Indemnité d’éviction : 21 février 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/06963

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Indemnité d’éviction : 21 février 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/06963

21 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
21/06963

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me ROBIN (C0622)
Me HASSAN (K0057)

18° chambre
2ème section

N° RG 21/06963

N° Portalis 352J-W-B7F-CUOVF

N° MINUTE : 5

Assignation du :
18 Mai 2021

JUGEMENT
rendu le 21 Février 2024

DEMANDEUR

Monsieur [U] [N] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Pierre ROBIN de la SELARL R & R, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0622

DÉFENDEUR

Monsieur [L] [P]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Rémy HASSAN de la SELAFA SOCIETE D AVOCATS REMY HASSAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #K0057

Décision du 21 Février 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/06963 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUOVF

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge, statuant en juge unique,

assisté de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 06 Décembre 2023 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Février 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous signature privée en date du 11 septembre 2007, la S.C.I. LA TROISIÈME, aux droits de laquelle vient Monsieur [U] [N] [Y], a donné à bail commercial à Monsieur [L] [P] des locaux composés d’une boutique en rez-de-chaussée et d’un sous-sol situés au sein d’un immeuble soumis au statut de la copropriété sis [Adresse 4] à [Localité 6] pour une durée de neuf années à effet au 11 septembre 2007 afin qu’y soient exercés tous commerces à l’exclusion de l’activité de restauration, moyennant le versement d’un loyer mensuel initial d’un montant de 1.100 euros T.T.C. charges comprises payable à terme à échoir.

Par acte sous signature privée en date du 5 avril 2016 intitulé « Avenant au bail », le loyer du contrat de bail commercial a été porté au montant mensuel de 1.312 euros T.T.C. charges comprises à compter du 10 octobre 2016.

Par acte sous signature privée en date du 20 juillet 2017 intitulé « Avenant », le loyer du contrat de bail commercial a été porté au montant mensuel de 1.378 euros T.T.C. charges comprises à compter du 10 août 2017.

Reprochant à Monsieur [L] [P] des loyers impayés, Monsieur [U] [N] [Y] lui a, par acte d’huissier en date du 7 octobre 2019, fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial portant sur la somme de 4.401,82 euros, puis l’a, par exploit d’huissier en date du 30 décembre 2019, fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, devenu depuis tribunal judiciaire de Paris, en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, en expulsion et en paiement d’une provision au titre des loyers et indemnités d’occupation non réglés.

Considérant que les demandes de Monsieur [U] [N] [Y] étaient sérieusement contestables, le juge des référés a, par ordonnance contradictoire en date du 10 juillet 2020, dit n’y avoir lieu à référé, et condamné Monsieur [U] [N] [Y] à payer à Monsieur [L] [P] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Faisant grief à Monsieur [L] [P] de ne pas s’être acquitté du montant de ses loyers et charges locatives au titre des mois d’avril, mai, novembre et décembre 2020, Monsieur [U] [N] [Y] lui a, par acte d’huissier en date du 15 décembre 2020, fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial portant sur la somme totale de 5.887,41 euros incluant le coût de l’acte.

Par acte d’huissier en date du 5 janvier 2021 dénoncé à Monsieur [L] [P] par acte d’huissier en date du 8 janvier 2021, Monsieur [U] [N] [Y] a fait procéder à une première saisie conservatoire sur les comptes bancaires de ce dernier.

Par acte notarié en date du 1er mars 2021, Monsieur [U] [N] [Y] a vendu le bien immobilier à la S.C.I. PANTHÉON INVEST.

Par acte d’huissier en date du 20 avril 2021 dénoncé à Monsieur [L] [P] par acte d’huissier en date du 22 avril 2021, Monsieur [U] [N] [Y] a fait procéder à une seconde saisie conservatoire sur les comptes bancaires de celui-ci.

Par exploit d’huissier en date du 18 mai 2021, Monsieur [U] [N] [Y] a fait assigner Monsieur [L] [P] devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de l’arriéré locatif.

Par ordonnance contradictoire en date du 7 janvier 2022, le juge de la mise en état a enjoint aux partie de rencontrer Madame [W] [S] en qualité de médiatrice judiciaire dans un délai d’un mois.

Les parties ont rencontré la médiatrice le 31 janvier 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 5 septembre 2022, Monsieur [U] [N] [Y] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1103, 1231-6 et 1728 du code civil, des articles L. 145-37, R. 145-20 et R. 145-35 du code de commerce, des articles L. 511-2 et R. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, et des articles 6 et 12 du code de procédure civile, de :

–condamner Monsieur [L] [P] à lui payer la somme de 2.899,82 euros T.T.C. en règlement des loyers arrêtés au 31 mars 2021, assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque date d’exigibilité avec anatocisme ;
–condamner Monsieur [L] [P] à supporter les frais engagés dans le cadre de la saisie conservatoire et de sa dénonciation, soit la somme de 207,78 euros ;
–condamner Monsieur [L] [P] à lui payer la somme de 28,99 euros au titre des intérêts dus conformément à l’article 6.3 du bail tel que modifié par l’avenant en date du 5 avril 2016, avec anatocisme ;
–condamner Monsieur [L] [P] à lui payer la somme de 160 euros en règlement de l’indemnité forfaitaire correspondant à 80 euros pour chaque somme impayée, conformément à l’article 6.3 du bail tel que modifié par l’avenant en date du 5 avril 2016, assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque date d’exigibilité avec anatocisme ;
–débouter Monsieur [L] [P] de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles ;
–condamner Monsieur [L] [P] à lui payer la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
–condamner Monsieur [L] [P] aux dépens, en ce compris les frais de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution, avec distraction au profit de Maître Pierre ROBIN ;
–dire que rien ne s’oppose à l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 novembre 2022, Monsieur [L] [P] sollicite du tribunal, sur le fondement des articles L. 145-15, L. 145-37, R. 145-20, R. 145-36 et R. 145-40-2 du code de commerce, et de l’article 1104 du code civil, de :

–le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
–débouter Monsieur [U] [N] [Y] de l’ensemble de ses demandes ;
–dire que la saisie conservatoire est sans objet et de nul effet ;
–à titre reconventionnel, dire et juger que l’avenant du 5 avril 2016 vaut renouvellement du bail à compter du 11 septembre 2016 ;
–dire et juger que Monsieur [U] [N] [Y] s’est abstenu de notifier une révision triennale ;
–condamner Monsieur [U] [N] [Y] à lui rembourser le trop-perçu de loyer d’un montant de 1.078,65 euros ;
–réputer non écrite la clause de l’avenant au bail portant modification de l’article 6.1 du bail commercial, en ce qu’elle ne respecte pas les dispositions de l’article L. 145-40-2 du code de commerce ;
–en conséquence, retrancher ce nouvel article 6.1 issu de l’avenant du 5 avril 2016, de telle sorte qu’il soit considéré comme n’ayant jamais existé ;
–condamner Monsieur [U] [N] [Y] à lui rembourser la somme de 10.258 euros ;
–condamner Monsieur [U] [N] [Y] à lui transmettre les quittances de loyers au titre des périodes du 1er novembre 2017 au 28 février 2021, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
–à titre subsidiaire, dire et juger que Monsieur [U] [N] [Y] s’est abstenu de lui transmettre chaque année les pièces justificatives de charges et de procéder à une régularisation de charges ;
–condamner Monsieur [U] [N] [Y] à lui rembourser les provisions sur charges au titre de la période comprise entre les mois d’octobre 2016 et février 2021, soit la somme totale de 8.858 euros ;
–en tout état de cause, dire et juger que Monsieur [U] [N] [Y] n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de bail commercial ;
–condamner Monsieur [U] [N] [Y] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
–condamner Monsieur [U] [N] [Y] à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
–condamner Monsieur [U] [N] [Y] aux dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé de leurs moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du juge de la mise en état en date du 10 février 2023.

L’affaire a été retenue à l’audience de plaidoirie du 6 décembre 2023, et la décision mise en délibéré au 21 février 2024, les parties en ayant été avisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il convient de relever que les nombreuses demandes figurant au dispositif des conclusions de Monsieur [L] [P] aux fins de voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions des articles 4 et 768 du code de procédure civile, mais des moyens (Civ. 2, 9 janvier 2020 : pourvoi n°18-18778), si bien qu’il n’y a pas lieu de statuer de ces chefs dans le dispositif de la présente décision.

Sur la qualification de l’avenant en date du 5 avril 2016

Aux termes des dispositions des premier, deuxième et cinquième alinéas de l’article L. 145-9 du code de commerce, par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement. À défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

En outre, en application des dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 145-10 du même code, à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation. La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception . Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu’à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous.

Enfin, en vertu des dispositions des premier, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 145-12 dudit code, la durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue. Le nouveau bail prend effet à compter de l’expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande. Toutefois, lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

En l’espèce, nonobstant que l’avenant au contrat de bail commercial conclu entre les parties en date du 5 avril 2016 stipule que « dans le cadre du renouvellement du bail conclu le 11 septembre 2007, nous vous informons que l’article 6 du bail Loyers et charges » sera modifié et complété » (pièces n°3 en demande et n°2 en défense), force est toutefois de constater que Monsieur [U] [N] [Y] n’a délivré aucun congé portant offre de renouvellement par acte d’huissier, et que Monsieur [L] [P] ne justifie pas non plus avoir formé de demande de renouvellement auprès de ce dernier soit par acte d’huissier, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, si bien que cet avenant ne peut être qualifié de renouvellement du contrat de bail commercial.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [L] [P] de sa demande tendant à voir qualifier l’avenant en date du 5 avril 2016 de contrat de bail commercial renouvelé à compter du 11 septembre 2016, et de constater que le contrat de bail s’est prolongé tacitement à compter de cette dernière date.

Sur l’action principale en paiement de l’arriéré locatif

Sur la créance en principal

Aux termes des dispositions de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de bail litigieux, c’est-à-dire dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations entrée en vigueur le 1er octobre 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En outre, en application des dispositions des deux premiers alinéas de l’article 1184 ancien du même code, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

En vertu des dispositions des premier et dernier alinéas de l’article 1728 dudit code, le preneur est tenu de deux obligations principales : 2°) de payer le prix du bail aux termes convenus.

Selon les dispositions de l’article L. 145-37 et des deux premiers alinéas de l’article L. 145-38 du code de commerce, les loyers des baux d’immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent chapitre, renouvelés ou non, peuvent être révisés à la demande de l’une ou de l’autre des parties sous les réserves prévues aux articles L. 145-38 et L. 145-39 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.

D’après les dispositions de l’article L. 145-39 du même code dans leur rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de bail litigieux, c’est-à-dire dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 12 de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises entrée en vigueur le 1er septembre 2014, par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

L’article R. 145-20 dudit code dispose quant à lui que la demande de révision des loyers prévue à l’article L. 145-37 est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle précise, à peine de nullité, le montant du loyer demandé ou offert. À défaut d’accord, la demande est jugée dans les conditions prévues aux articles L. 145-56 à L. 145-60. Le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande.

Enfin, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article L. 112-2 et des articles L. 112-3, L. 112-3-1 et L. 112-4, l’indexation automatique des prix de biens ou de services est interdite. Est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’une clause d’échelle mobile distincte de la révision triennale du loyer peut être contractuellement prévue, y compris à effet triennal, dès lors qu’elle présente un caractère automatique, de sorte que constitue une telle clause d’échelle mobile la clause prévoyant que « le bail sera révisable tous les trois ans en fonction de l’indice de la reconstruction publié par l’INSEE » (Civ. 3, 23 février 1982) ou que « le loyer sera révisé tous les trois ans en fonction de la variation trimestrielle de l’indice national du coût de la construction publié par l’INSEE » (Civ. 3, 20 mai 2021 : pourvoi n°20-11878).

Monsieur [U] [N] [Y] se prévaut d’un arriéré locatif d’un montant de 1.449,91 euros relatif au loyer du mois de janvier 2021 et d’un montant de 1.449,91 euros relatif au loyer du mois de mars 2021 (pièces n°9 et n°10 en demande).

En l’espèce, la clause 6 intitulée « Loyers et charges » insérée au contrat de bail commercial en date du 11 septembre 2007 stipule : « 6.1. Montant. Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer mensuel toutes charges comprises de 1.100 (mille cent) euros TTC. 6.2. Termes. Le PRENEUR s’oblige à payer le loyer au BAILLEUR, par mois et d’avance par chèque bancaire » (pièces n°2 en demande et n°1 en défense, page 4).

De plus, la clause 8 intitulée « Révision du loyer » prévoit que : « les parties conviennent de réviser le loyer tous les 3 ans. Cette révision interviendra à la date anniversaire de prise d’effet du bail, à la demande de l’une ou l’autre des parties, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception » (pièces n°2 en demande et n°1 en défense, pages 4 et 5).

Force est de constater que cette dernière clause ne constitue pas une clause d’échelle mobile, mais ne fait que rappeler le mécanisme légal de la révision triennale.

Or, l’avenant en date du 5 avril 2016 mentionne que le loyer est porté à la somme mensuelle de 1.312 euros charges comprises, soit 1.172 euros au titre du loyer et 140 euros au titre des charges, à compter du 10 octobre 2016, payable d’avance le 10 de chaque mois, étant observé que cet avenant indique qu’il a été adressé par « Courrier Recommandé AR 1A 121 405 5550 0 » et qu’il est dûment signé par les deux parties, de sorte qu’il constitue une demande de révision triennale du loyer portant accord sur le nouveau loyer révisé (pièces n°3 en demande et n°2 en défense).

Enfin, l’avenant en date du 20 juillet 2017 énonce que « la révision des charges de copropriété de l’immeuble a été faite par le syndic Immo de France » et je vous confirme que les charges subiront une augmentation. […] Les charges subiront une hausse de 66,00 € par mois. Le montant de votre avis d’échéance à compter du 10 août 2017 sera donc de 1.378,00 € Charges Comprises (1.172,00 € loyer + 206,00 € charges) » (pièce n°4 en demande).

Il s’évince de l’ensemble de ces éléments que le loyer révisé s’élève à la somme de 1.378 euros charges comprises à compter du 10 août 2017.

Décision du 21 Février 2024
18° chambre 2ème section
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Si l’avis d’échéance en date du 28 janvier 2021 produit par le bailleur fait état d’une somme totale de 1.449,91 euros correspondant à un loyer d’un montant de 1.243,91 euros et de charges locatives d’un montant de 206 euros (pièce n°9 en demande), il y a cependant lieu de relever que Monsieur [U] [N] [Y] ne justifie d’aucune demande de révision triennale ayant porté le montant du loyer en principal à la somme de 1.243,91 euros, si bien que cet avis d’échéance est erroné et n’est fondé qu’à hauteur d’un montant de 1.378 euros.

Dans sa lettre recommandée en date du 21 janvier 2021, Monsieur [L] [P] explique régler le montant du loyer du mois de janvier 2021 au moyen de la validation de la saisie conservatoire en date du 5 janvier 2021 d’une part, et au moyen d’un chèque bancaire d’un montant de 824,88 euros d’autre part (pièce n°7 en défense).

De fait, le défendeur justifie avoir acquiescé à la saisie conservatoire pratiquée le 5 janvier 2021, ainsi qu’en atteste l’acte d’acquiescement établi par huissier de justice en date du 2 février 2021 (pièce n°14 en défense), et avoir établi un chèque bancaire d’un montant de 824,88 euros libellé à l’ordre du demandeur en date du 21 janvier 2021 débité de son compte bancaire le 19 mars 2021 (pièces n°15 et n°17 en défense), étant observé que le retard d’encaissement du chèque ne saurait être imputé au preneur.

Il est donc démontré que le loyer et les charges locatives relatifs au mois de janvier 2021 ont été réglés en dernier lieu le 2 février 2021, date de l’acte d’acquiescement à la saisie conservatoire, soit dès avant l’introduction de la présente instance.

S’agissant du loyer du mois de mars 2021, outre que le montant de 1.449,91 euros figurant sur l’avis d’échéance en date du 28 février 2021 (pièce n°10 en défense) est également erroné, pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées, il y a lieu de relever que la clause 16 intitulée « CONTRAT DE LOCATION » insérée au contrat de vente conclu entre Monsieur [U] [N] [Y] et la S.C.I. PANTHÉON INVEST par acte notarié en date du 1er mars 2021 stipule que : « d) En ce qui concerne les impayés : Les parties sont convenues que le Vendeur fait son affaire personnelle de la récupération auprès du locataire des charges et loyers impayés pour la période courant jusqu’au jour de la Vente, et qu’il pourra engager toute procédure à son encontre, aucune subrogation n’ayant lieu entre les Parties à ce titre » (pièce n°11, page 7), si bien que le demandeur est en droit de solliciter les arriérés locatifs jusqu’au 1er mars 2021, c’est-à-dire ceux afférents en dernier lieu au mois de février 2021, et non au mois de mars 2021, le loyer et les charges locatives du mois de mars 2021 étant payables le 10 mars 2021, c’est-à-dire postérieurement au 1er mars 2021, de sorte que Monsieur [U] [N] [Y] ne dispose d’aucune qualité à agir en paiement du loyer du mois de mars 2021.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [U] [N] [Y] de sa demande en paiement formée à l’encontre de Monsieur [L] [P] au titre du loyer et des charges locatives du mois de janvier 2021, et de le déclarer irrecevable en sa demande en paiement formée au titre du loyer et des charges locatives du mois de mars 2021.

Sur la clause pénale

Aux termes des dispositions de l’article 1226 ancien du code civil, la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution.

En outre, en application des dispositions de l’article 1229 ancien du même code, la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale. Il ne peut demander en même temps le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard.
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Enfin, en vertu des dispositions de l’article 1152 ancien dudit code, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En l’espèce, la clause 6.3. intitulée « Conditions de règlements » insérée à l’avenant en date du 5 avril 2016 prévoit que : « toute somme quelconque, non payée à l’échéance, c’est-à-dire dans les dix premiers jours du mois, produira de plein droit et sans mise en demeure un intérêt de 1% par mois au profit du bailleur. Au cas où le défaut de paiement se prolongerait plus de 8 jours, à dater de l’échéance, toute somme impayée sera de plein droit et sans mise en demeure majorée de 80 Euros » (pièces n°3 en demande et n°2 en défense).

Comme précédemment exposé, il est établi que le loyer et les charges locatives du mois de janvier 2021, d’un montant de 1.378 euros, ont été réglés en dernier lieu le 2 février 2021, date de l’acte d’acquiescement à la saisie conservatoire, soit plus de huit jours à compter de la date d’échéance et avec près d’un mois de retard.

Dans ces conditions, le demandeur est bien fondé à solliciter la somme de : (1.378 x 1%) + 80 = 93,78 euros.

En conséquence, il convient de condamner Monsieur [L] [P] à payer à Monsieur [U] [N] [Y] la somme de 93,78 euros en application de la clause pénale stipulée à l’avenant en date du 5 avril 2016.

Sur les intérêts moratoires

Selon les dispositions des trois premiers alinéas de l’article 1153 ancien du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d’un autre acte équivalent telle une lettre missive s’il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

En l’espèce, la condamnation de Monsieur [L] [P] emportera intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2021, date de l’acte de dénonciation de la saisie conservatoire en date du 20 avril 2021 portant sur le loyer du mois de janvier 2021 (pièces n°7 et n°8 en demande) et valant mise en demeure.

En conséquence, il convient de dire que la condamnation de Monsieur [L] [P] à payer à Monsieur [U] [N] [Y] la somme de 93,78 euros emportera intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2021 jusqu’à complet paiement.

Sur l’anatocisme

D’après les dispositions de l’article 1154 ancien du code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’à défaut de convention spéciale, les intérêts échus des capitaux ne peuvent eux-mêmes produire d’intérêts que moyennant une demande en justice et à compter de la date de celle-ci (Civ. 1, 19 décembre 2000 : pourvoi n°98-14487 ; Civ. 2, 11 mai 2017 : pourvoi n°16-14881 ; Com., 9 octobre 2019 : pourvoi n°18-11694).

En l’espèce, la capitalisation des intérêts prendra effet à compter du 18 mai 2021, date de la signification de l’assignation introductive de la présente instance.

En conséquence, il convient d’ordonner que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2021.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la demande de restitution du trop-perçu de loyers

Aux termes des dispositions de l’article L. 145-37 et des deux premiers alinéas de l’article L. 145-38 du code de commerce, les loyers des baux d’immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent chapitre, renouvelés ou non, peuvent être révisés à la demande de l’une ou de l’autre des parties sous les réserves prévues aux articles L. 145-38 et L. 145-39 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. La demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.

En outre, en application des dispositions de l’article L. 145-39 du même code dans leur rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de bail litigieux, c’est-à-dire dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 12 de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises entrée en vigueur le 1er septembre 2014, par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

Enfin, en vertu des dispositions de l’article R. 145-20 dudit code, la demande de révision des loyers prévue à l’article L. 145-37 est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle précise, à peine de nullité, le montant du loyer demandé ou offert. À défaut d’accord, la demande est jugée dans les conditions prévues aux articles L. 145-56 à L. 145-60. Le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande.

En l’espèce, comme précédemment indiqué, s’il est établi que Monsieur [U] [N] [Y] a facturé, à compter du mois de décembre 2019, une somme mensuelle totale de 1.449,91 euros correspondant à un loyer d’un montant de 1.243,91 euros et à des charges locatives d’un montant de 206 euros, force est toutefois de constater qu’il ne justifie d’aucune demande de révision triennale ayant porté le montant du loyer en principal à la somme de 1.243,91 euros, si bien que le loyer et les charges locatives mensuels s’élèvent en réalité au montant de 1.378 euros (pièce n°4 en demande).

Dès lors, pour la période s’étendant du mois de décembre 2019 au mois de février 2021 inclus, correspondant à une durée de quinze mois, le défendeur est fondé à solliciter le remboursement de la somme totale de : (1.449,91 – 1.378) x 15 = 1.078,65 euros.

Décision du 21 Février 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/06963 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUOVF

En conséquence, il convient de condamner Monsieur [U] [N] [Y] à rembourser à Monsieur [L] [P] la somme de 1.078,65 euros au titre des loyers versés en trop entre les mois de décembre 2019 et février 2021 inclus.

Sur la demande tendant à voir déclarer la clause de l’avenant relative aux charges réputée non écrite

Aux termes des dispositions de l’article L. 145-15 du code de commerce, sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l’article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54.

En outre, en application des dispositions de l’article L. 145-40-2 du même code créé par l’article 13 de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 conformément aux dispositions du II de l’article 21 de ladite loi, tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux. Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire : 1°) un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel ; 2°) un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût. Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d’informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs.

En l’espèce, eu égard à la teneur de la présente décision, dès lors qu’il a été précédemment établi que l’avenant en date du 5 avril 2016 ne constitue pas un contrat de bail renouvelé, force est de constater que les dispositions susvisées ne sont pas applicables.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [L] [P] de sa demande reconventionnelle tendant à voir déclarer réputée non écrite la clause de l’avenant en date du 5 avril 2016 portant modification de la clause 6.1. du contrat de bail commercial.

Sur la demande de remboursement des charges

Aux termes des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Décision du 21 Février 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/06963 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUOVF

Il y a lieu de rappeler que lorsque les parties conviennent d’un forfait de charges sans qu’il soit question de provision, le bailleur n’est pas tenu de justifier des prestations effectivement payées (Civ. 3, 8 mars 2005 : pourvoi n°04-11047).

En l’espèce, la clause 6 intitulée « Loyers et charges » insérée au contrat de bail commercial en date du 11 septembre 2007 stipule : « 6.1. Montant. Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer mensuel toutes charges comprises de 1.100 (mille cent) euros TTC » (pièces n°2 en demande et n°1 en défense, page 4).

De plus, l’avenant en date du 5 avril 2016 mentionne que le loyer est porté à la somme mensuelle de 1.312 euros charges comprises, soit 1.172 euros au titre du loyer et 140 euros au titre des charges, à compter du 10 octobre 2016 (pièces n°3 en demande et n°2 en défense).

Enfin, l’avenant en date du 20 juillet 2017 énonce que « la révision des charges de copropriété de l’immeuble a été faite par le syndic Immo de France » et je vous confirme que les charges subiront une augmentation. […] Les charges subiront une hausse de 66,00 € par mois. Le montant de votre avis d’échéance à compter du 10 août 2017 sera donc de 1.378,00 € Charges Comprises (1.172,00 € loyer + 206,00 € charges) » (pièce n°4 en demande).

Force est de constater que l’ensemble de ces stipulations font état d’un forfait de charges, sans jamais faire référence à la notion de provision sur charges, si bien que ce forfait est dû indépendamment des prestations effectivement payées par le bailleur.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [L] [P] de sa demande reconventionnelle de remboursement des charges locatives formée à l’encontre de Monsieur [U] [N] [Y].

Sur la demande de communication des quittances de loyers sous astreinte

En application des dispositions de l’article 11 de la loi n°77-1457 du 29 décembre 1977 relative à diverses dispositions en matière de prix, tout locataire ou occupant de bonne foi peut exiger la remise d’une quittance ou d’un reçu à l’occasion d’un règlement effectué par lui.

En outre, en vertu des dispositions de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

En vertu des dispositions de l’article L. 131-2 du même code, l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts. L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

Enfin, selon les dispositions de l’article R. 131-1 dudit code, l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire. Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire.

En l’espèce, dans sa lettre recommandée adressée à Monsieur [U] [N] [Y] en date du 21 janvier 2021, Monsieur [L] [P] s’est exprimé en ces termes : « je profite de la présente pour vous rappeler que vous ne m’avez toujours pas transmis les quittances, documents comptables qui me font défaut depuis que vous avez acheté le local commercial que j’occupe. Vous ne pouvez ignorer que votre carence à ce titre me cause un préjudice certain. Je vous invite dès lors une fois encore à régulariser cette situation en m’envoyant les quittances des mois de novembre 2017 à janvier 2021 » (pièce n°7 en défense, page 2).

Or, le bailleur ne justifie pas avoir déféré à cette sollicitation.

Dès lors, il y a lieu d’enjoindre au demandeur de transmettre au locataire les quittances de loyers mensuelles pour la période s’étendant du 1er novembre 2017 au 28 février 2021, et d’assortir cette injonction d’une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la date de signification de la décision.

En conséquence, il convient d’enjoindre à Monsieur [U] [N] [Y] de communiquer à Monsieur [L] [P] l’intégralité des quittances de loyers mensuelles pour la période s’étendant du 1er novembre 2017 au 28 février 2021, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la date de signification de la présente décision et pendant une durée de six mois.

Sur la demande de nullité du procès-verbal de saisie conservatoire en date du 20 avril 2021

Aux termes des dispositions de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.

En outre, en application des dispositions de l’article L. 511-2 du même code, une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.

En vertu des dispositions de l’article L. 511-4 dudit code, à peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’État, une procédure permettant d’obtenir un titre exécutoire s’il n’en possède pas.

Enfin, selon les dispositions de l’article R. 512-3 de ce code, les autres contestations sont portées devant le juge de l’exécution du lieu d’exécution de la mesure.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le juge de l’exécution est exclusivement compétent pour statuer sur la demande de nullité d’une saisie conservatoire.

En l’espèce, force est de constater que Monsieur [L] [P] n’a pas saisi le juge de l’exécution, étant observé qu’il sollicite dans le cadre de la présente instance non pas la mainlevée de la saisie, mais sa nullité.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [L] [P] de sa demande de nullité du procès-verbal de saisie conservatoire en date du 20 avril 2021.

Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts

Aux termes des dispositions de l’article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En outre, en application des dispositions de l’article 1149 ancien du même code, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Enfin, en vertu des dispositions de l’article 1151 ancien dudit code, dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention.

En l’espèce, eu égard à la teneur de la présente décision, dès lors qu’il est établi que le loyer du mois de janvier 2021 a été payé par le défendeur postérieurement au délai contractuel imparti, si bien que la demande formée par Monsieur [U] [N] [Y] est partiellement fondée au titre de la clause pénale, il y a lieu de retenir qu’aucune faute n’est caractérisée à son encontre.

En conséquence, il convient de débouter Monsieur [L] [P] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formées à l’encontre de Monsieur [U] [N] [Y] au titre de son préjudice matériel et de son préjudice moral.

Sur les mesures accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [U] [N] [Y], partie perdante pour l’essentiel, sera condamné aux dépens, en ce compris le coût de la saisie conservatoire en date du 20 avril 2021, et il ne sera pas fait droit à sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Il sera également condamné à payer à Monsieur [L] [P] une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a été contraint d’exposer pour faire valoir ses droits dans le cadre de la présente instance, que l’équité et la situation économique des parties commandent de fixer à la somme de 2.000 euros, conformément aux dispositions de l’article 700 du même code.

Il convient de rappeler que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit, en vertu des dispositions de l’article 514 dudit code, étant observé qu’aucune des parties ne sollicite que cette dernière soit écartée sur le fondement des dispositions de l’article 514-1 de ce code.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [L] [P] de sa demande tendant à voir qualifier l’avenant en date du 5 avril 2016 conclu avec Monsieur [U] [N] [Y] de contrat de bail commercial renouvelé à compter du 11 septembre 2016,

CONSTATE que le contrat de bail commercial conclu entre Monsieur [U] [N] [Y] et Monsieur [L] [P] en date du 11 septembre 2007 portant sur les locaux sis [Adresse 4] à [Localité 6] s’est prolongé tacitement à compter du 11 septembre 2016,

DÉBOUTE Monsieur [U] [N] [Y] de sa demande en paiement formée à l’encontre de Monsieur [L] [P] au titre du loyer et des charges locatives relatifs au mois de janvier de l’année 2021,

DÉCLARE Monsieur [U] [N] [Y] irrecevable en sa demande en paiement formée à l’encontre de Monsieur [L] [P] au titre du loyer et des charges locatives relatifs au mois de mars de l’année 2021,

CONDAMNE Monsieur [L] [P] à payer à Monsieur [U] [N] [Y] la somme de 93,78 euros (QUATRE-VINGT-TREIZE euros et SOIXANTE-DIX-HUIT centimes) en application de la clause pénale stipulée à l’avenant en date du 5 avril 2016, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2021 jusqu’à complet paiement,

ORDONNE que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2021,

CONDAMNE Monsieur [U] [N] [Y] à rembourser à Monsieur [L] [P] la somme de 1.078,65 euros (MILLE SOIXANTE-DIX HUIT euros et SOIXANTE-CINQ centimes) au titre des loyers versés en trop entre les mois de décembre 2019 et février 2021 inclus,

DÉBOUTE Monsieur [L] [P] de sa demande reconventionnelle tendant à voir déclarer réputée non écrite la clause de l’avenant en date du 5 avril 2016 portant modification de la clause 6.1. du contrat de bail commercial en date du 11 septembre 2007,

DÉBOUTE Monsieur [L] [P] de sa demande reconventionnelle de remboursement des charges locatives formée à l’encontre de Monsieur [U] [N] [Y],

ENJOINT à Monsieur [U] [N] [Y] de communiquer à Monsieur [L] [P] l’intégralité des quittances de loyers mensuelles pour la période s’étendant du 1er novembre 2017 au 28 février 2021, et ce sous astreinte provisoire de 100 (CENT) euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la date de signification de la présente décision et pendant une durée de six mois,

DÉBOUTE Monsieur [L] [P] de sa demande reconventionnelle de nullité du procès-verbal de saisie conservatoire en date du 20 avril 2021,

DÉBOUTE Monsieur [L] [P] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formées à l’encontre de Monsieur [U] [N] [Y] au titre de son préjudice matériel et de son préjudice moral,

DÉBOUTE Monsieur [U] [N] [Y] de sa demande d’indemnité présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [U] [N] [Y] à payer à Monsieur [L] [P] la somme de 2.000 (DEUX MILLE) euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [U] [N] [Y] aux dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de saisie conservatoire en date du 20 avril 2021 et du procès-verbal de dénonciation de saisie conservatoire en date du 22 avril 2021,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 21 Février 2024

Le Greffier Le Président
Henriette DURO Cédric KOSSO-VANLATHEM

 


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