Brevets : l’antériorité destructrice de nouveauté 
Brevets : l’antériorité destructrice de nouveauté 
Ce point juridique est utile ?

La Notion d’invention nouvelle 

En application de l’article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet, par une description écrite ou orale, un dépôt ou tout autre moyen.

Les conditions de la divulgation publique

La divulgation doit être suffisamment complète et précise pour permettre à l’homme du métier de comprendre et de reproduire l’invention à la date de cette dernière.

L’élément de l’art antérieur n’est destructeur de nouveauté que s’il renferme tous les moyens techniques essentiels de l’invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l’antériorité, qui est un fait juridique dont l’existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l’invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement.

Affaire solution Evimmo3D

En l’espèce, la cour constate, comme le tribunal, que ni l’article publié le 20 avril 2010 sur le blog « Actualité immobilière », ni la vidéo de présentation en image de la solution Evimmo3D mise en ligne sur YouTube par Arkastudio le 21 avril 2010, qui se bornent à présenter le résultat visuel obtenu par un procédé de présentation de projet immobilier dans des termes vagues et génériques, n’exposent le contenu et les principes de fonctionnement technique dudit procédé, et n’en divulguent donc pas les caractéristiques. 

L’article du journal Le Télégramme relatif à la présentation de plus de cent projets immobiliers via la solution Evimmo3D, a été publié le 5 mars 2011, soit postérieurement à la date de dépôt du brevet, et ne contient aucune information technique quant à la date et au procédé utilisé pour la présentation de ces projets immobiliers, le fait que l’appellation commerciale de cette solution soit demeurée la même depuis 2009 ne suffisant à démontrer que ses caractéristiques techniques étaient dès cette époque identiques à celles du brevet litigieux.

Il en est de même du site dédié à la résidence [6] sur lequel figure une présentation en images 3D interactives de ce projet immobilier, qui a fait l’objet de cinq archivages en 2010 par le site Wayback Machine, lesdits archivages concernant la page d’accueil du site sans que les autres pages invoquées aient une date certaine autre que celle du procès-verbal de constat par l’huissier de justice soit le 8 mars 2018, outre en tout état de cause qu’elles ne permettent pas, ainsi que l’a pertinemment relevé le tribunal, d’exposer les modalités de fonctionnement de la solution Evimmo 3D mise en oeuvre à ces dates, ni de les comparer avec les caractéristiques du procédé protégé par le brevet FR 076 et donc de conclure à leur divulgation avant le dépôt de la demande de brevet.

Il en est de même des fichiers espacil.ev3d.fr téléchargés par l’huissier de justice le 8 mars 2018, dont il n’est pas justifié de leur antériorité par rapport au brevet, seule la page d’accueil desdits fichiers ayant été archivée par Wayback machine, étant au surplus observé qu’il n’est pas démontré que sans accès au code source, lesdits fichiers soient compréhensibles pour l’homme du métier qui ne peut en déduire le fonctionnement du procédé et auquel ne sont pas divulguées toutes les informations nécessaires à la reproduction de l’invention sans difficulté excessive, et notamment les caractéristiques 1.5, 1.7 et 1.9, le fichier « lstPoints.txt » se bornant à associer une suite de valeurs numériques à des éléments des lots d’appartements, nommés par exemple « Groupe2 », «Hall » ou « LocalVelo » sans faire aucun lien avec une éventuelle zone interactive, ni spécifier que lesdites valeurs numériques seraient les coordonnées dans un espace tridimensionnel de chacun des sommets d’une telle zone interactive, ni indiquer que ces zones interactives auraient été définies lors de la modélisation de la maquette. 

L’homme du métier est dès lors dans l’impossibilité de déduire que les valeurs numériques présentées dans le fichier lstCamPos.txt correspondent à différentes positions de la caméra utilisées pour calculer une image 3D de la maquette selon des paramètres de projection et que les représentations bidimensionnelles des zones interactives dans le plan d’observation de chacune des images 3D sont calculées en utilisant ces valeurs numériques en tant que paramètres de projection.

Enfin, l’expertise privée réalisée par la société Bien’ici, qui porte sur le projet immobilier « Le Chénaie », a été réalisée sur la base de la présentation disponible sur internet en 2019 sans qu’il soit établi qu’elle corresponde à celle mise en ligne en 2010 faute de tout archivage des fichiers de données et d’images sur le site internet Archive Wayback Machine, outre que les explications de l’expert sur la possibilité pour l’homme du métier d’utiliser des outils existants avant la date du dépôt du brevet, alors qu’il a été contraint d’utiliser trois outils, dont un logiciel récent, n’emportent pas la conviction de la cour. 

Dès lors, le jugement doit être approuvé en ce qu’il a dit que faute de pouvoir dater précisément la réalisation de cette présentation et sa mise en ligne la rendant accessible au public, elle n’est pas susceptible de constituer une antériorité de toute pièce destructrice de nouveauté.


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