Chauffeur Poids-Lourd : décision du 19 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/05849

·

·

Chauffeur Poids-Lourd : décision du 19 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 18/05849
Ce point juridique est utile ?

Grosse + copie

délivrées le

à

3e chambre sociale

ARRÊT DU 19 Avril 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05849 – N° Portalis DBVK-V-B7C-N4ZK

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 OCTOBRE 2018 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE HERAULT

N° RG21602005

APPELANTE :

S.A.S. [10]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentant : Me Christine AUCHE HEDOU substituant Me Valérie PONCIN-AUGAGNEUR de la SELARL JURI SOCIAL, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur [F] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Emilie NOLBERCZAK, avocat au barreau de MONTPELLIER

CPAM DE L’HERAULT

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Muni d’un pouvoir en date du 28/02/2023 Mme [W] [D] (Repésentante de la CPAM) en vertu d’un pouvoir du 28/02/23

S.A.S. [9]

[Adresse 11]

[Localité 1]

Représentant : Me Julie DELATTRE substituant Me Thomas HUMBERT de la SELAS BRL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 MARS 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

– Contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat du 30 mai 2012, la sas [9] mettait M. [F] [H] à disposition de la Sas [10] en qualité de chauffeur poids lourd manutentionnaire.

Le 27 novembre 2014, le salarié était victime d’un accident de travail en chutant d’une échelle alors qu’il effectuait des travaux de terrassement sur un pont. Il subissait des lésions au dos et aux épaules.

Le 16 décembre 2014, la caisse primaire d’assurance maladie reconnaissait le caractère professionnel de l’accident

La victime était déclarée consolidée le 30 septembre 2017

Le 5 septembre 2016, elle saisissait le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Montpellier, lequel, par jugement du 15 octobre 2018, reconnaissait la faute inexcusable, allouait à la victime une indemnité provisionnelle de 3 000 € et ordonnait une expertise médicale.

Le 23 novembre 2018, la sas [10] relevait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La sas [10] demande à la cour d’infirmer le jugement querellé et, statuant à nouveau, de dire que le salarié ne rapporte pas la preuve que l’employeur ou la société utilisatrice pouvait avoir conscience du danger auquel il était exposé.

A titre subsidiaire, elle demande qu’il soit dit qu’elle ne doit pas garantie à la sas [9] des conséquences financières résultant de l’éventuelle reconnaissance d’une faute inexcusable.

Elle fait valoir en substance que le salarié avait déjà été employé comme manoeuvre par le biais de 67 contrats d’intérim, qu’il avait bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité et qu’il lui était strictement interdit d’utiliser une échelle et ce, d’autant plus, qu’il pouvait réaliser les travaux de terrassement du pont de plein pied et qu’elle ne pouvait donc avoir conscience du danger.

La sas [9] conclut à l’absence de faute inexcusable commise par ses soins A titre subsidiaire, elle demande que la société utilisatrice la garantisse de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

Elle soutient essentiellement que le salarié a été mis à disposition de la société utilisatrice comme chauffeur poids lourd , que le poste ne présentant pas de risque particulier, elle n’avait pas à mettre en place de formation à la sécurité renforcée, que seule la société utilisatrice doit mettre en oeuvre les mesures de sécurité destinés aux salariés intérimaires, que cette dernière a formé le salarié et lui a fourni des équipements de sécurité. Elle ajoute qu’elle ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié.

Monsieur [H] sollicite la confirmation du jugement et l’octroi d’une somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Il affirme , en substance, que l’accident est survenu alors qu’il a chuté d’une échelle que son chef de chantier lui avait ordonné de prendre pour réaliser la finition du béton au niveau du cadre d’un pont de 3,20 m de hauteur.

Il affirme qu’alors qu’il était recruté comme chauffeur , il était affecté à des travaux de maçonnerie en hauteur et n’a bénéficié d’aucune formation à la sécurité renforcée. Il ajoute qu’aucun garde corps n’avait été mis en place alors qu’il travaillait en hauteur et que la société utilisatrice avait nécessairement conscience du danger en le faisant travailler seul en hauteur.

La caisse primaire s’en rapporte quant à l’existence d’une faute inexcusable.

Les débats se sont déroulés le 2 mars 2023, les parties ayant comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés. Il y a faute inexcusable lorsqu’il aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que cette faute soit à l’origine exclusive de l’accident. Il suffit qu’elle y ait contribué.

Le preuve de la faute inexcusable incombe au salarié.

En cas de travail intérimaire, seule l’entreprise utilisatrice ets à même de connaître les risques qu’encourt le salarié.

En l’espèce, il n’est pas contesté que M.[H] a été embauché comme chauffeur poids lourd et qu’il a eu un accident alors qu’il se trouvait sur une échelle en train d’effectuer des travaux sur un pont.

Il n’est pas non plus contestable que la société utilisatrice lui avait demandé de dissimuler, à l’aide de béton, le raccordement entre un tuyau rigide et une gaine souple qui se situait sous le pont et qu’il était seul pour réaliser ces travaux.

Or ceux ci ne pouvaient, au vu des pièces produites aux débats, être réalisés qu’en utilisant une échelle pour accéder à la partie du pont, objet des travaux et ce alors que le salarié n’avait bénéficié d’aucune formation sur les travaux en hauteur.

En toute hypothèse, si le salarié était intervenu d’en haut du pont, aucun garde corps n’avait été mis en place pour le préserver du risque de chute.

La société utilisatrice avait nécessairement conscience du danger auquel elle exposait son salarié en lui demandant de réaliser de tels travaux nullement prévus à son contrat de travail.

En conséquence, la faute inexcusable est établie et le jugement doit être confirmé

Sur la responsabilité de l’employeur

En application de l’article L 412-6 du code de la sécurité sociale, l’entreprise de travail temporaire demeure tenue des conséquences de la faute inexcusable vis à vis de ses salariés. Elle dispose néanmoins d’une action récursoire contre l’entreprise utilisatrice, auteur de la faute inexcusable.

Un partage de responsabilité ne peut être prononcé que si l’entreprise de travail temporaire avait conscience du danger et qu’elle n’a pas fait bénéficier son salarié d’une formation à la sécurité renforcée.

En l’espèce, la société utilisatrice a déclaré un travail de chauffeur. L’entreprise de travail temporaire ne pouvait savoir que le salarié était soumis à un risque particulier et n’a commis aucune faute en ne faisant pas bénéficier son salarié d’une formation à la sécurité renforcée.

La sas [10] doit être condamnée à garantir la sas [9] de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre et le jugement doit être confirmé.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande d’allouer à l’intimé la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Hérault en date du 15 octobre 2018 en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Condamne la sas [10] à payer à M. [F] [H] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que les frais du présent recours resteront à la charge de la sas [10]

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x