Chauffeur Poids-Lourd : décision du 25 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00082

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 25 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00082
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ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1952/22

N° RG 21/00082 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TMLS

FB/VDO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’avesnes sur helpe

en date du

18 Décembre 2020

(RG 19/00102 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [F] [U]

[Adresse 1]

représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. POMPES FUNEBRES DE L¿AVESNOIS

[Adresse 2]

représentée par Me Christophe SORY, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Cindy LEPERRE

DÉBATS : à l’audience publique du 18 Octobre 2022

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 27 septembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [F] [U] a été engagée par la société France Obsèques, devenue la société Pompes Funèbres de l’Avesnois, dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée à compter du 23 février 2015, puis par contrat à durée indéterminée à effet au 1er septembre 2016, en qualité de conseillère funéraire.

Par courrier du 31 juillet 2017, Madame [U] a été convoquée, pour le 11 août suivant, à un entretien préalable à licenciement.

Par lettre du 22 août 2017, la société Pompes Funèbres de l’Avesnois a notifié à Madame [F] [U] son licenciement pour motif économique.

Madame [U] ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, la relation a été rompue le 1er septembre 2017.

Le 26 décembre 2017, Madame [F] [U] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe et formé des demandes afférentes à un licenciement nul, ou à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 18 décembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Avesnes sur Helpe a débouté Madame [U] de ses demandes, l’a condamnée à payer à la société Pompes Funèbres de l’Avesnois une indemnité de 100 euros pour frais de procédure, a débouté la société PFA de sa demande pour procédure abusive et a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Madame [F] [U] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 janvier 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 avril 2021, Madame [F] [U] demande à la cour d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a débouté la société PFA de sa demande au titre de la procédure abusive, et, statuant de nouveau, de :

– dire le licenciement nul,

– condamner la société PFA à lui verser les sommes de :

– 116798,24 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;

– 13 476,72 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 4 492,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 449,22 euros au titre des congés payés afférents ;

à titre subsidiaire :

– dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

à titre infiniment subsidiaire :

– constater que les critères d’ordre de licenciement n’ont pas été respectés,

en tout état de cause :

– condamner la société PFA à lui verser les sommes de :

– 4 492,24 euros pour non-respect de la priorité de réembauchage ;

– 13 476,72 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 4 492,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 449,22 euros au titre des congés payés afférents ;

– 2 000,00 euros à titre d’indemnité pour frais de procédure.

Au soutien de ses demandes, Madame [U] expose que :

– elle a été désignée comme membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle de l’artisanat ; son licenciement aurait dû être autorisé par l’inspecteur du travail, ce mandat étant visé par l’article L. 2411-25 du code du travail ; l’employeur ne pouvait ignorer l’exercice de ce mandat qui lui a été rappelé au cours de l’entretien préalable ; le mandat devait arriver à expiration au 1er juillet 2021, de sorte que le statut protecteur aurait dû perdre ses effets au 1er janvier 2022 ;

– dans la note d’information comme dans la lettre de rupture, l’employeur s’est contenté d’invoquer les difficultés économiques auxquelles il était confronté, sans préciser l’impact de ces difficultés sur son emploi ; la réalité des difficultés économiques est insuffisamment démontrée ; la réalité des difficultés économiques doit s’apprécier au moment du licenciement ; or, le chiffre d’affaire a augmenté en 2017 ;

– l’employeur aurait dû envisager une modification des éléments de rémunération avant de prononcer des licenciements dont l’objectif était de réduire le coût salarial ; d’autres mesures temporaires auraient pu être prises pour éviter les licenciements ;

– l’employeur reconnaît n’avoir procédé à aucune recherche de reclassement compte tenu de la taille de l’entreprise; aucune recherche n’a été effectuée au sein des autres entités ;

– à la date du licenciement, trois salariés occupaient les fonctions d’assistant funéraire mais seulement deux ont été licenciés sans application de critères d’ordre ; d’autres salariés relevaient de la même catégorie professionnelle ;

– elle a demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage par courrier du 11 décembre 2017 ; l’employeur a réalisé l’embauche d’un chauffeur le 13 mars 2018 sans lui proposer cet emploi.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juin 2022, la société Pompes Funèbres de l’Avesnois, qui a formé appel incident, demande la confirmation du jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 1240 du code civil et a minoré la somme allouée au titre des frais de procédure. Elle demande à la cour, statuant de nouveau, de débouter Madame [U] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser les sommes de 10 000 euros pour procédure abusive, 1 900 euros au titre des frais irrépétibles en première instance et 2 500 euros au titre de ces mêmes frais en cause d’appel.

La société Pompes Funèbres de l’Avesnois fait valoir que :

– un doute persiste concernant la désignation de Madame [U] comme membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle de l’artisanat ; le cas échéant, cette désignation est inopposable à l’employeur qui, d’une part, ne rentre pas dans le périmètre de l’accord du 12 décembre 2001portant sur le développement du dialogue social dans l’artisanat, et d’autre part, n’en a pas été informé ; la salariée a convenu devant le bureau de conciliation qu’elle n’en avait jamais averti l’employeur; le compte rendu d’entretien préalable ne fait pas mention d’une commission paritaire mais d’une section paritaire, démontrant que la salariée n’a pas été en mesure de désigner correctement l’institution au sein de laquelle elle prétend avoir été désignée ;

– les difficultés économiques sont caractérisées par une baisse constante du chiffre d’affaires entre 2014 et 2016 et par un résultat d’exploitation négatif en 2015 comme en 2016 ; le résultat d’exploitation a poursuivi sa chute en 2017 ; au moment du licenciement, l’employeur n’était en possession que du bilan de l’année 2016 et non de celui de l’année 2017 ; la hausse du chiffre d’affaires en 2017 découle d’une erreur comptable ;

– la lettre qui énonce la suppression des postes de conseillers funéraires pour faire face à des difficultés économiques est suffisamment motivée ; il a été décidé de supprimer les postes qui n’étaient pas indispensables au maintien de l’activité; il n’appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l’employeur entre les solutions possibles ;

– l’entreprise était de petite taille et n’appartenait à aucun groupe ; les possibilités de reclassement étaient inexistantes ;

– l’agent d’entretien et le chauffeur poseur marbrier n’appartiennent pas à la même catégorie professionnelle que les conseillers funéraires ; au moment des faits l’employeur savait qu’il ne garderait pas dans ses effectifs le troisième conseiller funéraire, Monsieur [M], alors en arrêt maladie, celui-ci étant destiné à être également licencié pour motif économique ou, le cas échéant, pour inaptitude ;

– Madame [U], qui ne prouve pas avoir sollicité le bénéfice de la priorité de réembauchage, ne disposait pas des compétences requises pour occuper le poste de chauffeur poseur marbrier ayant fait l’objet d’un recrutement en mars 2018 ;

– la salariée a usé d’allégations mensongères, concernant notamment le statut protecteur invoqué, de sorte que son action doit être regardée comme abusive ; la démarche vise à affaiblir l’entreprise alors que Madame [U], Monsieur [N] et Monsieur [M] ont créé une société concurrente.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la violation du statut protecteur

Madame [U] invoque une violation, à l’occasion de son licenciement, du statut protecteur qu’elle tire de sa qualité de membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle de l’artisanat.

Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat ont été instituées par l’accord du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social dans l’artisanat, modifié par avenant du 24 mars 2016, signé par l’Union Professionnelle Artisanale (UPA) et 5 confédérations syndicales nationales interprofessionnelles.

Elles se distinguent des commissions paritaires interprofessionnelles instituées au niveau régional par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi (dont les membres bénéficient d’un statut protecteur en vertu des dispositions des articles L.2411-1 et L.2411-25 du code du travail).

Il résulte des dispositions de l’article L.2234-3 du code du travail que le législateur a entendu accorder aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif la protection prévue par l’article L.2411-3 du même code pour les délégués syndicaux en cas de licenciement. Il est constant que ces dispositions, qui sont d’ordre public en raison de leur objet, s’imposent, en vertu des principes généraux du droit du travail, à toutes les commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, y compris celles créées par des accords antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 (Cass soc. 1er février 2017 n° 15-24.310).

Il s’en déduit que les membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat bénéficient de la protection contre le licenciement prévue par l’article L.2411-3 du code du travail.

Cette procédure spécifique trouve à s’appliquer même en cas d’adhésion du salarié, bénéficiant d’un statut protecteur, à un contrat de sécurisation professionnelle.

Toutefois, il est constant qu’une fraude du salarié peut le priver de la protection contre le licenciement attachée à son mandat.

En l’espèce, il ressort des pièces versées au dossier que Madame [U] a été désignée, le 28 juin 2017, par l’union régionale FO du Nord Pas-de-Calais Picardie, membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle de l’artisanat des Hauts de France.

L’intéressée n’établit pas en avoir informé son employeur avant l’entretien préalable qui s’est tenu le 11 août 2017.

Elle a ainsi privé l’employeur de la faculté de s’opposer utilement à cette désignation alors que celui-ci dispose d’un motif sérieux de contestation lorsqu’il démontre que la société Pompes Funèbres de l’Avesnois est inscrite au registre du commerce et ne relève pas du secteur de l’artisanat. Or, le champ d’application de l’accord susvisé du 12 décembre 2001 créant les commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l’artisanat est limité aux entreprises relevant du répertoire des métiers et occupant moins de dix salariés.

En outre, lors de l’entretien préalable, Madame [U] n’a présenté aucun document confirmant cette désignation et n’a donné qu’un intitulé imprécis de l’instance paritaire dont elle a prétendu être membre (‘section paritaire régionale interprofessionnelle de l’artisanat’).

S’agissant d’un mandat extérieur à l’entreprise, dont la salariée était investie suite à une désignation qui n’a fait l’objet d’aucune notification, publication ou communication officielle, il ne serait être opposable à l’employeur sans présentation d’un justificatif accompagnant l’information délivrée à celui-ci, ou, au moins, sans fourniture d’éléments suffisamment précis pour permettre à celui-ci de procéder à des vérifications.

En acceptant d’être désignée, très peu de temps avant l’engagement de la procédure de licenciement, au sein d’une commission paritaire qui ne relève pas de son secteur d’activité, en maintenant son employeur dans l’ignorance et en le privant de tout recours, et enfin, en fournissant à celui-ci, à la dernière minute (au cours de l’entretien préalable) une information imprécise, nullement étayée, Madame [U] a manqué de loyauté envers la société Pompes Funèbres de l’Avesnois dans le but de la surprendre et de bénéficier ainsi d’une protection contre le licenciement.

La cour retient donc que Madame [U] a agi par fraude, implicitement soutenue par l’employeur, et qu’elle doit être privée du statut protecteur qu’elle revendique.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté l’intéressée de sa demande aux fins de nullité du licenciement.

Sur le motif économique de la rupture du contrat de travail

Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° à des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° à des mutations technologiques ;

3° à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° à la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article.

En l’espèce, la lettre du 22 août 2017 portant notification du licenciement mentionne:

‘ Nous constatons une diminution sensible du chiffre d’affaires de notre société depuis plusieurs mois. L’exercice 2016 clôturé au 31 décembre 2016 s’est soldé par un résultat d’exploitation en perte de 43 163 €.

Parmi les chiffres clés de cet exercice, nous observons un chiffre d’affaires de 417 568 €, soit une baisse de 10% par rapport à l’exercice précédent, avec un coût salarial de 156 550 € qui se décompose comme suit : 114 887 € de brut et 41 663 € de charges sociales.

Cette contraction d’activité génère en effet des pertes au niveau du résultat d’exploitation et cela depuis plusieurs exercices. Ceci entraîne la constatation de capitaux propres négatifs, mettant en péril la poursuite de notre activité ; ce qui nécessite de réduire les coûts.

Sur les six premiers mois de l’exercice 2017, l’activité funéraire est en recul de 12,6% au niveau du chiffre d’affaires. Les salons funéraires suivant également l’évolution du nombre de deuils et enregistrent une baisse du chiffre d’affaires de 25,6%.

Malgré une hausse du chiffre d’affaires marbrerie, les six premiers mois sont encore déficitaires.

Compte tenu des ces difficultés économiques et de notre situation financière fragile, nous sommes donc contraints de réduire notre masse salariale afin de l’ajuster au niveau du chiffre d’affaires que notre société est en capacité de réaliser à ce jour, dans ce contexte conjoncturel et concurrentiel.

En effet, tous les autres postes de dépense ont été optimisés au maximum et ne peuvent plus être diminués.

En conséquence, nous envisageons de procéder à la suppression de votre poste de conseiller funéraire, au regard des éléments concernant la situation financière de notre société.’

Cette lettre, qui énonce qu’une baisse de l’activité funéraire et une dégradation des résultats financiers de l’entreprise imposent une réduction de la masse salariale (les autres postes de dépenses n’offrant plus de possibilités d’économies suffisantes) se manifestant par la suppression de l’emploi de la salariée, répond aux exigences légales de motivation.

Il ressort des comptes de résultat produits par la société Pompes Funèbres de l’Avesnois que, à la date du licenciement, l’employeur disposait d’informations comptables démontrant :

– une diminution constante du chiffre d’affaires depuis plusieurs années:

483 841 euros fin 2014,

456 856 euros fin 2015,

417 568 euros fin 2016;

– une dégradation corrélative du résultat d’exploitation :

– 7 764 euros fin 2014,

– 10 915 euros fin 2015,

– 43 136 euros fin 2016.

Le bénéfice dégagé au terme de l’exercice 2016 (20 952 euros) ne s’explique que par un produit exceptionnel enregistré au cours de cette année (correspondant à un abandon de créance du bailleur) et ne saurait occulter une détérioration des indicateurs liés à l’activité économique.

L’amélioration du chiffre d’affaires constatée au 31 décembre 2017 n’est pas de nature à écarter la réalité de difficultés économiques dont l’employeur avait connaissance au moment de procéder au licenciement en août 2017.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les difficultés économiques invoquées par l’employeur sont avérées.

Compte tenu de ces difficultés économiques qui persistaient et s’aggravaient, l’employeur a pu décider de réduire ses charges en se séparant de l’ensemble des conseillers funéraires (dont le gérant pouvait assurer les missions dans un contexte de contraction de l’activité) et en ne conservant que les emplois strictement nécessaires à la poursuite de l’activité économique.

Il n’appartient pas à la cour, qui ne peut pas se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il a effectués pour faire face à la situation économique de l’entreprise, de contrôler ce choix en lui reprochant de n’avoir pas proposé à ces salariés une modification des modalités de leur rémunération dès lors que c’est précisément la suppression de leurs postes qui était une des solutions envisageables pour motif économique.

La société Pompes Funèbres de l’Avesnois, qui ne comptait que 6 salariés, justifie, par la production de son registre unique du personnel, qu’elle ne disposait, en interne, d’aucun poste disponible pour procéder au reclassement de Madame [U].

Il n’est nullement établi que cette entreprise appartenait à un groupe. Madame [U] qui fait grief à l’employeur de ne pas avoir étendu ses recherches à ‘l’ensemble de ses entités’ n’apporte aucune précision concernant ces prétendues entités.

Il s’ensuit que la société Pompes Funèbres de l’Avesnois n’a pas manqué à son obligation de reclassement.

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Madame [U] de sa demande tendant à faire déclarer son licenciement économique comme dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur l’application des critères d’ordre de licenciement

Il résulte de la combinaison des articles L. 1233-5 et L.1233-7 du code du travail, dans leur version applicable au litige, que lorsque l’employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères suivants :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

En l’espèce, la société Pompes Funèbres de l’Avesnois, qui explique avoir décidé de congédier l’ensemble des conseillers funéraires, justifie avoir procédé au licenciement des trois salariés concernés avant la fin de l’année 2017.

Il ne peut être fait grief à l’employeur de ne pas avoir usé de la faculté dont il disposait de licencier pour motif économique, en août 2017, en même temps que Madame [U] et Monsieur [N], le troisième conseiller funéraire, Monsieur [M], alors en arrêt maladie, et d’avoir attendu la fin de la suspension du contrat de travail pour procéder au licenciement de ce dernier, en décembre 2017, pour inaptitude, suite à l’avis rendu par le médecin du travail à l’occasion de la reprise.

Tous les postes d’assistant funéraire ayant été supprimés, il n’y avait pas lieu de mettre en oeuvre des critères d’ordre de licenciement au sein de cette catégorie professionnelle.

Par ailleurs, Madame [U] ne peut valablement arguer que le chauffeur poseur marbrier et l’agent d’entretien relevaient de la même catégorie professionnelle que les conseillers funéraires alors que les fonctions exercées étaient distinctes et ces derniers étaient agents de maîtrise.

Dès lors, Madame [U] est mal fondée à invoquer une violation des critères d’ordre de licenciement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la priorité de réembauchage

Selon l’article L.1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l’employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l’employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s’il en informe l’employeur.

En l’espèce, Madame [U] ne prouve pas avoir demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage. Contrairement à ce qu’elle annonce dans ses écritures, elle ne produit pas le courrier en date du 11 décembre 2017 qu’elle prétend avoir adressé à la société Pompes Funèbres de l’Avesnois.

Dès lors, Madame [U] ne peut faire grief à la société Pompes Funèbres de l’Avesnois de ne pas l’avoir informée de l’existence d’un poste disponible (pourvu en mars 2018).

En outre, la cour relève que l’emploi visé concernait un poste de chauffeur poids lourd marbrier ne correspondant pas à la qualification de Madame [U].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Madame [U] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la priorié de réembauchage.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

La société Pompes Funèbres de l’Avesnois ne caractérise pas de faute de Madame [U] de nature à faire dégénérer en abus son droit d’agir en justice.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté la société Pompes Funèbres de l’Avesnois de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les autres demandes

L’équité et la situation des parties ne commandent pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en cause d’appel.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné Madame [U] à verser à la société Pompes Funèbres de l’Avesnois une indemnité de 100 euros pour frais de procédure.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.

Par réformation du jugement déféré, Madame [U] sera condamnée au dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré,

excepté en ce qu’il a condamné Madame [F] [U] à verser à la SAS Pompes Funèbres de l’Avesnois une indemnité de 100 euros pour frais de procédure et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes respectives en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [F] [U] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE

 


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