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N° G 18-83.615 FS-D
N° 447
SM12
9 AVRIL 2019
CASSATION SANS RENVOI
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. X… F…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4e chambre, en date du 24 mai 2018, qui, pour diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat public, l’a condamné à 1 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 19 février 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. RICARD, Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Quintard ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller Parlos, les observations de la société civile professionnelle RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA, la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Quintard ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23 alinéa 1er, 31 alinéa 1er, 29 alinéa 1er, 30, 31 alinéa 1er, 42 de la loi du 29 juillet 1881, 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. F… coupable de diffamation publique envers un dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’un service public, l’a condamné au paiement d’une amende de 1 000 euros et s’est prononcé sur les intérêts civils ;
“aux motifs que les passages « Mais tout comme un meurtrier non condamné reste un meurtrier, une campagne illégalement financée (plus de 10 000 euros) en fait un maire illégitime » figurant dans la publication du 2 novembre 2016 et « Et à Couzon au mont d’Or, le financement de la campagne municipale de la liste UDI de M. Q… et de sa conseillère régionale Mme N… par l’association dont il était président, en totale violation de la loi, vous en pensez quoi ? Ras le bol de cette soi-disante élite qui se croit au-dessus des lois » figurant dans la publication du 9 novembre 2016, caractérisent bien l’infraction et constituent une allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de M. Q… et Mme N… et qui se présentait sous la forme de l’articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire ; en effet, M. Q… y était qualifié de maire illégitime et ces deux personnes étaient qualifiées comme se croyant au-dessus des lois, l’auteur des publications leur reprochant un financement illégal de la campagne électorale ayant abouti à leur élection dans le cadre du scrutin municipal ; il sera relevé que si, dans le second passage, il était aussi fait référence à la qualité de conseillère régionale de Mme N…, celle-ci était qualifiée de personne se croyant au-dessus des lois en raison du financement de la campagne des élections municipales (campagne commune avec M. Q…) et non pas en raison du financement de la campagne en vue des élections régionales ; c’était donc bien sa qualité d’adjoint au maire de Couzon-au-Mont-d’Or qui était évoquée ; certes, les imputations d’être « un maire illégitime », de « se croire au-dessus des lois » étaient présentées dans les publications poursuivies comme fondées sur la circonstance que les personnes concernées avaient été élues, lors des élections municipales, grâce à un financement illégal de leur campagne, donc présentées comme fondées sur des actes antérieurs à leur mandat respectif de maire et de maire adjoint ; mais c’était bien l’imputation après leur élection d’un fait ayant un rapport direct avec leur qualité de maire ou d’adjoint dont s’était rendu auteur M. F… à l’égard des plaignants, à savoir traiter M. Q… de maire illégitime et, en raison de cette qualité d’élu, de membre d’une élite qui se croit au-dessus des lois, à savoir traiter Mme N…, élue lors des mêmes élections municipales, comme appartenant elle aussi en raison de son élection à une élite qui se croit au-dessus des lois ; que ces diffamations étaient bien faites en raison des fonctions et des qualités visées aux poursuites, au sens de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
“1°) alors qu’en matière d’infraction à la loi sur la presse, les faits doivent être appréciés au regard de la qualification fixée irrévocablement à l’acte initial des poursuites ; que l’article 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 incrimine les diffamations publiques envers les particuliers tandis que l’article 31 de la même loi incrimine les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu’il énonce lorsque lesdites diffamations contiennent la critique d’actes de la fonction ou d’abus de la fonction ou encore établissent que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d’accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire ; qu’en l’espèce, les imputations diffamatoires reprochées à M. F… n’étaient pas en lien direct avec les fonctions exercées par M. Q… et Mme N…, dès lors qu’il s’agissait d’accusations de financement illégal de leur campagne électorale, faits antérieurs à leur élection ; qu’en écartant l’erreur de qualification, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés ;
“2°) alors que les diffamations doivent s’apprécier non d’après le mobile qui les ont inspirées ou le but recherché par leur auteur, mais d’après la nature du fait sur lequel elles portent ; qu’en l’espèce, en décidant de retenir la qualification de diffamation publique envers un dépositaire de l’autorité public ou chargé d’un service public, au motif que M. F… avait traité M. Q… de maire illégitime et membre d’une élite qui se croit au-dessus des lois, bien que le fait diffamatoire sur lequel reposait ces accusations étaient le financement illégal de sa campagne électorale, antérieur à son élection, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés ;
“3°) alors que les diffamations doivent s’apprécier non d’après le mobile qui les ont inspirées ou le but recherché par leur auteur, mais d’après la nature du fait sur lequel elles portent ; qu’en l’espèce, en décidant de retenir la qualification de diffamation publique envers un dépositaire de l’autorité publique ou chargé d’un service public, au motif que M. F… avait traité Mme N… de membre d’une élite qui se croit au-dessus des lois, bien que le fait diffamatoire sur lequel reposait cette accusation était le financement illégal de sa campagne électorale, antérieur à son élection, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés ;
Vu les articles 29, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu’en matière de presse, il appartient à la Cour de cassation de contrôler le sens et la portée des écrits incriminés, et de vérifier si dans les propos retenus dans la prévention se retrouvent les éléments légaux de la diffamation publique tels qu’ils sont définis par la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ne punit de peines particulières les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu’il énonce que lorsque ces diffamations, qui doivent s’apprécier non d’après le mobile qui les ont inspirées ou le but recherché par leur auteur, mais d’après la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d’actes de la fonction ou d’abus de la fonction, ou encore que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d’accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’après avoir été battu aux élections municipales de mars 2014 par la liste de M. B… Q… et de Mme P… D… épouse N…, devenus, respectivement maire et maire adjoint de la commune de Couzon-au-Mont-d’Or (Rhône), M. F… a mis en ligne, les 1er, 2, 3 et 9 novembre 2016 sur le site Facebook “Direct Couzon”, librement accessible, des textes faisant notamment état de l’illégalité prétendue du financement de l’élection du maire au moyen d’une association soutenue par une entreprise de travaux publics dont cet élu était le président, expliquant aux lecteurs que le maire et son adjointe auraient menti en se prétendant être sans étiquette alors qu’ils s’étaient par la suite affiliés au parti Union des démocrates et indépendants (UDI), affiliation demeurée cachée afin de gagner l’élection, reprochant à M. Q… et Mme N… d’avoir un lien avec la directrice générale des services de la commune, qui aurait facilité leur élection, et faisant appel à la démission du maire ; que les intéressés ayant porté plainte et s’étant constitués partie civile du chef de diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat public, M. F… a été renvoyé de ce chef devant le tribunal correctionnel, qui l’a déclaré coupable ; que le prévenu a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement dans la limite des propos suivants, “Mais tout comme un meurtrier non condamné reste un meurtrier, une campagne illégalement financée (plus de 10 000 euros..) en fait un maire illégitime” “Et à Couzon au mont d’Or, le financement de la campagne municipale de la liste UDI de M. Q… et de sa conseillère régionale Mme N… par l’association dont il était président, en totale violation de la loi, vous en pensez quoi ? Ras le bol de cette soi-disante élite qui se croit au-dessus des lois” et figurant dans les textes mis en ligne les 2 et 9 novembre 2016, l’arrêt énonce, en substance, que si les imputations d’être un élu illégitime sont fondées sur des actes antérieurs aux mandats respectifs de maire et maire adjoint de M. Q… et Mme N…, elles sont en relation directe avec le mandat public qui leur a été confié à la suite de leur élection et ont été émises en raison des fonctions qu’ils ont ainsi exercées ; que les juges ajoutent que les imputations d’être un élu illégitime, se croyant au-dessus des lois, portent atteinte à l’honneur ou à la considération des parties civiles en ce qu’elles mettent gravement en cause, d’une part, la légitimité de l’élection du maire et, par conséquent, celle des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, d’autre part, le respect par le premier magistrat de la commune et son adjointe, investis d’un mandat public, de la légalité ;