Diffamation : décision du 7 janvier 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-86.480

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Diffamation : décision du 7 janvier 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-86.480
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N° X 18-86.480 F-D

N° 2773

CK
7 JANVIER 2020

REJET
CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JANVIER 2020

M. T… B…, et la société Amnéville Galaxie, partie civile, ont formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 18 octobre 2018, qui, pour diffamation publique envers un particulier, a condamné le premier à 800 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires en demande et en défense ont été produits.

Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocats de M. T… B…, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Amnéville Galaxie, partie civile, et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 novembre 2019 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure que la société anonyme d’économie mixte locale Amnéville galaxie (la société), exploitant une salle de spectacle à Amnéville (Moselle), Mme K… L… et MM. D… N…, I… A… et H… L…, respectivement présidente et membres du directoire de la société, ont fait citer devant le tribunal correctionnel, du chef susvisé, M. B…, conseiller municipal d’Amnéville, en raison de certains passages d’un tract que celui-ci a diffusé le 23 octobre 2017, à la suite d’une réunion du conseil municipal au cours de laquelle avait été examiné le rapport d’activité 2015-2016 de la société ;

Que cette dernière poursuivait comme diffamatoires à son égard deux passages de ce tract, soit “Quel bilan depuis 3 ans ? Il aura fallu attendre trois années et autant de détermination de notre part pour avoir enfin un rapport d’activité” et “Nous rappelons que depuis l’élection d’H… G…, le Galaxie a coûté 1 134 640 euros aux contribuables Amnévillois ainsi que trois millions d’euros versés par le Casino pour renflouer les caisses du Galaxie. Le Galaxie a donc touché plus de quatre millions d’euros en trois ans. Ces sommes auraient pu servir à tellement d’autres projets pour les Amnévillois et les Malancourtois. […] Nous considérons que les quatre millions injectés ces trois dernières années sont indécents au regard des nombreux efforts imposés aux Amnévillois depuis trois ans” ;

Que la présidente et les trois membres du directoire estimaient pour leur part diffamatoires à leur égard les deux autres extraits suivants du tract, “Nous rappelons qu’en octobre 2014, le maire a décidé de verser directement, avec nos impôts, 575 000 euros au Galaxie pour renflouer ses caisses. Or, l’on découvre dans ce rapport qu’à peine le versement effectué, la direction décide d’augmenter ses salaires de 10 %. La masse salariale du Galaxie passant pour les 10 employés permanents à 684 742 euros soit une moyenne de 6 000 euros par mois et par salariés !” et “Nous redemandons donc, une fois de plus, que la salle du Galaxie soit gérée par de véritables professionnels comme le sont les Zénith de Strasbourg, de Nancy, les Arènes de Metz… et toutes les grandes salles de France. De ce fait, la ville, propriétaire des murs, encaisserait des loyers estimés à près de 300 000 euros par an. Rien qu’avec cet argent, les repas de la cantine ainsi que les fournitures scolaires seraient de nouveau gratuits. La vidéo protection serait financée à 100 %” ;

Que les premiers juges ont relaxé le prévenu du chef des deux premiers passages, poursuivis par la société, et l’ont déclaré coupable pour les deux derniers passages, poursuivis par Mme L… et MM. N…, A… et L… ; que le prévenu, la société et le ministère public ont relevé appel de ce jugement ;

En cet état ;

I – Sur le pourvoi de la société Amnéville Galaxie :

Sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Amnéville Galaxie, pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 32, 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a relaxé M. T… B… du chef de diffamation commise au préjudice de la société Amnéville Galaxie, partie civile, et a débouté la société Amnéville Galaxie de ses demandes ;

1°) alors que les juges du fond ne sont pas tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposés par l’acte initial des poursuites ; qu’il leur appartient de relever toutes les circonstances intrinsèques ou extrinsèques aux faits poursuivis que comporte l’écrit qui les renferme ; que le passage « Le Galaxie. Quel Bilan depuis trois ans ? il aura fallu attendre trois années (
) pour avoir enfin un rapport d’activité » est indissociable des propos, publiés, « le Galaxie a coûté 1 134 640 euros aux contribuables Amnévillois » et « les quatre millions injectés ces trois dernières années sont indécents au regard des nombreux efforts imposés aux contribuables Amnévillois depuis trois ans » ; qu’en opposant le délai de trois ans pour obtenir, grâce à la « détermination » de l’auteur, le dépôt du premier rapport d’activité du Galaxie, à l’indécence prétendue des « quatre millions d’euros » de fonds publics locaux « injectés » dans cet établissement durant la même période, partiellement mis à la charge des Amnévillois, le tract suggère que la gestion de la partie civile du Galaxie est opaque, en ce qu’elle refuse de rendre compte de l’usage des « quatre millions injectés ces trois dernières années », ce qui constitue un comportement au moins moralement répréhensible et donc de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération ; qu’en retenant que le mot « bilan » était employé dans son acception de “point général fait sur une question”, accompagné de commentaires qui relèvent de la simple expression d’une opinion sur l’importance de certaines dépenses, sans imputation à caractère diffamatoire, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

2°) alors que constitue une diffamation toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé, même s’il est présenté sous forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation ; qu’il résulte de l’arrêt que le second passage incriminé par la société Amnéville Galaxie énonçait que le Galaxie avait « touché plus de quatre millions d’euros en trois ans » que, dans son écrit, publié, M. B…, a dit que « M. H… G… et la direction du Galaxie osent se vanter, dans la presse, d’avoir dégagé un bénéfice net de 940 euros pour l’exercice 2016 », que « les quatre millions injectés ces trois dernières années sont indécentes au regard des nombreux efforts imposés aux Amnévillois depuis trois ans » et que « ces sommes auraient pu servir à tellement d’autres projets pour les Amnévillois et les Malancourtois » ; qu’il s’infère de ces propos, publiés, pris dans leur globalité, qu’il était suggéré que la partie civile avait sans réelle contrepartie de sa part, peser sur les finances locales et en particulier sur celles des contribuables, entraînant une charge indue pour ses derniers, ce qui était de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération ; qu’en jugeant que le passage ne comprenait que l’imputation d’un reproche général à l’encontre de la société Amnéville Galaxie, à savoir celui d’avoir, par son existence et son mode de fonctionnement, coûté de l’argent aux contribuables Amnévillois, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

3°) alors qu’en matière de diffamation, il appartient aux juges du fond de relever toutes les circonstances intrinsèques et extrinsèques aux faits poursuivis que comporte l’écrit qui les renferme ; que la diffamation visant une personne peut rejaillir sur une autre dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d’insinuation ; qu’en écartant le caractère diffamatoire des passages incriminés par la société Amnéville Galaxie, quand il lui appartenait d’apprécier leur sens et leur portée à la lumière des propos, publiés, jugés diffamatoires à l’égard Mme L… présidente du directoire de la société Amnéville Galaxie et MM. L…, N… et A… membres du directoire, en ce qu’ils affirmaient que les fonds destinés à renflouer les caisses de cette société avaient été utilisés à un usage différent, à savoir augmenter les salaires et imputaient à ces parties un absence de professionnalisme cause de l’appauvrissement de la commune et du contribuable, de sorte qu’ils visaient également la société Amnéville Galaxie elle-même, engagée par les décisions prises par ces organes ou ses représentants agissant pour son compte, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen” ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur la relaxe du chef des passages poursuivis par la société, l’arrêt énonce que, dans le premier d’entre eux, le terme de bilan n’est pas employé dans son sens comptable, mais renvoie à un point général fait sur une question, et qu’il est accompagné de commentaires qui relèvent de la simple expression d’une opinion sur l’importance de certaines dépenses ; que les juges ajoutent que, si le deuxième passage reproche à la société d’avoir, par son existence et son mode de fonctionnement, coûté de l’argent aux contribuables amnévillois, il n’impute pas une action précise et déterminée en ce sens à la personne morale, dont il n’est pas soutenu qu’elle soit responsable de l’octroi des sommes visées, et que le terme “indécence” est employé dans un contexte générique, d’usage en matière de polémique politique non personnalisée ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors qu’elle ne pouvait examiner si des passages seulement incriminés par la présidente et les membres du directoire de la société rejaillissaient sur cette dernière, qui ne les avait pas poursuivis, la cour d’appel a exactement apprécié le sens et la portée des propos litigieux, en les analysant au regard de l’ensemble du tract dont ils sont extraits, et en a déduit à bon droit qu’aucun fait précis contraire à son honneur ou à sa considération n’était imputé à la partie civile ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

II – Sur le pourvoi de M. B… :

 


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