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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 04 MAI 2023
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 21/02814 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDRU
CPAM DE LA HAUTE VIENNE
c/
S.A.S. [3]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 avril 2021 (R.G. n°20/00450) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 14 mai 2021.
APPELANTE :
CPAM DE LA HAUTE VIENNE agissant en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
représentée et assistée de Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
La S.A.S. [3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social élisant domicile au cabinet de FORESTA Avocats
– [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, Président magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
La société [3] (la société) a employé M. [I] [O] en qualité de chauffeur.
Le 2 avril 2019, M. [I] [O] a établi une déclaration de maladie professionnelle dans les termes suivants : ‘épicondylite, épitrochléite du coude droit’.
Le certificat médical initial, établi le 1er février 2019, mentionne une ‘épicondylite, épitrochléite du coude droit MP n°57′.
Par décision du 4 septembre 2019, la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Vienne (la caisse) a notifié à la société la prise en charge de la maladie de M. [I] [O] au titre des risques professionnels.
Le 4 novembre 2019, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contestation de cette décision.
Par décision du 13 décembre 2019, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours.
Le 28 février 2020, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de contester la décision de la commission de recours amiable.
Par jugement du 30 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré inopposable à la société la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [I] [O] le 2 avril 2019,
– condamné la caisse au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 14 mai 2021, la caisse a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions enregistrées le 11 janvier 2023, la caisse demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux,
Ce faisant, et statuant à nouveau,
– déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de l’affection déclarée par M. [I] [O] (tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit) le 2 avril 2019 au titre des maladies professionnelles,
– confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 13 décembre 2019,
– rejeter toutes demandes, fins ou conclusions contraires,
– condamner la société aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions du 9 février 2022, la société sollicite de la cour qu’elle:
– déclare la constitution de la société recevable,
– confirme le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux rendu le 30 avril 2021 dans toutes des dispositions,
Statuant à nouveau,
Au regard des éléments ci-dessous développés,
– juge que la caisse n’a pas apporté la preuve que la maladie du 3 octobre 2018 déclarée par M. [I] [O], remplie les conditions du tableau n°57 B au titre duquel elle a été prise en charge,
En conséquence,
– infirme la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse du 13 décembre 2019,
– juge la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie du 3 octobre 2018 déclarée par M. [I] [O] inopposable à la société.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
Motifs de la décision
Selon les dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée
d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées au tableau.
Il appartient à la caisse de prouver que toutes les conditions prévues au tableau relatives au délai de prise en charge et d’exposition aux risques sont réunies.
La présomption d’imputabilité de la pathologie déclarée au travail peut-être renversée par l’employeur en prouvant que la pathologie a une cause totalement étrangère au travail.
Sur le délai de prise en charge
L’article D 461-1 du code de la sécurité sociale prévoit que pour l’application du dernier alinéa de l’article L 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil.
En l’espèce, le tribunal a estimé que la caisse ne rapportait pas la preuve que l’épitrochléite du coude droit de M. [I] [O] a été diagnostiquée dans les conditions de prise en charge du tableau n° 57 B des maladies professionnelles dans la mesure où elle ne produisait pas l’arrêt de travail du 3 octobre 2018 qui est la date, selon le colloque médico-administratif établi par médecin conseil de la caisse, de la première constatation de la maladie laquelle correspond au premier arrêt de travail délivré à l’assuré au titre de la pathologie déclarée.
Mais, dés lors que le médecin conseil de la caisse à qui il incombe de fixer la date de la première constatation médicale de la maladie, qui n’est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat médical initial, a, dans le colloque médico administratif concernant la situation de M. [I] [O], fixé au 3 octobre 2018 la date de la première constatation médicale en se fondant sur l’arrêt de travail prescrit à cette date, la pertinence de l’avis du médecin conseil peut être retenue sans qu’il y ait lieu d’exiger de la caisse la production de cet arrêt de travail.
Il s’ensuit que le délai de prise en charge qui s’entend du délai dans lequel, après la cessation d’exposition au risque, la maladie fait l’objet d’une constatation médicale, a été respecté en l’espèce puisque M. [I] [O] a cessé d’être exposé au risque le 3 octobre 2018 date de l’arrêt de travail pour la pathologie déclarée et qu’en conséquence, le délai de prise en charge de 14 jours prévu au tableau n° 57 B n’a pas été dépassé.
Sur l’exposition aux risques
Pour rapporter la preuve de la réalité de l’exposition au risque de l’assuré, la caisse doit établir que ce dernier effectuait les travaux limitativement énumérés dans le tableau.
Le tableau n° 57 B énonce la liste des travaux suivants :
– travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d’extension de la main sur l’avant bras ou des mouvements de pronosupination,
En l’espèce, la caisse a diligenté une enquête confiée à un agent assermenté dont il ressort, selon les déclarations concordantes du salairé et de l’employeur, que M. [I] [O] était employé depuis le 4 juillet 2016 par la société [3] en qualité de conducteur livreur de carburant et qu’à ce titre, il manipulait les 9 bras de chargement qui devaient être emboités sur chacun des compartiments de la cuve du camion citerne et, lors de la livraison de carburant, il manutentionnait manuellement les tuyaux de 3 à 6 mètre de long ainsi que les différents éléments qui devaient être raccordés à l’aide de clés. En outre, la purge et le rangement des tuyaux étaient réalisés manuellement à raison de 10 à 15 minutes.
Ces gestes accomplis plusieurs fois par jour constituent des mouvements répétés de préhension ou d’extension de la main sur l’avant bras ou des mouvements de pronosupination tels que définis au tableau n° 57 B.
La position de l’employeur selon laquelle le salarié a été exposé à un risque semblable dans ses précédents emplois notamment en qualité de chauffeur poids lourd ne constitue pas à lui seul un motif valable de nature à écarter une exposition au risque au sein de la société [3] dés lors que la maladie est réputée avoir été contractée au service du dernier employeur.
Faute pour l’employeur de critiquer utilement la liste des tâches confiées au salarié telles qu’énoncées ci-dessus, la cour retient que la condition relative à l’exposition au risque est établie.
Dés lors, la présomption d’imputabilité est caractérisée et la décision de la caisse de prendre en charge la maladie de l’assuré au titre de la législation professionnelle doit être déclarée opposable à la société [3].
Le jugement sera réformé en ce sens.
La société [3], partie perdante, supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris
statuant à nouveau
Déclare opposable à la société [3] la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Vienne de prise en charge de la maladie déclarée par M. [I] [O] au titre de la législation professionnelle
Condamne la société [3] aux dépens.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière, à
laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud E. Veyssière