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N° E 18-82.876 FS-D
N° 623
CK
7 MAI 2019
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
– M. R… P…,
– Mme I… H…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2018, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 12 mars 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Ricard, Bonnal, Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, M. Violeau, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de Mme le conseiller MÉNOTTI, les observations de Me HAAS et de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général Cordier ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. F… C… a fait citer devant le tribunal correctionnel M. P… et Mme H…, du chef de diffamation publique envers un particulier au visa des articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881, pour avoir diffusé, en le joignant au quotidien France-Antilles, un publi-reportage du 15 novembre 2016 de la chambre de commerce et d’industrie des îles de Guadeloupe (CCI-IG) comportant un article annoncé en page de garde comme étant “La part de vérité de Mme I… H…”, paru en page 3 et mis en cause en raison du passage incriminé suivant : “Pour la première fois, la présidence du port échappe à un socio-professionnel au profit d’un élu politique. J’ai entendu, par la suite des “mauvaises langues” dire qu’en compensation, l’agence de voyages de M. C… a bénéficié d’une très grande partie des voyages de la région Guadeloupe. Lors du renouvellement à la présidence portuaire, en mars dernier, M. C… premier vice-président de l’institution consulaire, me fait savoir qu’il est de nouveau candidat à la présidence du port. Dans le même temps, M. Philippe G…, également vice-président, m’informe qu’il souhaite lui aussi être candidat. Je décide donc de la tenue d’un bureau pour trancher entre ces deux candidatures. Dès le début de la réunion, M. C… annonce qu’il n’est finalement pas candidat. Dès lors, le bureau de la CCI-IG n’a plus qu’à entériner la candidature de M. G…. De nouveau, j’ai entendu par la suite les “mauvaises langues” dire que M. C…, détenteur via son agence de voyage de tout le marché des billets du port, faisait mieux de rester à son poste de vice-président, plutôt que de se rendre plus visible au poste présidentiel. Quand on sait que le grand port maritime de Guadeloupe est un établissement public appartenant à l’Etat …” ; que les juges du premier degré ont déclaré la citation irrecevable ; que M. C… a relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Yves Richard pour Mme H…, pris de la violation des articles 48, 6°, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Mme H… coupable de diffamation envers un particulier et, en répression, l’a condamnée, in solidum avec M. P…, à payer à M. C… la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
“aux motifs que le tribunal ayant déclaré la citation irrecevable, la partie civile, qui avait cité directement les prévenus devant le tribunal correctionnel, est légitime à obtenir de la cour d’appel, du fait de son acte d’appel, une décision statuant tant sur l’action publique que sur l’action civile ; que s’agissant du fait que le texte incriminé viserait non M. C…, mais son agence, il ressort sans ambiguïté du texte que, si l’agence de voyages de M. C… est évoquée, M. C… est lui aussi tout aussi bien visé par les écrits, de sorte qu’il justifie d’un intérêt à agir dans le cas d’espèce ; que s’agissant de la recevabilité de la citation à l’égard de Mme H…, il résulte de même de l’examen du publi-reportage que celui-ci contient une série d’articles écrits sous la plume de Mme H…, se référant au titre général “Stop aux calomnies et diffamations contre la CCI-IG et sa présidente”, et que Mme H… apparaît bien en qualité d’auteur des textes incriminés ; que la citation sera par conséquent déclarée recevable à l’égard de Mme H… ; [. . .] que pour constituer une diffamation, l’écrit incriminé doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à pouvoir être sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire; qu’en l’espèce, l’écrit du publi-reportage met en cause M. C… pour avoir, dans le cadre d’opérations électorales, renoncé à se porter candidat et, par cette abstention, avoir aidé à placer le vice-président du conseil régional de Guadeloupe, M. Q…, à la tête du port maritime de Guadeloupe en échange de marchés publics tronqués, à savoir les voyages des personnels de la région Guadeloupe au profit de son agence de voyages ; que les prévenus n’ont pas offert de faire valoir leur bonne foi dans la rédaction de l’écrit incriminé ; qu’il y a par conséquent lieu de dire que cet écrit est diffamatoire au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et de condamner in solidum M. P… et Mme H… à verser à M. C… la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts et la somme de 5 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
“1°) alors que, dans le cas de diffamation envers les particuliers, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ; qu’en se bornant à affirmer, pour décider que la plainte formée par M. C… du chef de diffamation était recevable, à affirmer qu’il résultait sans ambiguïté du texte litigieux que si l’agence de voyages de M. C… était évoquée, celui-ci était « lui aussi tout aussi bien visé par les écrits », sans procéder à aucune analyse du texte en cause, ni indiquer en quoi M. C… aurait été visé par les propos présentés comme état diffamatoires, la cour d’appel a privé sa décision de motifs ;
“2°) alors que dans le cas de diffamation envers les particuliers, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ; que le texte litigieux se bornait à indiquer que, selon certaines « mauvaises langues », «l ‘agence de voyages de M. C… a bénéficié d’une très grande partie des voyages de la région Guadeloupe », sans aucunement prétendre que M. C… en aurait été personnellement bénéficiaire ; qu’en affirmant néanmoins que « M. C… est lui aussi tout aussi bien visé par les écrits, de sorte qu il a justifié d’un intérêt à agir dans le cas d’espèce », la cour d’appel a exposé sa décision à la cassation” ;