Chauffeur Poids-Lourd : décision du 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01645

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 31 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01645
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ARRÊT N°

N° RG 20/01645 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HXZO

EM/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

25 mars 2020

RG :18/00185

[E]

C/

S.A.S.U. SOCIETE DE TRANSPORT BIOCOOP

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

APPELANT :

Monsieur [K] [E]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Alexandra BOUILLARD, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S.U. SOCIETE DE TRANSPORT BIOCOOP

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Catherine DAVICO-HOARAU de la SCP COBLENCE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [K] [E] a été engagé par la Sasu Transport Biocoop, initialement suivant contrat de travail à durée déterminée de janvier 2016 à janvier 2017, puis suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du mois de février 2017, en qualité de conducteur routier.

Il a fait l’objet de deux sanctions disciplinaires le 31 juillet 2017 (avertissement) et le 22 septembre 2017 (mise à pied disciplinaire).

Par courrier du 21 octobre 2017, M. [K] [E] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 02 novembre 2017, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 06 novembre 2017, M. [K] [E] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, M. [K] [E] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon le 20 avril 2018, afin de faire constater qu’il relevait du coefficient 150 M et pour qu’il soit dit et jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 25 mars 2020, le conseil de prud’hommes d’Avignon a débouté M. [E] de l’intégralité de ses demandes et a dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Par acte du 09 juillet 2020, M. [K] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 18 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 novembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 08 novembre 2022 à laquelle elle a été retenue.

Aux termes de ses dernières conclusions, M. [K] [E] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal du conseil de prud’hommes d’Avignon en date du 25 mars

2020,

Et statuant à nouveau :

– dire et juger qu’il est bien fondé en sa demande,

Sur l’exécution du contrat :

– dire et juger qu’il relevait du coefficient 150M,

– enjoindre la société Biocoop Transport à rééditer l’ensemble de ses bulletins de salaire et certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour sous quinzaine à compter de la notification du jugement à venir,

– déclarer que le conseil se réserve le droit de liquider les astreintes par lui institué,

Sur les sanctions disciplinaires :

– annuler l’avertissement qui lui a été notifié le 31/07/2017 et la mise à pied disciplinaire du 22/09/2017,

Sur le licenciement :

– déclarer que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Biocoop Transport à lui verser la somme de 2 310,35 euros en indemnisation du préjudice subi du fait du licenciement dépourvu sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Biocoop Transport à lui verser la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral distinct,

Sur les frais de justice :

– condamner la société Biocoop Transport à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Biocoop Transport aux entiers dépens.

Il soutient que :

– en application de l’annexe 1 de la convention collective applicable, il est en droit de solliciter le bénéfice du coefficient 150 M, justifiant être titulaire d’un titre professionnel, conduire des véhicules de plus de 19 tonnes, effectuer des trajets de plus de 250 kms dans un sens, avoir acquis 64 points alors que l’accord en exige 55, que le conseil de prud’hommes a commis une erreur d’appréciation dans la lecture de l’annexe 1 lequel ne fait que donner des exemples de missions confiées à un salarié relevant du groupe 7 et qui n’exige pas que toutes ces tâches soient remplies pour répondre de la catégorie,

– les deux sanctions disciplinaires dont il a fait l’objet, un avertissement le 31 juillet 2017 et une mise à pied disciplinaire le 22 septembre 2017 ne sont pas justifiées, qu’il conteste les faits à l’origine de ces deux mesures qu’il convient dès lors d’annuler,

– les griefs évoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas établis, Mme [Z] a retranscrit de façon mensongère les faits qui se sont déroulés le 20 octobre 2017, que l’exercice par un salarié de sa liberté d’expression ne peut jamais caractériser une faute professionnelle, que les faits du 25 mai 2017 sont prescrits, que pour les faits du 21 septembre 2017, il n’a fait que suivre les consignes et a déposé la palette à l’endroit indiqué habituellement dans le magasin, qu’il n’a pris aucune initiative et n’a donc commis aucune faute contractuelle, qu’il a toujours présenté son permis de conduire à la première demande, qu’il est intolérable de refuser de remettre spontanément sa fiche de paie à échéance, et de lui demander systématiquement une présentation de permis comme préalable, que s’agissant des mauvaises manipulations du chronotachrygraphe, dans la flotte de la société de nombreux camions étaient équipés d’un appareil qui se mettait automatiquement en pause en cas d’arrêt du véhicule, d’autres camions restaient en mode travail en cas d’arrêt du véhicule laissant au chauffeur le soin de déclencher son temps de pause, que des mauvais réglages entraînaient des erreurs et que ces réglages incombaient à l’employeur.

En l’état de ses dernières écritures, la Sasu Transport Biocoop demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter M. [E] de l’intégralité de ses demandes et le condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

– M. [K] [E] ne maîtrisait pas les différentes tâches listées dans l’annexe 1 de la convention collective, qu’il n’a pas été par exemple capable de garantir la préservation des marchandises transportées notamment le 21 septembre 2017, ni de satisfaire la clientèle par exemple le 13 juillet 2017, ni de rendre compte d’un incident de la route ou de maîtriser son véhicule, par exemple le 28 avril 2017, qu’il ne maîtrisait donc pas les différentes tâches exigées visées par cet accord, que salarié n’avait une expérience de chauffeur poids lourds que depuis avril 2014 et de chauffeur super-poids lourd que depuis décembre 2016 si l’on se réfère à son curriculum vitae, que les critères qualitatifs d’appartenance au groupe 7 sont des critères cumulatifs avec l’obtention d’un minimum de 55 points,

– les faits qui ont justifié un avertissement et une mise à pied disciplinaire sont établis,

– l’ensemble des griefs visés dans la lettre de licenciement sont également établis de sorte que M. [K] [E] sera débouté de sa demande tendant à dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– à titre subsidiaire, elle entend rappeler que l’article L1235-3 du code du travail prévoit en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse une indemnité maximale d’un mois, que la demande d’indemnité pour préjudice moral distinct présentée par M. [K] [E] apparaît exorbitante puisqu’il ne justifie pas du quantum réclamé.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS :

Compte tenu de l’accord des parties, il y a lieu de prononcer le rabat de l’ordonnance de clôture pour que soient prises en comptes leurs dernières conclusions et la pièce n°10 que M. [K] [E] a produite aux débats.

Sur la demande de réédition des bulletins de salaire au coefficient 150M :

Pour prétendre au bénéfice d’une classification de niveau supérieur, le salarié doit satisfaire à l’ensemble des conditions requises par le coefficient réclamé, et c’est à lui de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il estime être la sienne.

La Convention Collective Nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport définit le contenu et les conditions d’exercice des emplois des personnels ouvriers du transport regroupés en sept catégories ; à chacune d’entre elles correspondent un numéro de groupe et un coefficient.

La classe M comprend le transport routier de marchandises, régulier ou non, interurbain, sur longue distance et international; les groupes 5, 6 et 7 concernent les conducteurs opérant sur des poids lourds de plus de onze tonnes de poids total utilisé en charge.

L’accord du 16 juin 1961 annexé de la convention collective prévoit que :

pour le groupe 6 (coefficient 138M) : Conducteur de véhicule poids lourd de plus de 19 tonnes de poids total en charge. – Ouvrier chargé de la conduite d’un véhicule poids lourd de plus de 19 tonnes de poids total en charge et répondant en outre à la définition du conducteur du groupe 3.

La possession du certificat d’aptitude professionnelle ou d’un diplôme FPA peut être exigée des ouvriers classés dans ce groupe d’emploi.

pour le groupe 7 (coefficient 150M) : Conducteur hautement qualifié de véhicule poids lourd. – Ouvrier chargé de la conduite d’un véhicule automobile, porteur ou tracteur, et ayant la qualification professionnelle nécessaire à l’exécution correcte (c’est-à-dire avec le triple souci de la sécurité des personnes et des biens, de l’efficacité des gestes ou des méthodes et de la satisfaction de la clientèle) de l’ensemble des tâches qui lui incombent normalement (c’est-à-dire conformément à l’usage et dans le cadre des réglementations existantes) dans l’exécution des diverses phases d’un quelconque transport de marchandises.

En particulier :

* utilise rationnellement (c’est-à-dire conformément aux exigences techniques du matériel et de la sécurité) et conserve en toutes circonstances la maîtrise de son véhicule ; en assure le maintien en ordre de marche ;

* a les connaissances mécaniques suffisantes pour lui permettre soit de dépanner son véhicule, s’il en a les moyens, soit en cas de rupture de pièces ou d’organes de signaler à l’entreprise la cause de la panne;

* peut prendre des initiatives notamment s’il est en contact avec le client;

* est capable de rédiger un rapport succinct et suffisant en cas d’accident, de rendre compte des incidents de route et des réparations à effectuer à son véhicule ;

* assure l’arrimage et la préservation des marchandises transportées;

* est responsable de la garde de son véhicule, de ses agrès, de sa cargaison et, lorsque le véhicule est muni d’un coffre fermant à clé, de son outillage ;

* peut être amené en cas de nécessité à charger ou à décharger son véhicule.

Doit en outre justifier habituellement d’un nombre de points égal au moins à 55 en application du barème ci-après:

* conduite d’un véhicule de plus de 19 tonnes de poids total en charge: 30 points ;

* services d’au moins 250 kilomètres dans un sens : 20 points ;

* repos quotidien hors du domicile (au moins trente fois par période de douze semaines consécutives) : 15 points ;

* services internationaux à l’exclusion des services frontaliers (c’est-à-dire ceux effectués dans une zone s’étendant jusqu’à 50 kilomètres à vol d’oiseau des frontières du pays d’immatriculation du véhicule) : 15 points ;

* conduite d’un ensemble articulé ou d’un train routier : 10 points ;

* possession du CAP ou d’un diplôme de FPA de conducteur routier : 10 points. L’attribution de points pour la conduite de véhicule assurant des transports spéciaux sera de droit pour les titulaires de tout titre de qualification professionnelle reconnu par les parties signataires.

En l’espèce, M. [K] [E] qui justifie être titulaire d’un titre professionnel de conducteur de transport routier de marchandises sur porteur délivré le 12 mars 2013, soutient qu’il conduisait des véhicules de plus de 19 tonnes et effectuait des trajets de plus de 250 kilomètres dans un sens, qu’il avait acquis 64 points et devait donc être rattaché au groupe 7 prévu à la convention collective et plus particulièrement au coefficient 150 M, considèrant que les conditions prévues par la convention ne sont pas cumulatives de sorte que le conseil de prud’hommes a commis une erreur d’appréciation.

La Sas Transport Biocoop conclut au rejet de cette demande au motif que M. [K] [E] ne maîtrisait pas les différentes tâches exigées par les textes, qu’il n’avait une expérience de chauffeur poids lourds que depuis 2014 et de chauffeur super-poids lourd que depuis décembre 2016 et qu’il percevait un salaire supérieur au coefficient qui lui avait été attribué, 138 M. La Sas Transport Biocoop produit aux débats à l’appui de cette contestation :

– un courriel envoyé par Mme [R] [Y] à M. [L] [O] le 13 juillet 2017 “…quelle est ma surprise d’apprendre qu’un de nos chauffeurs a eu un comportement déplacé en paroles avec un de mes salariés…Je suis allée visionner les caméras…dans les réserves…on voit le chauffeur entrer dans la grande réserve et trouver un chariot vide mis à côté d’une pile de palettes…attraper le chariot, le balancer de colère contre les portes coupe-feu, arriver avec son transpal électrique pour entrer la petite palette de fruits et légumes…de nouveau saute d’humeur, il balance le transpal électrique..dans un container cartons qui n’était pas dans son passage…le chauffeur apparemment ne sait pas se servir d’un transpal…il s’est énervé car il n’y arrivait pas…de là à envoyer ‘chier’ le salarié en disant que notre réserve c’est toujours le bordel et qu’i l n’est pas là pour ranger notre merde et faire notre boulot…je reste extrêmement déçu d’un tel comportement’,

– un bon de trois palettes et demi émis par la Sas Transport Biocoop à la date du 13 juillet 2017 au nom de M. [K] [E] pour le magasin Mariuz à [Localité 7], supportant une signature au nom du salarié,

– une facture du 10 mai 2017 établie par la Sci les Condamines relative à des travaux de réparation d’une boîte aux lettres d’un montant de 822,96 euros avec une mention manuscrite ‘conducteur [E] [K] véhicule 780 T16”,

– un courriel de Mme [A] [H] le 02 mai 2017 ‘je viens d’avoir [W] [S] lors de sa manoeuvre en reculant notre conducteur est venu percuter les 8 boîtes aux lettres voir photo en pièce jointe, le magasin est sûr que c’est notre véhicule il y a des témoins ; d’après le planning le conducteur concerné est [E] [K] avec le [Immatriculation 4]’,

– un document photographique représentant une boîte aux lettres endommagée,

– un document récapitulatif des expériences et formations de M. [K] [E].

Si les éléments versés aux débats par la Sas Transport Biocoop ne permettent pas d’attribuer de façon certaine les faits concernant la dégradation des boîtes aux lettres, les indices se rapportant aux faits du 13 juillet 2017 sont suffisamment précis et convergents pour en établir la matérialité et les imputer à M. [K] [E].

Outre le fait que M. [K] [E] avait une expérience de chauffeur poids lourd et super poids lourd très récente, selon les mentions figurant sur la fiche récapitulative de sa situation professionnelle, qu’il ne justifie pas pouvoir prétendre à 55 points de façon habituelle, le salarié ne fournit aucun élément de nature à démontrer qu’il disposait des qualifications professionnelles nécessaires à l’exécution correcte de l’ensemble des tâches qui lui incombaient, et l’employeur démontre, au contraire, que le salarié a adopté un comportement professionnel inadapté, notamment, le 13 juillet 2017, ce qui ne permet pas de considérer comme acquis certains des critères qualitatifs exigés par l’accord susvisé pour accéder au coefficient 150 M.

A défaut de remplir les conditions exigées par la convention collective pour bénéficier du coefficient 150 M, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes d’Avignon a débouté M. [K] [E] de sa demande de classification et des demandes qui en découlent.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur l’annulation des sanctions disciplinaires :

La Sas Transport Bioccop a notifié à M. [K] [E] deux sanctions disciplinaires le 31 juillet 2017 et le 22 septembre 2017:

– avertissement par courrier du 31 juillet 2017 ‘…le mercredi 13 juillet 2017 nous avons reçu un mail de la gérante de Biocoop d'[Localité 7] nous avisant que lors de la livraison de ce même jour, vous avez eu un comportement déplacé en paroles avec un de ses salariés. En effet, vous vous êtes adressé au salarié très énervé en lui disant je cite ‘votre réserve c’est toujours le bordel, je ne suis pas là pour ranger votre merde et faire votre boulot’…au cours de notre entretien mercredi 26 juillet 2017 à 11h30…vous avez reconnu les faits et les explications recueillies auprès de vous ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous ne pouvons tolérer et cautionner de tels propos et agissements violents. Votre comportement n’est pas en adéquation avec les valeurs indéniables et engagements du réseau Biocoop qui s’articulent autour du respect d’autrui, de la politesse et de la courtoisie…’,

– mise à pied à titre disciplinaire par courrier du 22 septembre 2017 : …nous avons à déplorer le non-respect des ordres et consignes que nous vous avons adressés. Dans la nuit du 28 au 29 août 2017 vous avez mis votre carte conducteur dans le sélecteur à 16h07 pour un départ initialement programmé à 16h30 à aucun moment, nous ne vous avons demandé de procéder de la sorte vous avez procédé, en agissant ainsi, à une infraction de classe 5; ce problème s’est reproduit le 04 septembre 2017…Le 06 septembre 2017 insertion de la carte à 21h44 au lieu de 22h30. Le 25 août 2017 vous vous êtes mis en repos au lieu de vous mettre en travail sur la période 19h22 à 22h07.Vous avez demandé à nos services d’ajouter 40 minutes de travail sur votre paie en raison de votre mauvaise manipulation du chronotachygraphe. Le 01 septembre 2017 vous avez demandé une nouvelle fois à nos services d’ajouter 45 minbutes de travail en raison de deux mauvaises manipulations du chronotachygraphe dans la même tournée. Je vous rappelle qu’en tant que conducteur routier Poids lourd vous êtes tenu de manipuler correctement le chronotachygraphe et que ces demandes répétées auprès de nos services constituent une charge de travail anormale…’.

Pour justifier le bien fondé de ces sanctions, la Sas Transport Biocoop produit aux débats :

– des relevés d’enregistrement des chronotachygraphes utilisés par M. [K] [E] qui font apparaître pour :

* le 28 novembre 2017 : M. [K] [E] a introduit sa carte conducteur à 16h07 soit 33 minutes avant le départ effectif,

* le 25 août 2017 : M. [K] [E] se met en position repos entre 19h22 à 20h07 au lieu de se positionner en livraison ; dans l’ordre de mission, M. [K] [E] demande à l’employeur de lui rajouter 40 minutes de travail évoquant un problème de manipulation du chronotachygraphe,

* le 01 septembre 2017 : M. [K] [E] se met en repos lors des livraisons magasins ; sur l’ordre de mission, le salarié mentionne ‘veuillez ne compter que les 45mns de pause réglementaire et rajouter 45mns de travail suite à erreur de manipulation tachygraphe le Mereba et Paisbe’,

* le 06 septembre 2017 : M. [K] [E] insère sa carte à 21h44 pour un départ effectif à 22h30 ; sur l’ordre de mission, le salarié mentionne la vérification des feux gabarit et de l’éclairage intérieur frigo,

* le 04 septembre 2017 : M. [K] [E] introduit sa carte à 22h05 pour un départ effectif à 22h43 ; il se trouve en position de travail pendant 1h19 alors que les magasins ont été livrés ; sur l’ordre de mission, le salarié mentionne un problème d’ordinateur pour édition des BL ce qui explique un départ en retard, un souci électrique , une livraison en deux fois et une infraction aux 6h due aux travaux,

* le 08 septembre 2017 : M. [K] [E] se positionne pendant 1h10 en travail alors que les livraisons des quatre magasins sont terminées ; sur l’ordre de mission, le salarié ne fait aucune observation.

Force est de constater que M. [K] [E] n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause les erreurs de manipulations ainsi établies, contrevenant aux dispositions légales et contractuelles, l’article 3 du contrat de travail précisant que : ‘ M. [K] [E] s’engage à respecter l’ensemble des dispositions légales et conventionnelles applicables. Il déclare notamment avoir connaissance de la législation en vigueur relativement aux temps de service, travail et conduite maxima autorisés ainsi qu’aux temps minima de pauses et repos, ces règles étant appréciées en continue, à la journée ou à la semaine. Il s’engage à suivre dans le respect des instructions données, l’ensemble de ces normes et à signaler à l’exploitation, toute situation de nature à entraîner leur violation.

M. [K] [E] déclare connaître l’importance de la manipulation de l’appareil de contrôlographe laquelle détermine le nomre d’heures de travail effectuées et en corollaire la rémunération. Il s’engage en conséquence à activer conformément aux règlements le dispositif de commutation du chronotachhygraphe permettant d’enregistrer distinctement les temps de conduite, les autres travaux, les temps de disponibilités et les temps libres….’.

Concernant les faits du 13 juillet 2017, M. [K] [E] conteste les propos injurieux qui ont été mis à sa charge de même que les dysfonctionnements des chronotachygraphes utilisés ; cependant, les éléments versés par l’employeur établissent suffisamment la matérialité de ce grief.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que les faits à l’origine de l’avertissement notifié le 31 juillet 2017 et de la mise à pied disciplinaire notifiée le 22 septembre 3017 sont établis, de sorte que les mesures disciplinaires sont fondées.

Le jugement entrepris qui a retenu que la Sas Transport Biocoop a rapporté la preuve des griefs invoqués et que les sanctions disciplinaires sont justifiées, sera confirmé.

Sur le licenciement :

En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :

‘ Le mercredi 20 octobre 2017, vous avez eu un comportement non acceptable envers vos collègues de travail. En présence de [U] [H], adjointe au chef d’agence, et de membres du bureau, Madame [H] vous avez demandé de faire un point sur une anomalie du système Vehco.

Vous avez alors refusé de vous expliquer et vous vous êtes contenté de seulement lui répondre en ces termes ‘Mets ce que tu veux’. Sachez que cette question est posée à tous les chauffeurs qui rencontrent un problème avec Vehco afin de cibler les anomalies du logiciel dans le but d’un meilleur fonctionnement.

Vous vous êtes ensuite dirigé vers la porte, et vous avez dit à l’ensemble du bureau ‘vous avez tué les chauffeurs, vous pourrissez l’ambiance, le planning que vous voulez mettre en place ne fonctionnera jamais, ne me posez plus de questions à mon retour de tournée au risque de m’énerver.’.

Ce comportement empreint d’insolence et d’agressivité n’est pas isolé, puisqu’il est recurrent envers les assistants transports que vous avez qualifiés ‘d’incompétents’ à plusieurs reprises, notamment la veille du jeudi 25 mai 2017, jour férié où vous avez jeté les documents sur le bureau d’une assistante transports.

De plus, une fois par mois nous demandons à tous nos conducteurs sur les 4 agences de présenter leur permis de conduire, ce dernier étant un élément essentiel de votre activité de conducteur. Tous les mois vous faites des remarques car vous ne souhaitez pas présenter votre permis. Tous les mois nous devons rentrer en conflit avec vous alors que tous nos collaborateurs présentent leur permis sans difficulté.

Ces propos, marquant une indiscipline manifeste, ne sont pas tolérables.

D’autre part, le 21 septembre 2017 lors de la livraison du Biocoop [Localité 3], vous avez mis dans la chambre froide la palette fruits et légumes et laissé dans le sas la palette ultra frais. La palette Ultra frais a dû être détruite, le montant du litige s’élève à 903,46 euros. Cela représente un préjudice financier non négligeable pour notre entreprise.

Nous avons eu à deplorer aussi des infractions dues à la mauvaise manipulation du chronotachygraphe.

Votre activité montre 6 infractions sur le mois de septembre 2017, 4 infractions du ler octobre au 20 octobre 2017, ce qui représente à vous seul 34 % d’infractions de l’activité des roulants sur l’agence de [Localité 6].

Les infractions reprochées sont les suivantes : la durée journalière de nuit dépasse les 10 heures, le temps de pause est insuffisant.

Nous vous rappelons que ces infractions sont susceptibles d’engager la responsabilité pénale de l’entreprise en cas de contrôle et que l’article 3 de votre contrat de travail sur les conditions d’activité vous engage à respecter l’ensemble des dispositions légales et conventionnelles applicables.

Par ces événements, vous êtes susceptible de renvoyer une mauvaise image de notre entreprise auprès de nos clients. Je vous rappelle que vous aviez déjà été sanctionné par un avertissement le 31 juillet 2017, pour votre comportement insolent envers un salarié du magasin Biocoop d’Uzes.

Vous avez démontré une réelle indiscipline et aucune prise en compte des remarques de votre

hiérarchie. Cette attitude crée un climat non serein dans nos équipes.

Les échanges que nous avons eus lors de l’entretien n’ont apporté aucun élément nouveau.

En effet, ce comportement est inacceptable.

Nous sommes en droit d’attendre de votre part un professionnalisme exemplaire.

En conséqnce nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle

et serieuse…’.

1/S’agissant des faits du 20 octobre 2017, la Sas Transport Biocoop produit aux débats :

– un courriel envoyé le 20 octobre 2017 par Mme [A] [H] à Mme [U] [C] ‘ce matin nous avons voulu faire le point sur vehco en raison de difficultés que nous rencontrons régulièrement sur ce logiciel…j’ai vu [K] et je lui demande si il avait rencontré un problème avec le GPS ou si c’était un simple oubli de sa part et sa réponse ‘met ce que tu veux’, ce qui m’a embarassée puisque nous devons cibler et faire un état des problèmes rencontrés sur vehco. Arrivé à la porte du bureau [K] a fini sa conversation avec [M] en disant ‘vous avez tué les chauffeurs ; vous pourrissez l’ambiance ; le planning que vous voulez mettre en place ne fonctionnera pas’ ‘ne posez plus de questions au retour de mes tournées au risque de m’énerver’; depuis un certain temps il est devenu impossible de communiquer avec [K] il est toujours dans le déni, la négation avec des sautes d’humeur de plus en plus fréquentes, et en devient pas moment menaçant, ce qui est inacceptable’,

– une attestation établie par la même salariée qui confirme qu’il était compliqué d’échanger avec M. [K] [E] puisqu’il ne voulait plus communiquer et qui reprend le déroulement des faits du 20 octobre 2017 tel qu’elle les avait exposés dans le courriel.

M. [K] [E] conteste ces griefs et soutient qu’il n’y a eu aucune insulte ni aucune altercation, se contentant d’indiquer que la retranscription de la conversation par Mme [H] est mensongère, que l’exercice par un salarié de sa liberté d’expression ne peut jamais caractériser une faute professionnelle, qu’il n’a pas perturbé l’activité de l’entreprise, sans cependant apporter le moindre élément de nature à remettre en cause sérieusement la description des faits relatés de façon précise et circonstanciée par Mme [A] [H].

La Sas Transport Bioccop ne fonde pas le licenciement sur des faits du 25 mai 2017 mais fait état de cette date pour indiquer que M. [K] [E] avait déjà eu un comportement violent dans un passé récent, de sorte que le moyen avancé par le salarié selon lequel ce grief est prescrit est inopérant.

2/ S’agissant des faits du 21 septembre 2017, la Sas Transport Biocoop produit aux débats :

– une fiche relative au magasin de [Localité 3] qui mentionne certaines spécificités à l’attention des chauffeurs ‘1 chambre froide, à mettre en priorité le frais : capacité d’une palette EEL : à laisser à l’extérieur devant le rayon FEL, le sec à mettre dans l’allée centrale’. ‘ la chambre froide : au fond du magasin à droite pour le frais, le Fruits et légumes devant la chambre froide, laisser un passage; le sec l’allée centrale’,

– un courriel de Mme [A] [H] le 20 octobre 2017 ‘en date du 21 septembre lors de sa livraison à la biocoop [S]… M. [K] [E] a mis dans la chambre froide la palette de fruits et légumes au lieu de la palette de ultra frais, en pj le montant du litige qui s’élève à 903,46 euros. [M] a reçu M. [K] [E], il a reconnu avoir fait l’erreur et ne pas avoir respecté les consignes’.

M. [K] [E] soutient que la chambre froide ne pouvait pas contenir l’intégralité de la palette à l’endroit indiqué habituellement, qu’il a suivi les consignes habituelles, n’a pris aucune initiative et n’a commis aucune faute, mais n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause le contenu du courriel de Mme [H] qui est suffisamment circonstancié et précis pour établir ce grief ; ces faits démontrent les difficultés du salarié à se conformer à certaines directives de l’entreprise pourtant clairement énoncées.

3/ S’agissant de la production du permis de conduire :

La Sas Transport Biocoop verse aux débats une attestation rédigée par Mme [X] [G] qui certifie avoir la responsabilité de vérifier une fois par mois si les conducteurs sont toujours en possession physique de leur permis de conduire et de surveiller la date de validité du document, que seul M. [K] [E] s’est toujours opposé à cet échange (bulletin de paie/permis de conduire), disant chaque mois qu’elle était dans l’illégalité, nécessitant une discussion sans fin chaque mois et qu’elle n’avait pas le droit de lui donner son bulletin en échange de voir son permis, alors que cet échange était apprécié par les autres conducteurs et que le permis de conduire n’était pas un préalable à la remise au bulletin de paie.

M. [K] [E] soutient qu’il a toujours présenté son permis de conduire à la première demande et qu’à l’inverse il lui était intolérable de refuser de lui remettre spontanément sa fiche de paie à échéance et de lui demander systématiquement une présentation de son permis de conduire.

Force est de constater que M. [K] [E] n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause le contenu de l’attestation de Mme [G] qui est précise et circonstanciée et suffisante pour établir que le salarié avait, là encore, sur ce sujet, des difficultés pour se conformer aux directives de son employeur.

4/ S’agissant des infractions à la législation des temps de conduite, de repos commis en septembre et octobre 2017:

Comme exposé précédemment, la Sas Transport Biocoop établit que M. [K] [E] a fait une mauvaise utilisation du chronotachygraphe pendant plusieurs jours du mois de septembre 2017, à l’origine de plusieurs infractions.

M. [K] [E] fait valoir qu’il a déjà été sanctionné pour ces faits dans le cadre de la mise à pied disciplinaire, ce qui est exact, de sorte que la Sas Transport Biocoop a épuisé son pouvoir disciplinaire sur ces faits.

S’agissant des infractions qui auraient été commises en octobre 2017, la Sas Transport Biocoop ne produit aucun élément permettant de les établir.

Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent, qu’à l’exception des infractions à la législation de la conduite et du repos, les autres griefs reprochés à M. [K] [E] dans la lettre de licenciement sont établis ; il convient de rappeler que M. [K] [E] avait fait l’objet préalablement à son licenciement d’un avertissement et d’une mise à pied disciplinaire qui étaient justifiés.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont dit et jugé que le licenciement de M. [K] [E] qui a une cause réelle et sérieuse, est fondé.

M. [K] [E] sera donc débouté de sa demande tendant à dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages et intérêts en découlant.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;

Ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture à la date de l’audience,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 25 mars 2020,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [K] [E] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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