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AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/05008 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPS3
[N]
C/
Société NOUVELLE CGVL Société MJ SYNERGIE
Société [I]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 17 Juin 2019
RG : 16/00354
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 05 OCTOBRE 2022
APPELANT :
[U] [N]
né le 23 Mai 1987 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par Me Xavier GERBAUD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
Société NOUVELLE CGVL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laetitia RIBEIRO, avocat au barreau de LYON
Société. MJ SYNERGIE représentée par Me [V] [E] ou Me [K] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL
intervenant volontairement
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laetitia RIBEIRO, avocat au barreau de LYON
Société [I] représentée par Me [D] [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE CGVL
intervenant volontairement
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laetitia RIBEIRO, avocat au barreau de LYON
PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :
Association AGS CGEA DE [Localité 6]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Jean-bernard PROUVEZ de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Evanna IENTILE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Juin 2022
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Octobre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Nouvelle Compagnie Générale de Voitures de [Localité 9], ci-après dénommée Nouvelle CGVL, est une entreprise de transports routiers de marchandises dont le siège social est à [Localité 7].
Suivant contrats à durée déterminée, la société Nouvelle CGVL a engagé M. [U] [N] en qualité de chauffeur poids lourd à compter du 4 janvier 2013 afin de faire face à un surcroît de travail.
La relation de travail s’est poursuivie suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 2013 aux mêmes conditions.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports routiers.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 2013, la société Nouvelle CGVL a notifié à M. [N] un avertissement au motif qu’il était à l’origine d’un accident matériel résultant le 26 février 2013, d’une faute d’inattention de sa part.
Un nouvel avertissement lui était notifié le 4 décembre 2013 en raison d’un accident responsable survenu en septembre 2013 et d’une contravention pour excès de vitesse le 1er octobre 2013.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juin 2015, la société Nouvelle CGVL adressait à M. [N] un courrier de sensibilisation à la suite de la perte du bouchon du réservoir d’essence de son véhicule.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 août 2015, la société Nouvelle CGVL a convoqué M. [N] le 2 septembre 2015 à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 septembre 2015, la société Nouvelle CGVL a notifié à M. [N] son licenciement pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :
Nous vous avons convoqué à un entretien prévu le 2 septembre 2015, afin de vous entendre sur les faits qui vous étaient reprochés et auquel vous vous êtes présenté, assisté de M. [R] [H], représentant du personnel.
Salarié au sein de SN CGVL depuis le 4 janvier 2013 en tant que conducteur SPL, vous êtes affecté auprès de notre client SAICA [Localité 5].
Votre comportement, à bien des égards, est loin d’être irréprochable.
D’abord, vous ne pouvez ignorer que le respect des personnes avec lesquelles vous travaillez est un élément essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise et aux conditions de travail.
Or, le 26 août 2015, vous vous êtes emporté contre votre Responsable, Mme [W]. Lorsqu’elle vous a annoncé qu’elle ne pouvait valider votre demande de congés payés en l’état, parce que vous l’aviez présentée trop tardivement, et qu’elle vous proposait de décaler de 2 jours, vous vous êtes alors tourné vers elle et l’avez menacée en serrant le poing. Vous admettrez qu’une telle attitude est inadmissible, à plus forte raison dans une relation hiérarchique en milieu professionnel.
Nonobstant le fait que l’employeur est tout à fait légitime à décaler des congés payés, nous vous rappelons que vous avez attendu le 17 août 2015 pour déposer votre demande, malgré la note du 5 mars 2015 relative à la date limite pour la pose des CP et nos relances nombreuses. De plus, MMe [W] a tout fait au niveau de l’organisation pour vous permettre votre départ en congés, vous permettre de faire vos vendanges, et l’a seulement décalé du ler au 3 septembre.
A l’inverse, lorsqu’un conducteur sensé vous remplacer sur une mise en repos a perdu sa carte et n’a pas.pu prendre la route au dernier moment, vous n’avez pas cherché l’arrangement et avez tout bonnement refusé de travailler.
Quoiqu’il en soit, rien ne justifie une telle violence, pas même une mauvaise organisation, dont vous êtes finalement le seul responsable.
En second lieu, vous ne pouvez ignorer l’importance du respect des horaires, élément essentiel dans la pérennité de nos contrats commerciaux ; et aussi de vous conformer strictement aux directives données par votre exploitation, notamment en ce qui concerne les déroulements des tournées, puisque ceux-ci sont élaborés en conformité avec la Réglementation sociale.
Or, le 10 juillet et le 3 août 2015, vous avez mis en péril notre qualité de service. Alors que votre prise de poste est à 5h05, vous êtes arrivé avec respectivement 31 minutes et 2 heures et 13 minutes de retard,
Les 17 et 28 juillet 2015, vous n’avez pas respecté les consignes de votre hiérarchie qui vous demandait d’enlever votre car-te en fin de service. Par cette manipulation frauduleuse, vous avez bénéficié de 2 repas et de temps de travail indu (29 et 48 minutes, soit 1H17).
Après une analyse approfondie des données de votre chronotachygraphe depuis juillet 2015, il apparaît que vous avez mis votre chronotachygraphe en position travail, alors que ces temps de service sont complètement injustifiés au regard des tournées
o02/07=34 mn en travail non justifiées
o06/07=26 mn en travail non justifiées
o20/07=43 mn en travail non justifiées
o21/07=32 mn en travail non justifiées
o23/07=38 mn en travail non justifiées
o24/07=32 mn en travail non justifiées
o27/07=34 mn en travail non justifiées
o30/07=37 mn en travail non justifiées
o05/08=47 mn en travail non justifiées
o20/08=24 mn en travail non justifiées
En dernier lieu, nous avons relevé un certain nombre d’infractions qui démontrent une incapacité à gérer les temps de service et à respecter les directives de votre hiérarchie.
Pour exemple :
” Le 04/08 : vous étiez en position travail de 11h07 à 13h43, puis en coupure de 13h43 à 14h37 chez BICHOT à [Localité 5]. Or, ce client est fermé entre 12h00 et 13h30, donc vous auriez dû également être en pause pendant leur fermeture.
” Le 05/08 : vous avez voulu faire votre coupure une fois arrivé à [Localité 5], ce qui a généré l’infraction au temps de pause réglementaire. Comme vous aviez 47 minutes de temps de travail injustifié (cf. ci-dessus), -l’amplitude des temps a généré une deuxième infraction (durée journalière de temps de service > 12h).
” Le 06/08 Là encore, c’est une mauvaise gestion de vos temps de service qui a engendré une infraction au temps de pause réglementaire, vous deviez faire votre coupure avant.
” Le 07/08 : Idem 06/08. De plus, en étant sur le chemin du retour, vous n’aviez donc plus aucun impératif de livraison.
” Le 17/08 : Idem 07/08
” Le 20/08 : toujours idem, toujours sur le chemin du retour.
– o Le 24/08 : encore une mauvaise gestion du temps de service puisque vous auriez dû faire votre coupure avant de revenir à [Localité 5], il vous restait une livraison à faire dans l’après-midi sans impératif particulier.
” Le 28/08 l’infraction au temps de pause est toujours la conséquence d’une mauvaise gestion des temps de service puisque vous aviez la possibilité de faire votre coupure avant.
Lors de votre entretien, vous avez reconnu les faits qui vous étaient reprochés mais les avez minimisés, tentant de vous dédouaner de votre responsabilité.
Concernant l’altercation, vous avez indiqué que vous n’aviez pas l’intention de frapper Mme [W] mais que vous étiez énervé, du fait que vous alliez ” planter ” votre ami viticulteur.
Sachez que nous considérons que vos agissements sont inacceptables et contraires à ce que nous sommes en droit d’attendre d’un salarié de notre entreprise.
Les explications que vous avez fournies pendant votre entretien n’ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits.
Nous ne pouvons tolérer plus longtemps de tels comportements, qui démontrent un certain laxisme dans l’intérêt que vous portez à votre travail, voire depuis quelque temps, une attitude ingérable pour votre exploitation.
En conséquence, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre préavis d’une durée de 2 mois débutera à la date de présentation du présent courrier à votre domicile. Nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis, qui vous sera rémunéré aux échéances habituelles de paie. Vous ne ferez donc plus partie des effectifs de la société à l’issue de cette période de préavis.(…)’
Par acte du 1er février 2016, M. [N] a saisi le conseil des prud’hommes de Lyon aux fins de voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de voir la société Nouvelle CGVL condamnée à lui payer la somme de 29 512, 35 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 7 février 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé le redressement judiciaire de la société Nouvelle CGVL.
Par jugement rendu le 17 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
– dit que le licenciement de M. [N] est fondé sur une cause réelle et sérieuse
– débouté M. [N] de l’intégralité de ses demandes
– débouté la société Nouvelle CGVL de sa demande reconventionnelle
– condamné M. [N] aux entiers dépens.
La cour est saisie de l’appel interjeté le 15 juillet 2019 par M. [N].
Par jugement du 2 mars 2020, le tribunal de commerce a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a nommé en qualité de liquidateurs judiciaires la Selarl MJ Synergie et la Selarlu [I].
Saisie par la société Nouvelle CGVL de conclusions aux fins de voir déclarer l’appel caduc, à défaut irrecevable, Mme le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 13 février 2020, dit que la déclaration d’appel du 15 juillet 2019 n’est pas caduque et a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 14 mai 2020.
Par conclusions notifiées le 11 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [N] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu le 17 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau :
– dire que le licenciement est privé de toute cause réelle et sérieuse
– en conséquence, fixer au passif de la société Nouvelle CGVL les sommes suivantes :
* 29 512,35 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l’équivalent de 15 mois de salaire, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail
* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile , ainsi que les entiers dépens
– dire que conformément aux dispositions des articles 1231-6 et suivants du code civil, les condamnations prononcées emporteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir pour les sommes de natures indemnitaire.
Par conclusions notifiées le 5 mai 2020 , auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Nouvelle CGVL, ainsi que la Selarl MJ Synergie et la Selarlu [I], intervenantes volontaires en qualité de liquidateurs judiciaires, demandent à la cour de :
à titre principal :
– confirmer le jugement du conseil de prud’homme du 17 juillet 2019
– débouter par voie de conséquence, M. [N] de sa demande indemnitaire relative au prétendu caractère abusif de son licenciement
à titre subsidiaire :
– cantonner une éventuelle condamnation à titre indemnitaire à de plus justes proportions compte tenu d’une part de l’absence de preuve du préjudice prétendu, d’autre part, du caractère exorbitant de la demande au regard de l’ancienneté du salarié et de son âge
en tout état de cause :
– débouter M. [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner M. [N] à titre reconventionnel au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à verser à la société nouvelle CGVL la somme de 2 500 euros.
Par conclusions d’intervenant forcé notifiées le 7 avril 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :
à titre principal :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [N] de ses contestations
à titre subsidiaire :
– minimiser dans de très sensibles proportions les dommages-intérêts octroyés
en toute hypothèse :
– dire et juger que la garantie de l’AGS -CGEA de [Localité 6] ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L.3253-19 et L. 3253-17 du code du travail – dire et juger que l’AGS-CGEA de [Localité 6] ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– dire et juger l’AGS-CGEA de [Localité 6] hors dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022.
MOTIFS
– Sur le licenciement :
Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.
En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société Nouvelle CGVL a licencié M. [N] pour cause réelle et sérieuse en invoquant :
1°) des menaces proférées le 26 août 2015 contre Mme [C] [W], responsable d’agence à qui il reprochait de ne pas avoir validé ses dates de congés ;
2°) des retards à la prise de poste attestés par les graphiques d’activité le 10 juillet 2015 et le 3 août 2015 ;
3°) la manipulation frauduleuse de son chronotachygraphe ;
4°) la commission de nombreuses infractions révélant une incapacité à gérer les temps de services et à respecter les directives de l’exploitation.
M. [N] conteste la réalité de ces griefs.
Sur le premier grief, il admet une réaction de colère mais soutient qu’elle était légitime au regard du contexte, à savoir, que l’employeur était parfaitement informé qu’il posait, chaque année, ses dates de congés en fonction des vendanges qu’il effectue pour un ami viticulteur ; que Mme [A] lui a imposé de décaler la date de son départ en congés sans lui donner aucune explication, sur un ton parfaitement irrespectueux et en affirmant son arbitraire.
M. [N] soutient que suite aux propos inadmissibles de Mme [W], il a pris attache avec la directrice des ressources humaines, Mme [S] [F] pour lui signaler cette altercation et lui donner sa version des faits, mais que Mme [F] n’a jamais daigné le rappeler.
S’agissant des retards à la prise de poste, M. [N] ne les conteste pas, mais souligne qu’il a prévenu de ces retards et s’est immédiatement excusé auprès de l’employeur.
M. [N] conteste en revanche les manipulations frauduleuses du chronotachygraphe durant les mois de juillet et août 2015. Il soutient que les minutages non justifiés qui lui sont opposés ne sont pas démontrés en l’absence de précision sur le moment de la journée auquel ils auraient été constatés. Il conclut en tout état de cause qu’à la supposer établie, l’utilisation inappropriée du chronotachygraphe ne saurait fonder un licenciement en l’absence de précédent et d’élément intentionnel de sa part.
Sur la mauvaise gestion des temps de service, M. [N] reproche à l’employeur une totale imprécision sur les clients ou encore les heures concernés. S’agissant du client Bichot à [Localité 5], le 4 août 2015, M. [N] soutient que le client ayant exigé de charger durant la matinée même si le temps de chargement devait empiéter sur la période de fermeture entre midi et 14 heures, il a bien été en temps de travail jusqu’à 13H43, puis en coupure de 13H43 à 14H37, de sorte que les temps de travail et de pause indiqués sont conformes au temps de travail.
****
Le jugement déféré a fait une juste appréciation des faits en considérant que les retards des 10 juillet et 3 août 2015 et la réaction de M. [N] à l’égard de Mme [W] n’étaient pas de nature à caractériser une faute justifiant la rupture du contrat de travail, étant précisé que la gravité de cette altercation n’est établie par aucun élément objectif en l’état des seuls récits des intéressés, Mme [A] et M. [N].
S’agissant de la manipulation frauduleuse du chronotachygraphe, la lettre de licenciement mentionne plusieurs dates entre le 2 juillet et le 20 août 2015 pour lesquels des temps de travail non justifiés ont été relevés.
Si les intimés rappellent la jurisprudence qui a jugé licite l’utilisation des disques chronotachygraphes pour justifier du non-respect de la réglementation en matière de transport par le conducteur, quand bien même le dispositif n’avait pas fait l’objet de déclaration à la CNIL, il n’en reste pas moins qu’il appartient à l’employeur qui se prévaut de manipulations irrégulières de ce moyen de contrôle des temps de conduite, de produire aux débats les relevés chronotachygraphes et le résultat de leur exploitation afin de permettre au salarié d’apporter une réponse utile aux infractions qui lui sont reprochées.
En l’espèce, M. [N] ne remet nullement en cause l’utilisation des disques chronotachygraphes comme mode de preuve, mais souligne l’imprécision de la lettre de licenciement sur les temps de travail prétendus non justifiés et l’incapacité qui en découle, pour lui de se défendre.
Et la cour observe qu’aucune pièce n’est produite à l’appui de ce grief, à l’exception d’un document mentionnant les horaires d’ouverture de la maison Albert Bichot à [Localité 5]. En effet, il résulte de la lettre de licenciement qu’il est reproché à M. [N] d’avoir été en position de travail de 11H07 à 13H43, puis en pause de 13H43 à 14H37 chez Bichot à [Localité 5] alors que ce client est fermé entre 12H00 et 13H30 et qu’il aurait dû être en pause pendant cette période.
Or, les seuls horaires versés aux débats pour l’établissement Bichot sont inopérants à démontrer la manipulation frauduleuse du chronotachygraphe dés lors que M. [N] déclare s’être conformé à la demande du client de terminer le chargement, y compris pendant la pause méridienne ; cette explication apparaît parfaitement plausible au regard des impondérables de l’activité de transporteur, et l’employeur n’apporte aucun élément contraire telle qu’une attestation du client sur les horaires du chargement, par M. [N], à la date du 4 août 2015.
Il en résulte que l’exemple du 4 août 2015 ne repose pas sur des éléments objectifs mais sur une hypothèse de travail sujette à caution compte tenu de l’adaptabilité nécessaire des horaires du client en fonction du chargement.
La carence probatoire sur ce seul exemple illustre la pertinence de l’objection du salarié sur le défaut de précision concernant les autres dates pour lesquelles aucune pièce n’est versée aux débats.
Le conseil de prud’hommes a, par conséquent fait une juste appréciation des faits en considérant que l’imprécision des faits reprochés imposait d’écarter ce grief.
En revanche, la société Nouvelle CGVL produit en pièce n°9 un relevé des neuf infractions au temps de pause imputées à M. [N] entre le 4 août 2015 et le 28 août 2015, dont un dépassement de la durée maximale de service journalier de 12 heures le 5 août 2015. Ce document qui mentionne l’heure de prise de service et l’heure de fin de service est suffisamment précis pour permettre au salarié de faire valoir ses arguments en défense.
Or, il résulte du compte-rendu de l’entretien préalable établi par M.[B] que M. [N] n’a pas contesté ces infractions, les justifiant par la nécessité d’arriver à l’heure chez les clients ; qu’à l’exception des faits du 4 août 2015, M. [N] n’a développé aucun moyen sur le non respect des temps de pause, se contentant d’invoquer la carence probatoire de l’employeur .
Le conseil de prud’hommes a en conséquence fait une juste appréciation de éléments de fait en jugeant que les manquements à la réglementation européenne sur la durée du travail étaient particulièrement graves et réitérés et justifiaient un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [N] de l’ensemble de ses demandes subséquentes .
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de M. [N] les dépens de première instance.
M. [N] succombant en ses demandes sera condamné aux dépens d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE M. [N] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE