Chauffeur Poids-Lourd : décision du 7 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01495

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 7 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01495
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07 MARS 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 22/01495 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F3HJ

[F] [X]

/

S.A.S. EUROVIA [Localité 6]

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation de départage de clermont ferrand, décision attaquée en date du 08 juillet 2022, enregistrée sous le n° r22/00028

Arrêt rendu ce SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [F] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Jean-julien PERRIN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

S.A.S. EUROVIA [Localité 6] prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me MASSON, avocat suppléant Me Cécile CURT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMEE

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 09 Janvier 2023, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [F] [X], né le 20 septembre 1973, a été embauché par la société JEAN LEFEBVRE le 6 juin 1995, suivant un contrat de travail à durée déterminée, à temps plein, en qualité d’ouvrier routier. La relation contractuelle s’est ensuite poursuivie entre les parties selon un contrat de travail à durée indéterminée.

Par suite de l’absorption de la société JEAN LEFEBVRE par la SAS EUROVIA [Localité 6] (ci-après désignée EUROVIA DALA), les contrats de travail des salariés de la première ont été transférés au sein de la seconde en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

La SAS EUROVIA DALA exerce une activité de travaux publics et possède plusieurs agences de travaux donc une sise à [Localité 5] composée de trois secteurs ([Localité 4], [Localité 3] et [Localité 5]). Elle applique les dispositions de la convention collective nationale des ouvriers de travaux publics, des employés, des techniciens et agents de maîtrise des travaux publics et des cadres de travaux publics.

A compter de 2005, Monsieur [F] [X] a exercé les fonctions d’applicateur d’enrobés, cette fonction impliquant l’exécution de travaux manuels dans le but de réaliser des revêtements en produits noirs (enrobés, émulsions, asphaltes, bitumes).

À compter du 22 avril 2016 au 5 mai 2021, Monsieur [F] [X] a été placé de façon continue en arrêt de travail pour maladie d’origine professionnelle. Parallèlement, il a été classé en invalidité de catégorie 2 à compter du 1er décembre 2020.

En suite d’une visite médicale intervenue le 15 février 2021, le médecin du travail a émis l’avis suivant concernant Monsieur [F] [X] : ‘pourrait reprendre un travail sans piétinement, sans station debout prolongée, sans port de charge et sans travail de force.’

A l’issue de la visite médicale de reprise intervenue le 10 novembre 2021, le médecin du travail (Docteur [O] [I]) a conclu à l’inaptitude de Monsieur [F] [X] en ces termes : ‘ Monsieur [F] [X] est inapte au poste d’ouvrier routier/applicateur d’enrobé. Il serait apte à tout poste sans piétinement, sans station debout prolongée, sans port de charge, sans travail de force et sans travail avec les deux épaules au-dessus de 90 degrés’. Cet avis inaptitude visant l’article L. 4624-4 du code du travail et mentionne la réalisation d’une étude de poste en date du 22 février 2018 et d’une étude des conditions de travail en date du 6 novembre 2018, un échange avec l’employeur en date du 27 octobre 2021 et une dernière actualisation de la fiche d’entreprise en date du 19 janvier 2021.

Monsieur [F] [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 février 2022.

Par courrier recommandé daté du 10 février 2022, Monsieur [F] [X] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, visant l’avis d’inaptitude du 10 novembre 2021.

Le 1er avril 2022, Monsieur [F] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND statuant en la forme des référés aux fins de voir juger qu’il a pris connaissance de la contre-indication du médecin du travail s’agissant de l’exercice de la profession de chauffeur PL ou conducteur d’engins, à réception de son dossier médical le 24 mars 2022, ordonner avant dire droit une expertise judiciaire afin de procéder à son examen médical ainsi qu’à une étude de poste s’il l’estime nécessaire et se prononcer sur la compatibilité de l’activité avec son état de santé au jour de l’envoi du mail du 25 novembre 2021.

L’affaire a été appelée à l’audience du 16 juin 2022 du conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND selon la procédure accélérée au fond (convocation au défendeur notifiée le 6 mai 2022).

Par jugement de départage rendu contradictoirement le 8 juillet 2022, le conseil de prud’hommes de CLERMONT FERRAND, statuant selon la procédure accélérée au fond, a :

– vu le procès-verbal de partage des voix du 20 juin 2022 ;

– déclaré irrecevable la contestation formée par Monsieur [F] [X] du mail du médecin du travail en date du 25 novembre 2021 postérieurement à l’avis d’inaptitude du 10 novembre 2021;

– débouté en conséquence Monsieur [F] [X] de sa demande d’expertise judiciaire ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [F] [X] aux dépens.

Le 15 juillet 2022, Monsieur [F] [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 11 juillet 2022.

Par ordonnance rendue en date du 28 juillet 2022, le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Riom a fixé l’affaire à l’audience du 9 janvier 2023 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 19 août 2022 par Monsieur [F] [X] ,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 19 septembre 2022 par la SAS EUROVIA DALA.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [F] [X] conclut à l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– juger son action recevable ;

Avant dire droit,

– ordonner une expertise judiciaire ;

– commettre pour y procéder tel Médecin Inspecteur du Travail qu’il plaira à la Cour avec pour celui-ci missions de :

* Procéder à son examen médical ;

* Se faire communiquer par le demandeur tous documents utiles à sa mission ;

* Procéder à une étude de poste s’il l’estime nécessaire pour répondre à sa mission ;

* Entendre les parties de manière contradictoire afin de reconstituer l’ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure ;

* Se prononcer sur la compatibilité entre un poste de chauffeur poids lourd ou conducteurs d’engins et l’état de santé de Monsieur [X], au jour de l’envoi du mail du 25 novembre 2021, eu égard aux préconisations émises par le médecin du travail dans son avis d’inaptitude : « apte à tout poste sans piétinement, station debout prolongée, sans port de charge, sans travail en force et sans travail avec les 2 épaules au-dessus de 90° » ;

– juger que le Médecin Inspecteur du Travail pourra, sur simple présentation de la décision à intervenir, requérir la communication, soit par les parties, soit par des tiers, de tous documents relatifs à cette affaire ;

– juger que le Médecin Inspecteur du Travail devra rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties ;

– juger que le Médecin Inspecteur du Travail commis, saisi par le Greffe, accomplira sa mission, dans le délai prescrit, les parties entendues en leurs dires et explications, le cas échéant en leur impartissant un délai de rigueur pour déposer dires, écrits et pièces justificatives sauf à poursuivre ses opérations et conclure sur les éléments en sa possession ;

– juger que le Médecin Inspecteur du Travail commis devra remettre son rapport aux parties et aux greffes de la juridiction dans un délai raisonnable qu’il convient de fixer à deux mois à compter de la présente décision à intervenir ;

– juger que le Médecin Inspecteur du Travail devra, lors de l’établissement de sa première note aux parties, indiquer les pièces nécessaires à sa mission, le calendrier de ses opérations et le coût prévisionnel de la mesure d’expertise ;

– juger que, sauf accord contraire des parties, le Médecin Inspecteur du Travail devra adresser à celles-ci un pré-rapport de ses observations et constatations.

– réserver les dépens.

Monsieur [X] conteste toute forclusion de son recours dirigé contre l’avis du médecin du travail. Il indique ne pas avoir contesté l’avis d’inaptitude même rendu le 10 novembre 2021 dès lors que celui-ci ne lui fait pas grief, mais l’indication médicale contenue dans le courriel du 25 novembre 2021 et dont il n’a pas eu connaissance antérieurement à son licenciement.

Il considère ainsi que la problématique soulevée par le présent litige consiste à déterminer s’il est recevable en sa contestation d’une indication de nature médicale relative à son reclassement donnée postérieurement à l’avis d’inaptitude sur le fondement de l’article L. 4624-7 du code du travail, et qu’une réponse positive doit y être apportée dès lors que ce texte, combiné à l’article R. 4624-45, prévoit la possibilité pour le salarié de saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur tous les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale. Il soutient par ailleurs que ce texte ne limite pas la possibilité d’exercice d’un tel recours aux avis d’inaptitude ou d’aptitude émis par le médecin du travail

Il précise à cet égard que l’indication de nature médicale, alors même qu’elle pouvait lui être notifiée, ne l’a jamais été en sorte que l’employeur apparaît mal fondé à lui opposer la forclusion de son action au motif que le délai de 15 jours prescrit par les dispositions de l’article R. 4624-45 du code du travail pour contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail ne court qu’à compter de leur notification.

Il considère ensuite que l’avis émis par le médecin du travail est lacunaire, qu’il mentionne en outre des préconisations quasiment identiques à celles déjà émises en 2013, étant précisé que les seules restrictions supplémentaires sont le port de charge, la station debout prolongée et l’absence de piétinement. Il considère que le poste de conducteur d’engin offrait la possibilité d’exercer un emploi conforme à l’ensemble des préconisations précitées. Il conteste ainsi la conclusion du médecin au terme de laquelle il n’aurait pu exercer le poste de chauffeur PL ou conducteur d’engins. Il indique enfin ne pas contester la procédure d’émission de l’avis d’inaptitude du médecin du travail.

Il sollicite ainsi l’infirmation du jugement et que soit ordonnée une mesure d’instruction confiée au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent afin de l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence, et plus spécialement afin de déterminer si les postes de chauffeur PL ou conducteur d’engins, au regard des éléments du présent dossier, sont compatibles avec les préconisations de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail

Dans ses dernières écritures, la société EUROVIA DALA conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de condamner Monsieur [X] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle soulève à titre principal l’irrecevabilité des demandes présentées par Monsieur [X] au motif que ce dernier n’est pas admis à soumettre à l’appréciation de la juridiction prud’homale, statuant en la forme des référés, une contestation portant sur la procédure d’émission de l’avis d’inaptitude par le médecin du travail, seule la compatibilité de l’avis et des préconisations émises par le médecin du travail, avec les éléments médicaux à sa disposition, pouvant l’être.

Elle soutient ensuite que Monsieur [X] est mal fondé à contester de simples précisions apportées par le médecin du travail, en suite d’une demande de précision de l’employeur, postérieurement à l’avis d’inaptitude émis le 10 novembre 2021 dont il souligne au demeurant la régularité formelle, dès lors qu’une indication ne saurait être assimilée à une préconisation médicale ou un nouvel avis.

Elle considère en outre que Monsieur [X] est prescrit en sa demande dès lors que celui-ci n’a pas introduit son action dans le délai de 15 jours courant à compter de l’avis d’inaptitude et qu’en tout état de cause, pour le cas où la mention du médecin du travail serait assimilée à une indication médicale, Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve de ce qu’il n’aurait eu connaissance du courriel litigieux du médecin du travail daté du 25 novembre 2021, que le 24 mars 2022 à l’occasion de la communication de son dossier médical. Elle fait sommation au salarié, en cette hypothèse, de produire ledit dossier médical.

A titre subsidiaire, elle conteste le bien fondé de la demande d’organisation d’une mesure d’instruction en l’absence d’élément de nature à remettre en cause les conclusions du médecin du travail, étant soutenu que les postes de conducteur d’engins ou de conducteur poids lourds ne sont pas compatibles avec l’état de santé du salarié.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

Selon l’article L. 4622-2 du code du travail, les services de prévention et de santé au travail ont pour mission principale d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. Ils contribuent à la réalisation d’objectifs de santé publique afin de préserver, au cours de la vie professionnelle, un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi.

Selon l’article L. 4624-1 du code du travail, tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de son état de santé des travailleurs prévue à l’article L. 4622-2, d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail, le médecin praticien correspondant et, sous l’autorité du médecin du travail, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail et l’infirmier. Ce suivi comprend notamment une visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche. Les modalités et la périodicité de ce suivi prennent en compte les conditions de travail, l’état de santé et l’âge du travailleur, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé. Tout salarié peut, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi.

Selon l’article L. 4624-7 du code du travail, le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige. Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

Selon l’article R. 4624-45 du code du travail, en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail mentionnés à l’article L. 4624-7, le conseil de prud’hommes statuant selon la procédure accélérée au fond est saisi dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail. Le conseil de prud’hommes statue selon la procédure accélérée au fond dans les conditions prévues à l’article R. 1455-12. Le médecin du travail informé de la contestation peut être entendu par le médecin-inspecteur du travail.

Selon l’article L. 4624-2 du code du travail, tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé. Ce suivi comprend notamment un examen médical d’aptitude, qui se substitue à la visite d’information et de prévention. L’examen médical d’aptitude permet de s’assurer de la compatibilité de l’état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de prévenir tout risque grave d’atteinte à sa santé ou à sa sécurité ou à celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail. Il est réalisé avant l’embauche et renouvelé périodiquement. Il est effectué par le médecin du travail, sauf lorsque des dispositions spécifiques le confient à un autre médecin.

Selon l’article L. 4624-3 du code du travail, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur.

Selon l’article L. 4624-4 du code du travail, après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur.

En application de l’article L. 4624-7 du code du travail, en matière de suivi individuel par la médecine du travail de l’état de santé de chaque travailleur, le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes, selon la procédure accélérée au fond, d’une contestation portant sur tous les écrits provenant du médecin du travail qui reposent sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4.

La possibilité de contestation ouverte par l’article L. 4624-7 du code du travail est donc limitée aux observations médicales écrites du médecin du travail entrant dans le champ d’application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du code du travail.

Cette procédure spécifique de contestation selon la procédure accélérée au fond devant le juge prud’homal concerne donc exclusivement:

– le suivi individuel renforcé de l’état de santé de tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail ;

– toutes les mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail proposées par le médecin du travail, ou les mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur ;

– l’avis d’inaptitude rendu lorsque le médecin du travail constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, y compris en ses indications relatives au reclassement du travailleur.

L’article L. 4624-7 du code du travail permet en conséquence à l’employeur ou au salarié de contester devant le juge prud’homal, selon la procédure accélérée au fond, tous les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale, tels que ceux portant sur l’aptitude, l’aptitude avec réserves ou l’inaptitude du salarié à occuper son poste, ou la compatibilité de l’état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, mais également sur des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail, des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur.

L’article L. 4624-7 du code du travail n’ouvre pas une possibilité de contestation judiciaire, selon une procédure accélérée dérogatoire au droit commun, à l’encontre de tous les écrits de nature médicale du médecin du travail pouvant concerner un travailleur, cette voie de recours spécifique étant limité au champ d’application défini par les dispositions combinées des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du code du travail. Il échet d’ailleurs de relever qu’une telle interprétation extensive ouvrirait un champ illimité de contestation de nature médicale en matière prud’homale, au demeurant incompatible avec les moyens de la médecine du travail, les disponibilités des médecins inspecteurs du travail et la durée raisonnable des procès, sans développer outre sur les possibilités dilatoires.

L’article R. 4624-45 du code du travail, qui renvoie expressément aux éléments de nature médicale émis par le médecin du travail mentionnés à l’article L. 4624-7, n’étend pas le domaine de cette voie de recours spécifique.

Selon l’article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique (des délégués du personnel avant le 1er janvier 2018) lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Selon l’article L. 1226-2-1 du code du travail, lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement. L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Selon l’article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social (des délégués du personnel avant le 1er janvier 2018), les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Selon l’article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement. L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Dans le cadre d’une exécution loyale de son obligation de reclassement, l’employeur doit suivre, en tout cas tenir compte, des avis successifs, propositions et observations du médecin du travail. L’employeur doit, au besoin en les sollicitant, prendre en considération les propositions du médecin du travail en vue d’un reclassement du salarié ; la consultation d’un médecin autre que le médecin du travail ne peut se substituer à celle de celui-ci.

Dans le cadre d’une exécution loyale de son obligation de reclassement, l’employeur doit consulter pour avis les représentants du personnel s’ils existent.

Seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions, avis, propositions et observations du médecin du travail dans le cadre d’un inaptitude du salarié à reprendre son poste de travail peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement. Toutefois, l’employeur ne peut se retrancher derrière l’absence d’avis, de propositions ou observations du médecin du travail en matière de reclassement.

Dans la mesure où l’avis émis en matière d’aptitude du salarié à occuper ou reprendre son poste de travail par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l’objet tant de la part de l’employeur que du salarié d’un recours judiciaire, en l’absence d’un tel recours, cet avis s’impose aux parties.

Si l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l’inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation.

Dans l’hypothèse où le salarié conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté avec les recommandations du médecin du travail, il appartient à l’employeur de solliciter à nouveau l’avis de ce dernier. Dès lors le juge ne peut débouter de ses demandes le salarié, licencié pour avoir refusé son affectation à des postes aménagés par l’employeur, dont il contestait la compatibilité avec les recommandations du médecin du travail. Ne commet pas un manquement à ses obligations, le salarié, dont le médecin du travail a constaté l’inaptitude physique, qui, pour refuser un poste de reclassement proposé par l’employeur, invoque l’incompatibilité de ce poste avec son état de santé : dans ce cas, il appartient à l’employeur de solliciter l’avis du médecin du travail.

En l’espèce, à l’issue de la visite médicale de reprise intervenue le 10 novembre 2021, le médecin du travail (Docteur [O] [I]) a conclu à l’inaptitude de Monsieur [F] [X] en ces termes : ‘ Monsieur [F] [X] est inapte au poste d’ouvrier routier/applicateur d’enrobé. Il serait apte à tout poste sans piétinement, sans station debout prolongée, sans port de charge, sans travail de force et sans travail avec les deux épaules au-dessus de 90 degrés’.

Monsieur [F] [X] aurait pu contester cet avis d’inaptitude du 10 novembre 2021, selon la procédure accélérée au fond devant le juge prud’homal, tant concernant le constat d’inaptitude au poste d’ouvrier routier ou applicateur d’enrobés que s’agissant des observations de nature médicale relatives aux possibilités d’aménagement ou de reclassement, mais il ne l’a pas fait. Il aurait pu également demander des précisions au médecin du travail sur ses restrictions physiques au travail, la possibilité d’occuper un emploi de conducteur d’engins ou de chauffeur poids lourds etc.. Il aurait pu contester ou alerter le médecin du travail en ce qu’il estimait avoir occupé en dernier lieu un poste autre que celui d’ouvrier routier ou applicateur d’enrobés. Monsieur [F] [X] n’a pas souhaité agir dans ce cadre.

Les bulletins de paie et documents de fin de contrat de travail délivrés par l’employeur mentionnent un poste d’ouvrier applicateur d’enrobés de janvier 2005 jusqu’au licenciement pour inaptitude. Monsieur [F] [X] expose qu’entre 2013 et 2016 il conduisait des engins de chantier. Il produit en ce sens des témoignages ainsi que des justificatifs concernant le versement d’une prime de conducteur d’engins. Ce débat sur le poste réellement occupé par le salarié lorsque le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude est indifférent en l’espèce puisque Monsieur [F] [X] n’a pas jugé utile de contester dans le délai requis un avis d’inaptitude mentionnant expressément un poste d’ouvrier routier/applicateur d’enrobé.

Le comité social et économique a été consulté sur le reclassement de Monsieur [F] [X] dans le cadre d’une réunion tenue le 17 janvier 2022. À cette occasion, l’un des représentants du personnel a demandé si le salarié ne pouvait pas tenir un poste de conducteur d’engin ou chauffeur de camion, ce à quoi le représentant de l’employeur a répondu que cela n’était pas possible au vu des inaptitudes physiques de Monsieur [F] [X].

Par courrier recommandé daté du 10 février 2022, Monsieur [F] [X] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, visant l’avis d’inaptitude du 10 novembre 2021.

Monsieur [F] [X] a pu avoir accès à son dossier de médecine du travail à compter du 9 mars 2022, mais la date effective de consultation n’est pas établie en l’état.

Dans ce dossier de la médecine du travail, en réponse à une interrogation (courriel du 22 novembre 2021) de l’employeur quant aux précisions sur l’inaptitude du salarié et les possibilités de reclassement concernant Monsieur [F] [X] (notamment sur des postes de conducteur d’engins ou chauffeur poids lourds), il a été trouvé un mail adressé par le médecin du travail le 25 novembre 2021 au représentant de l’employeur rédigé comme suit : ‘Pour faire suite à votre courrier transmis par mail le 22 novembre 2021, je vous confirme les termes de l’inaptitude au poste que j’ai émise le 10 novembre 2021 concernant Monsieur [F] [X]. Il est effectivement ‘inapte au poste d’ouvrier routier/applicateur d’enrobé. Il serait apte à tout poste sans piétinement, sans station debout prolongée, sans port de charge, sans travail de force et sans travail avec les deux épaules au-dessus de 90 degrés’. Vous me demandez s’il pourrait occuper un poste de conducteur d’engins ou chauffeur poids lourd, tels qu’exercés au sein de votre entreprise. J’ai effectué des visites de chantiers à plusieurs reprises chez Eurovia : les 22 février 2018, 19 décembre 2018, 6 mai 2020, ainsi que Madame [N], assistante technique de notre équipe, les 15 juillet 2020, 15 octobre 2020. Au vu de ces visites de chantiers et observations de poste, je ne pense pas que Monsieur [X] puisse exercer l’une ou l’autre de ces professions : chauffeur PL ou conducteur d’engins. En effet, chacune d’entre elles implique à un moment ou à un autre, au cours de la journée de travail, des postures contre-indiquées à Monsieur [X] en raison de son état de santé.’.

Le 1er avril 2022, Monsieur [F] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND, selon la procédure accélérée au fond, d’une contestation portant sur le seul écrit établi par le médecin du travail en date du 25 novembre 2021.

Vu les principes et observations susvisés, cet échange écrit du 25 novembre 2021 entre employeur et médecin du travail sur les possibilités de reclassement concernant Monsieur [F] [X], qui intervient après un avis d’inaptitude non contesté et dans le cadre de l’exécution de son obligation de reclassement par la société EUROVIA DALA, n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 4624-7 du code du travail. Monsieur [F] [X] n’est donc pas recevable à contestation devant le juge prud’homal, en application de l’article L. 4624-7 du code du travail et selon la procédure accélérée au fond, à l’encontre du courriel du 25 novembre 2021.

Le fait que ce courriel du 25 novembre 2021 n’aurait pas été expressément communiqué au salarié avant le licenciement pour inaptitude ne permet pas plus à Monsieur [F] [X] d’être recevable en sa contestation sur le fondement de l’article L. 4624-7 du code du travail. Il en est de même du fait que ce courriel du 25 novembre 2021 n’aurait pas été expressément communiqué au comité social et économique lors de la consultation des représentants du personnel. Ces considérations relèvent d’un éventuel débat au fond sur l’exécution de son obligation de reclassement par l’employeur.

L’absence d’un recours ouvert, en application de l’article L. 4624-7 du code du travail et selon la procédure accélérée au fond, à Monsieur [F] [X] contre l’avis écrit émis par le médecin du travail en date du 25 novembre 2021 ne constitue pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à ses droits, notamment celui d’accès au juge. En effet, il a été déjà indiqué que Monsieur [F] [X] n’a ni contesté l’avis d’inaptitude du 10 novembre 2021 ni interrogé le médecin du travail ou l’employeur avant le licenciement, action qui lui aurait permis de s’ouvrir une possibilité de contestation de même nature que celle qu’il soutient aujourd’hui. En outre, s’agissant de l’exécution de l’obligation de reclassement par l’employeur, Monsieur [F] [X] conservait la possibilité d’une action judiciaire au fond concernant la mesure de licenciement pour inaptitude.

Le jugement sera confirmé en ce que Monsieur [F] [X] a été déclaré irrecevable en sa contestation du mail du médecin du travail en date du 25 novembre 2021.

Monsieur [F] [X] sera débouté de toutes ses demandes dans le cadre du présent litige.

Monsieur [F] [X] sera condamné aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

En équité, il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme le jugement déféré ;

– Condamne Monsieur [F] [X] aux dépens d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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