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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 03 MARS 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 21/18386 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BITKL
Société EIFFAGE ROUTE GRAND SUD
C/
CPAM DU VAR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Antony VANHAECKE
– Me Stéphane CECCALDI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 26 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09764.
APPELANTE
Société EIFFAGE ROUTE GRAND SUD, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Antony VANHAECKE de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Adrien ROUX DIT BUISSON, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] [I], employé depuis le 4 septembre 2007, en qualité de chauffeur poids lourd par la société Eiffage route Méditerranée, devenue en cours de procédure la société Eiffage route grand sud, a été victime le 19 juin 2018 d’un accident du travail, déclaré sans réserves le 22 juin 2018 par son employeur, que la caisse primaire d’assurance maladie du Var a pris en charge le 09 juillet 2018 au titre de la législation professionnelle.
En l’état d’une décision implicite de rejet par la commission de recours amiable, de sa contestation afférente à la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident et à la durée des arrêts de travail et soins, la société employeur a saisi, le 30 novembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône étant précisé que la décision explicite de rejet est intervenue le 19 mars 2019.
Par jugement en date du 26 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:
* déclaré le recours recevable,
* confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 19 mars 2019,
* débouté la société Eiffage route grand sud de l’ensemble de ses demandes,
* déclaré la décision de prise en chargepar la caisse primaire d’assurance maladie de l’accident du travail de M. [I] ainsi que l’ensemble des soins et arrêts de travail consécutifs, opposable à la société Eiffage route grand sud,
* condamné la société Eiffage route grand sud aux dépens.
La société Eiffage route grand sud a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
En l’état de ses conclusions visées par le greffier le 18 janvier 2023, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société Eiffage route grand sud sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, à titre principal, de juger que la décision de prise en charge de l’accident du travail de M. [I] lui est inopposable.
A titre subsidiaire, elle lui demande de juger que la prise en charge des arrêts et soins prescrits à M. [I] à compter du 29 juin 2018 lui est inopposable.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite une expertise médicale.
En tout état de cause, elle demande à la cour de:
* condamner la caisse primaire d’assurance maladie du Var à lui payer la somme de 1 500 suros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouter la caisse primaire d’assurance maladie du Var de l’ensemble de ses demandes,
* condamner la caisse primaire d’assurance maladie du Var aux dépens
En l’état de ses conclusions visées par le greffier le 18 janvier 2023, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d’assurance maladie du Var sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris et subsidiairement une expertise, sans que celle-ci soit mise à sa charge.
Elle demande à la cour de rejeter la demande de l’appelante sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sollicite la condamnation de la société Eiffage route grand sud au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
1- sur l’accident du travail:
L’appelante invoque deux sortes de moyens d’inopposabilité, le premier touchant le fond tiré de l’absence de matérialité du fait accidentel, le second touchant la forme tiré de manquements imputés à la caisse dans l’instruction du dossier.
– sur les moyens d’inopposabilité pour motifs de forme:
L’article R. 441-11 III du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue du décret n°2009-938 en date du 29 juillet 2009, dispose qu’en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Aux termes de l’article R.441-12 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable, après la déclaration de l’accident ou de la maladie, la victime ou ses ayants droit et l’employeur peuvent faire connaître leurs observations et toutes informations complémentaires ou en faire part directement à l’enquêteur de la caisse primaire.
Aux termes de l’article R.441-14 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable, lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception(…)
Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l’accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n’est pas reconnu, ou à l’employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.
L’appelante soutient en premier lieu que la caisse a manqué à son obligation générale d’information et n’a pas respecté le principe du contradictoire en l’empêchant de participer utilement à l’instruction du dossier, relevant que par deux courriers du 09 juillet 2018, elle lui a à la fois demandé des explications concernant la déclaration tardive de l’accident du travail afin de permettre l’instruction du dossier et notifié la prise en charge de l’accident du travail.
Elle soutient que la caisse a ouvert une instruction du dossier en lui demandant des informations complémentaires, ce qui l’obligeait à respecter l’information préalablement à sa prise de décision et considère qu’après lui avoir réclamé des informations pour permettre d’instruction du dossier, elle n’a mené aucune autre diligence malgré la réponse qu’elle lui a donnée par son courrier du 24 juillet 2018, la privant ainsi du caractère contradictoire de la procédure.
Elle soutient en second lieu que la décision de prise en charge n’est pas motivée en violation des dispositions des articles L.115-3, R.441-18 et R.441-14 et du code de la sécurité sociale, la notification étant un courrier type qui n’énonce aucune considération de droit et de fait lui permettant de comprendre la décision de prise en charge.
La caisse lui oppose que sa décision de prise en charge est motivée en référence aux dispositions législatives applicables et que si le caractère insuffisamment motivé devait être retenu, il ne saurait emporter l’inopposabilité de sa décision à l’égard de l’employeur.
Elle soutient avoir rempli son obligation générale d’information.
Il n’est pas contesté que la déclaration d’accident du travail n’est pas accompagnée de réserves. Datée du 22 juin 2018, elle mentionne que sur le chantier de [Adresse 3], son lieu de travail habituel, le 19 juin 2016 à 15h15, ‘le salarié a ressenti une douleur au bras alors qu’il essayait de déplacer une palette dans la benne d’un camion’ et situe le siège des lésions au bras. Elle précise que l’employeur a eu connaissance du fait accidentel le 19 juin 2018 à 15h45.
Elle est accompagnée d’un certificat médical initial en date du 19 juin 2018 établi par un médecin généraliste mentionnant une entorse au coude droit prescrivant des soins jusqu’au 29 juin 2018.
Une seconde déclaration d’accident du travail au contenu identique a été établie par l’employeur le 27 juin 2018, avec la différence qu’elle mentionne qu’un arrêt de travail a été prescrit.
Il est exact que par lettres toutes deux en date du 09 juillet 2018, la caisse a écrit à l’employeur:
* d’une part, en lui rappelant que selon les articles L.441-2 et R.441-3 du code de la sécurité sociale l’employeur est tenu de déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime, dans les quarante huit heures (non compris les dimanches et jours fériés) à compter de la date à laquelle il en a été informé, et en indiquant constater que les délais réglementaires n’ont pas été respectés, en lui demandant de bien vouloir lui indiquer le(s) motif(s) de retard.
Ce courrier dont l’objet est ‘réception tardive d’une déclaration d’accident du travail’ se termine ainsi: ‘je vous précise que ce courrier ne fera pas l’objet d’une relance. Il est recommandé de répondre assez rapidement pour permettre l’instruction du dossier’,
* d’autre part, en lui notifiant sa décision de reconnaître le caractère professionnel à l’accident survenu le 19 juin 2018.
Si la dernière phase du courrier ayant pour objet la réception tardive de la déclaration d’accident du travail fait mention de ‘l’instruction du dossier’ pour autant le contenu est dépourvu d’ambiguïté sur son objet puisqu’il relève une déclaration tardive de l’employeur et lui rappelle ses obligations légales et que dans le même temps la caisse lui notifie sa décision de prise en charge de l’accident du travail.
La cour constate que ce courrier n’a du reste pas suscité d’incompréhension puisque par lettre du 24 juillet 2018, l’employeur s’est expliqué sur les raisons de son retard, en indiquant que le salarié est venu ‘récupérer’ le 19 juin 2018 un triptyque de déclaration d’accident du travail, puis a déclaré le soir même qu’il n’a pas subi d’accident du travail, mais ne s’est pas présenté le lendemain à son travail et est revenu les jours suivants sur ses positions en déclarant avoir subi le 19 juin 2018 un accident du travail, ce qui l’a amené à établir la déclaration d’accident du travail. Ce courrier de l’employeur se termine par ‘nous nous excusons pour ce retard’ et ne fait état à aucun moment de réserves sur l’existence de l’accident du travail.
Ainsi, il est établi que la caisse n’a pas estimé nécessaire de procéder à une instruction de la déclaration d’accident du travail et, par suite, elle n’avait pas à notifier à l’employeur l’information préalable avant prise de décision.
S’il est exact que l’article R.441-14 alinéa 4 du code de la sécurité sociale mentionne que la décision de la caisse doit être motivée, pour autant il résulte de l’article L.211-2 du code des relations entre le public et l’administration (auquel renvoient notamment les dispositions de l’article L.115-3 du code de la sécurité sociale) que les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent, et qu’à cet effet, doivent être motivées les décisions qui (…):
6°- refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir,
7°- refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l’article L. 311-5,
8° – rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire.
Or en l’espèce, la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident déclaré ne peut constituer à l’égard de l’employeur le refus d’un avantage et il est exact qu’il conserve la possibilité de contester l’opposabilité de cette décision, ce qu’il fait du reste dans le cadre du présent litige.
La décision de prise en charge est en l’espèce suffisamment motivée en ce qu’elle énonce que ‘les circonstances du sinistre déclaré permettent d’établir que l’accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail conformément à l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale’.
Il est par ailleurs exact que l’absence de motivation de la décision ne peut constituer une cause d’inopposabilité de la décision de reconnaissance d’une maladie professionnelle.
L’appelante est par conséquent mal fondée en ses moyens d’inopposabilité pour motifs de forme.
– sur le moyen d’inopposabilité de la décision de prise en charge tiré de l’absence de caractère professionnel de l’accident:
Il résulte de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Il incombe au salarié (ou à la caisse) d’établir les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel et toute lésion survenue soudainement, au temps et au lieu du travail est présumée résulter d’un accident du travail sauf s’il est rapporté la preuve qu’elle a une origine totalement étrangère au travail, ou que le salarié s’est soustrait à l’autorité du chef d’entreprise.
L’appelante souligne que le salarié a varié dans les déclarations qu’il lui a faites et souligne qu’il lui a transmis deux certificats médicaux initiaux non descriptifs datés du 19 juin 2018, le premier prescrivant uniquement des soins jusqu’au 29 juin 2018, le second un arrêt de travail jusqu’au 22 juin 2018.
Elle soutient que l’absence d’instruction par la caisse ne lui permet pas d’opposer valablement une présomption d’imputabilité d’un fait accidentel alors que la matérialité de celui-ci n’est pas établie autrement que par les dires du salarié lui-même qui ne sont pas suffisants. Elle allègue qu’en raison des incohérences du dossier la caisse aurait dû prendre l’initiative d’interroger le salarié sur ses déclarations et ses changements de récits, en dehors même de toutes réserves de l’employeur.
L’intimée réplique que la déclaration d’accident du travail n’est accompagnée d’aucune réserve de l’employeur et que les éléments de la déclaration d’accident du travail justifiaient à eux seuls que la lésion qui était survenue aux temps et lieu du travail bénéficie de la présomption d’imputabilité. Elle souligne que la lésion corporelle doit s’entendre au sens large c’est à dire incluant une douleur, un simple malaise ou une atteinte physique.
Elle ajoute que l’employeur ne renverse pas cette présomption d’imputabilité.
En l’espèce, il est exact que la déclaration d’accident du travail n’est pas accompagnée de réserves sur le caractère professionnel de l’accident et l’appelante n’a pas davantage fait état d’une variation dans les déclarations du salarié lorsqu’elle a établi, à deux reprises, la déclaration d’accident du travail, et pour la seconde fois 7 jours après avoir eu connaissance du fait accidentel.
La cour constate du reste que s’il résulte du courrier du 24 juillet 2018 de l’employeur que le salarié, a fluctué, non point sur le fait accidentel mais en réalité sur la lésion, et uniquement le jour de la douleur ressentie, pour autant l’employeur en avait connaissance lorsqu’il a rempli ses déclarations réitérées d’accident du travail, sans juger pour autant utile de porter cette information à la connaissance de la caisse lorsqu’il les a établies.
Il ne peut donc alléguer, dans le cadre du présent contentieux, de la fluctuation du salarié sur sa lésion (et par suite sur l’accident du travail) pour soutenir que la caisse aurait dû instruire le dossier.
La teneur de la déclaration d’accident du travail met en évidence que le salarié a ressenti une douleur au bras alors qu’il essayait de déplacer une palette dans la benne d’un camion à 15h15
et la circonstance qu’il a pu hésiter sur l’existence d’une lésion le jour de sa survenance, n’est pas de nature à créer un doute sur le lien entre la manipulation qu’il effectuait, qui implique un usage de force, et la douleur ressentie, étant observé que la constatation médicale de la lésion est du jour même, qu’elle a donné lieu dans un premier temps à la prescription de soins, puis 7 jours plus tard à la prescription d’un arrêt de travail.
Il s’ensuit que la présomption d’accident du travail est effectivement applicable et l’appelante qui ne la renverse pas faute de rapporter la preuve que la lésion médicale constatée a une cause étrangère au travail, est mal fondée en son moyen d’inopposabilité touchant le fond.
2 – sur les arrêts de travail et soins prescrits au titre de l’accident du travail:
La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend pendant toute la durée de l’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption de la renverser en rapportant la preuve contraire.
Il résulte en outre des articles L.141-1 et R.142-24-1 du code de la sécurité sociale que les contestations d’ordre médical relatives à l’état du malade ou de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle ainsi que celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, donnent lieu à une expertise médicale et que le juge saisi du différend peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande.
L’appelante soutient que la caisse ne produit pas les éléments de preuve nécessaires permettant de vérifier l’existence du lien direct et certain entre les prestations accordées au salarié et le sinistre initial et relève qu’il a été imputé sur son compte employeur un forfait de catégorie 6 pour 264 jours d’arrêts de travail au titre de l’accident du travail de M. [I] survenu le 19 juin 2018. Elle se prévaut de l’argumentaire de son médecin conseil concluant qu’il est impossible qu’une entorse du coude survenant aux temps et lieu du travail ne fasse pas l’objet d’une déclaration immédiate vu l’intensité des symptômes et qui estime que les lésions décrites sur les certificats de prolongation n’ont rien à voir avec une entorse du coude, un traumatisme du biceps sans rupture tendineuse étant bénin et ne nécessitant pas des prolongations répétées.
Elle relève une disparité entre les trois certificats médicaux produits, le certificat médical initial faisant état d’une lésion de type entorse du coude droit alors que les deux certificats de prolongation rapportent un traumatisme du biceps brachial, pour soutenir que les descriptions médicales ne concordent pas et que la preuve de la continuité de symptôme n’est pas rapportée. Elle souligne qu’initialement il n’a pas été prescrit un arrêt de travail et en tire la conséquence que la présomption d’imputabilité n’a pas vocation à s’appliquer.
Elle soutient subsidiairement qu’une expertise s’impose en présence d’un doute médical quant aux lésions réellement issues de l’accident du travail et celles prises en charges au titre de l’accident du travail.
L’intimée lui oppose la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail jusqu’à la date de la consolidation fixée au 17 mai 2019 par son médecin-conseil. Elle souligne que la preuve de la cause étrangère au travail n’est pas rapportée et que le salarié a perçu des indemnités journalières suite à l’accident du travail du 19 juin 2018, du 29 juin 2018 au 18 mai 2019 et a bénéficié d’arrêts de travail et de soins en continu. Elle s’oppose à l’expertise médicale sollicitée, soutenant que cette demande n’est pas étayée.
En l’espèce, il est établi par le certificat médical initial du 19 juin 2018 que:
* des soins ont été prescrits jusqu’au 29 juin 2018,
* suivis ensuite d’arrêts de travail, pour lesquels la caisse justifie avoir versé des indemnités journalières continues du 29 juin 2018 au 19 mars 2019 au titre de l’accident du travail du 19 juin 2018, étant observé que le relevé d’indemnités journalières pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 porte mention du versement d’indemnités journalières sur la période du 19 septembre 2019 au 20 septembre 2019 mais au titre d’un autre accident du travail en date du 1er août 2019,
* les certificats médicaux de prolongation en date des 15 mars 2019 et 24 avril 2019 prescrivent des soins en continu jusqu’au 18 mai 2019 en faisant mention d’un ‘traumatisme biceps brachial en cours de rééducation’.
L’allégation contenue dans l’argumentaire médical dont se prévaut l’appelante selon laquelle il n’est pas possible de rédiger un certificat médical pour une entorse du coude sans prescrire un arrêt de travail ne peut être considérée comme pertinente, parce que ce médecin procède par simple affirmation et qu’en l’espèce l’arrêt de travail a été prescrit 10 jours après la survenance du fait accidentel et a ensuite été prorogé jusqu’au 19 mars 2019.
La continuité des soins prescrits sur le certificat médical initial avec les indemnités journalières versées 10 jours après le fait accidentel sur la période du 29 juin 2018 au 19 mars 2019 conduisent donc la cour à retenir la présomption d’imputabilité des arrêts et soins prescrits sur cette période jusqu’au 19 mars 2019, et l’appelante ne la renverse pas en rapportant la preuve de la cause totalement étrangère au travail ou d’une lésion résultant exclusivement d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
En l’absence de différend médical étayé, cette situation étant imputable exclusivement à l’appelante, il n’y a pas lieu à expertise médicale, étant rappelé que par application de l’article 146 du code de procédure civile, en aucun cas, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
Pour la période postérieure au 19 mars 2019, il est exact que le motif médical de prolongation des soins ne permet pas de faire un lien avec la lésion initiale, alors que la caisse ne fait pas état de lésions nouvelles qu’elle aurait prises en charge, et elle ne s’explique pas sur le lien entre le ‘traumatisme biceps brachial’ mentionné sur ces deux certificats et la lésion initiale d’entorse du coude alors qu’il n’existe plus de continuité des arrêts de travail prescrits à compter de cette date, et que la pathologie justifiant la prolongation de soins diffère de la lésion initiale.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a dit opposable à la société Eiffage route grand sud la décision de prise en charge de l’accident du travail survenu le 19 juin 2018 à M. [O] [I] ainsi que les arrêts de travail et soins prescrits jusqu’au 19 mars 2019 uniquement.
Par réformation de ce jugement, la cour dit que les soins prescrits à M. [O] [I] à compter du 19 mars 2019 au titre de l’accident du travail survenu le 19 juin 2018, ne sont pas opposables à la société Eiffage route grand sud.
Succombant principalement en ses prétentions et en son appel, la société Eiffage route grand sud doit être condamnée aux entiers dépens et ne peut utilement solliciter l’application à son bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de la caisse primaire d’assurance maladie du Var les frais qu’elle a été contrainte d’exposer pour sa défense en cause d’appel ce qui justifie de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
– Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit opposable à la société Eiffage route grand sud la décision de prise en charge de l’accident du travail survenu le 19 juin 2018 à M. [O] [I] ainsi que les arrêts de travail et soins prescrits jusqu’au 19 mars 2019 uniquement,
– Le réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,
– Dit inopposable à la société Eiffage route grand sud les soins prescrits après le 19 mars 2019 à M. [O] [I] au titre de l’accident du travail du 19 juin 2018,
– Déboute la société Eiffage route grand sud de sa demande d’expertise et du surplus de ses demandes,
– Condamne la société la société Eiffage route grand sud à payer à la caisse primaire d’assurance maladie du Var la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne la société la société Eiffage route grand sud aux entiers dépens.
Le Greffier Le Président