2016 pour la société STC et que durant cette période, l’intervention de l’inspection du travail a été nécessaire pour le paiement des heures supplémentaires concernant son travail sur un chantier d’à peu près un an ;
– une attestation de M. [S] [Y], qui déclare avoir travaillé pour la société STC comme chauffeur du 1er février 2005 au 29 septembre 2013 et avoir constaté que certaines heures supplémentaires et temps de trajet dépôt-chantier n’ont pas été payées.
L’employeur produit, outre des pièces déjà versées aux débats par le salarié, le décompte des heures supplémentaires réglées en décembre 2015 relativement au chantier d'[Localité 5]-[Localité 2] d’où il résulte qu’il a ajouté au temps de travail comptabilisé au moyen du chronotachygraphe 1,5 h par jour et qui s’établit comme suit :
janvier 2015
11,10
février 2015
21,05 dont 4,05 à 50%
mars 2015
24,9 dont 0,9 à 50%
avril 2015
29,75 dont 20,75 à 50%
mai 2015
9,90
juin 2015
19,10 dont 0,10 à 50%
juillet 2015
9,30 dont 3,30 à 50%
août 2015
11,80 dont 3,80 à 50%
septembre 2015
27,55 dont 19,55 à 50%
novembre 2015
18,75
Il ressort de ces éléments que M. [D], salarié dont le lieu d’embauche est, d’après le contrat de travail, [Localité 4], d’une société qui, d’après le contrat de travail, est basée à [Localité 4], a, lors d’un chantier d'[Localité 5]-[Localité 2], été amené à se rendre à [Localité 3] pour y prendre le camion mis à sa disposition et équipé d’un chronotachygraphe, avant de se rendre sur le chantier. Le temps de trajet [Localité 4]-[Localité 3], non comptabilisé par le chronotachygraphe, étant de 45 minutes d’après le courrier de l’inspection du travail, en établissant les heures supplémentaires restant dues en ajoutant 1,5 h, soit deux fois 45 minutes, au temps de travail déterminé au moyen du chronotachygraphe, l’employeur a pris en considération l’ensemble du temps de travail effectif du salarié. Par ailleurs, outre que M. [D] produit deux décomptes différents, il n’existe aucun élément de nature à démontrer qu’il a travaillé sur le chantier d'[Localité 5]-[Localité 2] à une période non prise en considération par l’employeur ni qu’il a travaillé sur un autre chantier pour lequel, de la même façon, il devait prendre en charge le camion mis à sa disposition en un autre endroit qu’à [Localité 4] ; au contraire, d’après le courrier de l’inspection du travail et l’attestation de M. [G], le chantier d'[Localité 5]-[Localité 2] s’est déroulé durant la seule année 2015, et parmi les disques chronotachygraphes produits par M. [D], hors quelques un datant de juin 2015, tous mentionnent comme points de départ et d’arrivée [Localité 4]. Au vu de ces éléments, l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées n’est pas établie. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur la prise d’acte de la rupture
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission. C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur, s’il subsiste un doute, celui-ci profite à l’employeur. A l’appui de la prise d’acte, le salarié est admis à invoquer d’autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.
M. [D] invoque :
– le non paiement d’heures supplémentaires : il n’est pas établi qu’il demeurait des heures supplémentaires dues après la régularisation de décembre 2015 ;
– de mauvaises conditions de travail, résultant notamment de la mise à disposition d’un camion défectueux, ayant entrainé une dégradation de sa santé :
Dans son courrier du 25 novembre 2015, M. [D] indique que le camion présente «’beaucoup d’anomalies’» qu’il a signalées verbalement et qui n’ont pas été corrigées : «’feux de détresse conducteur ne fonctionnent pas ; pas de ventilation (désembuage pare-brise et chauffage) donc obligé de rouler la fenêtre ouverte (très mauvais pour mon asthme du fait de la poussière), vitre côté passager ne s’ouvre pas ; siège conducteur fuite d’air (mal de dos car pas de coussin d’air), fuite d’eau importante côté passager plafond et porte, voyant actionné embrayage au tableau de bord quand je rétrograde, bâche enrobé ne fonctionne pas correctement, réservoir d’essence enfoncé, porte arrière très mauvais état, marche-pied avant droit et pare-choc cassé tient avec des colliers’».
Il produit des photographies qui ne permettent pas de déterminer le mauvais état du siège conducteur ni du système de désembuage et de chauffage, ainsi que deux attestations, l’une du 15 mai 2018 de M. [S] [Y], qui déclare avoir travaillé pour la société STC du 1er février 2005 au 29 septembre 2013 et avoir démissionné aux motifs que certaines heures supplémentaires et temps de trajet dépôt-chantier n’étaient pas toujours rémunérées et que les camions étaient très mal entretenus et dangereux, l’autre du 6 mai 2018 de M. [Z] [D], son père, qui déclare avoir travaillé pour la société STC en 2012, 2013 et 2014 comme chauffeur poids lourd intérimaire et n’a pas voulu contracter un contrat à durée indéterminée aux motifs de «’l’incompétence du mécano et de la direction ‘ camions mal entretenus pour tous les camions que l’on a mis à ma disposition’». Il justifie par ailleurs qu’il a été en arrêt maladie du 26 novembre au 1er décembre 2015 pour une angine et du 2 au 29 décembre 2015 pour un syndrome dépressif ; suite à ce second arrêt pour maladie, il a passé une visite médicale de reprise le 14 janvier 2016 et a été déclaré apte. Il s’est plaint auprès du médecin du travail de pathologies liées à ses conditions de travail (camion non chauffé et siège vétuste) et il a été mentionné notamment qu’il ne souffrait pas d’asthme. Il a fait l’objet d’un examen dans un centre d’imagerie médicale le 22 décembre 2015 pour des rachialgies puis d’une prescription de massages avec physiothérapie et rééducation du rachis le 29 décembre 2015.
L’employeur produit une attestation de M. [J] [H], mécanicien, du 28 juillet 2017, suivant laquelle il a contrôlé les camions conduits par M. [D], dont il cite les numéros d’immatriculation, et n’a observé aucun dysfonctionnement, et que l’ensemble du parc de camions est entretenu et à jour des contrôles techniques, ainsi que les quatre procès-verbaux de contrôle technique des véhicules mis à disposition de M. [D] et le contrat passé avec la société Euromaster relativement à la fourniture et l’entretien des pneumatiques.
Il ne résulte pas de ces éléments que l’employeur a mis à la disposition de M. [D] un ou des camions dont l’état était tel que les conditions de travail de ce dernier ont été dégradées au point de compromettre et/ou d’altérer son état de santé.
Ainsi, l’existence de faits qui justifiaient la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est pas caractérisée. Il convient en conséquence de dire que cette dernière produit les effets d’une démission et de rejeter les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d’indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ces points.
Sur les autres demandes
M. [D], qui succombe en toutes ses demandes, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à la société STC une somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Pau du 4 mars 2020,
Statuant de nouveau,
Rejette la demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents,
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission,
Rejette les demandes d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d’indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne M. [P] [D] à payer à la société Des Transports Chalossais la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [D] aux dépens exposés en première instance et en appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,