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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 29 Mars 2023
N° RG 21/00644 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FSAT
VTD
Arrêt rendu le vingt neuf Mars deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 11 janvier 2021 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 18/02265 ch1 cab2)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société dénommée ‘SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS sous le sigle S.M.A.B.T.P.
Société d’assurances mutuelles immatriculée au RCS de Paris sous le n° 775 684 764 02155
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentant : Me Christine EVEZARD-LEPY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE dans la procédure RG n° 21/00644 et INTIMEE dans la procédure RG n° 21/02311
Mme [B] [S] représentée par M. [T] [S] et Mme [E] [S], ses parents, administrateurs légaux
[Adresse 3]
[Localité 8]
Mme [C] [S] représentée par M. [T] [S] et Mme [E] [S], ses parents, administrateurs légaux
[Adresse 3]
[Localité 8]
Mme [G] [S] représentée par M. [T] [S] et Mme [E] [S], ses parents, administrateurs légaux
[Adresse 3]
[Localité 8]
toutes les 3 représentées par la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTES dans la procédure RG n° 21/02311
ET :
M. [T] [S]
[Adresse 2]
[Localité 8]
et
Mme [E] [L] épouse [S]
[Adresse 3]
[Localité 8]
tous les 2 représentés par la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMES dans la procédure RG n° 21/00644 et APPELANTS dans la procédure RG n° 21/02311
Le COMITÉ RÉGIONAL FSGT AUVERGNE
[Adresse 13],
[Localité 6]
et
La société ALLIANZ I.A.R.D.
SA immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 542 110 291 04757
[Adresse 1]
[Localité 12]
tous les 2 représentés par la SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL PERRIER & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (plaidant)
La société dénommée ‘MUTUELLE MALACOFF HUMANIS’
Société mutualiste immatriculée au RCS de Paris sous le SIRET n° 784 718 256 00042
[Adresse 4]
[Localité 9] / FRANCE
Non représentée, assignée à étude
Ordonnance en date du 25 novembre 2021de caducité partielle de la déclaration d’appel
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME
[Adresse 5]
[Localité 7]
Non représentée, assignée à personne morale (personne habilitée)
Ordonnance en date du 25 novembre 2021de caducité partielle de la déclaration d’appel
INTIMÉS dans la procédure RG n°21/00644 et dans la procédure RG n° 21/02311
DEBATS : A l’audience publique du 01 Février 2023 Madame [U] a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 29 Mars 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 29 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] [S] a été victime d’un accident de la voie publique alors qu’il participait à une course à pied organisée le 15 juin 2013 dénommée la ‘[Adresse 14]’. Il a été heurté par un camion de la SARL Phelinas que conduisait M. [Y] [P], véhicule assuré par la SA SMABTP, et a été sévèrement blessé.
En application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, la SA SMABTP lui a versé diverses provisions pour un total de 60 000 euros.
M. [S] a fait assigner en référé la SA SMABTP pour solliciter une expertise judiciaire.
La SA SMABTP a appelé en cause le Comité Régional FSGT Auvergne (Fédération Sportive et Gymnique du Travail), organisateur de la course et son assureur Allianz Iard pour que les opérations d’expertise leur soient opposables, celle-ci estimant que l’accident était le résultat de manquements à l’obligation de sécurité que devait l’organisateur de la course.
Par ordonnance du 22 mars 2016, le président du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande et a désigné le docteur [M] [X] en qualité d’expert.
Le 21 juillet 2017, l’expert a déposé son rapport.
Suite au dépôt de ce rapport, la SMABTP a adressé une offre indemnitaire à M. [S], en sa qualité d’assureur du véhicule impliqué.
Par actes d’huissier des 5 et 8 juin 2018, la SA SMABTP a fait assigner M. [T] [S], le Comité Régional FSGT Auvergne et son assureur la société Allianz devant le tribunal de grande instance de Clermont afin de voir :
– déclarer le Comité Régional FSGTAuvergne responsable de l’accident au cours duquel, le 15 juin 2013, M. [T] [S] a été blessé en raison d’un défaut de signalisation et des manquements aux règles de sécurité ;
– condamner le Comité Régional FSGT Auvergne, sous la garantie de son assureur la société Allianz Iard, à lui payer une somme de 60 000 euros à titre de remboursement de l’indemnité provisionnelle versée à M. [S] ;
– condamner le Comité Régional FSGT Auvergne, sous la garantie de son assureur la société ALLIANZ IARD, à la garantir et relever indemne de toute condamnation au titre de l’indemnisation définitive de M. [S] ;
– condamner solidairement le Comité Régional FSGT Auvergne et son assureur la société Allianz Iard à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
Par voie de conclusions signifiées le 8 mars 2019, l’épouse de M. [S], Mme [E] [L] épouse [S], et leurs trois filles mineures [G], [B] et [C], représentées par leurs parents, ont formé une intervention volontaire, et ont sollicité l’indemnisation de leurs préjudices.
Le Comité Régional FSGT Auvergne et son assureur la société Allianz Iard ont conclu, à titre principal au débouté de la SA SMABTP pour l’ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre et, à titre subsidiaire, qu’il soit prononcé un partage de responsabilité selon lequel ils seraient tenus à une indemnisation limitée à 20 % des condamnations prononcées.
Par jugement du 11 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :
– condamné la SA SMABTP à réparer les conséquences dommageables de l’accident subi le 15 juin 2013 par M. [S] ;
– débouté la SA SMABTP de ses demandes dirigées contre le Comité Régional FSGT Auvergne et la société Allianz ;
– condamné la SA SMABTP à verser à M. [S] les sommes suivantes :
4 106,87 euros en réparation de son préjudice relatif aux dépenses de santé actuelles ;
800,16 euros en réparation de son préjudice relatif aux frais de transport (frais divers) ;
147,76 euros en réparation de son préjudice relatif aux frais postaux (frais divers) ;
6 021,90 euros en réparation de son préjudice relatif à l’assistance temporaire d’une tierce personne (frais divers) ;
647,81 euros en réparation de son préjudice relatif aux frais futurs de canne (dépenses de santé futures) ;
– débouté M. [S] de sa demande formulée au titre des frais futurs de chaussures orthopédiques (dépenses de santé futures) ;
– condamné la SA SMABTP à verser à M. [S] les sommes de :
1.356,88 € en réparation des ‘dépenses de santé futures stricto sensu’ (dépenses de santé futures) ;
18 789,29 euros en réparation des frais de véhicule adapté engagés avant et après la consolidation ;
– débouté M. [S] de sa demande relative aux frais d’aménagement du logement ;
– sursis à statuer sur les demandes formées par M. [S] au titre de la perte de gains professionnels futurs, au titre de l’incidence professionnelle, au titre du préjudice particulier lié à la perte de gains professionnels futurs et à l’incidence professionnelle ;
– condamné la SA SMABTP à verser à M. [S] les sommes de :
49 435,49 euros en réparation de son préjudice relatif à l’assistance permanente d’une tierce personne ;
8 520 euros en réparation de son préjudice relatif au déficit fonctionnel temporaire ;
25 000 euros en réparation de son préjudice relatif aux souffrances endurées ;
– débouté M. [S] de sa demande formulée au titre du préjudice d’agrément temporaire ;
– condamné la SA SMABTP à verser à M. [S] les sommes de :
2 000 euros en réparation de son préjudice esthétique temporaire ;
40 000 euros en réparation de son préjudice relatif au déficit fonctionnel permanent ;
5 000 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent ;
14 000 euros en réparation de son préjudice d’agrément ;
– débouté M. [S] de sa demande formulée au titre du préjudice particulier d’accompagnement ;
– dit que le montant total de l’indemnité allouée à M. [S] porte intérêts au double du taux légal à compter du 16 février 2014 et jusqu’à l’acquisition par la décision d’un caractère définitif ;
– débouté Mme [E] [L] de sa demande d’expertise ;
– condamné la SA SMABTP à verser à Mme [L] la somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice d’affection ;
– condamné la SA SMABTP à verser à Mme [L] et M. [S] ensemble, :
en qualité de représentants légaux de [B] [S], la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice d’affection subi par cette dernière ;
en qualité de représentants légaux d'[G] [S], la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice d’affection subi par cette dernière ;
en qualité de représentants légaux d'[C] [S], la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice d’affection subi par cette dernière ;
– condamné la SA SMABTP à verser au fonds de garantie instituée par l’article L. 421-1 du code des assurances la somme de 18 000,99 euros en application de l’article L. 211-14 du même code ;
– condamné la SA SMABTP aux dépens ;
– condamné la SA SMABTP à verser à Mme [L] et M. [S] ensemble, en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux, la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la SA SMABTP de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées aux parties ;
– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et enjoint le conseil de M. [S] à communiquer la totalité des bulletins de salaire de ce dernier pour les années 2019, 2020 et 2021;
– renvoyé l’examen dulitige à l’audience de mise en état du 8 avril 2021.
Le tribunal a notamment énoncé que l’assureur qui verse l’indemnité ne subit pas de préjudice, il ne fait qu’exécuter son obligation et les sommes versées sont la contrepartie des primes perçues ; qu’en l’absence de dommage délictuel, la demande en garantie formée par la SA SMABTP doit être rejetée.
Par déclaration du 19 mars 2021, la SA SMABTP a interjeté appel de ce jugement. Cette instance est enregistrée sous le n° RG 21-00644.
Par ordonnance du 25 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel formée par la SA SMABTP à l’égard de la CPAM du Puy-de-Dôme et la SA Malakoff Médéric et dit qu’au vu de la divisibilité du litige, la déclaration d’appel à l’égard du Comité Régional FSGT et de la société Allianz Iard n’était pas atteinte de caducité et que l’instance d’appel se poursuivrait entre ces parties. Les dépens et les demandes en indemnités pour frais irrépétibles ont été réservés.
Toutefois, les consorts [S], par déclaration au greffe du 8 novembre 2021, ont également interjeté appel du jugement. Cette instance est enregistrée sous le n° RG 21-02311.
Par ordonnance du 20 avril 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures sous le seul n° RG 21-00644.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 avril 2022, la SA SMABTP demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1240 et 1242 du code civil, L.211-9 du code des assurances, de :
> sur l’appel principal des consorts [S] : les débouter de leurs conclusions d’appel ;
> sur son appel incident :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en garantie dirigée à l’encontre du Comité Régional FSGT Auvergne et de son assureur, la SA Allianz ;
– statuant à nouveau,
– déclarer le Comité Régional FSGT Auvergne responsable de l’accident au cours duquel, le 15 juin 2013, M. [S] a été blessé en raison d’un défaut de signalisation et des manquements aux règles de sécurité, qui ont eu un rôle causal direct évident ;
– en conséquence, condamner le Comité Régional FSGT Auvergne, sous la garantie de son assureur Allianz Iard, à lui payer la somme de 60 000 euros à titre de remboursement des indemnités provisionnelles versées à M. [S], outre une somme de 40 413,08 euros versée aux consorts [S] au titre de l’exécution provisoire du jugement de première instance ;
– dire et juger que le Comité Régional FSGT Auvergne, sous la garantie de son assureur Allianz Iard, devra la relever indemne de toutes les condamnations au titre de l’indemnisation définitive de M. [S] et des victimes par ricochet, son épouse et ses filles ;
– infirmer le jugement déféré sur les sommes allouées à M. [S] en réparation de son préjudice ;
– statuant à nouveau,
– fixer l’indemnisation définitive, hormis sur les postes ‘perte de gains professionnels futurs’, ‘incidence professionnelle’ et ‘préjudice particulier lié aux PEGPF’, du préjudice de M. [S] découlant de l’accident survenu le 15 juin 2013 aux sommes suivantes :
‘ préjudices patrimoniaux :
‘ avant consolidation :
– 4 106,87 euros au titre des dépenses de santé actuelles (confirmation),
– 947,94 eurosau titre des frais divers (confirmation),
– 2 590 euros au titre de l’aide par tierce personne avant consolidation (infirmation),
– 930 euros au titre des frais d’adaptation de véhicules avant consolidation (infirmation) ;
‘ après consolidation :
– 647,81 euros au titre des dépenses de santé liées à l’achat de cannes (confirmation),
– 0 euro au titre des dépenses de santé liées à l’achat de chaussures orthopédiques (intégralement couverts par la créance de la CPAM) (confirmation),
– 160 € au titre des dépenses de santé stricto sensu entre 2016 et 2019, outre 1 196,88 euros au titre de la capitalisation à compter de 2020 (confirmation),
– 5 565,49 euros au titre des frais d’aménagement du véhicule à compter de 2020 (infirmation),
– 0 euro au titre de l’assistance par tierce personne après consolidation (infirmation),
– 0 euro au titre des frais d’autoroute et de trajet supplémentaire (confirmation),
‘ préjudices extrapatrimoniaux :
‘ avant consolidation :
– 0 euro au titre du préjudice d’agrément temporaire (confirmation),
– 6 816 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire (infirmation),
– 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire (infirmation),
– 25 000 euros au titre des souffrances endurées (confirmation),
‘ après consolidation :
– 40 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent à 20 % (confirmation),
– 10 000 euros au titre du préjudice d’agrément (infirmation),
– 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent (infirmation) ;
– 0 euro au titre du préjudice particulier (confirmation) ;
– infirmer le jugement déféré sur les sommes allouées à Mme [L] et à Mme [L] et M. [S] ensemble, en qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs ;
– statuant à nouveau,
– fixer l’indemnisation du préjudice d’affection subi par Mme [L] à la somme de 5000 euros ;
– fixer l’indemnisation du préjudice d’affection subi par [G], [B] et [C] [S] à la somme de 3 000 euros chacune, soit une somme globale de 9 000 euros ;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le montant total de l’indemnité allouée à M. [S] portent intérêts au double du taux légal à compter du 16 février 2014 et jusqu’à l’acquisition par la décision à intervenir d’un caractère définitif ;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à verser au fonds de garantie institué par l’article L. 421-1 du code des assurances la somme de 18 000,99 euros en application de l’article L. 211-14 du même code ;
– statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle a parfaitement et sérieusement rempli ses obligations découlant de l’article L. 211-9 du code des assurances relatives aux offres d’indemnisation ;
– en conséquence, débouter les consorts [S] de leur demande tendant à voir les intérêts doublés à compter du 15 février 2014 en application des sanctions prévues à l’article L. 211-13 du code des assurances, lesquels ne sont pas applicables au cas d’espèce ;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [L] et M. [S] ensemble, en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux, la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– statuant à nouveau,
– ramener à de plus justes proportions les prétentions des consorts [S] formulées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire et juger que le Comité Régional FSGT Auvergne, sous la garantie de son assureur Allianz Iard, devra la relever indemne de toutes les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens incluant ceux liés à la procédure de référé et les frais d’expertise ;
– condamner le Comité Régional FSGT Auvergne et la compagnie Allianz Iard à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 29 septembre 2022, le Comité Régional FSGT Auvergne et la SA Allianz Iard demandent à la cour ,au visa de l’article 1240 du code civil, de :
– rejeter les appels respectifs des consorts [S] et de la SA SMABTP comme étant injustifiés et non fondés ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SA SMABTP de l’ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre ;
– juger ainsi que la SA SMABTP ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une faute imputable au Comité Régional FSGT Auvergne en relation de causalité directe et certaine avec l’accident en cause ;
– juger, au contraire, que le Comité Régional FSGT Auvergne n’a commis aucun manquement à l’obligation de moyens à laquelle il est tenu ;
– juger, en outre, que l’accident en cause n’est le résultat que des fautes d’imprudence et d’inattention commises par le conducteur du véhicule impliqué et assuré auprès de la SA SMABTP ;
– débouter la SA SMABTP de l’ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre comme étant injustifiées et non fondées ;
– rejeter toutes demandes plus amples ou contraires comme étant injustifiées et non fondées ;
– à titre infiniment subsidiaire, juger que les fautes commises par le conducteur du véhicule impliqué et assuré auprès de la SA SMABTP ont joué un rôle prépondérant dans la survenue de l’accident en cause ;
– retenir, par conséquent, l’existence d’un partage de responsabilité, la SA SMABTP n’étant fondée à recourir qu’au prorata de la gravité des fautes commises à l’origine de l’accident en cause ;
– juger qu’ils pourront être tenus que dans la limite de 20 %, la SA SMABTP devant conserver à sa charge 80 % de l’indemnisation du préjudice subi par M. [S] et ses proches ;
– limiter, par conséquent, le recours susceptible d’être exercé par la SA SMABTP à 20 % de l’indemnisation du préjudice subi par M. [S] et ses proches ;
– rejeter toutes demandes plus amples ou contraires comme étant injustifiées et non fondées ;
– débouter, en toute hypothèse la SA SMABTP de sa demande tendant à être relevée et garantie par le Comité Régional FSGT Auvergne et la société Allianz Iard de la sanction susceptible d’être prononcée à son encontre en application des dispositions des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances ;
– réduire dans de notables proportions le montant des indemnités susceptibles d’être allouées à M. [S] et à ses proches ;
– en toute hypothèse, déclarer l’arrêt à intervenir commun à la CPAM du Puy de Dôme et à la société Malakoff-Mederic ;
– condamner la SA SMABTP au paiement de la somme de 5 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Vignancour Associes pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision suffisante, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 10 novembre 2022, M. [T] [S], Mme [E] [S] née [L], et Mmes [G], [B] et [C] [S] représentées par leurs parents M. et Mme [S], demandent à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances, de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
condamné la SMABTP à réparer les conséquences dommageables de l’accident subi le 15 juin 2013 ;
condamné la société SMABTP à verser à M. [S] les sommes de :
> 4 106,87 euros au titre des dépenses de santé actuelles
> 800,16 euros au titre des frais de transport
> 147,76 euros au titre des frais postaux
> 8 520 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
> 25 000 euros au titre des souffrances endurées
> 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
> 40 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
dit que le montant total de l’indemnité allouée à M. [S] porte intérêt au double du taux légal à compter du 16 février 2014 et jusqu’à l’acquisition par la présente décision d’un caractère définitif ;
débouté la SA SMABTP de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonné l’exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées aux parties ;
ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et enjoint le conseil de M. [S] à communiquer la totalité des bulletins de salaire de ce dernier pour les années 2019, 2020 et 2021;
-infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
– allouer à M. [T] [S] en réparation des préjudices subis les sommes suivantes au titre :
‘ des préjudices patrimoniaux temporaires :
assistance tierce personne avant consolidation :
– à titre principal :8 200 euros ;
– à titre subsidiaire : 4 920 euros ;
frais d’aménagement du véhicule avant consolidation :12 255 euros ;
‘ des préjudices patrimoniaux permanents :
sur la canne : 821,40 euros ;
sur les chaussures orthopédiques :
-à titre principal
pour les années 2016 à 2021 : 73 632 euros
capitalisation après le 1er janvier 2022 : 416 511,68 euros
-à titre subsidiaire (quatre paires par an) :
pour les années 2016 à 2021 : 15 254,64 euros ;
capitalisation après le 1er janvier 2022 : 86 290,41 euros ;
– à titre subsidiaire (deux paires par an) :
pour les années 2016 à 2021 : 4 174,36 euros ;
capitalisation après le 1er janvier 2022 : 34 926,30 euros ;
frais d’autoroute et de trajet supplémentaire
pour les années 2016 à 2021 :12 042,50 euros ;
capitalisation à partir du 1er janvier 2022 : 39 766,16 euros ;
dépenses de santé futures stricto sensu : 1 597,60 euros ;
aménagement du véhicule après consolidation capitalisé : 23 282,84 euros ;
frais de logement adapté : 280 477,45 euros ;
assistance tierce personne après consolidation :
– mathématiquement jusqu’au 31 décembre 2021 :35 600 euros ;
– capitalisée après le 1er janvier 2022 : 193 458 euros ;
– subsidiairement, confirmer le jugement du 11 janvier 2021 et allouer à M. [S] la somme de 49 435,49 euros au titre de l’assistance tierce personne permanente ;
‘ des préjudices extra-patrimoniaux permanents :
préjudice d’agrément : 20 000 euros ;
préjudice esthétique permanent : 7 500 euros ;
préjudice particulier : 30 000 euros ;
– fixer l’indemnisation des victimes indirectes de la façon suivante :
‘ préjudice de Mme [S] :
‘ lui allouer au titre de son préjudice d’affection la somme de 25 000 euros ;
‘ dire sa demande d’expertise recevable et bien fondée ;
‘ ordonner une expertise médicale confiée à tel expert psychiatre qu’il plaira à la cour de céans de désigner ;
‘ préjudice d’affection des filles de Mme et M. [S] : allouer à chacune des enfants [S] la somme de 15 000 euros chacune ;
– débouter la SMABTP, le Comité Régional FSGT Auvergne et Allianz Iard de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions autres ou contraires ;
– condamner la SMABTP à payer à M. [T] [S] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles devant la cour ;
– condamner la SMABTP à payer à Mme [E] [S], la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles devant la cour ;
– condamner la SMABTP à payer à Mme [E] [S] et M. [T] [S], représentants de leurs trois filles la somme de 2 000 euros, soit 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles devant la cour ;
– condamner la SMABTP aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant la procédure de référé et les frais d’expertise.
La CPAM du Puy-de-Dôme et la SA Malakoff Humanis venant aux droits de la SA Malakoff Médéric n’ont pas constitué avocat.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023.
MOTIFS
– Sur la demande en garantie formée par la SA SMABTP à l’encontre du Comité Régional FSGT Auvergne
> La SA SMABTP, assureur du véhicule impliqué dans l’accident, n’a pas contesté en première instance l’obligation qui lui incombait d’indemniser le dommage corporel subi par M. [T] [S] en application des articles 1 à 3 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation. Elle avait toutefois demandé à ce que le Comité Régional FSGT Auvergne soit condamné à la relever indemne de toute condamnation prononcée contre elle relative à l’indemnisation définitive de M. [S] et des victimes par ricochet.
Le tribunal a énoncé que la SA SMABTP se prévalait d’un manquement du Comité FGST à son obligation contractuelle de sécurité de moyens et en déduisait que celui-ci lui avait causé un dommage résidant dans la mise en place d’une situation dangereuse. Il a considéré que l’assureur qui versait l’indemnité ne subissait pas de préjudice, il ne faisait qu’exécuter son obligation et les sommes versées étaient la contrepartie des primes perçues. Il a ainsi rejeté la demande en garantie formée par la SA SMABTP.
Si l’assureur du véhicule impliqué doit indemniser, il est toutefois en droit d’exercer un recours en garantie contre le tiers responsable sur le fondement de la responsabilité délictuelle à hauteur de la part de responsabilité encourue par celui-ci.
Aussi, il convient d’examiner le bien-fondé de l’action en garantie dirigée à l’encontre du Comité Régional FSGT Auvergne et de son assureur Allianz Iard.
> L’organisateur d’une manifestation sportive est tenue d’une obligation générale de sécurité qui est une obligation de moyens, obligation relevant de sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des participants et de sa responsabilité délictuelle vis-à-vis des tiers. Il incombe à l’organisateur de prendre toutes les mesures de sécurité nécessaires.
Il appartient ainsi à celui qui entend rechercher la responsabilité de cet organisateur de rapporter la preuve de l’existence d’une faute en relation de causalité directe et certaine avec le préjudice.
La SA SMABTP reproche en premier lieu au Comité Régional FGST Auvergne d’avoir confié la sécurité et la régulation du carrefour où s’est déroulé l’accident à un jeune garçon de 16 ans, seul, non inscrit sur la liste des signaleurs transmise par le comité à la préfecture, dépassé par les événements et non porteur des piquets mobiles à deux faces.
Deux organisateurs de la course ont été entendus par les services de gendarmerie et ont fourni les explications utiles quant à la présence de M. [W] [N] âgé de 16 ans, à savoir des désistements le jour même de la course de personnes inscrites sur la liste des signaleurs transmise à la préfecture. Le simple fait de recourir à un signaleur non inscrit sur la liste ne saurait être considéré comme fautif. En effet, le jeune homme choisi était bénévole au sein du Comité Régional FSGT Auvergne depuis six ans, celui-ci participait depuis lors aux manifestations sportives. Mais les deux organisateurs ont également rappelé que M. [W] [N] a également bénéficié d’une formation spécifique relative à la sécurité : ‘[W] a participé avec succès à un stage de jeunes dirigeants dans le cadre d’une opération nationale relayée par le comité régional olympique et sportif. Il a été reconnu apte à tenir ce poste de signaleur’.
Il est par ailleurs précisé que ce jeune homme était titulaire du permis de conduire de catégorie B, celui-ci l’ayant obtenu dans le cadre de sa formation professionnelle de chauffeur. Il maîtrisait ainsi la réglementation routière.
Il est décrit par les organisateurs comme ‘un jeune homme très sérieux et très compétent’.
Il était porteur d’un gilet réfléchissant et d’un brassard rouge : si M. [S] qui s’est trouvé à hauteur du poids-lourds, n’a pas pu voir le signaleur, son champ de vision étant obstrué par la présence du véhicule, les piétons présents et le conducteur du véhicule impliqué avaient parfaitement identifié le signaleur en place.
La SMABTP soutient qu’alors que la nécessité de deux signaleurs avait été prévue à l’intersection des RD 68 et RD 90, M. [W] [N] aurait été le seul signaleur mis en place par le Comité Régional FSGT Auvergne.
Ce dernier répond que deux signaleurs avaient bien été affectés à cette zone : M. [W] [N] et son grand-père M. [I] [N]. Celui-ci intervenait en amont de ladite intersection pour anticiper le ralentissement des véhicules en approche et venait en renfort à hauteur de ladite intersection lorsqu’il constatait un renforcement de la circulation automobile. Le Comité Régional FSGT Auvergne explique que cette organisation avait dû être mise en place du fait de la défection de signaleurs le jour même de la compétition.
Selon l’arrêté du Préfet du Puy-de-Dôme du 1er juin 2013, le Comité Régional FSGT Auvergne a été autorisé à organiser le 15 juin 2013 ladite course, celui-ci devant assurer la sécurité de l’épreuve sur l’ensemble des communes traversées. Il était prévu s’agissant de la commune d'[Localité 15] :
‘Mise en place de signaleurs aux emplacements suivants :
– intersection de la voie romaine et du CD 768 à [Localité 18]
– intersection du chemin de la voie romaine et du CD 68 au niveau de la scierie
– intersection du CD 68 et du CD 90
– intersection du CD 68 et du CD 94 (Rond Point du Village Auvergnat)’.
Par ailleurs, il résulte d’un rapport de la gendarmerie du 1er juin 2013 qu’il avait été prévu au niveau des mesures de sécurité devant être prises par l’organisateur, notamment sur la commune d'[Localité 15], la mise en place de signaleurs équipés de gilets réfléchissants et de ‘cadices de signalisation’ aux emplacements suivants :
‘- intersection de la voie romaine et du CD 768 à [Localité 18] (1)
– intersection du chemin de la voie romaine et du CD 68 au niveau de la scierie (2)
– intersection du CD 68 et du CD 90 (2)
– intersection du CD 68 et du CD 94 ([Adresse 16]) (3)
– […]’.
Les organisateurs ont fourni les explications suivantes lors de leur audition par les gendarmes :
– M. [V] [O] : à ce carrefour de la D68 et de la D90, il était prévu deux signaleurs, il y avait M. [W] [N] au carrefour et son grand-père un peu plus bas afin de faire ralentir la circulation ;
– M. [R] [K] : un signaleur était en poste à ce carrefour, à savoir M. [W] [N] qui était sous la responsabilité de son grand-père M. [I] [N], qui lui même était en poste sur la D 68 au niveau de la scierie à une centaine de mètres.
Toutefois, selon M. [J] [D], également entendu par les services de gendarmerie, spectateur de la course au niveau du carrefour du D68 et du D90, et témoin de l’accident : ‘il y avait un tout jeune signaleur qui se trouvait entre les deux voies sur le CD 68. En fait, ce jeune homme était tout le temps de ma présence avant l’accident au niveau du petit rond point…[…]. Au moment de l’accident, il y avait beaucoup de circulation dans les deux sens et sur les deux routes… […]. Le signaleur était vraiment tout seul et avait beaucoup de mal à faire avec le flot de circulation et les personnes présentes.’.
Il ressort de ces constatations que si le Comité Régional FSGT Auvergne avait bien prévu la présence de deux signaleurs à ce rond point, il manquait néanmoins une personne, M. [I] [N] étant posté à une autre intersection et ne venant que ponctuellement aider M. [W] [N] à l’endroit de l’accident où la circulation routière était importante. Il s’agit là d’un manquement dans l’organisation caractérisant une faute.
> Néanmoins, de son côté le Comité Régional FSGT Auvergne rapporte la preuve que le conducteur du véhicule poids-lourd impliqué dans l’accident a commis une faute d’inattention manifeste et d’imprudence.
La victime a déclaré qu’elle courrait sur le trottoir de droite, pratiquement à la même vitesse que le camion qui restait à sa hauteur ; que ‘sur les lieux de l’accident au niveau du carrefour, le camion était toujours à ma gauche et j’ai eu l’impression qu’il franchissait ce carrefour pour aller tout droit. A partir de ce moment là, je n’ai plus de souvenir …[…].’
Le témoin de l’accident, M. [D] a indiqué avoir ‘vu ce gros camion chargé de terre qui roulait lentement et qui soudainement a tourné sur sa droite sur la départementale 90 qui était ouverte à la circulation’, et ne pas avoir ‘vu ce signaleur faire des gestes pour empêcher le camion de tourner car il a du être surpris comme je l’ai été, par le changement inattendu de direction du camion’.
Selon M. [W] [N], le jeune signaleur, ‘vers 17 heures’, il a ‘vu un poids lourds monter par la D68″, il lui a ‘fait signe de la main et du bras afin qu’il ralentisse pour laisser passer un coureur qui se trouvait sur sa droite. Le coureur était sur la chaussée’. Il voulait ‘faire ralentir le camion pour que le coureur passe et que le chauffeur du camion ait le temps de passer après lui et avant un autre groupe de coureurs qui arrivait.’ Il n’a ‘pas vu si le chauffeur du camion avait mis son clignotant pour tourner à droite pour prendre la D90 en direction d'[Localité 15]’. Il a ‘vu par contre nettement le chauffeur préparer sa main sur le volant afin de tourner à droite. Le coureur se trouvait à ce moment au niveau du pare-chocs avant droit du camion. Quand le camion a tourné à droite, le coureur a été surpris et a fait un léger mouvement de recul afin d’éviter la collision’. Il est ‘certain que le chauffeur poids-lourd n’a pas vu le coureur car ce dernier se trouvait dans l’angle mort de la vision du chauffeur’. Il pense que le chauffeur n’a pas compris ce qu’il lui demandait : il lui a demandé de ralentir mais pas de s’arrêter et il pensait qu’il allait regarder dans son rétroviseur pour voir s’il y avait un obstacle.
Quant au conducteur, M. [Y] [P], il a expliqué que ce jour là, il effectuait un transport de terre végétale, et qu’il avait réalisé en tout trois allers et trois retours ; que l’accident avait eu lieu au cours de son sixième voyage. Il a déclaré :
‘J’étais dans le bourg de La Font de l’Arbre à [Localité 15] sur le D68, j’était sur le point de tourner sur ma droite pour emprunter le D90. J’étais pratiquement à l’arrêt. J’ai regardé dans mon rétroviseur extérieur droit et j’ai constaté la présence de 4 ou 5 coureurs qui faisaient la montée du Puy-de-Dôme. J’ai vu que l’un des coureurs me faisait signe de passer avec la main. Il y avait du monde dans ce carrefour qui encourageait les coureurs et il y avait également de la circulation dans le sens inverse, et également venant de ma droite. J’ai à nouveau regardé dans mon rétroviseur et je n’ai plus vu les 4 ou 5 coureurs aperçus auparavant qui étaient passés au ras de ma cabine de camion. J’ai mis mon clignotant et j’ai entamé la manoeuvre pour tourner à droite. En tournant, les essieux ont ripé en faisant du bruit et au bout de 4 ou 5 mètres j’ai entendu crier…[…]. En ce qui concerne la sécurité de la course, il y avait un tout jeune signaleur au niveau du carrefour D68 -D90. Il faisait passer à la fois les coureurs et les différents véhicules à ce petit rond point. Il était tout seul et semblait un peu débordé par sa mission et la situation du moment […]. J’étais pratiquement arrêté et j’ai entendu ce signaleur me dire que je pouvais tourner. Il n’a fait aucun geste pour m’arrêter, par contre il venait d’empêcher des voitures de descendre de La Font de l’Arbre en direction de [Localité 17]’.
Ainsi que le soutient le Comité Régional FSGT Auvergne, il résulte de ces auditions que le conducteur n’a entrepris de tourner à droite que sur la base des vérifications qu’il aurait effectuées dans son rétroviseur et de sa propre appréciation des conditions de circulation. M. [W] [N] n’a pas parlé au conducteur et la configuration des lieux ne lui aurait pas permis de l’entendre si tel avait été le cas.
Par ailleurs, la présence de nombreux coureurs sur le côté droit de la chaussée alors que le conducteur était en sa qualité de professionnel, présumé avoir une parfaite connaissance de l’existence d’angles morts, outre qu’il s’agissait de son sixième passage, imposait la réalisation de plus amples vérifications avant d’entreprendre de tourner à droite et donc, de couper la route des participants à la course.
De surcroît, il apparaît que le conducteur n’a pas signalé son intention de tourner à droite pour emprunter la RD 90 suffisamment en amont de la manoeuvre. Il résulte des différentes auditions que si le clignotant a été actionné (ce qui n’est confirmé par personne en dehors du conducteur), ce n’est que concomitamment à la réalisation de la manoeuvre de changement de direction. Si le conducteur avait averti en temps utile les autres usagers de son intention de tourner, le signaleur aurait pu lui demander de s’arrêter purement et simplement, d’où sa simple demande de ralentir afin de permettre au coureur M. [S] de le dépasser pour que le camion puisse ensuite traverser le carrefour en s’engageant sur le rond-point avant qu’il ne soit rejoint par le groupe de coureurs qui arrivait derrière lui.
> La concomitance des fautes du conducteur et du Comité Régional FSGT Auvergne ont concouru à la réalisation de l’accident, le témoin spectateur ayant parfaitement résumé la situation en déclarant aux services d’enquête que l’accident était ‘dû à une faute d’inattention du chauffeur routier et également au manque de moyens humains et matériels pour assurer la sécurité des coureurs’.
En revanche, les fautes d’imprudence du conducteur ont joué un rôle prépondérant dans la survenue de l’accident, et son assureur la SA SMABTP n’est fondée à recourir à l’encontre du Comité Régional FSGT Auvergne et de son assureur la société Allianz Iard qu’au prorata de la gravité des fautes commises à l’origine de l’accident.
Ainsi, compte tenu de la gravité des fautes imputables au conducteur du véhicule, le Comité Régional FSGT Auvergne sera condamné à garantir la SA SMABTP dans la limite de 20 %.
– Sur le préjudice de M. [S]
A titre liminaire, il sera constaté que certaines dispositions du jugement ne sont remises en cause par aucune des parties, à savoir :
dépenses de santé actuelles : 4 106,87 euros ;
frais divers (frais de transport) : 800,16 euros ;
frais divers (frais postaux) : 147,76 euros ;
perte de gains professionnels futurs (PGPF) : sursis à statuer ;
incidence professionnelle (IP) : sursis à statuer ;
préjudice particulier lié à la PGPF et àl’IP : sursis à statuer ;
souffrances endurées : 25 000 euros ;
préjudice d’agrément temporaire : rejet ;
déficit fonctionnel permanent : 40 000 euros.
Il résulte du rapport d’expertise que M. [S] a présenté du fait de l’accident survenu le 15 juin 2013 :
– un délabrement complet de la face dorsale du pied droit type dégantage ;
– une atteinte structure noble face dorsale : muscles, nerfs et artères ;
– une fracture luxation complexe avant-pied droit type Lisfranc complet + trans-métatarsienne avec fractures 1er et 5ème métatarsiens + naviculaire ;
– une fracture branche ilio et ischio-pubienne gauche du bassin ;
– une contusion du scarpa droit.
La consolidation a été fixée à la date du 24 septembre 2015.
La Cour de cassation prévoit que les juges, tenus d’assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, font application du barème de capitalisation qui leur paraît le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur, sans avoir à recueillir préalablement les observations des parties sur cette méthode de calcul.
La cour fera application du barème de la Gazette du Palais du 31 octobre 2022 qui est le plus proche de sa décision et donc le plus en adéquation avec la conjoncture économique et cela pour l’ensemble des postes devant donner lieu à capitalisation.
> Sur les préjudices patrimoniaux
sur les préjudices patrimoniaux temporaires
frais divers
M. [S] a été hospitalisé du 15 juin au 8 août 2013. Il s’est déplacé en fauteuil roulant jusqu’au 25 décembre 2013, a utilisé deux cannes béquilles du 26 décembre 2013 au 13 avril 2014, puis une canne jusqu’à la consolidation.
S’agissant de l’assistance tierce personne sur la période antérieure à la consolidation, la SA SMABTP sollicite l’infirmation du jugement, faisant une offre d’indemnisation à hauteur de 2590 euros. Elle demande d’indemniser ce poste sur la base d’un forfait de 14 euros/heure et d’arrêter la période à 37 semaines, soit du 15 juin 2013 au 28 février 2014, M. [S] ne justifiant pas avoir bénéficié de l’aide d’une tierce personne après le mois de février.
M. [S] demande de fixer ce poste à 8 200 euros.
Néanmoins, la cour adopte les motifs du tribunal sur ce poste de préjudice.
Celui-ci a retenu trois périodes :
– une première allant jusqu’en février 2014, période sur laquelle l’expert a retenu une aide temporaire de 5 heures par semaine, sachant que la SA SMABTP et M. [S] établissent tous les deux leurs calculs à partir de la date de l’accident, et le taux horaire retenu est de 18 euros au regard de la nature de l’aide apportée : 37 semaines x 5 heures x 18 euros = 3 330 euros ;
– une seconde du 1er mars au 6 septembre 2014, soit 27 semaines pendant laquelle M. [S] était contraint d’utiliser une ou deux béquilles limitant ses possibilités de réaliser les tâches ménagères et d’entretien ; il a été retenu un quantum de 2,5 heures par semaines : 27 semaines x 2,5 heures x 18 euros = 1 215 euros ;
– une troisième du 7 septembre 2014 au 24 septembre 2015 pendant laquelle la victime a commencé à utiliser une canne simple et a souffert de douleurs et de lésions qui se sont progressivement stabilisées et consolidées ; un quantum de 1,5 heures par semaine a été retenu au vu de ses capacités légèrement supérieures : 54,7 semaines x 1,5 heures x 18 euros = 1 476,90 euros ;
soit un total de 6 021,90 euros.
Le jugement sera confirmé.
sur les préjudices patrimoniaux permanents
dépenses de santé futures
Le jugement sera confirmé sur le principe de l’indemnisation des dépenses liées à l’achat de cannes, sauf à infirmer le quantum octroyé pour actualisation.
L’application du barème de la Gazette du Palais de 2022 aboutit au résultat suivant :
86,60 + 21,65 x 38,992 (prix de 1 euro de rente viagère pour un homme de 49 ans) =930,78 euros.
La cour ne devant pas statuer ultra petita, il sera fait droit à la demande dans la limite de 821,40 euros.
S’agissant des chaussures orthopédiques, le tribunal a énoncé que M. [S] avait bénéficié du remboursement des achats du 27 janvier 2014 et du 19 novembre 2014, soit 588,04 euros ; qu’il ne versait aux débats aucune facture ou pièce attestant d’une autre acquisition. Il a ainsi estimé qu’aucun frais futur n’avait été engagé entre la consolidation et le jugement ; que s’agissant des frais à échoir, il était fondé à réclamer quatre paires simultanées permettant de couvrir la totalité de ses besoins (sport, ville, travail…) et de disposer de rechanges ; que leur durée de vie était estimée à deux ans, l’usure totale de quatre paires de chaussures par an ne correspondant pas à un usage normal et habituel, soit deux paires par an et un coût annuel de 1 029,06 euros (en tenant compte des remboursements de la CPAM). Le tribunal a conclu que ce montant multiplié par le coefficient viager (29,922) était inférieur à la prestation servie par la CPAM (pièce A2) et que le reliquat du préjudice était donc nul. Il a ainsi rejeté la demande.
La cour adopte également les motifs du tribunal sur ce poste, le résultat étant identique avec le coefficient viager actualisé.
S’agissant des dépenses de santé futures stricto sensu, le montant sera infirmé pour actualisation: 240 + 40 x 38,992 (prix de 1 euro de rente viagère pour un homme de 49 ans) = 1 799,68 euros.
La cour ne devant pas statuer ultra petita, il sera fait droit à la demande dans la limite de 1 597,60 euros.
frais d’autoroutes et de trajets supplémentaires
M. [S] soutient se trouver dans l’obligation de prendre l’autoroute afin d’éviter les douleurs qu’il a au pied ; qu’il en résulte un surcoût pour les frais d’autoroutes et de trajets supplémentaires, soit 20 km en plus chaque jour. Il a effectué son calcul au titre de cette demande sur la base de 176 jours de travail par an.
L’expert n’a pas retenu la nécessité de cette dépense en raison des séquelles de l’accident, mais a mentionné que M. [S] avait le choix de prendre l’autoroute, ce qui lui fait parcourir 20 km de plus et occasionne des frais de péage. Au surplus, le véhicule de la victime est équipé d’une boîte de vitesses automatique et d’une pédale d’accélérateur à gauche dont il est demandé la prise en charge du coût de ces aménagements.
Il n’est pas établi que l’utilisation du réseau autoroutier est rendue nécessaire par les séquelles dont M. [S] souffre, le tribunal relevant sur ce point que les séquelles ne font perdurer, après aménagement du véhicule, aucune contre-indication à la conduite automobile. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande d’indemnisation.
frais d’aménagement du logement
M. [S] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ce poste de préjudice. Il demande à ce titre une somme de 280 447,45 euros dans la mesure où le salon se situe à l’étage et où l’accès se fait par un escalier de meunier. Le coût des travaux s’explique par la nécessité de modifier la charpente en vue de créer la surface nécessaire pour loger les chambres de ses trois enfants. M. [S] renvoie à un document établi par un architecte justifiant les frais nécessaires aux modifications envisagées.
L’architecte écrit avoir été missionné par les époux [S] pour établir un projet de réhabilitation de leur maison en raison du grave accident de M. [S] dans lequel il a perdu l’usage d’un pied. Elle poursuit en indiquant que ‘pour pouvoir circuler et être autonome dans sa maison avec un fauteuil roulant’, il faut une distribution adaptée aux normes PMR (large couloir, porte au minimum de 83 cm de large, air de contournement dans la salle de bains, la chambre et la cuisine) ce qui est impossible en l’état. Elle expose que dans le projet final, le rez-de-chaussée sera adapté aux besoins de M. [S] (une chambre, une salle de bains, cuisine, salon, séjour, bureau).
Néanmoins, M. [S] ne se déplace pas en fauteuil roulant, les séquelles retenues sont notamment les suivantes :
– une raideur légère de la tibio-tarsienne ;
– une raideur serrée de la sous astragalienne, de la tarso-métatarsienne et des orteils;
– une cicatrice du talon droit hyperkératosique avec une crevasse non suitante, de 5 cm de haut et de 8 cm de long ;
– un net empâtement de la cheville et du pied droits;
– un hallux valgus post-traumatique droit ;
– une déformation en marteau du 2ème orteil droit ;
– l’absence d’affaissement de la voûte plantaire ;
– l’absence d’amyotrophie.
Interrogé sur la question de la nécessité de l’aménagement du domicile de M. [S], l’expert a répondu que selon le descriptif du domicile que lui avait fait M. [S], il s’agissait d’une maison d’habitation de plein pied comportant une mezzanine dans laquelle se trouvaient le salon et la télévision et auquel on accédait par un escalier de meunier. Il a ajouté que monter voir la télévision une fois, voire deux fois par jour, ne lui paraissait pas médicalement contre-indiqué.
Aussi, le tribunal a, à juste raison, considéré que si la victime souffrait de boiterie compensée par l’utilisation d’une canne et de douleurs du pied droit, il demeurait autonome dans ses déplacements ; qu’il était en capacité de gravir les marches d’un escalier, observation faite que la mezzanine ne comprenait qu’une seule pièce, le salon.
Cette demande a été rejetée à juste titre et le jugement sera confirmé.
frais de véhicule adapté
Il convient de préciser que M. [S] a formé deux demandes au titre de l’adaptation de son véhicule, une demande avant consolidation et une seconde après consolidation.
Dans le cadre de la première, il a inclus les cours de conduite (325 euros), l’achat d’un nouveau véhicule (11 000 euros) et l’aménagement du véhicule (930 euros), soit un total de 12 255 euros.
Dans le cadre de la seconde, il demande de retenir le surcoût de la boîte de vitesse automatique (2 500 euros), l’aménagement nécessaire de la boîte de vitesse usé au bout de cinq ans, et de capitaliser le montant annuel de cette dépense, soit 23 282,84 euros.
L’expert a retenu la nécessité d’aménagement du véhicule en lien avec le handicap de la victime, à savoir boîte une automatique et l’accélérateur à gauche.
L’indemnisation de ce poste de préjudice ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfait ou se serait satisfait la victime.
Au vu de ces observations, la cour adopte les motifs du tribunal quant au principe, sauf à actualiser la créance et à ajouter une somme de 2000 euros au titre du remplacement du véhicule opéré en 2014 correspondant à la différence de valeur entre un véhicule à boîte de vitesse manuelle et un véhicule à boîte de vitesse automatique. En effet, la prise en compte de ce surcoût ne démarre qu’en 2021 dans le calcul opéré par le tribunal.
Ainsi, une somme de 26 104,31 euros sera retenue au titre de ce poste de préjudice :
1 255 + 2 000 (avant consolidation) + 586 x 38,992 après consolidation = 26 104,31 euros.
tierce-personne
La SA SMABTP demande d’infirmer le jugement et de ne pas retenir ce poste de préjudice, l’expert ayant selon elle, estimé qu’une aide humaine n’était pas nécessaire après la date de consolidation.
En page 24 de son rapport, l’expert indique que ‘pour ce qui est de la période post-consolidation, je pense avoir fait un état fonctionnel séquellaire suffisamment documenté. Il ne m’a jamais été fait mention qu’avant les faits, ce soit M. [S] qui accomplissait les tâches comme le ménage ou le repassage’.
Toutefois, le tribunal a, à juste raison, relevé que M. [S] souffrait de douleurs séquellaires du pied et d’une gêne à la marche ; qu’il n’était plus en mesure d’accomplir la totalité des tâches ménagères et relatives à l’entretien courant de la maison dont les parties n’affirment nullement qu’elles étaient assurées par des tiers ; que l’existence d’un déficit fonctionnel permanent de 20 % attestait de capacités diminuées impliquant une aide humaine postérieure à la consolidation. Il a, de manière cohérente avec le poste ‘frais divers’ avant consolidation, retenu un quantum de 1,5 heures par semaine et un taux horaire de 18 euros, et a distingué les frais échus et ceux à échoir. Le jugement sera ainsi confirmé dans son principe sauf à actualiser le quantum :
– 7 425 euros à titre échus = 275 x 1,5 x 18
– 54 744,77 euros à échoir = (52 x 1,5 x 18) x 38,992
soit une somme de 62 169,77 euros au titre de ce poste de préjudice.
> Sur les préjudices extra-patrimoniaux
sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires
déficit fonctionnel temporaire
Le tribunal a évalué ce poste de préjudice sur la base d’un montant de 30 euros par jour pour un préjudice déficit fonctionnel total.
La SA SMABTP sollicite l’infirmation de cette disposition du jugement, contestant le montant journalier retenu et proposant un montant de 24 euros.
Néanmoins, le tribunal a fait une juste appréciation de ce poste de préjudice au vu des conséquences des lésions et de leur évolution pendant cette période antérieure à la consolidation. M. [S] a notamment été hospitalisé jusqu’au 8 août 2013, son traitement a nécessité neuf interventions, et après son retour à domicile, il a subi des soins infirmiers et des séances de kinésithérapie. Il a utilisé un fauteuil roulant jusqu’au 25 décembre 2013, puis a marché avec des béquilles, puis une béquille, et enfin une canne de marche.
Le jugement sera confirmé.
préjudice esthétique temporaire
Le tribunal a retenu l’existence de ce poste de préjudice et alloué à M. [S] une somme de 2000 euros.
La SA SMABTP soutient que si l’expert judiciaire n’a pas retenu ce poste de préjudice, M. [S] qui a dû se mouvoir en fauteuil roulant, puis avec des cannes, durant une certaine période, a subi une atteinte à son image durant ce laps de temps. Elle ne s’oppose pas à l’octroi d’une indemnisation, mais à hauteur de 1 500 euros.
Toutefois, retenant que les parties s’accordaient sur l’existence d’un tel préjudice, le tribunal a fixé son montant au regard de la durée de cette dépréciation esthétique, à savoir usage d’un fauteuil roulant pendant six mois, de béquilles pendant quatre mois, et d’une canne au-delà. La somme de 2 000 euros est ainsi justifiée. Le jugement sera confirmé.
sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents
préjudice esthétique permanent
Le préjudice esthétique a été évalué à 2,5/7 par l’expert compte tenu de la boiterie, de l’utilisation de la canne, du port de chaussures orthopédiques et de l’état cicatriciel.
M. [S] a plusieurs cicatrices au niveau de la cuisse, de la région sus-rotulienne et latéro-rotulienne, des faces antérieure et latérale interne et externe du pied, et surtout au niveau du talon droit. Cette dernière cicatrice est hyperkératosique avec une crevasse de 5 cm de haut et 8 cm de long, indurée et chaude.
La SA SMABTP propose de fixer ce poste de préjudice à 3 000 euros, tandis que M. [S] sollicite une indemnisation à hauteur de 7 500 euros.
Le tribunal a fixé l’évaluation de ce préjudice à 5 000 euros : la cour confirme ce quantum.
préjudice d’agrément
L’expert a conclu que M. [S] pratiquait habituellement la course à pied à raison d’un entraînement d’une heure cinq fois par semaine, et qu’il participait à des compétitions, le VTT à raison de deux sorties par mois, le ski de fond et la voile. Il s’adonnait également au bricolage, au jardinage, et à diverses activités et jeux avec ses enfants. L’expert a indiqué qu’au jour de l’examen, la seule activité reprise était le vélo d’appartement.
La SA SMABTP propose une indemnisation à hauteur de 10 000 euros reconnaissant que si M. [S] pratiquait diverses activités sportives, les pièces produites ne permettaient pas d’établir qu’il les pratiquait autrement que de manière occasionnelle.
Le tribunal a néanmoins caractérisé factuellement ce poste de préjudice en relevant que les pièces versées aux débats par M. [S] établissaient qu’il pratiquait assidûment la course à pied (licence et inscriptions à de nombreuses courses), le vélo tout terrain (inscriptions à des manifestations sportives et sorties loisir), la randonnée (photographies et attestations), le ski de fond (niveau technique important, monitorat effectué pour les années 1991 à 1997) et la voile (attestations et photographies).
M. [S] a établi qu’il pratiquait de manière assidue plusieurs activités sportives dont il est désormais privé car il n’est plus en mesure de les exercer au vu de son état séquellaire. En retenant un montant de 14 000 euros, le tribunal a fait une exacte évaluation de ce poste de préjudice.
Le jugement sera confirmé.
préjudice particulier d’accompagnement
M. [S] expose qu’au moment de l’accident, une de ses filles était atteinte de leucémie, qu’il n’a pas été aussi présent qu’il aurait pu le souhaiter auprès de celle-ci et n’a pu aider son épouse à faire face à cette situation douloureuse ; qu’ainsi l’accident a eu de vives répercussions sur la famille. Il sollicite une indemnisation à hauteur de 30 000 euros à ce titre.
Le tribunal a rejeté sa demande estimant que les faits allégués par M. [S] (indisponibilité et douleur émotionnelle, gêne dans les actes de la vie courante, troubles dépressifs) se rattachaient aux postes de préjudice souffrances endurées, déficit fonctionnel temporaire et déficit fonctionnel permanent, déjà indemnisés, et ne justifiaient pas qu’un dommage intrinsèque et autonome soit retenu.
Il ressort de l’expertise, et notamment du rapport du sapiteur le docteur [A], expert psychiatre, que M. [S] est père de trois filles et que la dernière née en 2009 a été atteinte d’une leucémie déclarée en 2010 ; que cette enfant âgée de 8 ans au moment de l’expertise, était en rémission depuis environ 5 ans.
Le psychiatre expose qu’il existe chez M. [S] une vulnérabilité psychique pré-existante qui constitue une fragilité psychique vis-à-vis de la maladie et qui entre en ligne de compte sur la symptomatologie post-traumatique du sujet en lien avec l’accident. Il conclut qu’il n’existe pas d’état antérieur avéré mais une vulnérabilité psychique pré-existante ; que M. [S] conserve des séquelles psychiatriques imputables au seul accident, sous la forme exclusive d’un état dépressif permanent, qui est décrit dans le barème évaluatif en droit commun du Concours Médical ; que les autres manifestations psychologiques, notamment dans la période avant la consolidation et celles concernant les répercussions sur sa vie de couple, mettant en jeu l’état de santé de son épouse, relèvent de la vulnérabilité psychique pré-existante.
Au vu de ces éléments, il apparaît que la maladie de l’enfant est survenue bien antérieurement à l’accident (15 juin 2013) de sorte que M. [S] a pu entourer et soutenir sa famille, et que l’état de santé de l’enfant s’était amélioré antérieurement à l’accident. La survenue de l’accident n’a donc pas entravé la prise en charge des soins et l’accompagnement de la fille de M. [S]. En outre, l’état dépressif a été pris en compte dans l’évaluation des postes de préjudice énoncés par le tribunal. Le jugement sera ainsi confirmé par motifs en partie substitués.
– Sur les préjudices des proches de la victime
Le préjudice moral causé aux proches de la victime par les blessures, le handicap et les souffrances de cette dernière doit être indemnisé, et son montant fixé en fonction du dommage causé à la victime directe.
Mme [S] sollicite une somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral, et une somme de 15 000 euros pour chacune de ses filles.
Le tribunal a fait droit à la demande à hauteur de 7000 euros pour l’épouse et 4 000 euros pour chacune des filles.
Si le ressenti par Mme [S] de l’accident dont son époux a été victime a incontestablement été difficile, jamais le diagnostic vital de ce dernier n’a été engagé. Si son état a nécessité des soins très importants, M. [S] ne s’est trouvé en état de déficit fonctionnel temporaire total que du 15 juin au 8 août 2013. Le handicap subi définitivement a été qualifié à juste raison par le tribunal d’intermédiaire, M. [S] ayant une autonomie globalement conservée, les séquelles étant cantonnées au membre inférieur droit. La somme sollicitée de 25 000 euros se rapporte en effet à des événements d’une gravité supérieure, tels que le décès de la victime.
La cour adopte par ailleurs les motifs retenus par le tribunal s’agissant du préjudice moral des enfants de M. [S], et confirme la somme de 4 000 euros octroyée à chacune.
S’agissant de la demande d’expertise médicale sollicitée par Mme [S], celle-ci verse aux débats un certificat médical de son médecin traitant en date du 6 septembre 2019 faisant état d’un syndrome anxieux dépressif réactionnel à l’accident puis au handicap de son mari, avec une répercussion de ce traumatisme sur la vie de famille et conjugale.
Elle produit en outre des bulletins d’hospitalisation au CHU de deux fois cinq jours au cours de l’année 2015, le motif médical de ces hospitalisations n’étant pas connu.
Il sera d’ores et déjà observé que si Mme [S] a subi des préjudices patrimoniaux, notamment des pertes de revenus, celle-ci pouvait former une demande d’indemnisation à ce titre, ce qu’elle n’a pas fait.
Il ressort par ailleurs du rapport du sapiteur psychiatre qui a examiné M. [S] que celui-ci a exposé que son épouse était atteinte d’un diabète insulino-dépendant traité par pompe à insuline, maladie de plus en plus dure à gérer pour elle. L’expert a par ailleurs indiqué que ‘le sujet [M.[S]] déclare, dans un contexte de couple qui ne peut être retenu comme imputable de façon directe et certaine à l’accident causal, du fait de la pathologie également invalidante de l’épouse, qu’il est victime d’un préjudice professionnel…’.
En l’état, les éléments versés sont insuffisants pour justifier que soit ordonnée une expertise médicale de Mme [S], et le dommage subi par Mme [S] en qualité de victime indirecte, se limite à un préjudice d’affection.
Le jugement sera ainsi entièrement confirmé sur ce point.
– Sur le doublement des intérêts légaux
Selon l’article L.211-9 du code des assurances, quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
En cas de pluralité de véhicules, et s’il y a plusieurs assureurs, l’offre est faite par l’assureur mandaté par les autres.
L’article L.211-13 énonce que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.
Enfin, selon l’article L.211-14, si le juge qui fixe l’indemnité estime que l’offre proposée par l’assureur était manifestement insuffisante, il condamne d’office l’assureur à verser au fonds de garantie prévu par l’article L.421-1 une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime.
La SA SMABTP conteste l’application du doublement des intérêts par le tribunal, faisant valoir que lorsqu’elle a formulé une première offre d’indemnisation le 15 février 2014, elle n’avait aucune constatation médicale sur laquelle se baser et ignorait tout du potentiel état séquellaire de M. [S] ; que ce n’est qu à la suite de la contestation par la victime des conclusions du rapport provisoire du 19 mai 2014 du docteur [H], qu’un nouveau rapport provisoire a été déposé le 23 juin 2014 retenant un taux de DFP situés entre 8 et 12 %.
Elle rappelle les différentes indemnisations provisionnelles qui sont intervenues :
– 2 000 euros suivant offre régularisée le 26 juillet 2013 ;
– 2 000 euros suivant offre régularisée le 19 février 2014 ;
– 6 000 euros suivant offre régularisée le 27 octobre 2014 ;
– 10 000 euros suivant offre régularisée le 28 août 2015 ;
– 40 000 euros suivant offre régularisée le 24 octobre 2018.
Elle fait valoir qu’elle n’a été informée de la date de consolidation de M. [S] que lorsque l’expert judiciaire a déposé son rapport définitif, soit le 21 juillet 2017.
Elle estime ainsi avoir rempli ses obligations découlant de l’article L.211-9.
Elle ajoute que M. [S] a fait connaître reconventionnellement ses demandes dans le cadre de la présente procédure, n’ayant jamais donné suite aux offres d’indemnisation faites le 13 septembre 2017 et le 15 janvier 2018.
Néanmoins, hormis le cas où il peut invoquer une cause de suspension, l’assureur est tenu de faire une offre d’indemnisation, au moins provisionnelle, dans les huit mois de l’accident. La sanction prévue à l’article L.211-13 du code des assurances s’applique sans distinction à l’offre provisionnelle et à l’offre définitive en cas de non respect des délais fixés par l’article L.211-9 du code des assurances (Cass. Crim., 24 janvier 1966, Bull. Crim. n°40) et le versement d’une provision, fût-ce en exécution d’une décision de justice, ne peut être assimilé à une offre d’indemnisation (Cass. Civ 2ème, 10 juin 2004, pourvoi n° 03-12.947).
Elle ne doit pas être manifestement insuffisante. Il en va ainsi de l’offre définitive, comme de l’offre provisionnelle : cette dernière doit, comme l’offre définitive, être suffisante et comporter le détail de tous les postes de préjudice indemnisables. Une offre insuffisante et qui ne précise pas l’ensemble des postes équivaut à une absence d’offre.
Or, la SA SMABTP précise qu’il lui était impossible de formuler des offres plus détaillées.
La quittance provisionnelle signée le 28 août 2015 versée en pièce n°1 par la SA SMABTP ne concerne que les postes déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, frais divers, préjudice esthétique permanent er préjudice d’agrément. Tous les postes indemnisables ne sont pas repris. Le montant total des provisions était alors de 40 000 euros, montant très insuffisant par rapport à l’ampleur du préjudice subi.
L’offre d’indemnisation du 17 janvier 2018 comporte des postes de préjudices réservés dans l’attente de justificatifs (tel que les frais de véhicule adapté) ou ne retient pas certains postes (assistance tierce personne).
Ainsi, le jugement sera confirmé par motifs en partie substitués, en ce qu’il a condamné la SA SMABTP à supporter le doublement des intérêts légaux sur les sommes allouées à M. [S], à ce, à compter du 15 février 2014 jusqu’à la décision définitive statuant sur l’indemnisation.
Le Comité Régional FSGT Auvergne ne sera pas condamné à garantir à hauteur de 20 % la SA SMABTP de la condamnation prononcée au visa de l’article L.211-13 du code des assurances, cette sanction étant prévue à l’encontre de l’assureur tenu en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 qui n’aurait pas respecté les obligations lui incombant.
Les conditions de l’article L.211-14 du code des assurances étant réunies, il sera fait application de ces dispositions dans la limite de 5 000 euros. La SA SMABTP sera ainsi condamnée à verser cette somme au fonds de garantie prévu par l’article L.421-1 du code des assurances.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SA SMABTP aux dépens de première instance et à payer à M. et Mme [S] agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux, une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que le Comité Régional FSGT Auvergne et son assureur seront condamnés solidairement à supporter 20 % de ces condamnations.
S’agissant des dépens d’appel, ils seront supportés par la SA SMABTP et le Comité Régional FSGT Auvergne garanti par son assureur Allianz dans la proportion du partage de responsabilité retenue.
Leur demande respective sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Par ailleurs, une indemnité de 5 000 euros sera octroyée aux époux [S] au titre des frais irrépétibles d’appel, tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux.
PAR CES MOTIFS,
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Infirme le jugement en ce qu’il a :
– débouté la SA SMABTP de ses demandes dirigées contre le Comité Régional FSGT Auvergne et la société Allianz Iard ;
– condamné la SA SMABTP à verser à M. [T] [S] les sommes de :
647,81 euros au titre des frais futurs de canne (dépenses de santé futures)
1 356,88 euros au titre des ‘dépenses de santé futures stricto sensu’;
18 789,29 euros au titre des frais de véhicule adapté engagés avant et après consolidation ;
49 435,49 euros au titre de l’assistance permanente d’une tierce personne ;
– condamné la SA SMABTP à verser au Fonds de garantie institué par l’article L.421-1 du code des assurances la somme de 18 000,99 euros en application de l’article L.211-14 du code des assurances ;
Confirme par motifs en partie substitués, le surplus des dispositions du jugement ;
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :
Condamne la SA SMABTP à verser à M. [T] [S] les sommes suivantes :
821,40 euros au titre des frais futurs de canne (dépenses de santé futures) ;
1 597,60 euros au titre des ‘dépenses de santé futures stricto sensu’;
26 104,31 euros au titre des frais de véhicule adapté engagés avant et après consolidation ;
62 169,77 euros au titre de l’assistance permanente d’une tierce personne ;
Retient un partage de responsabilité entre le conducteur du véhicule impliqué et assuré auprès de la SA SMABTP et le Comité Régional FSGT Auvergne assuré auprès de la société Allianz Iard ;
Dit que le Comité Régional FSGT Auvergne et son assureur la société Allianz Iard seront tenus dans la limite de 20 %, la SA SMABTP devant conserver à sa charge 80 % de l’indemnisation du préjudice subi par M. [T] [S] et ses proches ;
Déboute la SA SMABTP de sa demande tendant à être relevée et garantie par le Comité Régional FSGT Auvergne et son assureur la société Allianz Iard de la sanction prononcée à son encontre en application des dispositions des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances ;
Condamne la SA SMABTP à verser au fonds de garantie institué par l’article L.421-1 du code des assurances, une somme de 5 000 euros en application de l’article L.211-14 dudit code ;
Déclare l’arrêt commun à la CPAM du Puy-de-Dôme et à la société Malakoff Humanis venant aux droits de la société Malakoff Médéric ;
Dit que le partage de responsabilité entre le Comité Régional FSGT Auvergne et son assureur la société Allianz Iard, et la SA SMABTP s’applique à la condamnation aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles ;
Condamne in solidum la SA SMABTP et le Comité Régional FSGT Auvergne garanti par son assureur Allianz à payer à M. [T] [S] et Mme [E] [L] épouse [S], tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs filles mineures, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure en cause d’appel ;
Condamne in solidum la SA SMABTP et le Comité Régional FSGT Auvergne garanti par son assureur Allianz aux dépens d’appel ;
Dit que les condamnations aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure seront supportées par les parties dans la proportion du partage de responsabilité retenue.
Le greffier, La présidente,