Diffamation : décision du 13 mai 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 17/05482

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Diffamation : décision du 13 mai 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 17/05482
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 MAI2020

N° RG 17/05482

N° Portalis DBV3-V-B7B-R6QS

AFFAIRE :

[B] [F] épouse [L]

C/

ETABLISSEMNT SUPERIEUR DES SCIENCES COMMERCIALES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Octobre 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Encadrement

N° RG : F16/00545

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

– Me Eléonore VOISIN

– Me Isabelle TOUSSAINT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 29 avril 2020 puis prorogé au 13 mai 2020, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [B] [F] épouse [L]

née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 7] TUNISIE

de nationalité Tunisienne

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Eléonore VOISIN de la SELEURL ELEONORE VOISIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1829

APPELANTE

****************

ETABLISSEMENT SUPÉRIEUR DES SCIENCES COMMERCIALES

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Isabelle TOUSSAINT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249 et par Me Pascal LAURENT de la SELARL AVOCONSEIL, Plaidant, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 février 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Mme [B] [F] épouse [L]a été engagée à compter du 22 octobre 2012, selon contrat de travail à durée indéterminée, par l’association Ecole supérieure de sciences commerciales d'[Localité 5], dite ci-après l’ESSCA, en qualité de professeur assistant, statut cadre, catégorie 8, échelon B, puis Fp cadre confirmé de la nouvelle classification entrée en vigueur le 1er septembre 2013, moyennant un salaire mensuel brut de 3 500 euros. Elle était affectée au département marketing de l’école.

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale de l’enseignement, écoles supérieures d’ingénieurs et de cadres, dite FESIC.

L’ESSCA a été fermée pour les congés d’été du 27 juillet 2013 au 18 août 2013.

Mme [F] a été absente du 17 au 21 septembre 2013 pour congé maladie, du 30 octobre 2013 au 21 mars 2014 pour congé maternité, puis congé pathologique postnatal, du 17 au 21 juin 2014 pour congé maladie et du 15 juillet au 17 août 2014 pour congés payés.

La salariée a été absente du 15 août au 19 septembre 2014 et du 3 novembre 2014 au 28 février 2015 pour congé maladie. Elle a repris son activité dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique du 2 mars 2015 au 24 juillet 2015.

L’ESSCA a été fermée pour les congés d’été du 25 juillet 2015 au 16 août 2015.

La salariée a repris ses fonctions le 17 août 2015.

Le 14 octobre 2015, l’ESSCA lui a proposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail qu’elle n’a pas acceptée.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 novembre 2015, l’ESSCA a convoqué Mme [F] à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 30 novembre 2015, puis par lettre du 8 décembre 2015 adressée dans les mêmes formes, elle lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle. Son contrat de travail a pris fin le 11 février 2016 à l’expiration du préavis de deux mois qui lui a été rémunéré et qu’elle a été dispensée d’exécuter et il lui a été versé une indemnité de licenciement de 2 365,83 euros.

Mme [F] a saisi par courrier expédié le 10 mars 2016 le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’obtenir, avec le bénéfice de l’exécution provisoire :

– à titre principal, que son licenciement soit déclaré nul pour discrimination et l’ESSCA condamnée à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination et la somme de 63 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

– à titre subsidiaire, que son licenciement soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’ESSCA condamnée à lui payer la somme de 63 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– en tout état de cause que l’ESSCA soit condamnée à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ESSCA a sollicité le rejet de ces demandes et l’allocation de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 octobre 2017, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– débouté Mme [F] de toutes ses demandes,

– dit que chacune des parties conservera à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a engagés,

– condamné Mme [F] aux dépens.

Par déclaration au greffe du 16 novembre 2017, Mme [F] a interjeté appel de chacune des dispositions du jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe, elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

– à titre principal, de déclarer son licenciement nul pour discrimination en raison de son état de santé et de sa grossesse et de condamner l’ESSCA à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination et la somme de 63 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

– à titre subsidiaire, de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner l’ESSCA à lui payer la somme de 63 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– en tout état de cause, de condamner l’ESSCA à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées au greffe, l’association ESSCA demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [F] de l’ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2020.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux dernières conclusions qu’elles ont déposées.

MOTIFS,

Mme [F] soutient que le véritable motif de son licenciement n’est pas sa prétendue insuffisance professionnelle, mais son état de santé et ses absences pour maternité, puis pour maladie, ainsi que son mi-temps thérapeutique, que c’est en effet pour pallier les difficultés d’organisation rencontrées en raison des remplacements ponctuels nécessités par son état de santé que l’ESSCA a décidé de se séparer d’elle et que son licenciement caractérisant ainsi une discrimination en raison de son état de santé et de sa grossesse est nul.

La lettre de licenciement notifiée à Mme [F] est rédigée comme suit :

‘…nous ne voyons malheureusement pas d’autres solutions que de devoir prononcer votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Je rappelle en effet que vous avez été recrutée en qualité de professeur assistant depuis le 22 octobre 2012.

Très rapidement, nous avons eu à déplorer des carences de votre part et un comportement professionnel qui n’est, pas d’une part, celui attendu d’un professeur de votre niveau et, d’autre part, ce que l’ESSCA exige en termes de qualité et de niveau.

Si nous pouvions penser au début que vos insuffisances pouvaient s’expliquer par un nécessaire délai d’adaptation à votre nouveau poste, il s’est en réalité avéré que celles-ci vous étaient malheureusement totalement inhérentes et étaient insurmontables.

Nous pouvons classer en deux catégories les insuffisances que nous avons à déplorer:

*D’abord en matière de coordination et encadrement des enseignements:

En votre qualité de professeur assistant, il vous appartient de coordonner le travail d’une équipe d’enseignants et de préparer leurs travaux, les guider et animer cette équipe pour que l’enseignement que nous dispensons soit conforme au programme et au niveau attendu, le tout dans une harmonie entre les enseignants.

Il existe manifestement des carences importantes de votre part sur cette fonction qui vous incombe.

Cette carence n’est pas nouvelle :

Ainsi, par exemple, en septembre 2013 vous avez eu des échanges un peu vifs avec Monsieur [O] [Z] concernant des supports de cours. Lors de cet échange vous n’aviez pas appréhendé la situation, ni même compris visiblement pourquoi votre collègue réagissait comme il l’a fait, ce qui dénotait un décalage manifeste. Il y avait pourtant, de l’avis de tous, un problème dans cette façon d’agir en changeant les supports seulement quelques jours avant les cours. Monsieur [I] a été obligé d’intervenir pour que les choses rentrent dans l’ordre et qu’il vous recadre parce que, ne comprenant pas votre collègue et sa réaction, vous avez-vous même eu une réaction disproportionnée voire potentiellement diffamatoire.

Cette situation n’est pas normale.

Mais cette attitude a persévéré. Par exemple:

– la transmission des notes de contrôle continu en février 2014 n’était pas faite dans les délais;

-vous avez, du fait d’initiatives malheureuses, entraîné des difficultés de planning et de coordination avec [W] [A] en juillet 2014,

– et plus récemment l’annulation de la cession du 21 septembre 2015 ne s’est faite que le vendredi 18 septembre à 16 heures, sans qu’il y ait eu de solution pour qu’un autre enseignant puisse reprendre le cours en raison, encore, d’un manque de support de cours…

Il ne s’agit là que d’exemples non exhaustifs malheureusement. Nous ne comptons plus les interventions de vos collègues ou supérieurs, dont Monsieur [K] [I] pour vous informer des difficultés rencontrées du fait de la mauvaise gestion de vos fonctions de coordination.

Vous semblez, de façon incompréhensible, dénier totalement cette situation et ne pas comprendre ce que l’on vous dit, trouvant toujours une explication, parfois peu rationnelle, à la situation dénoncée.

Cela n’est cependant plus acceptable.

*Ensuite concernant les enseignements :

Des enseignements qui ne sont visiblement pas suffisamment préparés avec anticipation.

D’où des plaintes des étudiants, mais aussi des parents qui nous sont de plus en plus rapportés, de façon parfois peu amène pour l’ESSCA et pour vous-même.

Nous avons ainsi par exemple pu consulter des échanges du 22 septembre 2015 sur le cours de Digital Society, qui ont eu lieu sur les réseaux de l’ESSCA qui faisaient état d’un cours qui n’était pas au niveau attendu, mais aussi qui évoquait les pauses à rallonge, les cours préparés en même temps qu’ils sont dispensés, les Power Point erronés, l’incompétence de l’enseignant, etc…

Ces derniers éléments sont dommageables pour l’ESSCA puisque, outre qu’ils démontrent que l’enseignement prévu pour la préparation des diplômes n’est pas correctement dispensé avec la qualité attendue, l’image de l’ESSCA est au surplus atteinte. L’ESSCA ne peut pas accepter la défaillance pédagogique de ses enseignants, surtout si celle-ci lui porte préjudice.

Ces faits sont incontestables et vous en avez la seule responsabilité. Lors de notre entretien du 30 novembre dernier, vous ne les avez pas niés, cherchant simplement et systématiquement une tierce responsabilité ou une explication pour vous dédouaner. Cependant, outre votre déni de cette situation, nous ne pouvons que la déplorer et prendre de ce qu’il n’existe manifestement aucune possibilité d’entrevoir une amélioration de cette situation préjudiciable à notre Ecole.

L’ESSCA a, parmi les grandes écoles, une notoriété qui attire chaque année de plus en plus d’étudiants. Cela est la conséquence d’un enseignement de qualité élevée et de compétences reconnues.

C’est pourquoi nous nous voyons contraints de prononcer votre licenciement.’

La lettre de licenciement pour motif personnel notifiée à Mme [F] étant motivée par une insuffisance professionnelle, les dispositions légales spécifiques à la procédure disciplinaire ne sont pas applicables au litige.

L’énoncé dans la lettre de licenciement d’une insuffisance professionnelle constitue un motif matériellement vérifiable au sens de l’article L. 1232-6 du contrat de travail qui peut être précisé et discuté devant le juge du fond.

L’insuffisance professionnelle se caractérise par l’incapacité du salarié à exercer correctement l’ensemble de ses fonctions.

L’ESSCA reproche à Mme [F] d’avoir fait preuve d’insuffisance professionnelle concernant son activité de recherche, pour ne pas avoir publié d’article. Il n’est pas allégué cependant que l’intéressée n’a pas rédigé d’article et le fait que les articles qu’elle a rédigés n’aient pas été publiés ne révèlent pas en soi une insuffisance professionnelle. Si à l’issue de l’entretien annuel de progrès du 10 juillet 2015, M. [T], chef du département, a commenté le souhait de Mme [F] d’évoluer vers un profil D, en ces termes: ‘Il faut que les articles en cours soient plus rapidement soumis et que certains soient acceptés. Mais dès qu’une régularité se sera instaurée à ce niveau, je suis favorable à un passage en profil D. Cela pourrait être réalisé à horizon 2 ans si les conditions sont remplies’ et a conclu: ‘Une plus grande concrétisation des outputs de recherche pourra permettre, à terme, d’évoluer vers un profil chercheur’, il n’en résulte pas que Mme [F] a fait preuve d’insuffisance dans l’activité de recherche inhérente à ses fonctions de professeur permanent de profil A.

L’ESSCA reproche également à Mme [F] d’avoir fait preuve d’insuffisance professionnelle concernant son activité d’enseignement. Cependant, ni la synthèse des questionnaires anonymes d’évaluation remplis par les étudiants à l’issue des cours dispensés par Mme [F] durant l’année 2013/2014 : cours de e-CRM (IMD 575) s’étant terminés le 8 octobre 2013, cours de CRM (MKG 421) s’étant terminés le 18 septembre 2013, le 14 octobre 2013 et le 29 avril 2014, cours de Digital Society (MKG 351) s’étant terminés le 17 octobre 2013 et le 7 mai 2014, ni les commentaires critiques envers Mme [F] de certains étudiants anonymes, ni la relation de messages échangés sur face-book entre trois parents d’élèves de l’école le 22 septembre 2015 se faisant l’écho pour deux d’entre eux de remarques très critiques de leur fils ou fille concernant le cours de Digital society ne constituent des éléments objectifs fiables. Le fait que la salariée ait été déchargée de ce cours le 12 octobre 2015 est en soi insuffisant pour justifier du bien fondé de ces critiques. L’insuffisance de Mme [F] dans son activité d’enseignement n’est pas établie.

L’ESSCA reproche enfin à Mme [F] d’avoir fait preuve d’insuffisance professionnelle dans la coordination et l’encadrement des enseignements.

Il n’est pas établi que l’initiative prise par Mme [F] d’évoquer avec Mme [A] la possibilité de l’accueillir comme intervenante internationale pour enseigner le cours de marketing stratégy (MKG 310) au cours du S6, comme elle l’avait fait en S5, sous réserve de la décision du directeur général adjoint, ait entraîné des difficultés de planning et de coordination avec celle-ci en juillet 2014.

Il est établi en revanche :

– qu’à l’issue de l’entretien annuel de progrès qui a eu lieu le 11 juillet 2013, après environ neuf mois d’activité, Mme [V], chef du département, a relevé que Mme [F] avait une bonne maîtrise de l’anglais et des outils statistiques, mais qu’elle devait ‘s’armer en marketing’, que celle-ci a dû prendre la mesure du rythme du fonctionnement de l’école et du département et s’est trouvée plongée dans le feu de l’action sans période d’adaptation, qu’elle est très ‘carrée” dans son travail et que les petits ratés de l’année sont dus à une méconnaissance du système et non à un manque de rigueur (non-respect des dates par exemple), qu’en interne, elle s’est bien intégrée dans l’équipe et que les moments de tension ont résulté d’une méconnaissance du fonctionnement et de la contrainte de temps (perception du temps différente avec le changement d’environnement), qu’elle a besoin de prendre la mesure du nouvel environnement relationnel face aux étudiants avec lesquels les débuts ont été difficiles et qui ont constaté une évolution positive en fin de S6, qu’elle a besoin de temps pour prendre la mesure de la gestion de l’équipe d’intervenants (de 3A notamment), qu’elle avait les compétences nécessaires au poste occupé, qu’elle a entrepris de développer en collaboration avec M. [U] pour le plan pédagogique, et conclut : ‘[B] est arrivée dans des conditions difficiles avec une responsabilité qu’elle a dû assumer d’emblée, ce qui n’a pas été aisé. Elle prend conscience de son nouvel environnement et saura s’y adapter.’; que Mme [F] a quant à elle tenu à souligner tout particulièrement la charge administrative très importante induite par la responsabilité de coordination, qu’elle estimait dépasser largement la durée de travail prévue dans la fiche d’activité, ce qui avait pour effet de réduire considérablement le temps consacré à la recherche et à un travail plus approfondi sur le contenu des cours ;

– que le 17 septembre 2013, M. [Z], nouveau chef du département, qui reprenait le cours de CRM (MKG 421) de Mme [F] pour les séances 3, 4 et 5, et à qui celle-ci venait d’adresser les power points de la séance 3, lui a demandé de lui adresser le lendemain au plus tard les power points de la séance 4 pour avoir une idée du contenu ;

– que le 25 septembre 2013, M. [Z] a fait remarquer à Mme [F] le désordre généré par la manière dont elle gère la coordination du module Marketing strategy (MKG 310): changements de dernière minute, Power Point envoyé 2/3 jours avant que les séances ne commencent, dizaines de mails inutiles échangés, etc… Il relève par exemple que [G] [X] lui a rappelé que les prochaines séances (6 à 10) sont nouvelles, que le contenu doit être élaboré, ce qui pourrait prendre du temps, et que personne n’a reçu de support pour l’instant ;

– que le 25 septembre 2013, Mme [F] lui a répondu qu’il n’avait pas à mettre les intervenants en copie de son mail, estimant que la manière dont elle gérait ce module ne les regardait pas, qu’elle avait rencontré des problèmes avec ce cours depuis l’année précédente, qu’elle ne s’estimait pas responsable de la situation, lui a demandé l’organisation d’une réunion de clarification avec le directeur général adjoint et de programmer dans les prochaines semaines des rendez-vous avec les personnes qui allaient la remplacer durant son congé maternité et lui a indiqué enfin qu’étant de retour d’arrêt maladie depuis le lundi 23 septembre, elle allait s’assurer que les étudiants aient le support de cours dès que possible ;

– que le 8 octobre 2013, lors de l’entretien avec Mme [F] préalable à son départ en congé de maternité, M. [Z], a noté :

*pour le cours de Marketing strategy (MKG 310), le professeur [N], qui la remplacera, se chargera de l’examen et du démarrage de la S6,

*pour le cours de CRM (MKG 421), il la remplacera lui-même et M. [P] et Mme [E] prépareront l’examen et le corrigé,

*pour le cours d’e-CRM (IMD 575), Mme [R] la remplacera et il faudra voir s’il est possible de confier à Mme [E] la préparation et la correction de l’examen ;

*pour le cours de Digital society (MKG 351), Mme [H] la remplacera et il faudra contacter M. [D] pour collecter les notes ;

– que le 20 février 2014, le directeur général adjoint, informé par Mme [F] de la prolongation de son congé de maternité par un congé pathologique post-natal, du 19 février au 21 mars 2014, lui a demandé de transmettre ses notes de contrôle continu, qu’elle aurait dû transmettre avant son départ en congé de maternité et qui sont nécessaires pour délibérer sur la promotion sortante de Webmarketing; que si Mme [F] fait valoir devant la cour qu’il était prévu que M. [D] se charge de la collecte des notes, il ne ressort d’aucun élément qu’elle aurait transmis ses propres notes de contrôle continu à M. [D] ou à quiconque lors de son départ en congé maternité ;

– que le 24 mars 2014, le directeur général adjoint lui a demandé d’inscrire en priorité de ses actions de reprise, la fourniture du sujet d’examen de e-CRM (IMD 575) pour la deuxième session dont l’occurrence approche, qu’elle devait fournir avant son départ en congé maternité; qu’elle lui a répondu ‘C’est noté’, et a adressé le sujet le 24 avril 2014 pour un envoi à la direction de programme au plus tard le 25 avril 2014 ;

– qu’alors qu’il lui avait été demandé le 7 avril 2014 de remettre pour le 6 juin 2014 les notes de contrôle continu pour le cours de Digital Society (MKG 351) qui se terminait théoriquement le 16 mai et que cette date du 6 juin lui avait été rappelé le 3 juin 2014, elle ne les a transmises qu’après relances des 10 et 11 juin 2014 ;

– que le 3 octobre 2014, à l’issue de l’entretien annuel de progrès, M. [S], nouveau chef du département, a noté que Mme [F] avait un background théorique sur les systèmes d’information, la gestion de projets et les plate formes d’échanges en ligne ainsi qu’une bonne maîtrise de l’anglais et des statistiques et, prenant en compte les contraintes que représentaient pour la salariée son congé de maternité, n’a fait de remarques critiques que sur la période précédant ce congé, relevant, d’une part, qu’avant son départ en congé maternité, elle avait connu des problèmes concernant la rapidité de traitement, n’avait pas appliqué les principes d’une bonne gestion et anticipation et avait eu certains problèmes avec des vacataires sur les délais très courts de transmission des supports par exemple et, d’autre part, un manque d’anticipation de son absence pour congé maternité avec la non-transmission avant son départ des supports de cours, sujets d’examen et corrigés aux collègues de l’équipe, comme cela avait été agréé le 11 juillet 2013 ;

– que le 27 octobre 2014, Mme [F] a répondu que le manque d’anticipation concernait seulement, d’une part, le sujet et le corrigé de l’examen du cours de e-CRM (IMD 575), pour n’avoir transmis qu’après son départ en congé maternité le sujet d’examen de la première session de décembre 2013, et, d’autre part, la transmission des supports de cours de Marketing Strategy (MKG 310), pour les avoir transmis avec retard et, concernant les notes du contrôle continu du cours de Digital sociéty, ‘afin de fournir les notes à temps, mais en tenant compte du calendrier des étudiants, on ne pouvait attendre son retour initialement prévu pour le 19 février 2014 pour avoir les notes’ ;

– que le 26 mars 2015, l’assistante pédagogique a signalé à Mme [F] qu’elle n’avait reçu aucune nouvelle version des séances 5 et 6 de Marketing Strategy (MKG 310) à mettre en ligne ;

– qu’après avoir informé Mme [F] le 26 mars 2015 qu’elle aura besoin du sujet de l’examen final de Marketing Strategy (MKG 310) pour le 15 avril, elle a adressé celui-ci aux intervenants le 6 mai 2015, en leur précisant de même qu’à Mme [F] que l’examen aura lieu le jeudi 21 mai et que les notes devront lui être transmises le lundi 1er juin 2015 au plus tard ;

– que le 21 mai 2015, après l’examen, elle a rappelé à Mme [F] qu’elle ne lui avait pas transmis le corrigé et le barème de notation, alors que les copies allaient être envoyées l’après-midi même aux intervenants ; que le lundi 25 mai 2015 étant férié, elle a relancée l’intéressée le 26 mai 2015 après que l’une des intervenantes, qui avait reçu ses copies le samedi 23 mai, ait réclamé le corrigé afin de pouvoir respecter le délai du 1er juin; que Mme [F] a adressé le corrigé le mardi 26 mai à 12h35 ;

– que les 6 mai, 21 mai, 26 et 28 mai 2015, l’assistante pédagogique a réclamé à Mme [F] ses notes de contrôle continu pour le S6 de Marketing Strategy (MKG 310) ;

– que les jeudi 4 et vendredi 5 juin 2015, elle a demandé à Mme [F] de valider les notes du semestre 6 de Marketing Strategy (MKG 310), dont elle était responsable du module, en vue de leur transmission à M. [C]; qu’en l’absence de réponse de Mme [F], elle les a envoyées à celui-ci sans validation préalable en l’informant que ne travaillant pas le lundi 9 juin, elle les importerait sur le logiciel le mardi 9 juin, soit avec une journée de retard sur le délai imparti ;

– que le 20 mai 2015, l’assistante pédagogique a demandé à Mme [F] de lui indiquer quels seront les intervenants du module Marketing Strategy pour les groupes d'[Localité 5] et de [Localité 6] pour le semestre 5 de MKG 310, pour pouvoir leur faire remplir le document relatif à leurs disponibilités à transmettre à la scolarité ;

– qu’à l’issue de l’entretien annuel de progrès du 10 juillet 2015, M. [T], chef du département depuis avril 2015, a noté que Mme [F] maîtrise parfaitement les sujets sur lesquels portent ses enseignements, qu’elle a une très bonne maîtrise de l’anglais et une grande compétences sur les effets quantitatifs, que les documents pédagogiques ne sont pas toujours distribués aux intervenants avec assez d’anticipation, que cela peut être générateur de stress pour eux et qu’il en va de même pour les notes qui sont souvent transmises en catastrophe aux assistantes de programme, que si elle fait preuve d’une très bonne rigueur sur le contenu, il doit en être de même pour les délais, qu’il y a dans les relations internes comme externes des tensions parfois dues aux délais très courts laissés à ses collaborateurs et aux intervenants, que s’il n’y a aucun problème concernant ses compétences, il y a un problème de délai pour la réalisation de ses tâches et a conclu: ‘[B] est très compétente sur les thèmes dont elle a la responsabilité. Il faut qu’elle respecte les délais de remise des documents auprès des assistantes de programme et des intervenants pour générer de la sérénité.’

– que le vendredi 28 août 2015, Mme [F] n’ayant toujours pas envoyé, en dépit de nombreuses relances, les supports de cours de Marketing Strategy (MKG 310) qui commençaient le mardi 1er septembre à [Localité 5] (avec Mme [J] comme intervenante) et le jeudi 3 septembre à [Localité 6] (avec Mme [X] comme intervenante), l’assistante pédagogique a informé le chef de département de l’impatience et de l’inquiétude des intervenants, Mme [J] évoquant même un éventuel report de son cours; que Mme [F], qui avait repris le travail à temps plein le 17 août 2015, à l’issue de ses congés payés, leur a adressé pendant le week-end du 29-30 août 2015 les supports de la séance 1 ; Mme [J] lui a indiqué qu’elle apprécierait d’avoir les supports des séances 2 et 3 avant le week-end suivant ;

– que le 1er septembre 2015, le chef du département a demandé à Mme [F] d’envoyer aux intervenants les documents relatifs aux 3 ou 4 prochaines séances, d’éviter d’envoyer à reprographier les documents d’une séance le jour où avait lieu le cours avec le premier groupe car le service reprographie ne pouvait pas faire le travail et c’était alors les assistantes de programme qui devaient s’en charger en urgence et lui a demandé de les envoyer quelques jours à l’avance pour que le travail puisse être fait dans la sérénité ;

– que le 14 septembre 2015 à 10h36 et 13h19, il a été signalé à Mme [F] que le travail à faire par les étudiants de la séance 3 à la séance 4 qu’elle avait préparé était erroné et que seuls les supports de cours de la séance 1 étaient accessibles aux étudiants sur e-campus ;

– que le 14 septembre 2015 à 13h29, Mme [F] a indiqué finir de rectifier tous les éléments notés depuis la première séance et de préparer les séances 5 et 6 ;

– que le 14 septembre 2015 à 14h42, Mme [X] lui a indiqué qu’elle n’avait pas reçu les slides de la séance 4, dont elle avait besoin pour animer le cours du jeudi 17 septembre 2015, et lui a rappelé que sa session 5 était fixée au lundi 21 septembre 2015 ;

– que le 14 septembre à 15h16, Mme [F] lui a répondu qu’elle venait de télécharger le slides de la séance 4 et le travail à faire par les étudiants de la séance 4 à la séance 5 ;

– que le 15 septembre 2015 à 11h27, Mme [J] a indiqué à Mme [F] que les étudiants n’avaient pas le matériel en ligne pour réaliser le travail à faire de la session 2 à la session 3, ajoutant à 12h07 que c’était trop tard pour son groupe d'[Localité 5], la séance 3 ayant eu lieu la veille et a demandé s’il était possible dorénavant d’avoir les cours à venir en avance ;

– que le vendredi 18 septembre 2015 à 17h51, le chef du département, relevant que Mme [X], qui avait contacté Mme [F] à plusieurs reprises au cours de la semaine pour qu’elle lui envoie les supports de cours lui permettant d’animer la séance du module Marketing Strategy du lundi 21 septembre à 8h30 à [Localité 6], n’avait reçu aucune réponse de sa part, a informé Mme [F] qu’elle remplacerait l’intervenante pour ce cours et a demandé à la rencontrer pour discuter de ce problème récurrent ;

– que le lundi 21 septembre 2015 à 7h22, Mme [F] , expliquant qu’elle n’avait pas répondu aux mails de Mme [X] du 17 septembre, qui était pour elle une journée recherche, car elle n’avait pas pu encore finaliser un point important dans le support de la session 5 et qu’elle était en RTT le 18 septembre, ayant un contrôle médical important ce jour-là, a répondu qu’elle mettait à la disposition de tous les intervenants les supports de cours des séances 5 à 8, que l’annulation de la séance de Mme [X] du 21 septembre avait été notifiée aux étudiants le 18 septembre à 16 heures, qu’elle était elle-même était en congés payés à partir du lundi 21 septembre mais qu’elle ferait de son mieux pour trouver un créneau pour remplacer Mme [X] si celle-ci n’était pas en mesure de remplacer la séance du 21 septembre ;

– que la séance du 21 septembre à 8h30 ne pouvant être animée ni par Mme [X], à défaut de support de cours reçu dans un délai suffisant, ni par Mme [F] , en congés payés, a dû être annulée.

Il ressort de ces éléments que si Mme [F] n’a pas respecté à plusieurs reprises les délais qui lui étaient impartis pour la transmission des notes de contrôle continu des étudiants, des sujets d’examen et des corrigés ou des documents à reprographier, ce qui obligeait à lui adresser des relances, ces retards n’étaient pas d’une importance telle qu’ils ont perturbé notablement le fonctionnement du service et ne sont pas de nature à caractériser à eux seuls une insuffisance professionnelle.

En revanche, il est établi qu’après avoir vu son attention attirée au début de l’année universitaire 2013/2014, avant son départ en congé maternité, puis, au vu des mêmes éléments, à l’issue de l’année universitaire 2013/2014, puis de nouveau à l’issue de l’année universitaire 2014/2015, sur la tension et le stress que générait l’envoi tardif des documents de supports de cours aux intervenants du module qu’elle était chargée d’encadrer, Mme [F], qui avait repris une activité à temps complet à compter du 17 août 2015, a de nouveau adressé de manière récurrente avec retard aux intervenants les supports nécessaires à l’animation de leurs cours à la rentrée 2015, ce qui ne leur permettait pas de s’approprier convenablement le matériel pédagogique avant la séance et a provoqué l’annulation de la séance du 21 septembre 2015. Les faits démontrés par l’employeur qui se rapportent à la période antérieure au congé de maternité de Mme [F] et à la période postérieure à son dernier congé de maladie dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, ne sont pas imputables à l’état de santé de la salariée mais, à défaut de surcharge de travail établie, à un manque d’organisation et d’anticipation de celle-ci. Les carences de Mme [F] dans l’exercice des fonctions de coordination et d’encadrement inhérentes à son poste de professeur permanent sont réelles et sérieuses et le versement à la salariée en décembre 2015, après la notification de son licenciement, d’une prime exceptionnelle de 500 euros n’est pas de nature à les remettre en cause.

Les carences avérées dont la salariée a fait preuve dans l’exercice de ses fonctions de coordination et d’encadrement des enseignements inhérentes à son poste de professeur assistant, qui était de nature à compromettre la qualité de l’enseignement dispensé par les intervenants et à ternir en conséquence la réputation de l’école, caractérisent une insuffisance professionnelle.

Aucun élément ne permet de présumer que la grossesse ou l’état de santé de Mme [F] sont le véritable motif de son licenciement. Ce licenciement étant justifié au regard de l’insuffisance professionnelle avérée de la salariée, qui constitue une raison objective étrangère à toute discrimination, n’est pas entaché de nullité et repose sur une cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu de constater en outre que Mme [F], qui a perçu une prime exceptionnelle de 258 euros en décembre 2013, alors qu’elle était en congé de maternité, et de 500 euros en décembre 2015, ne peut, sans contradiction, soutenir à la fois que le versement d’une prime exceptionnelle n’avait aucun caractère de régularité et que l’absence de versement d’une telle prime en décembre 2014, alors qu’elle était absente pour maladie, fait présumer l’existence d’une discrimination.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 12 octobre 2017,

Y ajoutant :

DÉBOUTE l’Ecole supérieure de sciences commerciales d'[Localité 5] dite ESSCA et Mme [B] [F] de leur demande respective d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

CONDAMNE Mme [B] [F] aux dépens d’appel.

– Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,

 


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