Chauffeur Poids-Lourd : décision du 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01317

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01317
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ARRÊT N°

N° RG 20/01317 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HW3E

CRL/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE D’ALES

13 mai 2020

RG :18/00164

[Z]

C/

S.A.R.L. ESCUDIER ET VERGER

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

APPELANT :

Monsieur [K] [Z]

né le 06 Novembre 1959 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.R.L. ESCUDIER ET VERGER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualités audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2023 et prorogé au 31 janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [K] [Z] a été engagé par la S.A.R.L. Escudier et Verger à compter du 10 mars 2000 en qualité de manutentionnaire, dans un premier temps dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée saisonnier puis dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée verbal à compter du 1er septembre 2000, formalisé suivant contrat écrit le 7 novembre 2005.

M. [K] [Z] a été victime d’une maladie constatée le 27 février 2015 et prise en charge le 22 janvier 2016 au titre de la législation relative aux risques professionnels par la Caisse primaire d’assurance maladie, conformément à l’avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, à savoir une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite et de l’épaule gauche.

Le 27 mars 2015, dans le cadre d’une visite effectuée à la demande de l’employeur, le médecin du travail rendait l’avis suivant : ‘ apte – aménagement de poste : apte à son poste de manutentionnaire en évitant le port répétitif de charges > 15 kg, les contorsions, les tâches impliquant du surélever les membres supérieurs au niveau et au-dessus de l’horizontal et pratiquer une rotation sur des postes différents ( sauf des têtes de cageots) et une rotation pour chaque ” sur chaque poste. Pas de limitation quant aux heures supplémentaires avec une organisation de ce type. NB : salarié en situation de travail confortable à la chaîne’.

Le 16 juin 2015, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées lui renouvelait pour 5 ans à compter du 1er novembre 2014, avec un taux d’incapacité inférieur à 50%,la qualité de travailleur handicapé et une orientation en milieu ordinaire de travail.

Entre le 08 mars 2016 et le 4 décembre 2016, M. [K] [Z] faisait l’objet de plusieurs arrêts de travail.

Le 3 novembre 2016, suite à une visite de pré-reprise, le médecin du travail formulait les recommandations suivantes ‘ aménagement de poste, voire reclassement à prévoir sans geste répétitif, sans port de charge, sans contrainte bras en élévation’.

À l’issue de la visite médicale de reprise en date du 21 novembre 2016, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail dans les termes suivants : ‘Inaptitude définitive au poste en un seul avis. Restriction : Tout port de charge, geste répétitif et bras en élévation. Proposition poste de surveillance’.

Par courrier du 26 décembre 2016, la S.A.R.L. Escudier et Verger faisait connaître à M. [K] [Z] l’impossibilité de le reclasser au sein de l’entreprise.

Le 27 décembre 2016, M. [K] [Z] était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 6 janvier 2017.

Par courrier recommandé du 10 janvier 2017, il lui était notifié son licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre et reprochant à son employeur d’avoir manqué à son obligation de formation à son égard, le 26 avril 2017, M. [K] [Z] saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement du 29 juin 2017, a renvoyé l’examen de l’affaire au conseil de prud’hommes d’Alès en vertu de l’article 47 du code de procédure civile car le représentant légal de la société Escudier et Verger était membre du collège employeur de la section industrie du conseil de prud’hommes de Nîmes.

Après de multiples renvois, l’affaire a fait l’objet d’une radiation le 16 novembre 2018.

Par conclusions du 21 novembre 2018, M. [K] [Z] sollicitait le réenrôlement de l’affaire et par jugement rendu en formation de départage le 13 mai 2020, le conseil de prud’hommes d’Alès a :

– dit que la consultation des délégués du personnel a été régulièrement effectuée ;

– déclaré nul le licenciement de M. [K] [Z] prononcé par la S.A.R.L. Escudier et Verger le 10 janvier 2017 ;

– condamné la S.A.R.L. Escudier et Verger à verser à M. [K] [Z] la somme de 10.308,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

– condamné la S.A.R.L. Escudier et Verger à verser à M. [K] [Z] la somme de 5154,15 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– condamné la S.A.R.L. Escudier et Verger à verser à M. [K] [Z] la somme de 515,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

– débouté M. [K] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de la S.A.R.L. Escudier et Verger à son obligation de formation ;

– déclaré recevable la demande additionnelle de M. [K] [Z] pour la période courant du 26 avril 2015 au 8 mars 2016 ;

– débouté M. [K] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de la S.A.R.L. Escudier et Verger à son obligation de sécurité ;

– condamné la S.A.R.L. Escudier et Verger aux entiers dépens ;

– condamné la S.A.R.L. Escudier et Verger à verser à M. [K] [Z] la somme de 1200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par acte du 05 juin 2020, M. [K] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision, la procédure a été enregistrée sous le RG 20 01317.

Par acte du 11 juin 2020, la société Escudier et Verger a régulièrement interjeté appel de cette décision, la procédure a été enregistrée sous le RG 20 01378.

Dans chaque procédure, par ordonnance en date du 12 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 octobre 2022 à 16 heures. Les affaires ont été fixées à l’audience du 25 octobre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 juillet 2020, M. [K] [Z] demande à la cour de :

– recevoir son appel

– le dire bien fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il déclare nul son licenciement notifié le 10 janvier 2017,

– confirmer le jugement en ce qu’il condamne la S.A.R.L. Escudier et Verger à lui verser la somme de 10 308,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

– confirmer le jugement en ce qu’il condamne la S.A.R.L. Escudier et Verger à lui verser la somme de 5154,15 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– confirmer le jugement en ce qu’il condamne la S.A.R.L. Escudier et Verger à lui verser à la somme de 515,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

– confirmer le jugement en ce qu’il déclare recevable sa demande additionnelle pour la période courant du 26 avril 2015 au 8 mars 2016,

– réformer le jugement en ce qu’il le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de la S.A.R.L. Escudier et Verger à son obligation de formation ;

– réformer le jugement en ce qu’il le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de la S.A.R.L. Escudier et Verger à son obligation de sécurité de résultat;

En conséquence,

A titre principal,

– constater l’irrégularité de la procédure d’inaptitude intervenue avant que l’étude de poste soit réalisée et ce au mépris des dispositions de l’article R4624-31 du code du travail,

– dire en conséquence que la procédure est entachée de nullité,

En conséquence,

– condamner la S.A.R.L. Escudier et Verger à la somme de :

* 30 000 euros à titre de dommages intérêts venant sanctionner la nullité du licenciement, intervenu sans respect des procédures applicables et ce de façon discriminatoire sans recherche loyale et sérieuse de reclassement

* 95 euros à titre de prime de gratification pour le mois de décembre 2016,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de respect par l’employeur de ses obligations de formation et d’évolution dans l’emploi (article L 6321-1 du code du travail).

* 5580.93 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 558.09 euros de congés payés y afférents. (base 1860.3 euros brut mensuels).

* 5.000euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

A titre subsidiaire,

– dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,

En conséquence,

– condamner la S.A.R.L. Escudier et Verger à la somme de :

* 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque sans recherche loyale et sérieuse de reclassement et alors que l’inaptitude est due à une violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat,

* 95 euros à titre de prime de gratification pour le mois de décembre 2016,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de respect par l’employeur de ses obligations de formation et d’évolution dans l’emploi (article L 6321-1 du code du travail).

* 5580.93 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 558.09 euros de congés payés y afférents. ( base 1860.31euros brut mensuels).

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

Sur l’exécution du contrat de travail,

– condamner la S.A.R.L. Escudier et Verger à la somme de 5 000 euros pour manquement à l’obligation de formation et d’évolution,

– donner acte à l’employeur du versement de la gratification annuelle conventionnelle pour l’année 2016,

En tout état de cause,

– condamner la S.A.R.L. Escudier et Verger à la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [K] [Z] soutient que :

– contrairement à ce qu’affirme son employeur, ses demandes relatives à l’exécution loyale du contrat de travail ne sont pas nouvelles puisqu’elles se rattachent à la problématique du licenciement et elles ne sont pas prescrites puisqu’elles sont accessoires aux premières prétentions formées le 2 mai 2017,

– c’est à juste titre que le juge départiteur a retenu que son licenciement était entaché de nullité faute pour l’employeur d’avoir respecté l’article R4624-31 et l’article L1132-1 du code du travail puisque son inaptitude n’a pas été constatée conformément aux dispositions légales dès lors que le 21 novembre 2016, le médecin du travail l’a déclaré inapte définitivement à son poste de travail à l’issue d’une seule visite, sans mentionner une situation de danger immédiat, ce qui aurait dû donner lieu à une seconde visite, et par ailleurs, l’étude de poste a été faite postérieurement à la constatation de son inaptitude, soit le 7 décembre 2016,

– à titre subsidiaire son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de recherches loyales et sérieuses de reclassement, l’employeur n’a effectué aucune étude de poste, en conséquence, aucune recherche sérieuse de reclassement n’a pu être menée et par ailleurs, alors qu’il bénéficiait du statut de travailleur handicapé, l’employeur n’a aucunement démarché la Sameth pour connaître les possibilités d’un éventuel aménagement de poste,

– l’employeur a manqué à son obligation de formation dans la mesure où il n’a pu évoluer et acquérir de nouvelles compétences, ce qui lui a nécessairement causé préjudice au moment de la recherche de reclassement et lui cause toujours préjudice dans le cadre de sa recherche d’emploi,

– l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ce que, contrairement à ce qu’a retenu le juge départiteur, il n’est pas établi qu’à compter du mois de mars 2015, date à laquelle le médecin du travail déclarait que son poste devait être aménagé, et ce compte tenu de son handicap, des aménagements ont été faits.

En l’état de ses dernières écritures en date du 10 octobre 2022, la S.A.R.L. Escudier et Verger sollicite de la cour de :

Sur l’appel principal :

– confirmer le jugement de départage du conseil de prud’hommes d’Alès en ce qu’il a :

* débouté M. [Z] de sa demande indemnitaire au titre d’un prétendu manquement à une obligation de sécurité, objet du présent appel principal ;

* débouté M. [Z] de sa demande indemnitaire au titre d’un prétendu manquement à un devoir de formation, objet du présent appel principal,

Sur son appel incident :

– infirmer le jugement de départage du conseil de prud’hommes d’Alès en ce qu’il :

* a déclaré nul le licenciement de M. [Z] qu’elle a prononcé le 10 janvier 2017

* l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 10.308,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nuls

* l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 5.154,15 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 515,41 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

* déclaré recevable la demande additionnelle de M. [Z] pour la période du 26 avril 2015 au 8 mars 2016,

* l’a condamné aux entiers dépens,

* l’a condamnée à verser à M. [Z] la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a déboutée de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* a ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

Statuant à nouveau,

– déclarer le licenciement de M. [Z] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouter en conséquence M. [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

– déclarer en outre irrecevables les demandes nouvelles formées en cours de procédure par M. [Z] , ou en cas de recevabilité, l’en débouter ;

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle fait valoir que :

– la demande de M. [Z] au titre de la nullité du licenciement est tardive et irrecevable en l’absence de recours contre la décision rendue par le médecin du travail selon les modalités prévues par le code du travail,

– à la lecture de l’article R4624-31 du code du travail, rien n’impose au médecin du travail qu’une étude de poste soit faite antérieurement à l’avis d’inaptitude, au demeurant, si la visite médicale du 21 novembre 2016 est considérée comme irrégulière, seule la responsabilité de la médecine du travail est susceptible d’être mise en cause,

– elle a respecté son obligation de reclassement dans la mesure où après que M. [Z] ait été déclaré inapte, elle a immédiatement pris attache avec le médecin du travail afin qu’ils trouvent ensemble une solution ; après étude, aucun poste ou aménagement n’était compatible avec les aptitudes de M. [Z] ; de surcroît, malgré l’étendue des restrictions émises par le médecin du travail, elle a entrepris d’importantes démarches de recherches de reclassement facultatives,

– elle a appris que M. [Z] bénéficiait du statut de travailleur handicapé au travers des conclusions de ce dernier,

– contrairement à ce que soutient le salarié, elle a non seulement rempli son obligation de formation, mais est allé au-delà, puisque par la formation interne accordée, elle a conduit M. [Z] à une évolution de ses compétences, et de sa rémunération,

– M. [Z] ne démontre pas le préjudice qu’il aurait subi du fait de son licenciement,

– la demande de M. [Z] portant sur l’obligation de sécurité constitue une demande nouvelle et est irrecevable en application de l’article 70 du code de procédure civile et de surcroît, prescrite puisque la saisine initiale de M. [Z] faisait état d’une contestation de son licenciement, et du devoir de formation et d’adaptation au poste de travail, aucune prétention ne portait sur l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur et cette demande d’indemnisation au titre de l’obligation de sécurité est une demande autonome et ne se rattache pas au contentieux du licenciement,

– à titre subsidiaire, la demande de M. [Z] au titre de l’obligation de sécurité est infondée, puisque des aménagements de poste ont été opérés à l’issue du constat du médecin du travail du 27 mars 2015.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS

Jonction des procédures 20 01317 et 20 01378

La procédure enregistrée sous le RG 20 01317 concerne l’appel interjeté par M. [K] [Z] le 5 juin 2020 à l’encontre du jugement rendu le 13 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Alès.

La procédure enregistrée sous le RG 20 01378 concerne l’appel interjeté par la société Escudier et Verger le 11 juin 2020 à l’encontre du même jugement rendu le 13 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Alès.

Il est en conséquence d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction de ces deux procédures qui se poursuivront sous le RG 20 01317.

Recevabilité des demandes présentées au titre du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité

Au terme de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout.

En l’espèce, la S.A.R.L. Escudier et Verger conclut à l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts présentée en raison d’un manquement à l’obligation de sécurité dès lors que cette demande n’a pas été présentée dès l’acte introductif d’instance devant le conseil de prud’hommes mais seulement dans le cadre de ses conclusions n°3.

C’est par des motifs pertinents auxquels il convient de se référer que les premiers juges ont considéré que cette demande présentait un lien suffisant avec les demandes formulées dans le cadre de la requête introductive d’instance et déclaré la demande ainsi présentée recevable.

Ceci étant, il résulte des articles L 451-1 et L 142-1 du code de la sécurité sociale que si la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, qu’ils soient ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

Par suite, si la juridiction prud’homale peut examiner le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité dans le cadre de l’appréciation des circonstances dans lesquelles la rupture du contrat de travail est intervenue, en revanche la demande de dommages et intérêts présentée par M. [K] [Z] pour manquement à l’obligation de sécurité est de la seule compétence de la juridiction civile spécialement désignée pour connaître des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale, dont il n’est pas contesté qu’elle a été saisie par M. [K] [Z] pour voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur de son employeur.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts présentée par M. [K] [Z] en raison du manquement de son employeur à l’obligation de sécurité est irrecevable et de la compétence exclusive de la juridiction civile spécialement désignée pour connaître des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

Demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Selon l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.»

* Manquement à l’obligation de sécurité

L’article L.4121-2 précise que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.»

En l’espèce, M. [K] [Z] soutient que la S.A.R.L. Escudier et Verger n’a pas tenu compte de l’avis du médecin du travail en date du 27 mars 2015 dont les termes aux été rappelés dans l’exposé du litige, et qu’il a continué à cette date à travailler sans aménagement de son poste de travail.

Pour remettre en cause cette affirmation, la S.A.R.L. Escudier et Verger se réfère au dossier de la Caisse Primaire d’assurance maladie relatif à l’instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, à ses échanges avec le médecin du travail dès cet avis et au jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 2 décembre 2020 qui a débouté M. [K] [Z] de sa demande aux fins de voir reconnaître une faute inexcusable de l’employeur comme étant à l’origine de sa maladie professionnelle.

Il résulte du jugement rendu le 2 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes – Contentieux de la protection sociale dont il n’est pas contesté qu’il a acquis un caractère définitif ‘qu’il ne peut être retenu un manquement de l’employeur au titre des mesures prises pour préserver le salarié du danger’.

Lors de l’entretien individuel en date du 2 mars 2015, l’activité du salarié est décrite comme étant en poste sur ‘ cadreuse/fonceuse ; absence de palettes depuis opération d’une hernie discale (2006) ; déhouleuse’. L’agent enquêteur de la Caisse Primaire d’assurance maladie qui s’est déplacé sur site à deux reprises dans le cadre de l’instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle a confirmé cette description de l’activité de M. [K] [Z] et a précisé qu’il était antérieurement affecté à un poste de manutentionnaire à la dérouleuse ( impliquant des ramassages de plaques manuellement et un remplissage de chariot ) et avait été réaffecté suite à l’avis du médecin du travail au poste de cadreuse / fonceuse qu’il avait occupé initialement. Dans son procès-verbal, l’agent enquêteur après avoir décrit minutieusement l’activité de M. [K] [Z], conclut qu’il n’existe aucune élévation des bras au-delà de 90°, et que les différents gestes de travail ne nécessitent d’élever les bras au-delà de 60° que quelques minutes en cumulé par jour. Enfin, la demande de reconnaissance de maladie professionnelle a été soumise pour avis au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles en raison de l’absence d’exposition au risque tel que définit au tableau 57 des maladies professionnelles.

Il est ainsi établi que la S.A.R.L. Escudier et Verger s’est conformé aux recommandations du médecin du travail et qu’aucun manquement à l’obligation de sécurité ne peut lui être reproché.

* Manquement à l’obligation de formation

A titre liminaire, il sera observé que M. [K] [Z] présente une demande au titre du manquement de l’employeur à l’obligation de formation en visant non pas l’article L 4121-1 du code du travail mais l’article L 6321-1 qui définit le devoir d’adaptation à la charge de l’employeur.

Ainsi, aux termes de l’article L. 6321-1 du Code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Le devoir d’adaptation est une obligation légale de l’employeur. Le manquement de l’employeur est établi dès lors que le salarié n’a bénéficié d’aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Dès lors que l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper à un emploi relève de l’initiative de l’employeur, il importe peu qu’un salarié n’ait pas formulé de demande de formation. Le manquement de l’employeur entraîne un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail et qu’il appartient au juge d’évaluer.

Si l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut lui être imposé d’assurer la formation initiale qui leur fait défaut.

En l’espèce, M. [K] [Z] affirme qu’il n’a pas pu évoluer et acquérir de nouvelles compétences ce qui lui a nécessaire causé un préjudice et réfute la pertinences des formations rappelées par l’employeur qu’il ne conteste pas avoir suivies, soit la prévention des risques liés à l’activité physique et la manipulation des extincteurs. Il ne mentionne pas les formations qu’il aurait été souhaitable qu’il puisse suivre, en dehors de celles dont il a bénéficié.

Plus précisément, il résulte des pièces produites par la S.A.R.L. Escudier et Verger que M. [K] [Z] a suivi les formations suivantes :

– prévention des risques liés à l’activité physique le 5 novembre 2007,

– pratique complémentaire à la prévention des risques liés à l’activité physique le 28 janvier 2008,

– équipier de première intervention le 10 juillet 2015,

– manipulation extincteurs – équipier de première intervention le 25 février 2015,

– incendie – manipulation des extincteurs le 8 mars 2016.

Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [K] [Z], les formations suivies lui ont permis de maintenir sa capacité à occuper son poste de manutentionnaire, les deux premières formations étant en lien direct avec cette fonction, et à améliorer ses compétences par l’acquisition de gestes et postures techniques adaptés à son emploi ainsi que de nouvelles compétences quant à la procédure à suivre en cas d’incendie s’agissant des trois suivantes.

Aucun manquement n’est par suite imputable à l’employeur et c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [K] [Z] de la demande présentée de ce chef.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

M. [K] [Z] a été licencié pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier en date du 10 janvier 2017 rédigé dans les termes suivants :

‘ Monsieur,

Nous faisons suite à l’entretien préalable à votre licenciement en date du 6 janvier 2017 et nous notifions votre licenciement pour inaptitude physique à l’emploi et impossibilité de procéder à votre reclassement.

Nous vous informons que vous percevrez l’indemnité spéciale de licenciement outre l’indemnité spéciale prévue à l’article L 1226-14 du code du travail étant précisé que cette indemnité n’étant pas une indemnité compensatrice de préavis, elle n’a pas pour effet de retarder la date de fin de contrat et n’ouvre pas droit à congés payés.

La date d’envoi de la présente fixera la date de rupture de votre contrat de travail.

Nous tenons à votre entière disposition le solde de votre compte, votre certificat de travail et l’attestation destinée au Pôle Emploi que nous vous invitons à retirer durant les heures d’ouverture de la société.

En application de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, vous pourrez bénéficier, à compter de la date de cessation de votre contrat de travail, du maintien à titre gratuit des garanties liées aux risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ainsi que des garanties liées au risque décès ou aux risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, et ce pour une période égale au maximum à la durée d’indemnisation du chômage et dans la limite du dernier contrat de travail, sans pouvoir excéder 12 mois.

Les garanties maintenues seront identiques à celles en vigueur dans l’entreprise et seront applicables dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui en bénéficiaient effectivement à la date de cessation du contrat de travail.

Vous trouverez en annexe les notices explicatives correspondantes que nous vous invitons à lire avec attention.

A toutes fins utiles, nous vous rappelons que vous disposez d’un compte personnel de formation ( CPF) crédité en heures. Pour toute information sur le compte personnel de formation vous pouvez consulter le site www.moncompteformation.gouv.fr.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de votre inaptitude à votre poste de travail ainsi que l’absence de toute possibilité de reclassement.

Vous exercez au sein de la société les fonctions de manutentionnaire.

Du 8 mars 2016 au 30n novembre 2016, vous avez été absent dans le cadre d’un arrêt de travail pour maladie professionnelle.

Le 3 novembre 2016, vous avez été reçu par les services de la médecine du travail dans le cadre d’une visite de pré-reprise suite à une maladie professionnelle.

Le 21 novembre 2016, vous avez bénéficié d’une visite médicale de reprise à l’issue de laquelle vous avez été déclaré définitivement inapte en un seul examen, du fait de la tenue d’une visite de pré-reprise en date du 3 novembre 2016, dans les termes suivants :

‘ inaptitude définitive au poste en un seul examen.

Restriction : tout port de charge, gestes répétitifs et bras et élévation

Proposition : poste de surveillance’.

Malgré les restrictions évoquées, nous avons mis en oeuvre des recherches que nous avons souhaitées les plus étendues possibles afin de permettre votre reclassement éventuel au sein de l’entreprise ou une adaptation de votre poste.

Plus particulièrement, nous avons consulté, par courrier du 1er décembre 2016, le médecin du travail afin de l’interroger sur la possibilité d’envisager votre reclassement et/ou une adaptation de votre poste.

Notamment, dans la mesure où les recherches de reclassement devaient s’orienter vers un poste sans port de charge, gestes répétitifs et élévation des bras, nous lui avons indiqué qu’aucun poste de surveillance n’existait au sein de l’entreprise, suite à sa proposition de poste mentionnée sur l’avis d’inaptitude du 21.11.2016.

Par ailleurs, nous lui avons précisé que, selon nous, un reclassement sur un poste de production était totalement inenvisageable compte tenu des taches liées à ces postes et à votre état de santé.

Enfin, nous lui avons demandé de nous indiquer si votre reclassement était possible sur un poste de type administratif. Dans l’affirmative, nous lui avons indiqué que nous solliciterions les salariés affectés à de tels postes afin de savoir s’ils accepteraient une permutation.

Par courrier du 1er décembre 2016, le médecin confirmait ses précédentes conclusions en précisant que ‘ d’après vos propositions ( courrier du 01 décembre 2016 ) je ne vois aucun poste compatible. Un poste administratif ( sans ‘déshabiller Paul pour habiller Pierre’) pourrait être proposé.’

Sur la base de ces éléments, nous avons donc engagé une recherche active de solutions de reclassement reprenant les préconisations du médecin du travail au sein de notre structure.

Le 7 décembre 2016, le Docteur [O] s’es déplacée au sein de la société afin de réaliser une étude de poste.

Lors de cette étude de poste, le médecin du travail nous a précisé que tout aménagement ergonomique, organisationnel ou horaire de votre poste était à exclure.

De même, il a exclu tout reclassement sur un poste de production, les tâches correspondantes à ce type de poste n’étant pas compatibles avec votre état de santé.

De plus, à l’occasion de cette étude, vous étiez présent et vous nous avez fait part de votre volonté de quitter la société afin de changer d’orientation professionnelle et de vous diriger vers un poste de surveillance.

En interne, nous avons malgré tout recherché tous les postes compatibles avec vos aptitudes physiques.

Notre société est composée des postes suivants :

– écorceur ;

– tronçonneur ;

– scieur à tassaux ( poste de carrelets ) et contrôle ;

– dérouleur ;

– trieur et stockeur de planches ;

– marquage de planches ;

– assemblage de la tête ;

– alimentation manuelle des têtes à la cadreuse – A ;

– alimentation des tapis en tête – B ;

– cadreuse ( poste 1 ) ;

– fonceuse ( poste 2 ) ;

– réparation produits ( poste 3 ) ;

– emboîtage à la main – D ;

– palettisation – E ;

– manutention manuelle de la palette – F ;

– cariste ;

– chauffeur poids lourd et/ou super lourd ;

– responsable de dépôt ;

– électromécanicien ;

– chef de production ;

– secrétaire ;

– comptable ;

– DRH et gestion clientèle.

S’agissant des postes de production, vous avez été déclaré inapte à ce type de poste par le médecin du travail, rendant son reclassement en production inenvisageable.

Bien plus, les postes susvisés impliquent tous, à plus ou moins grande fréquence, le port de charge, de gestes répétitifs et une élévation des bras.

La médecine du travail nous a indiqué que vos restrictions médicales ne peuvent vous conduire à occuper de tels postes et/ou à les adapter.

Aussi, et compte tenu de l’étendue de votre inaptitude, il apparaît que l’ensemble de ces postes ne sont pas compatibles avec votre état de santé.

S’agissant des postes administratifs, l’ensemble de ces postes est pourvu et aucune création n’est envisagée à ce jour.

Bien plus, vous ne disposez pas de la formation et de la qualification requise pour accéder rapidement à ceux-ci.

Plus encore, compte tenu de l’étendue de votre inaptitude et de l’organisation de la société, il apparaît qu’une adaptation de poste est également impossible.

Toutefois, nous avons interrogé les salariés occupant de telles fonctions afin de déterminer s’ils accepteraient une permutation de leur poste avec le vôtre.

Cependant, les trois agents administratifs nous ont informés qu’ils refusaient la permutation.

De surcroît, vous nous avez confirmé, lors de l’étude de postes, que vous n’estimiez pas disposer des compétences nécessaires à un reclassement sur ce type de poste.

En conséquence, nous ne pouvons que constater l’impossibilité de procéder à votre reclassement sur un poste de type administratif.

En externe, compte tenu de votre souhait de vous réorienter professionnellement, nous avons pris attache avec des sociétés exerçant une activité de surveillance.

Nous leur avons demandé de procéder à des recherches sur des postes aussi comparables que possible à celui que le salarié occupe au sein de la société au besoin par la mise en oeuvre d’une mesure telle que mutation ou transformation de poste de travail ou aménagement de temps de travail.

A défaut de poste équivalent, nous leur avons demandé d’étendre ces recherches aux postes de qualification inférieure.

Malheureusement, ces recherches n’ont pas abouties.

Dès lors, au terme de nos recherches, nous parvenons aux constats suivants :

– compte tenu des restrictions médicales constatées, aucun poste correspondant à ces restrictions médicales n’est disponible à ce jour au sein de notre société,

Plus précisément, les salariés occupant un poste administratif ont refusé de permuter leur poste de travail avec le vôtre.

– en externe, les recherches de reclassement entreprises n’ont pas permis de vous proposer de poste.

Nous aboutissons donc au constat selon lequel l’ensemble des recherches réalisées n’a pu aboutir, ce qu’ont confirmé les délégués du personnel consultés le 23 décembre 2016 quant aux recherches de reclassement entreprises.

Par courrier recommandé du 26 décembre 2016, nous vous avons fait part de notre impossibilité de procéder à votre reclassement.

Le 27 décembre 2016, nous vous avons adressé un courrier recommandé de convocation à un entretien préalable à licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement devant se dérouler le 6 janvier 2017.

Lors de cet entretien, auquel vous vous êtes présenté, nous avons échangé sur les recherches de reclassements menées et l’impossibilité de reclassement sur d’autres postes au sein de la société. Vous nous avez, à nouveau, confirmé souhaiter vous réorienter professionnellement dans les métiers de la surveillance, ce qui nous a amené à conclure, ensemble, qu’un reclassement au sein de l’entreprise n’était pas envisageable.

Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, l’entreprise ne peut que conclure à l’impossibilité de procéder à votre reclassement.

Dans ce contexte, nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments dévoués.’

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que le licenciement de M. [K] [Z] a été prononcé pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Il sera observé que la régularité de la procédure de consultation des délégués du personnel contestée en première instance n’est plus contestée par M. [K] [Z] à ce stade de la procédure.

* régularité de la procédure de constatation de l’inaptitude par le médecin du travail

Par application des dispositions de l’article L 4624-1 du code du travail dans sa version applicable du 28 janvier 2016 au 1er janvier 2017, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Il peut proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien dans l’emploi.

L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.

En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Il en informe l’autre partie. L’inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

Le rapport annuel d’activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données selon le sexe. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles de rapport annuel d’activité du médecin du travail et de synthèse annuelle de l’activité du service de santé au travail.

L’article R 4624-31 du code du travail dispose que le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé :

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l’entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu’un examen de pré-reprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

L’article R 4624-35 du code du travail précise qu’en cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l’employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par tout moyen permettant de leur conférer une date certaine, à l’inspecteur du travail dont relève l’établissement qui emploie le salarié. La demande énonce les motifs de la contestation.

Il résulte de ces textes qu’il n’appartient pas au juge judiciaire, saisi d’une contestation afférente à la licéité du licenciement d’un salarié déclaré inapte à son poste de travail, de se prononcer sur le respect par le médecin du travail de son obligation de procéder à une étude de poste et des conditions de travail dans l’entreprise, celle-ci ne pouvant s’exercer qu’en suivant la procédure prévue par les articles L 4624-1 et R 4624-35 du code du travail, c’est-à-dire en saisissant l’inspecteur du travail.

Par suite, en l’absence de recours exercé devant l’inspecteur du travail contre l’avis du médecin du travail, celui- ci s’impose aux parties et au juge, quelles que soient les circonstances ou les irrégularités formelles de l’avis, celles ci ne pouvant justifier une contestation du licenciement prononcé sur son fondement.

En l’espèce, l’avis d’inaptitude en date du 21 novembre 2016 qui mentionne et développe expressément les ‘ voies et délais de recours par le salarié et l’employeur’, soit un recours dans le délai de deux mois par lettre recommandée avec demande d’ avis de réception adressé à l’inspecteur du travail, n’ a fait l’objet d’aucune contestation.

Par suite, cet avis s’impose aux parties et ne peut être remis en cause au titre d’une éventuelle nullité de la procédure de licenciement ou d’une requalification du licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

* existence d’une cause réelle et sérieuse

L’article L.1226-10 dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2017 au 24 septembre 2017, dispose que lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’article L.1226-12 du code du travail dans sa version applicable depuis le 8 août 2016 précise que lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

En cas de constat d’inaptitude à reprendre l’emploi précédemment occupé, le salarié bénéficie d’un droit au reclassement affirmé dans son principe par les articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail. Qu’elle soit totale ou partielle, temporaire ou permanente l’inaptitude ouvre droit à cette obligation.

L’obligation de reclassement est mise à la charge de l’employeur qui doit rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu’il formule sur l’aptitude de l’intéressé à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

Les recherches et propositions de reclassement doivent être «sérieuses». L ’emploi offert doit être aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le médecin du travail a la possibilité de « dispenser » l’employeur de rechercher un reclassement par une mention expresse dans l’avis d’inaptitude, quelle que soit l’origine de l’inaptitude et quelle que soit la nature du contrat de travail dans l’hypothèse où « le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et dans l’hypothèse où « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »

Les propositions de reclassement faites par l’employeur doivent être loyales et sérieuses. L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. L’appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond. L’obligation de recherche n’implique pas que l’employeur soit tenu de proposer un poste qui n’est pas disponible ou d’imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail afin de libérer son poste pour le proposer en reclassement au salarié inapte.

S’agissant de la charge de la preuve, il incombe à l’employeur de prouver qu’il a mis en oeuvre toutes les possibilités de reclassement.

L’ avis du médecin du travail du 21 novembre 2016 est formulé dans les termes suivants: ‘Inaptitude définitive au poste en un seul avis. Restriction : Tout port de charge, geste répétitif et bras en élévation. Proposition poste de surveillance’

Par courrier en date du 1er décembre 2016, la S.A.R.L. Escudier et Verger interrogeait précisément le médecin du travail sur les possibilités de reclassement dans l’entreprise, en l’absence de postes de surveillance tels que préconisés dans l’avis d’inaptitude et listait les différents postes existants, une étude de poste concernant l’ensemble des emplois de l’entreprise étant jointe au courrier.

Par courrier en réponse, le médecin du travail indiquait ‘ d’après vos propositions (courrier du 1er décembre 2016 ) je ne vois aucun poste compatible. Un poste administratif ( sans ‘déshabiller Paul pour habiller Pierre’) pourrait être proposé, moyennant formation’.

Dans un courrier établi ultérieurement, soit le 7 novembre 2017, le médecin du travail indiquait après avoir rappelé les différentes visites médicales et les échanges avec l’employeur ‘ au vue de l’étude de poste faite au siège de l’entreprise en présence de Monsieur et madame Escudier ainsi que Monsieur [Z] [K], toutes les possibilités de reclassement ont été envisagées :

– pour un poste aussi comparable que possible au poste initial,

– compatible aux capacités du salarié,

– et conforme aux restrictions d’inaptitude.

Il n’existe pas de poste de surveillant dans la société, ni de poste administratif disponible.

En conclusion, il a été confirmé que l’état de santé de Monsieur [Z] [K] faisait obstacle à tout reclassement dans cette société’.

La S.A.R.L. Escudier et Verger justifie avoir interrogé les salariés occupant des postes administratifs sur une éventuelle permutation de leur poste avec M. [K] [Z] et leur réponse négative.

Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. [K] [Z], aucun reclassement au sein de l’entreprise ne pouvait être envisagé, et ce en l’absence de ‘poste de surveillance’ et de poste administratif disponible.

Par ailleurs, les propositions d’aménagement de poste ont été formulées dès mars 2015 par le médecin du travail et ont été mises en oeuvre par l’employeur ainsi que développé dans le cadre du respect par l’employeur de son obligation de sécurité. Le médecin du travail associé à la recherche de reclassement n’a jamais considéré qu’il ne disposait pas des capacités suffisantes et qu’il devait bénéficier du soutien de la SAMETH.

Enfin, et bien que n’appartenant à aucun groupe, la S.A.R.L. Escudier et Verger a procédé à des recherches de reclassement en externe, sans succès.

En conséquence, la S.A.R.L. Escudier et Verger a procédé en vain à une recherche loyale et sérieuse de solution de reclassement avant de notifier à M. [K] [Z] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Il en résulte que le licenciement de M. [K] [Z] procède d’une cause réelle et sérieuse et qu’il doit être débouté de ses demandes indemnitaires.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les RG 20 01317 et 20 01378 et dit que l’instance se poursuivra sous le RG 20 01317,

Infirme le jugement rendu le 13 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Alès, sauf en ce qu’il a dit que la consultation des délégués du personnel a été régulièrement effectuée,

et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,

Déclare M. [K] [Z] irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

Déboute M. [K] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation,

Juge que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié par la S.A.R.L. Escudier et Verger à M. [K] [Z] est régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [K] [Z] de ses demandes indemnitaires subséquentes,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d’obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire,

Condamne M. [K] [Z] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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