29 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/04920
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 7
ARRÊT DU 29 FÉVRIER 2024
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/04920 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CHJE7
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL – RG n° 21/00050
APPELANTE
S.C.I. BORDS DE SEINE
[Adresse 14]
[Localité 7]
représentée par Me Patrick CHABRUN de l’AARPI Cabinet RATIO LEGIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R009
INTIMÉES
ÉTABLISSEMENT PUBLIC ILE-DE-FRANCE MOBILITES (IDFM)
[Adresse 6]
[Localité 10]
représentée par Me Jonathan AZOGUI de la SCP LONQUEUE – SAGALOVITSCH – EGLIE-RICHTERS & Associés, avocat au barreau de PARIS
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL
DE MARNE – COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 1]
[Localité 11]
représentée par Monsieur [I] [K], en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Hervé LOCU, Président
Madame Marie MONGIN, Conseillère
Madame Nathalie BRET, Conseillère
Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Dans le cadre de l’aménagement d’une voie de bus en site propre « T Zen 5 » dans les villes de [Localité 19] et de [Localité 13] dont Ile-de-France Mobilités (IDFM) est le maître d’ouvrage, une enquête parcellaire a été menée du 02 au 19 décembre 2019.
Par arrêté inter-préfectoral du 16 décembre 2016, prorogé le 5 octobre 2021, le projet « T Zen 5 » a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique au profit du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), désormais dénommé Ile-de-France Mobilités (IDFM), en vue de la réalisation d’une voie de bus.
Au terme d’un arrêté préfectoral du 16 octobre 2020, les parcelles et droits réels nécessaires à la réalisation du projet « T Zen 5 » et situés sur la ville de [Localité 19] ont été déclarés cessibles au profit d’ IDFM, parmi lesquelles la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 4] d’une superficie de 430 m².
L’ordonnance d’expropriation n’a pas été rendue.
La parcelle cadastrée G n°[Cadastre 4] est située en zone UFi, zone affectée à l’accueil d’activités économiques excluant l’habitat nouveau. Il s’agit d’une parcelle issue d’une division en date du 24 juillet 2020 de la parcelle originelle G n°[Cadastre 8] d’une superficie totale de 5.619 m² en deux parcelles, à savoir la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 4] (dans l’emprise) et la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 5] (hors emprise). La parcelle dans l’emprise est en nature de terrain, de forme étroite et rectangulaire. Elle supporte une rampe d’accès menant au parking sous-terrain de l’ensemble immobilier à usage d’activités situé sur la parcelle contiguë.
Est notamment concernée par l’opération la SCI des Bords de Seine, en tant que propriétaire du terrain sis [Adresse 18] à [Localité 19], sur la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 4].
Faute d’accord sur l’indemnisation, IDFM a saisi le juge de l’expropriation de Créteil par une requête du 18 mai 2021 et reçue par le greffe le 21 mai 2021.
Par un jugement du 18 novembre 2022, après transport sur les lieux le 19 octobre 2021, le juge de l’expropriation de Créteil a :
Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 19 octobre 2021 ;
Fixé la date de référence au 22 décembre 2020 ;
Retenu la méthode d’évaluation globale par comparaison ;
Retenu une valeur unitaire de 250 euros/m² avant abattement ;
Retenu un abattement de 20% pour encombrement ;
Retenu un prix unitaire de 5.000 euros par emplacement de parking ;
Fixé l’indemnité due par IDFM à la SCI des Bords de Seine au titre de la dépossession du bien situé [Adresse 2] à [Localité 19] à la somme de 339.905 euros ;
Précisé que cette indemnité totale de dépossession foncière se décompose de la manière suivante :
Indemnité principale : 86.000 euros (200 euros/m² × 430 m²)
Indemnité de remploi : 9.600 euros
Indemnité pour reconstitution des équipements en emprise : 239.305 euros
Indemnité pour frais d’architecte : 5.000 euros ;
Rejeté toutes les autres demandes des parties
Condamné IDFM à payer à la SCI des Bords de Seine la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné IDFM aux dépens ;
La SCI des Bords de Seine a interjeté appel du jugement le 22 décembre 2022 sur le montant de l’indemnité de dépossession, sa décomposition et le rejet de ses autres demandes. Elle critique le prix unitaire alloué, l’absence d’indemnisation du bâtiment en emprise et sollicite l’indemnisation des frais de reconstitution des équipements en emprise, avec désignation d’un expert.
Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
1/ adressées au greffe le 14 mars 2023 par la SCI des Bords de Seine, notifiées le 27 mars 2023 (AR intimé le 28 mars 2023 et AR CG non daté), aux termes desquelles, il est demandé à la cour de :
Déclarer la SCI des Bords de Seine recevable et fondée en son appel ;
Réformer le jugement rendu le 18 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Créteil sur les dispositions contestées,
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu le 18 novembre 2022 par le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a retenu une indemnité principale d’un montant de 86.000 euros et 9.600 euros au titre de l’indemnité de remploi ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité pour reconstitution des équipements en emprise à la somme de 293.305 euros ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a omis d’indemniser le bâtiment en emprise ;
Confirmer ledit jugement pour le surplus.
En tant que de besoins avant dire droit,
Vu les dispositions de l’article R.322-1 du code de l’expropriation en son deuxième alinéa,
Ordonner une expertise au titre de l’indemnité accessoire de reconstitution des équipements en emprise
Désigner tel expert qu’il plaira à la Cour avec pour mission :
De prendre connaissance des pièces produites par les parties sur ce poste et notamment les pièces produites aux présentes, 25 : étude d’architecte de la SCI des Bords de Seine et 26 : étude IDFM,
Entendre les parties ainsi que tous sachants, se faire remettre tous documents utiles,
Donner un avis technique sur les projets présentés par la SCI des Bords de Seine et le contre-projet IDFM,
Donner un avis technique sur le coût des travaux de réaménagement pour chaque poste,
Fournir à la Cour tous éléments techniques utiles à la solution du litige ;
Dire que les frais d’expertise seront à la charge de l’autorité expropriante IDFM ;
Et statuant à nouveau,
Fixer l’indemnité à revenir à la SCI des Bords de Seine à la somme de :
Indemnité principale :
Terrain : 430 m² × 660 euros/m² – 20% = 227.040 euros
Bâtiment : 120 m² × 900 euros/m² = 108.000 euros
Soit un total d’indemnité principale de 335.040 euros,
Indemnité de remploi : 34.504 euros,
Indemnité de reconstitution des équipements en emprise : 364.637,20 euros,
Indemnité pour frais d’architecte : (confirmation) 5.000 euros,
Article 700 du code de procédure civile :
Confirmation : 5.000 euros
En cause d’appel : 8.000 euros.
2/ adressées au greffe le 27 juillet 2023 par la SCI des Bords de Seine, notifiées le 02 août 2023 (AR intimé le 07 août 2023 et AR CG le 07 août 2023), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Déclarer la SCI des Bords de Seine recevable et fondée en son appel ;
Réformer le jugement rendu le 18 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Créteil sur les dispositions contestées,
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu le 18 novembre 2022 par le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu’il a retenu en indemnité principale d’un montant de 86.000 euros et 9.600 euros au titre de l’indemnité de remploi ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité pour reconstitution des équipements en emprise à la somme de 293.305 euros ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a omis d’indemniser le bâtiment en emprise ;
Confirmer ledit jugement pour le surplus.
En tant que de besoins avant dire droit,
Vu les dispositions de l’article R.322-1 du code de l’expropriation en son deuxième alinéa,
Ordonner une expertise au titre de l’indemnité accessoire de reconstitution des équipements en emprise
Désigner tel expert qu’il plaira à la Cour avec pour mission :
De prendre connaissance des pièces produites par les parties sur ce poste et notamment les pièces produites aux présentes, 25 : étude d’architecte de la SCI des Bords de Seine et 26 : étude IDFM,
Entendre les parties ainsi que tous sachants, se faire remettre tous documents utiles,
Donner un avis technique sur les projets présentés par la SCI des Bords de Seine et le contre-projet IDFM,
Donner un avis technique sur le coût des travaux de réaménagement pour chaque poste,
Fournir à la Cour tous éléments techniques utiles à la solution du litige ;
Dire que les frais d’expertise seront à la charge de l’autorité expropriante IDFM ;
Et statuant à nouveau,
Fixer l’indemnité à revenir à la SCI des Bords de Seine à la somme de :
Indemnité principale :
Terrain : 430 m² × 660 euros/m² – 20% = 227.040 euros
Bâtiment : 120 m² × 900 euros/m² = 108.000 euros
Soit un total d’indemnité principale de 335.040 euros,
Indemnité de remploi : 34.504 euros,
Indemnité de reconstitution des équipements en emprise : 564.637,20 euros,
Indemnité pour frais d’architecte : (confirmation) 5.000 euros,
Article 700 du code de procédure civile :
Confirmation : 5.000 euros
En cause d’appel : 8.000 euros.
3/ adressées au greffe le 03 mai 2023 par IDFM, intimé, formant appel incident, notifiées le 09 mai 2023 (AR intimé le 11 mai 2023 et AR CG le 12 mai 2023) – et dont les pièces ont été renotifiées le 05 juillet 2023 par lettre simple – aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
Confirmer le jugement du juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Créteil en date du 18 novembre 2022 (RG 21/00050) en tant qu’il a fixé à 239.305 euros l’indemnité pour reconstitution des équipements en emprise ;
Recevoir IDFM dans son appel incident ;
Infirmer le jugement du juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Créteil en date du 18 novembre 2022 (RG 21/00050) en tant qu’il a fixé l’indemnité principale à 86.000 euros, l’indemnité de remploi à 8.600 euros, l’indemnité pour frais d’architecte à 5.000 euros et une indemnité de procédure à 5.000 euros ;
Fixer à 315.985 euros l’indemnité d’expropriation due à la SCI des Bords de Seine pour la dépossession du bien cadastré section G n°[Cadastre 4] sis [Adresse 18] à [Localité 19], décomposée comme suit :
Indemnité principale : 68.800 euros( 430 m² X 160 euros/m²),
Indemnité de remploi : 7.880 euros,
Indemnité pour reconstitution : 239.305 euros TTC ;
Débouter la SCI des Bords de Seine de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions d’appel et notamment de sa demande de désignation d’un expert avant dire droit et la demande d’indemnité pour frais d’architecte ;
Condamner la SCI des Bords de Seine à verser à IDFM une somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la SCI des Bords de Seine aux entiers dépens de l’instance d’appel.
4/ adressées au greffe le 16 juin 2023 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 19 juin 2023 (AR appelant non reçu et AR intimé non reçu), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :
Fixer à la somme de 86.140 euros l’indemnité d’expropriation due à la SCI des Bords de Seine pour la dépossession de la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 4] sise [Adresse 18] à [Localité 19], décomposée comme suit :
Indemnité principale en valeur libre d’occupation après abattement pour encombrement : 77.400 euros (430 m² X180 euros/m² (225 euros/m² -20%),
Indemnité de remploi : 8.740 euros,
Indemnité de reconstitution des équipements en emprise : à l’appréciation du président, sur devis.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :
La SCI des Bords de Seine fait valoir dans un premier jeu de conclusions que :
Concernant le terrain d’assiette et l’emprise, l’ensemble immobilier était édifié sur une parcelle cadastrée G n°[Cadastre 8] d’une superficie de 5.619 m². Une division cadastrale a été opérée : la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 5] est hors emprise et la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 4] d’une superficie de 430 m² est en emprise. Cette dernière constitue l’ensemble de la façade de la parcelle d’origine le long de la [Adresse 18]. Elle inclut la totalité des accès au sous-sol du bâtiment hors emprise, desservis par une rampe en béton. Elle supporte également un petit bâtiment élevé d’un simple rez-de-chaussée, situé en façade. Cette zone sert actuellement à permettre aux poids-lourds desservant l’entreprise quotidiennement, de déposer les marchandises en attente d’être transférées à l’intérieur du bâtiment. Elle sert également de zone de chargement. Elle permet en outre la circulation des véhicules pour leur permettre d’atteindre l’arrière du bâtiment. Cette zone inclut également l’ensemble des bennes à déchets.
Concernant le bâtiment hors emprise, il est élevé sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée et d’un étage partiel. Il s’agit d’un bâtiment de grande hauteur à usage d’activités, composé dans sa partie centrale par un vaste atelier, de grande hauteur, complété dans la partie droite par un ensemble de bureaux en parfait état. L’ensemble est complété par une zone de parking.
Concernant la situation locative, l’ensemble immobilier est donné en location à la société SET UP par bail notarié du 18 mai 2005 (Pièce 1A).
Concernant la situation géographique, le bien exproprié se situe sur le territoire de la commune de [Localité 19], le long de la [Adresse 18]. Celle-ci croise l'[Adresse 12] qui constitue l’une des principales artères du département. Il s’agit d’une zone essentiellement dévolue à des activités de toute nature : concessionnaires automobiles, distribution alimentaire, restauration rapide, activités sportives, etc… La zone est desservie par l’autoroute A86 ainsi que par les transports en commun : bus 217 situé au droit de l’emprise, bus 282 situé à peu de distance.
Concernant la situation au plan local d’urbanisme, les biens sont classés en zone UFi à la date de référence.
Concernant le premier motif d’appel, à savoir le prix unitaire alloué, les terrains en emprise sont classés au plan local d’urbanisme en zone constructible. Il s’agit de parcelles reliées aux réseaux, parfaitement configurées, goudronnées, bénéficiant d’une large façade le long du [Adresse 16], voie carrossable à double sens de circulation. Les parcelles possèdent trois façades distinctes, ce qui confère une plus-value de 15% à la valeur du terrain d’après la jurisprudence constante. La situation géographique du bien est d’excellente qualité, puisqu’il est situé en centre-ville, à proximité de toutes commodités, parfaitement desservi par les transports en commun et les voies routières. Cette Jurisprudence a d’ailleurs connu une application récente dans une décision portant sur un terrain situé que la Commune de [Localité 17] (Pièce 2A). Les parcelles en emprise sont entièrement goudronnées, partiellement végétalisées et aménagées en deux parkings. Les terrains sont situés dans une zone géographique de bonne qualité, à peu de distance de [Localité 15], parfaitement desservis par les voies routières, à proximité de l’autoroute A86, également desservis par les transports en commun.
La SCI des Bords de Seine produit six termes de comparaison concernant des terrains, pour une valeur unitaire moyenne de 684 euros/m².
La SCI des Bords de Seine critique tous les termes de comparaison produits par IDFM en première instance.
La SCI des Bords de Seine critique tous les termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement en première instance.
La SCI des Bords de Seine examine les critiques formulées par le premier juge à l’égard de certains de ses termes de comparaison. S’agissant du terme de comparaison DEF2, il s’agissait d’un terrain situé à quelques mètres de la parcelle expropriée, ayant fait l’objet d’une mutation récente et située dans la même zone du plan local d’urbanisme. Si la surface totale est effectivement incomparable avec celle du bien exproprié, la mutation concernait en réalité la cession d’un ensemble de parcelles plus petites. De plus, un terrain de vaste surface présente des prix unitaires inférieurs à ceux d’une surface plus réduite, de sorte que le premier juge ne pouvait retenir un prix de plus de deux fois moindre sans commettre une erreur d’appréciation confinant à l’incohérence. S’agissant du terme de comparaison DEF3, si le terme de comparaison datait effectivement de 2015, il s’agit d’une mutation située à quelques mètres du bien exproprié, sur la même voie, avec la même situation d’urbanisme. Il semble donc injustifié de retenir aujourd’hui un prix unitaire de 250 euros/m² contre 400 euros/m² en 2015. S’agissant des jugements produits par l’expropriée portant sur des tréfonds, leur production intervenait en réponse à des termes de comparaison auxquels se référait IDFM faisant état de prix unitaires bien inférieurs.
La SCI des Bords de Seine critique certaines des références retenues dans le jugement, à savoir les termes de comparaison CG1, CG2, CG5/DEM1 et CG6.
En conclusion, la SCI des Bords de Seine sollicite que l’indemnité principale soit fixée à la somme de 227.040 euros en l’état d’occupation,
soit 430 m² × 660 euros/m² – 20%.
Concernant le deuxième motif d’appel, à savoir l’absence d’indemnisation du bâtiment en emprise, la SCI des Bords de Seine produit cinq termes de comparaison concernant des locaux d’activités ou des entrepôts, pour une valeur unitaire moyenne de 1.498 euros/m². L’absence totale d’une quelconque référence dans le jugement à ce bâtiment est parfaitement inexplicable, tant son existence est incontestable. Il est sollicité la réformation du jugement et l’allocation d’une indemnité de 108.000 euros (120 m² × 900 euros/m²).
Concernant le troisième motif d’appel, à savoir les frais de reconstitution des équipements en emprise, l’emprise se situe sur la façade latérale du bâtiment principal édifié sur la parcelle hors emprise, zone fermée par un portail métallique coulissant, entièrement aménagé, permettant la circulation des poids-lourds desservant l’entreprise locataire et à usage de zone de chargement. Elle comprend également des bennes à déchets, les raccordements aux réseaux mais aussi une rampe d’accès au sous-sol en béton, qui sera entièrement impactée. Elle comprend également une cuve enterrée. Un cabinet d’architecte mandaté par l’expropriée a estimé les coûts de reconstitution à la somme de 564.637,20 euros (Pièce 25A). Le premier juge a retenu le chiffrage sollicité par l’autorité expropriante alors même que son étude était critiquable. Le rédacteur de cette étude n’a jamais pris contact avec l’expropriée ou l’entreprise locataire, semant ainsi le doute sur les conditions techniques dans lesquelles elle a été réalisée. L’architecte désigné par l’expropriée avait formulé un certain nombre de réserves concernant la problématique de l’issue de secours dont le nouvel emplacement qui ne respecterait pas la réglementation de sécurité, les frais de portail qui sont sous-estimés, les travaux envisagés sur la cabine de peinture qui sont inenvisageables sans compromettre le bâtiment, la réduction de l’espace qui empêcherait la circulation des poids-lourds, le local technique qui n’a pas besoin de recréé, les murets qui seront reconstitués à l’identique, et enfin les travaux de reprise des sols qui devront être réalisés pour permettre aux camions de déverser les déchets jusqu’au nouvel emplacement des bennes à ordures. Par ailleurs, l’étude d’IDFM repose sur des prix pratiqués dans le cadre de marchés publics, qui ne sauraient en aucun cas être comparables à ceux auxquels devra faire face la SCI des Bords de Seine, qui relèvent des marchés privés, généralement beaucoup plus coûteux. En outre, c’est à tort que le premier juge a écarté le devis de l’architecte, alors que ce dernier est tout aussi qualifié que le rédacteur de l’étude d’IDFM pour évaluer le montant des travaux à réaliser. Le premier juge n’a pas répondu aux critiques soulevées par la SCI des Bords de Seine. Le jugement ajoute d’ailleurs que seule l’estimation produite par IDFM provient d’un examen contradictoire en présence des deux parties ce qui est faux. En conséquence, il sera sollicité de la Cour qu’elle réforme la décision de première instance et alloue une indemnité de 564.637,20 euros, conformément aux évaluations réalisées par l’architecte. Si par extraordinaire la Cour décidait de ne pas faire droit à cette demande, il sera sollicité qu’elle désigne un expert au titre de l’indemnité accessoire de reconstitution des équipements en emprise, en vertu de l’article R.322-1 du code de l’expropriation applicable en l’espèce. En effet, il existe manifestement une divergence, non seulement sur le coût proprement dit des travaux d’aménagement des abords du bâtiment, mais sur les modalités mêmes du réaménagement.
Concernant l’article 700 du code de procédure civile, il sera sollicité outre l’indemnité accordée en première instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire d’un montant de 8.000 euros en cause d’appel.
La SCI des Bords de Seine fait valoir dans un second jeu de conclusions que :
Concernant le premier motif d’appel, à savoir le prix unitaire alloué, IDFM prétend qu’il faudrait instaurer une distinction entre des terrains bénéficiant d’une double façade et des terrains d’angle. En réalité, la plus-value attachée à ce type de terrain est liée aux facilités de construction présentées par une telle configuration, de par la présence des réseaux sur les deux façades, dont bénéficie bien évidemment également, une parcelle en situation d’angle, comme le bien exproprié (Pièce 29A).
La SCI des Bords de Seine répond aux critiques d’IDFM sur ses termes de comparaison.
La SCI des Bords de Seine répond aux critiques d’IDFM sur les termes de comparaison du commissaire du gouvernement.
En réponse au mémoire d’appel incident d’IDFM, les trois termes de comparaison produits étaient déjà produits en première instance et doivent être écartés. Il pourra être constaté que pour ces biens qu’IDFM considère comme comparables, les prix ont évolué à la hausse entre 2014 et 2018, démontrant ainsi une évolution du marché qui devra être prise en compte dans le cadre de l’appel. L’aggravation du taux de l’abattement pour encombrement est injustifiée. En effet, la constructibilité d’une emprise partielle s’apprécie non pas au regard de sa propre configuration, ce qui serait extrêmement inéquitable puisque cela reviendrait à confier à l’autorité expropriante la faculté de tracer des emprises inconstructibles, mais uniquement sur celle de la parcelle mère. De plus, la constructibilité s’apprécie non pas au regard de l’emprise au sol des bâtiments supportés par la parcelle, mais au regard de la totalité de ses possibilités de construction en élévation. Or, le bâtiment édifié sur la parcelle mère est élevé d’un simple rez-de-chaussée alors que l’article UF8 du plan local d’urbanisme de la ville de [Localité 19] autorise la construction à hauteur de 25 m dans la zone (Pièce 28A). Le potentiel de constructibilité de la parcelle mère n’est donc pas épuisé de sorte que seul un taux d’abattement de 20% pourra être retenu. Enfin, IDFM se prévaut de deux décisions judiciaires postérieures à la date du jugement entrepris, de sorte qu’elles ne peuvent pas être accueillies comme des références, les biens étant en tout état de cause incomparables car situés en bordure de fleuve.
Concernant le troisième motif d’appel, à savoir les frais de reconstitution des équipements en emprise, la somme de 364.637,20 euros sollicitée dans les premières conclusions relève d’une erreur purement matérielle qui est rectifiable, d’autant qu’IDFM avait pleinement connaissance de la réalité de la demande présentée par la SCI des Bords de Seine. La cour d’appel de Paris a déjà jugé que les « simples erreurs de plume » n’ayant « causé aucun grief » étaient rectifiables dans un arrêt du 17 mai 2022. Le montant de l’indemnité sollicitée au titre des frais de reconstitution des équipements en emprise est de 564.637,20 euros TTC.
IDFM rétorque que :
Concernant la localisation du bien, la parcelle cadastrée section G n°[Cadastre 4] est située [Adresse 18] à [Localité 19].
Concernant la consistance et l’état du bien, la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 8] d’une superficie de 5.619 m² a été divisée pour y prélever la parcelle nouvellement créée G n°[Cadastre 4] correspondant à une emprise de 430 m² de forme rectangulaire. Le bien est en nature de sol.
Concernant la date de référence et la date d’évaluation des biens, les biens expropriés sont estimés à la date de la décision de première instance et leur consistance appréciée à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété conformément à l’article L.322-1 du code de l’expropriation, sachant toutefois que seul est pris en considération leur usage effectif à la date de référence. La consistance des biens sera appréciée à la date du jugement de première instance dès lors que l’ordonnance d’expropriation n’était pas intervenue. Il résulte des articles L.322-2 du code de l’expropriation et L.213-4 du code de l’urbanisme que la date de référence doit être fixée au 22 décembre 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d’urbanisme de Grand Orly Seine Bièvre.
Concernant les caractéristiques juridiques et la situation locative, le bien exproprié est situé en zone UFi, laquelle est une zone d’activités économiques avec de très nombreuses restrictions comme les activités commerciales ou la création de logements qui en sont exclues. Elle est également comprise en zone inondable, dans la deuxième zone la plus à risque, ce qui limite fortement sa constructibilité. Alors que l’emprise expropriée ne nécessitait pas une éviction du preneur à bail, un jugement du tribunal judiciaire de Créteil a alloué une indemnité d’éviction de 1.049.394,72 euros. IDFM a interjeté appel de ce jugement sous le n° RG 23/04716. Le bien sera donc évalué en valeur occupée dès lors que des frais particulièrement conséquents, à allouer au preneur, seront à engager pour IDFM.
Concernant l’indemnité principale, IDFM produit des termes de comparaison correspondant tous à des terrains à bâtir en zone UP2i ou UFi situés à proximité dans des zones d’activités comparables. La moyenne des huit termes de comparaison s’établit à 141 euros/m², étant précisé que celle des termes de comparaison portant exclusivement sur des biens situés en zone UFi s’établit à 59 euros/m². Trois termes de comparaison concernant des biens situés en zone urbaine non inondable et sans limite de constructibilité sont produits à titre informatif, pour une valeur unitaire moyenne de 502 euros/m². Les références en zone UB ou UC ne peuvent donc être prises en compte sauf à appliquer un abattement conséquent. Afin de tenir compte des bâtiments existants sur la parcelle mère cadastrée G n°[Cadastre 8], de la superficie de l’emprise expropriée qui rend impossible toute construction sur ce tènement au regard du règlement de la zone mais également de son emplacement en limite de voie publique, il convient nécessairement de retenir un abattement pour encombrement et inconstructibilité d’un minimum de 40%, soit une valeur unitaire de 160 euros/m² après abattement. La cour d’appel de Paris a déjà rappelé le principe d’un tel abattement (20/09140). En tout état de cause, l’inconstructibilité de la parcelle expropriée se démontre par sa forme longitudinale dont la largeur ne peut accueillir aucune construction. Par ailleurs, puisque le juge de l’expropriation de Créteil a octroyé une indemnité d’éviction au preneur alors même que celui-ci se maintiendra dans les lieux, un abattement pour occupation conforme à la jurisprudence d’ au moins 20% pourra être retenu. L’indemnité de dépossession s’élève donc à 68.800 euros (430 m² × 160 euros/m²). La Cour a retenu une valeur unitaire de 180 euros/m² dans ce secteur pour des terrains de même superficie, de même zonage, et de même consistance (CA Paris 21/17442, 21/17443). Compte tenu du zonage en UFi, du caractère inondable de cette zone mixte avec locaux d’activité à proximité et de la présence d’un emplacement réservé, il est proposé de retenir une valeur unitaire de 160 euros/m² à 180 euros/m² pour ce terrain, tel que l’a confirmé la cour d’appel de Paris en février 2023 dans deux affaires similaires sur la base des mêmes termes de comparaison en débat.
IDFM critique l’ensemble des six termes de comparaison produits par la SCI des Bords de Seine. S’agissant de l’abattement pour encombrement, l’expropriée accepte un taux de 20%. Le taux pourra être majoré à 30%, car l’ensemble des termes de comparaison ne concerne jamais de simples emprises longitudinales qui ne sont pas comprise dans la deuxième zone la plus inondable au regard du plan de prévention des risques d’inondation.
La plus-value pour double façade sollicitée par l’expropriée est injustifiée car la parcelle expropriée ne dispose pas d’un double accès donnant sur deux voies distinctes et éloignées mais simplement d’une configuration en angle.
IDFM conteste les critiques formulées par la SCI des Bords de Seine à l’encontre des termes de comparaison du commissaire du gouvernement.
S’agissant de la prétendue absence d’indemnisation du bâtiment en emprise, l’expropriée sollicite l’indemnisation d’un bâtiment en emprise d’une surface de 120 m² pour la première fois en cause d’appel. Ce bâtiment n’a aucune valeur. De nombreux termes de comparaison retenus par le premier juge ou par la cour d’appel de Paris dans ses arrêts du 16 février 2023 comportaient déjà des baraquements similaires, précaires et sans valeur. La surface alléguée du bâtiment n’est pas prouvée. Seuls trois des cinq termes de comparaison produits par la SCI des Bords de Seine sont recevables, car accompagnés de leur référence de publication. Ces trois termes de comparaison concernent en tout état de cause des cellules commerciales des hangars, ou des bureaux, qui n’ont aucun point de comparaison avec le bâtiment en emprise. Au surplus, les surfaces annoncées ne sont pas mentionnées dans les actes de vente des biens. Cette prétention nouvelle de l’exproprié qui n’est corroborée par aucune surface ni aucun terme de comparaison pertinent devra être rejetée.
Concernant l’indemnité de remploi, elle est calculée selon la jurisprudence habituelle : 20% jusqu’à 5.000 euros, 15% entre 5.000 et 15.000 euros, et 10% au-delà de 15.000 euros, soit en l’espèce 7.880 euros.
Concernant l’indemnité de reconstitution des équipements en emprise, à titre liminaire, en première instance, l’exproprié avait réévalué ses prétentions à la baisse. La somme demandée était alors de 405.614,13 euros HT, soit 486.736,95 euros TTC (Pièce 6I). Par ailleurs, la SCI des Bords de Seine ne sollicite plus que la somme de 364.637.20 euros selon le dispositif de ses conclusions. Nonobstant l’existence de toute erreur matérielle alléguée par l’appelante, la Cour sera tenue par ce maximum figurant dans les conclusions d’appel qui ne pourra être modifiée par des conclusions responsives. À titre liminaire, les demandes d’IDFM et de la SCI des Bords de Seine ne varient que de 125.332 euros, ce qui ne justifie pas une procédure d’expertise longue et coûteuse à la seule charge de l’autorité expropriante. Contrairement à l’instance enregistrée sous le n° RG 22/01489 au cours de laquelle la Cour avait diligenté une procédure d’expertise afin de l’éclairer sur les modalités mêmes du réaménagement pour une expropriation similaire dans le cadre du projet « T Zen 5 », les parties ne s’opposent en l’espèce que sur les montants et le principe de certains postes. La Cour dispose donc de tous les éléments de droit et de fait pour trancher. Le premier juge a retenu le chiffrage contradictoire d’IDFM dès lors qu’il avait été effectué par un bureau d’étude en ingénierie plus compétent qu’un architecte dont la sincérité et la compétence ne sont pas assurées (Pièce 7I). Pour chaque poste, IDFM indique que l’exproprié ne justifie pas en quoi les travaux supplémentaires qu’elle réclame sont nécessaires ou qu’il n’est pas répondu aux critiques formulées par IDFM dans la contre-expertise. En résumé, l’exproprié propose un projet permettant de restituer les fonctionnalités existantes mais l’impact des girations sur le local peinture n’est pas justifié pour argumenter la demande de déplacement complet. La reprise de toute la structure de voirie n’est clairement pas nécessaire au titre de l’impact du projet « T Zen 5 ». Le local technique n’est pas restitué dans les plans proposés et la faisabilité de la rampe n’est pas justifiée selon les études géotechniques et le dimensionnement des murs de soutènement. Les devis transmis sont incomplets et ne comportent aucune précision vis-à-vis des quantités. IDFM produit un tableau résumant ses écritures sur la problématique de la reconstitution des équipements en emprise. Les honoraires et études diverses doivent être limités au regard du montant total TTC. Les installations de chantier pour un montant de 18.000 euros devront être soustraites car cette somme est déjà intégrée dans les honoraires et études diverses. Les démolitions et terrassements doivent être limités à 30.000 euros. Aucune justification n’est présente ni dans le mémoire ni dans l’étude pour prétendre qu’il serait nécessaire de reprendre la voirie lourde ou encore les tranchées, regards, reprises de réseaux etc… pour un montant de 143.000 euros. Ce poste non justifié devra donc être limité à la somme de 12.571 euros. Le montant de 3.000 euros pour plantations n’est pas réparable dans le cadre de l’expropriation d’un terrain à bâtir. Au surplus, il n’est fait état d’aucune plantation remarquable. Les dépenses relatives au portail devront être limitées à 13.500 euros, dès lors que le portail prévu dans l’étude n’est pas similaire à l’existant. Le déplacement de la cabine de peinture n’est pas justifié dans l’étude. Son montant sera donc limité à la somme de 14.850 euros. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le montant sollicité par l’exproprié ne pourra pas être alloué (en tout état de cause plafonné à 364.637,20 euros au regard du dispositif des conclusions) dès lors qu’il se contente de produire une étude lacunaire sans explication et qu’il sollicite des prestations inexistantes en l’état actuel ou en remplacement avec un matériel neuf. Partant, eu égard aux lacunes et à l’absence de justifications des préjudices tant dans l’étude produite que dans le mémoire, et au regard de la contre-expertise réalisée par IDFM, un juste montant pour une indemnité accessoire de 199.421 euros HT soit 239.305 euros TTC pourra être alloué conformément à l’article L321-1 du code de l’expropriation.
Concernant l’indemnité pour frais d’architecte, cette demande ne correspond pas à une indemnité accessoire comme un préjudice lié à l’expropriation, dès lors qu’elle doit être intégrée à l’article 700 du code de procédure civile. En tout état de cause, aucune facture n’est produite en cause d’appel permettant de justifier tant le principe que le quantum de cette dépense alléguée. Ce poste sera donc rejeté.
Concernant l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, IDFM, qui n’est manifestement pas la partie perdante dans cette instance, ayant été contraint d’exposer des frais pour sa défense en cause d’appel, est bien fondé à solliciter la condamnation de l’exproprié à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux entiers dépens de l’instance d’appel.
Le commissaire du gouvernement conclut que :
Concernant la description du bien exproprié, l’emprise expropriée est issue de l’ex-parcelle cadastrée G n°[Cadastre 8] à [Localité 19], divisée depuis en G n°[Cadastre 4] (dans l’emprise) et G n°[Cadastre 5] (hors emprise). La parcelle G n°[Cadastre 4] a une superficie de 430 m² de forme rectangulaire et étroite constituant une bande de terrain située le long de la [Adresse 18]. Sur cette parcelle, est construite une rampe d’accès donnant au parking sous-terrain de l’ensemble immobilier à usage d’activité situé sur la parcelle contiguë. L’expropriée indique également l’existence d’un local à usage de stockage de plain-pied d’une surface de 120 m² sur cette même parcelle mais la description de ce local est extrêmement succincte et cette surface semble largement surestimée. Aucun local n’est déclaré au cadastre sur cette parcelle, au contraire de la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 5] qui supporte un local à usage d’habitation pour une surface de 76 m². Le commissaire du gouvernement propose de ne pas retenir ce local en l’absence de rapport de géomètre. S’agissant de la situation locative, le bien est présumé être libre d’occupation.
Concernant la date de référence, il résulte des article L322-2 du code de l’expropriation et L.213-6 du code de l’urbanisme que celle-ci doit en l’espèce être fixée au 22 décembre 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d’urbanisme de Grand Orly Seine Bièvre.
Concernant la situation au regard de la réglementation d’urbanisme, la parcelle G n°[Cadastre 4] est située en zone UFi à la date de référence. La zone UFi est une zone d’activités économiques soumises à des risques d’inondation avec de nombreuses restrictions comme les activités commerciales qui sont exclues.
Concernant le montant de l’indemnité principale, le commissaire retient deux termes de comparaison produits par la SCI des Bords de Seine portant sur des terrains et en écarte cinq autres pour ancienneté ou incomparabilité de la zone cadastrale. Le commissaire du gouvernement critique l’ensemble des cinq termes de comparaison produits par la SCI des Bords de Seine portant sur des bâtis.
Le commissaire du gouvernement produit quinze termes de comparaison pour une valeur unitaire moyenne de 225 euros/m².
L’encombrement de l’ensemble foncier d’origine appréhendé dans sa globalité doit être pris en compte, au regard des termes de comparaison sélectionnés qui visent quant à eux des terrains à bâtir nus. L’application d’un abattement de 20%, établi lors de la première instance et non contesté lors de la procédure d’appel est donc sollicité. La valeur unitaire s’établit donc à 180 euros/m² (225 euros/m² × 0,80). Ce montant apparaît cohérent avec les récentes décisions rendues par le tribunal judiciaire de Créteil et par la cour d’appel de Paris dans deux affaires très similaires (21/17442, 21/17443).
L’indemnité totale d’expropriation s’établit donc à 86.140 euros, soit 77.400 euros (430 m² × 180 euros/m²) au titre de l’indemnité principale après abattement pour encombrement et 8.740 euros au titre de l’indemnité de remploi, à parfaire du montant du devis pour les indemnités de reconstitution des équipements en emprise.
SUR CE, LA COUR
– Sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l’article R311-26 du code de l’expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017 – article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l’appel étant du 22 décembre 2022, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.
À peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L’intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l’espèce, les conclusions de la SCI des Bords de Seine du 14 mars 2023, d’IDFM du 3 mai 2023 et du commissaire du gouvernement du 16 juin 2023 adressées ou déposées
dans les délais légaux sont recevables.
IDFM indique que la SCI des Bords de Seine ne sollicite plus au titre de l’indemnité pour reconstitution des équipements en emprise que la somme de 364’637,20 euros selon le dispositif de ses conclusions ; la SCI des Bords de Seine rétorque dans ses conclusions du 27 juillet 2023 qu’il s’agit d’une erreur matérielle et qu’elle sollicite bien la somme de 564’637,20 euros TTC.
Dans ses conclusions du 14 mars 2023, si la SCI des Bords de Seine demande bien dans le dispositif de ses conclusions à ce titre la somme de 364’637,20 euros, il s’agit d’une erreur purement matérielle, puisque dans les motifs de ses conclusions elle fait bien état de la somme de 564’637,20 euros et joint un devis correspondant à cette somme (pièce numéro 25), l’erreur matérielle consistant dans l’interversion d’un 3 à la place d’un 5, le reste de la somme étant identique.
En conséquence, la cour est bien saisie d’une demande d’une indemnité pour reconstitution des équipements en emprise pour la somme de 564’137,20 euros TTC, et en l’absence de demandes nouvelles les conclusions du 27 juillet 2023 de la SCI des Bords de Seine de pure réplique à celles de d’IDFM et du commissaire du gouvernement appelant incident, sont donc recevables au-delà des délais initiaux.
– Sur le fond
Aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s’impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.
Aux termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la réserve d’une juste et préalable indemnité.
L’article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Aux termes de l’article L 321-1 du code de l’expropriation, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Aux termes de l’article L 321-3 du code de l’expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l’indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
Aux termes de l’article L 322-1 du code de l’expropriation le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l’expropriant fait fixer l’indemnité avant le prononcé de l’ordonnance d’expropriation, à la date du jugement.
Conformément aux dispositions de l’article L 322-2, du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération – sous réserve de l’application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code – leur usage effectif à la date définie par ce texte.
L’appel de la SCI des bords de Seine concerne la valeur unitaire allouée, l’absence d’indemnisation du bâtiment en emprise et une indemnisation des frais de reconstitution des équipements en emprise pour un montant de 364’637,20 euros ; l’appel incident du commissaire du gouvernement concerne l’indemnité principale et l’indemnité de remploi.
S’agissant de l’indemnité pour reconstitution des équipements en emprise, les parties sont en désaccord :
‘la SCI des Bords de Seine demande l’infirmation pour une indemnité d’un montant de 564’637,20 euros avec en tant que de besoin la désignation d’un expert, les frais d’expertise étant à la charge de l’autorité expropriante ;
‘IDFM demande la confirmation du jugement qui a retenu son évaluation pour un montant de 239’305 euros ;
‘le commissaire du gouvernement appelant incident s’en remet à l’appréciation de la cour sur devis.
À l’appui de sa demande, la SCI des Bords de Seine produit un rapport d’un cabinet d’architecte (pièce numéro 25), tandis qu’IDFM verse aux débats un chiffrage (pièce numéro 6) et une contre-expertise (pièce numéro 7) listant et chiffrant les préjudices causés par cette emprise : grille de clôture, deux arbres supprimés, haies, entrée charretière, armoires électriques, rampes d’accès sous-sol et petit bâti.
La différence entre les deux projets correspond à une somme importante et les documents produits sont de nature technique, ceux de la SCI des Bords de Seine émanant d’un architecte et ceux d’IDFM de son maître d »uvre.
La discussion porte non seulement sur le coût proprement dit des travaux d’aménagement des abords du bâtiment, mais sur les modalités mêmes du réaménagement.
Aux termes de l’article R322-1 du code de l’expropriation en vue de la détermination de la valeur des immeubles et éléments immobiliers non transférables présentant des difficultés particulières d’évaluation, le juge peut désigner un expert par décision motivée ou se faire assister, lors de la visite des lieux, par un notaire ou un notaire honoraire désigné sur une liste établie pour l’ensemble du ressort de la cour d’appel par le premier président, sur proposition du conseil régional des notaires. Il peut également, à titre exceptionnel, désigner une personne qui lui paraîtrait qualifiée pour l’éclairer en cas de difficulté d’ordre technique portant sur la détermination du montant des indemnités autres que celles mentionnées à l’alinéa qui précède.
En l’espèce, en raison de la difficulté d’ordre technique portant sur l’indemnité pour reconstitution des équipements en emprise, il convient de faire droit la demande de la SCI des Bords de Seine et de désigner avant dire droit un expert sur ce fondement selon les modalités fixées au dispositif.
La SCI des Bords de Seine étant demanderesse à l’expertise, la consignation sera à sa charge et non à celle de l’expropriant comme elle le sollicite.
Il sera sursis à statuer sur les prétentions et moyens des parties et les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevables les conclusions des parties ;
Par décision avant dire droit,
Ordonne une expertise au titre de l’indemnité accessoire de reconstitution des équipements en emprise ;
Désigne pour y procéder M. [J] [N] [Adresse 3] [Localité 9], expert près de la cour d’appel de Paris ;
Avec pour mission de :
– prendre connaissance des pièces suivantes :
– pièces d’IDFM :
-conclusions du 3 mai 2023
-pièce n°6
-pièce n°7 : contre-expertise projet G44- Général Décor
– pièces de la SCI des Bords de Seine :
-conclusions des 14 mars 2023 et 27 juillet 2023
– pièce n°25 : étude d’architecte
-entendre les parties, ainsi que tout sachant, se faire remettre tous documents utiles ;
-donner un avis technique sur le projet de la SCI des Bords de Seine et celui d’IDFM ;
-donner un avis technique sur le coût des travaux de réaménagement pour chaque poste ;
-fournir à la cour tous éléments techniques utiles à la solution du litige.
Dit que l’expert adressera aux parties une note de synthèse de ses opérations, leur enjoindra de lui adresser leurs dires dans un délai d’un mois et y répondra dans son rapport définitif, lequel devra être déposé au greffe de la cour au plus tard le 5 septembre 2024 ;
Dit que la SCI des Bords de Seine devra consigner entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel de Paris la somme de 8 000 euros à valoir sur les frais d’honoraires d’expert judiciaire, avant le 29 mars 2024, faute de quoi la désignation de celui-ci sera caduque et qu’il en sera tiré les conséquences de cette abstention ;
Renvoie l’affaire à l’audience du 4 avril 2024 pour vérification de versement de la consignation, et à l’audience du 19 décembre 2024, pour plaidoiries après dépôt du rapport de l’expert ;
Invite les parties à conclure suite au rapport d’expertise ;
Sursoit à statuer sur les prétentions et moyens des parties, les frais irrépétibles en cause d’appel ;
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT