Diffamation : décision du 21 mai 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-85.246

·

·

Diffamation : décision du 21 mai 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-85.246
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

N° F 18-85.246 F-D

N° 770

SM12
21 MAI 2019

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– M. H… W…, partie civile,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, en date du 3 juillet 2018, qui, dans l’information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef de diffamation publique envers un particulier, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 26 mars 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lavaud ;

Sur le rapport de M. le conseiller Parlos, les observations de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CROIZIER ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881, de l’article 621-1 du code pénal et de l’article 593 du code de procédure pénale ; défaut de motif et manque de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a dit d’y avoir lieu à suivre sur la plainte déposée par M. H… W… du chef de diffamation publique ;

“aux motifs que l’information a établi les faits suivants : le 9 février 2017, M. W…, professeur d’éducation physique et mandataire du Conseil d’administration de la Maif déposait plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée pour diffamation publique ; que le plaignant exposait que le 10 novembre 2016, une lettre présentée comme ayant été signée par M. Y… et à l’en-tête de la ligue réunionnaise de karaté avait été adressée au président de la MAIF (mutuelle d’assurance des instituteurs de France) ; que cette lettre comportait les imputations suivantes : « Mauvais perdant, il a juré selon certaines sources de s’occuper de tous ceux (sociétaires à la Mutuelle) qui ont contribué de loin ou de près à son échec. Cette attitude scandaleuse ne m’étonne pas car j’ai eu affaire personnellement dans un passé récent (2 ou 3 ans) à ce type de menaces de sa part. J’en avait parlé à M. F… R… (ex-administrateur qui m’avait conseillé fortement de porter plainte auprès du président de la Maif. Je ne l’ai pas fait et je le regrette. Aujourd’hui la menace est bien plus forte car elle concerne un grand nombre de sociétaires. A titre indicatif, je vous informe que lors de l’assemblée générale du 15 octobre 2016, 112 clubs sur 113, choqués par les écrits calomnieux dégradants et humiliants de M. W… parus dans la presse, m’ont donné pouvoir pour ester en justice (diffamation et atteinte à la dignité humaine) » ; que l’ouverture d’une information judiciaire était requise ; que sur commission rogatoire, il était établi que l’auteur de la lettre était M. Y…, président de la ligue de karaté de la Réunion et que le seul destinataire de l’écrit en cause, adressé à plusieurs reprises, avait été le directeur de la Maif, M. A…. M. Y… était entendu ; qu’il reconnaissait être l’auteur de la lettre ; qu’il avait voulu informer la Maif du caractère diffamatoire de propos tenus par M. W… lors des élections à la ligue de karaté ; que le magistrat instructeur a répondu aux observations du conseil de la partie civile, déposées le 28 mars2018 ainsi qu’il suit : Me M… invoque le fait que la diffamation est publique dans la mesure où la correspondance visée est adressée à une personne autre que celle visée par les imputations poursuivies, faisant ainsi référence à l’arrêt de principe rendu par la cour de cassation le 14 mai 2013, et fait remarquer de manière assez contradictoire que l’élément de publicité fait défaut lorsque l’écrit n’a été adressé qu’entre personnes appartenant au même groupement liées entre elles par une même communauté d’intérêts ; qu’or, il ressort des investigations que MM. Y…, A… et W… appartiennent tous à la même communauté d’intérêts ; que la partie civile M. W… est mandataire du conseil d’administration de la Maif ; que le destinataire de la lettre est le président de la Maif, M. A… et l’auteur de la lettre, M. Y…, est le président de la ligue de karaté de la Réunion, qui déclare avoir agi au nom des sociétaires de la Maif, membres de la ligue de Karaté ; que la notion de communauté d’intérêts se définissant comme un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations, des objectifs partagés ou des affinités amicales ou sociales l’élément de publicité nécessaire à la poursuite du chef de diffamation publique, fait donc défaut, il ne peut dès lors y avoir de diffamation publique ; qu’au terme de l’information il apparaît que le caractère public de l’écrit n’a pas été démontré ; que faute de l’un des éléments constitutifs de l’infraction un non-lieu sera donc ordonné ; qu’il a estimé qu’il ressort de l’information judiciaire que les écrits comportant les termes considérés comme diffamatoires n’ont pas été rendus publics ; que le délit de diffamation au moyen de communication au public par voie électronique n’est donc pas caractérisé ; qu’il a rendu une ordonnance de non-lieu de 11 avril 2018 notifiée à la même date aux parties ; que l’appelant dans son mémoire fait valoir que l’acte de publicité requis par la loi est bien constitué puisque les propos sont contenus dans une correspondance adressée à une personne autre que celle visée par les imputations poursuivies et en l’espèce un autre groupe de personnes la Maif qui constitue une communauté distincte sans communauté d’intérêts avec la ligue de karaté ; que la première imputation poursuivie car l’imputation du comportement qui encourt l’opprobre public est diffamatoire et par conséquent toute imputation de commission d’infraction pénale constitue une atteinte à l’honneur et à la considération ce qui est le cas en l’espèce puisqu’il lui est imputé des actes de nature à caractériser le délit pénal de menaces ce qui constitue également une atteinte à la présomption d’innocence ; que la seconde imputation qui lui impute l’intention d’agir en justice contre M. W… tombe sous le coup du délit de diffamation publique ; que s’il existe une incertitude sur l’élément de publicité, la juridiction d’instruction peut requalifier le délit en contravention de diffamation non publique ; qu’en ordonnant un non-lieu la juridiction d’instruction a entaché sa décision de nullité ; qu’ il demande l’annulation de l’ordonnance de non-lieu ; qu’il convient de relever que les critiques adressées à l’ordonnance de non-lieu relèvent de la réformation de l’ordonnance et non de sa nullité aucun moyen n’étant excipé sur ce point ; que l’appelant considère qu’il existe des charges suffisantes pour renvoyer M. Y… devant le tribunal correctionnel ou qu’il convenait de relever des charges suffisantes pour qualifier une infraction contraventionnelle ; qu’or, le magistrat instructeur a, à bon droit, considéré qu’il n’existait pas de charges suffisantes pour qualifier matériellement la circonstance de publicité de l’infraction reprochée par le plaignant dès lors que le courrier incriminé s’adressait à la même communauté d’intérêt dont MM. Y…, A… et W… faisaient parties avec certes, un confit récurrent entre MM. W… et Y…, mais qui tous deux comme le destinataire du courrier appartiennent à la communauté de la Maif ; qu’en effet, bien que figure sur le courrier en cause l’entête de la ligue réunionnaise de karaté, il a été adressé au président de la Maif (mutuelle d’assurance des instituteurs de France) ; que la partie civile, M. W… est mandataire du conseil d’administration de la Maif ; que le destinataire de la lettre est le président de la Maif, M. A… ; que l’auteur de la lettre, M. Y…, est le président de la ligue de karaté de la Réunion, qui déclare avoir agi au nom des sociétaires de la Maif, membres de la ligue de karaté ; qu’ainsi, il s’agit en l’espèce d’une communauté d’intérêt définie comme un groupe de personnes liées par une appartenance commune, des aspirations, des objectifs partagés ou des affinités amicales ou sociales ce qui caractérise la mutuelle de la Maif et les personnes agissant en son nom ou la représentant ; qu’il ne ressort pas de la procédure d’instruction des charges suffisantes pour caractériser l’infraction de diffamation non publique, les menaces évoquées dans ce courrier assises sur le conflit prégnant qui oppose MM. Y… et W… et auquel M. Y… fait d’ailleurs référence, ne constituent pas, tant elles sont évoquées en termes vagues, une infraction qui serait reprochée à M. W… lequel rajoute cette interprétation ; qu’enfin, il n’est pas contesté que le conflit entre MM. Y… et W… soit récurrent au travers de plusieurs procédures judiciaires, et dans ce cadre, il n’est pas interdit de se réserver à l’encontre d’un tiers l’utilisation de voies de droit ouvertes à tout citoyen, ce qui est insuffisant en l’espèce pour caractériser une infraction ; qu’en conséquence de ce qui précède, la confirmation de l’ordonnance déférée, à l’issue d’une information régulière et complète, s’impose ; qu’y ajoutant, il sera spécifié que le consignation sera restituée à la partie civile trois mois après que l’ordonnance de non-lieu soit devenue définitive en application de l’article 88-1 du code de procédure pénale (arrêt attaqué p. 2 al. 17 à 20, p. 3, 4, p.5 al. 1 à 5) ;

“1°) alors que les expressions diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, et visant une personne autre que le destinataire du message qui les contient sont punissables, sous la qualification de diffamation non publique, lorsque cette correspondance a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ; qu’il résulte des propres termes de l’arrêt attaqué d’une part que M. Y… est président de la ligue réunionnaise de karaté et que l’écrit litigieux à l’entête de cette organisation concerne les élections à la ligue de karaté et d’autre part que le destinataire de la lettre est le président de la Maif et la victime un mandataire de la Maif ; qu’en retenant une communauté d’intérêts excluant tout caractère de publicité à la diffamation quand il en résultait que les divers personnes concernées appartenaient à des groupement différents, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;

“2°) alors que toute imputation d’avoir commis des faits susceptibles d’être qualifiés pénalement et de justifier des poursuites devant les juridictions répressives portent atteinte à l’honneur et à la considération de la personne visée et constitue une diffamation ; qu’il résulte des termes de l’écrit litigieux que M. Y… avait accusé M. W… d’avoir proféré des menaces à l’encontre de sociétaires de la Maif et qu’il en avait parlé à un ex-administrateur qui lui avait conseillé de porter plainte ; qu’en affirmant néanmoins que lesdites menaces ne constituent pas une infraction car elles sont « sont évoqués en termes vagues », la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;

“3°) alors que toute imputation d’avoir commis des faits susceptibles d’être qualifiés pénalement et de justifier des poursuites devant les juridictions répressives portent atteinte à l’honneur et à la considération de la personne visée et constitue une diffamation ; qu’il résulte aussi de l’écrit litigieux que M. Y… a accusé M. W… d’avoir fait paraître dans la presse des « écrits calomnieux, dégradants et humiliants » au point que l’assemblée générale lui avait donné le pouvoir d’ester en justice pour diffamation et atteinte à la dignité humaine ; qu’en affirmant néanmoins que de telles imputations, visant M. W… comme étant l’auteur du délit de diffamation n’étaient pas diffamatoires, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés ;

Vu les articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ensemble l’article R. 621-1 du code pénal ;

Attendu que lorsque l’élément de publicité fait défaut, les imputations diffamatoires constituent la contravention de diffamation non publique, prévue et réprimée par l’article R. 621-1 du code pénal ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, s’estimant atteint dans son honneur et sa considération par les termes d’une lettre à l’en-tête de la ligue réunionnaise de karaté, signée par M. Y…, président de cette association, adressée au président de la mutuelle d’assurance des instituteurs de France (Maif) comportant les passages suivants : “Mauvais perdant, il a juré selon certaines sources de s’occuper de tous ceux (Sociétaires à la Mutuelle) qui ont contribué de loin ou de près à son échec. Cette attitude scandaleuse ne m’étonne pas car j’ai eu affaire personnellement dans un passé récent (2 ou 3 ans) à ce type de menaces de sa part. J’en avais parlé à M F… R… (ex-administrateur) et qui m’avait conseillé fortement de porter plainte auprès du président de la AMIR. Je ne l’ai pas fait et je le regrette”. “Aujourd’hui la menace est bien plus forte car elle concerne un grand nombre de sociétaires” ; “A titre indicatif je vous informe que lors de l’Assemblée générale du 15 octobre 2016, 112 clubs sur 113, choqués par les écrits calomnieux, dégradants et humiliants de M. W… parus dans la presse, m’ont donné pouvoir pour ester en justice (diffamation et atteinte à la dignité humaine)”, ce dernier, professeur d’éducation physique, a porté plainte et s’est constitué partie civile du chef de diffamation publique ; que, le 11 avril 2018, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, dont la partie civile a relevé appel ;

Attendu que, pour confirmer l’ordonnance du magistrat instructeur, après avoir constaté que le destinataire de la lettre et la personne mise en cause étaient, dans le département, respectivement, le président et un mandataire du conseil d’administration de la Maif et que l’auteur de la lettre a déclaré avoir agi au nom des sociétaires de la mutuelle, membres de la ligue de karaté, les juges en déduisent qu’il existe entre ces personnes, appartenant à un même organisme mutualiste, des aspirations, des objectifs partagés ou des affinités amicales et sociales constitutifs d’une communauté d’intérêts exclusive du caractère public de la diffamation alléguée ;

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x