Your cart is currently empty!
AC / MS
Numéro 23/315
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 26/01/2023
Dossier : N° RG 21/00159 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HXXW
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
S.A.R.L. FREDERIQUE TRANSPORTS
C/
[F] [Z]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 Janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 17 Novembre 2022, devant :
Madame CAUTRES, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU,Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. FREDERIQUE TRANSPORTS
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître MARCHESSEAU LUCAS de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [F] [Z]
né le 13 Novembre 1968 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Maître SAVARY de la SELARL NOURY-LABEDE LABEYRIE SAVARY, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 17 DECEMBRE 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE MONT-DE-MARSAN
RG numéro : F17/00120
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [F] [Z] a été embauché le 10 septembre 2016, avec effet au 19 septembre suivant, par la SARL Frédérique Transports en qualité de conducteur routier Super Poids Lourd, coefficient 150M-G7, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des transports routiers de marchandises et auxiliaires de transports.
Le 22 mai 2017, il a « démissionné » en raison de problèmes de salaires dont il soutient qu’ils ne lui ont pas été versés en totalité.
Le 25 octobre 2017, il a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Mont-de-Marsan a notamment :
– condamné la SARL Frédérique Transports à verser à M. [F] [Z] la somme de 3 071,46 € bruts au titre des heures supplémentaires, outre 307,15 € bruts au titre des congés payés y afférents,
– condamné la SARL Frédérique Transports à verser à M. [F] [Z] la somme de 747,61 € au titre du rappel des frais professionnels,
– débouté M. [F] [Z] de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé,
– dit que le courrier de M. [F] [Z] du 22 mai 2017 s’analyse en une prise d’acte de rupture du contrat de travail ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SARL Frédérique Transports à verser à M. [F] [Z] la somme de 2 000 € à titre d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté la SARL Frédérique Transports de sa demande au titre du préavis,
– condamné la SARL Frédérique Transports à délivrer à M. [F] [Z] un bulletin de salaire récapitulatif des versements de nature salariale résultant de la présente condamnation, outre les documents de fin de contrat conformes,
– débouté M. [F] [Z] de sa demande d’astreinte,
– dit que les créances salariales porteront intérêt à compter du 1er décembre 2018,
– dit que les créances de nature indemnitaire porteront intérêts à compter du présent jugement,
– rejeté les demandes plus amples ou contraires,
– condamné la SARL Frédérique Transports à verser à M. [F] [Z] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SARL Frédérique Transports aux entiers dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit concernant les créances salariales sus-visées,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision pour le surplus.
Le 18 janvier 2021, la SARL Frédérique Transports a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 septembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SARL Frédérique Transports demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il :
* l’a condamnée à la somme de 3 071,46 € bruts au titre des heures supplémentaires, outre 307,15 € bruts au titre des congés payés y afférents,
* l’a condamnée à la somme de 747,61 € au titre du rappel des frais professionnels,
* a requalifié la démission de M. [F] [Z] en prise d’acte de rupture du contrat de travail ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* l’a condamnée à verser à M. [F] [Z] la somme de 2 000 € à titre d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* l’a déboutée de sa demande au titre du préavis,
* l’a condamnée à délivrer à M. [F] [Z] un bulletin de salaire récapitulatif des versements de nature salariale résultant de la condamnation outre les documents de fin de contrat conformes,
* dit que les créances salariales porteront intérêt à compter du 1er décembre 2018,
* dit que les créances de nature indemnitaire porteront intérêts à compter du jugement,
* l’a condamnée à la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux entiers dépens,
– confirmer le jugement pour le surplus,
– statuant à nouveau,
– lui donner acte qu’elle reconnaît devoir la somme de 1 407,14 € bruts au titre du rappel d’heures supplémentaires outre 140,71 € au titre des congés payés y afférents,
– débouter M. [F] [Z] de sa demande au titre des frais professionnels dans la mesure où il a été largement rempli de ses droits,
– condamner M. [F] [Z] à rembourser la somme de 149,81 € trop payée au titre des frais professionnels,
– juger que la prise d’acte de rupture du contrat de travail de M. [F] [Z] doit s’analyser en une démission,
– débouter M. [F] [Z] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [F] [Z] de sa demande au titre du travail dissimulé,
– débouter M. [F] [Z] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [F] [Z] à la somme de 181,82 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– ordonner la compensation entre les sommes dues par les parties,
– juger que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et des dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 6 juillet 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [F] [Z] demande à la cour de :
– déclarer ses demandes recevables et bien fondées,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* condamné la SARL Frédérique Transports à lui verser la somme de 747,61 € au titre du rappel des frais professionnels,
* dit que son courrier du 22 mai 2017 s’analyse en une prise d’acte de rupture du contrat de travail ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la SARL Frédérique Transports à lui verser la somme de 2 000 € à titre d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* débouté la SARL Frédérique Transports de sa demande au titre du préavis,
* condamné la SARL Frédérique Transports à lui délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des versements de nature salariale résultant de la présente condamnation, outre les documents de fin de contrat conformes,
* dit que les créances salariales porteront intérêt à compter du 1er décembre 2018,
* dit que les créances de nature indemnitaire porteront intérêts à compter du présent jugement,
* condamné la SARL Frédérique Transports à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SARL Frédérique Transports aux entiers dépens,
* rappelé que l’exécution provisoire est de droit concernant les créances salariales susvisées,
* ordonné l’exécution provisoire de la présente décision pour le surplus,
– réformer le jugement dont appel pour le surplus et statuant à nouveau :
– condamner la SARL Frédérique Transports à lui payer au titre des rappels de salaires heures supplémentaires du 19 septembre 2016 au 27 mai 2017 la somme de 1 472,42 € bruts, outre 147,24 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur la même période,
– constater que la SARL Frédérique Transports a sciemment omis de régler les heures supplémentaires qu’il a effectuées,
– condamner la SARL Frédérique Transports à lui payer la somme de 13 500 € nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– dire et juger que les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes de Mont-de-Marsan portent intérêts légaux majorés à compter du 23 février 2021,
– assortir l’obligation de délivrance du bulletin de salaire rectificatif et des documents de fin de contrat d’une astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,
– condamner la SARL Frédérique Transports au paiement de la somme de 2 000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel,
– débouter la SARL Frédérique Transports de ses fins, demandes et conclusions contraires.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
Attendu que les parties ne contestent nullement les fondements juridiques et les calculs opérés par les premiers juges ;
Qu’en cause d’appel elles sont désormais d’accord, au vu de la production de l’intégralité des bulletins de salaire, que le montant dû par l’employeur à ce titre s’élève à la somme de 1 472,42 euros ainsi que 147,24 euros au titre des congés payés afférents ;
Que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point quant au quantum de la créance salariale ;
Sur les frais professionnels
Attendu qu’aucune des deux parties ne conteste le mode de calcul opéré par les premiers juges quant aux frais professionnels ;
Attendu que la comptabilisation des frais payés au salarié de septembre 2016 à mai 2017 s’élève à la somme de 8 649,65 euros (prenant en compte la somme versée en mars 2017 non comptabilisée par les premiers juges du fait de la non production de ce bulletin de salaire, soit la somme de 1 046,52 euros) ;
Attendu que contrairement à ce qu’indique le salarié dans ses écritures, la période à prendre en compte au mois de septembre 2016 se situe à compter du 19 septembre, tel que prévu au contrat de travail, soit une comptabilisation de seulement 10 jours de grand déplacement ;
Attendu que compte tenu de ces éléments M. [Z] a été rempli de ses droits en ce qui concerne les frais professionnels, avec un trop perçu d’un montant de 149,81 euros ;
Que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point, le trop perçu visé ci-dessus pouvant être compensé avec la somme due par l’employeur au titre des heures supplémentaires ;
Sur le travail dissimulé
Attendu qu’en l’espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ;
Qu’en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de la demande formulée au titre du travail dissimulé ;
Attendu qu’il convient donc de confirmer le jugement entrepris de ce chef ;
Sur la rupture du contrat de travail
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Elle doit être exempte de vice de consentement ;
Que lorsque le salarié, sans invoquer un vice de consentement, remet en cause sa démission en raison de faits ou de manquements imputables à l’employeur, le juge doit, s’il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés à l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ou, dans le cas contraire, d’une démission ;
Qu’il incombe au salarié d’établir la matérialité des faits qu’il reproche à son employeur ;
Attendu qu’en l’espèce, la lettre de démission est ainsi libellée « par cette lettre je vous confirme ma démission du poste de chauffeur poids-lourd dû au problème de salaire qui n’a jamais été versé en totalité » ;
Que cette lettre de rupture s’analyse en réalité en une prise d’acte qu’il appartient à la cour d’examiner ;
Attendu que la prise d’acte s’analyse comme un mode de rupture du contrat de travail, à l’initiative du salarié, qui se fonde sur des manquements imputés à son employeur dans l’exécution de ses obligations. Elle ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés sont actuels et d’une gravité incompatible avec la poursuite du contrat de travail. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission ;
Qu’il incombe au salarié d’établir la matérialité des faits qu’il invoque ;
Attendu que la cour doit maintenant apprécier si les faits invoqués par le salarié caractérisent de graves manquements de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;
Attendu que si vu des développements précédents il convient de souligner que les heures supplémentaires restant dues au salarié sont d’un montant de 1472,42 €, les premiers juges ont exactement analysé que les salaires de Monsieur [Z] n’ont jamais été versés en une seule fois comme l’attestent les relevés bancaires du salarié ;
qu’à titre d’exemple :
au mois de novembre 2016 deux versements ont eu lieu, un le 10 novembre et l’autre le 21 novembre ;
au mois de décembre 2016 deux versements ont eu lieu, un le 7 décembre et l’autre le 19 décembre ;
au mois de janvier 2017 un virement le 11 janvier et l’autre le 24 janvier ;
au mois de février 2017 un virement le 8 février et un autre le 15 février ;
au mois de mars 2017 un virement le 10 mars et l’autre le 17 mars ;
Attendu que contrairement à ce qu’indique l’employeur aucun accord n’était intervenu entre les parties concernant le versement de salaire en deux fois ;
Qu’il est spécifié que la rémunération du salarié se réveillait le cinq de chaque mois par virement ;
Attendu que compte tenu de ces éléments, soit le non versement de l’intégralité des heures supplémentaires réalisées par le salarié et le versement aléatoire par virement des salaires de celui-ci, les premiers juges ont exactement analysé que ces manquements sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail doit s’analyser et produire les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences de la prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
Attendu qu’en l’espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ;
Qu’en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard des conséquences de la prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu’il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ces points ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que les premiers juges ont exactement analysé les faits de la cause au regard des intérêts au taux légal et de la demande au titre de l’astreinte ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Attendu qu’il apparaît équitable en l’espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens d’appel et de condamner l’employeur aux dépens d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Mont de Marsan sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires et les frais professionnels ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la SARL Frédérique Transports à payer à M. [F] [Z] la somme de 1 472,42 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ainsi que celle de 147,24 euros au titre des congés payés afférents ;
DEBOUTE M. [F] [Z] de sa demande au titre des frais professionnels et dit qu’il a bénéficié d’un trop perçu à ce titre d’un montant de 149,81 euros ;
ORDONNE la compensation entre la somme perçue par M. [F] [Z] au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et la somme due à la SARL Frédérique Transport au titre du trop perçu relatif aux frais professionnels ;
CONDAMNE la SARL Frédérique Transports aux dépens d’appel et dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,