Diffamation : décision du 14 juin 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-84.537

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Diffamation : décision du 14 juin 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-84.537
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N° X 21-84.537 F-B

N° 00727

RB5
14 JUIN 2022

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JUIN 2022

La société [1] ([2]) et M. [T] [I], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 3 juin 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [Y] [G] du chef de diffamation publique envers des particuliers, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [1] et de M. [T] [I], les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [Y] [G], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. La société [2] et M. [T] [I], biologiste co-gérant de cette société et président de la société française d’informatique de laboratoire, ont porté plainte et se sont constitués partie civile du chef de diffamation publique envers des particuliers, à la suite d’un courriel les mettant en cause, adressé par M. [Y] [G] à neuf personnes concernées par les logiciels informatiques de laboratoire de biologie médicale, à savoir le directeur général d’une entreprise spécialisée dans l’informatique et la commercialisation de logiciels de gestion de laboratoire de biologie médicale et vice-président de la société française d’informatique de laboratoire, deux médecins biologistes, cinq pharmaciens biologistes et un médecin anatomopathologiste.

3. Les juges du premier degré ont relaxé M. [G] et débouté les parties civiles de leur demande.

4. Ces dernières ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a jugé que M. [G] n’avait pas commis de faute civile, alors :

« 1°/ que l’existence d’une communauté d’intérêts, exclusive de la commission du délit de diffamation publique, doit être appréciée concrètement au regard de l’existence d’objectifs communs poursuivis par l’ensemble des destinataires des propos en cause ; que la simple appartenance à la même profession ou à la même sphère d’activité économique ne caractérise pas, à elle seule, une telle communauté d’intérêts ; qu’en se bornant, pour exclure tout caractère public du courriel adressé par M. [G], à relever que les destinataires de ce courriel « exercent tous, à divers titres (…), une activité dans le domaine de la biologie médicale », en se fondant ainsi sur la seule profession de ces destinataires, sans se prononcer concrètement sur l’existence d’intérêts communs partagés par ces derniers de nature à justifier la confidentialité d’un message dénonçant des faits susceptibles de poursuites disciplinaires et pénales, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l’article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que l’existence d’une communauté d’intérêts entre les destinataires de propos de nature diffamatoire portant sur le président d’une personne morale ne saurait être déduite de la seule proximité entre ces destinataires et cette personne morale, faute pour ceux-ci d’entretenir tous un lien juridique avec celle-ci ; qu’en se bornant à relever que les propos incriminés visaient le président d’une association de professionnels du domaine de la santé et de l’informatique et que les destinataires qui exerçaient une activité professionnelle dans ce domaine « [étaient] donc tous concernés par l’objet de cette association et les propos litigieux [étaient] directement liés au fonctionnement de cette association puisqu’ils [étaient] relatifs à la probité et à la légitimé d'[T] [I] en qualité de président à la tête de cette association », pour en déduire que ces derniers étaient liés par une communauté d’intérêts, sans constater que ces destinataires étaient membres ou adhérents de cette association, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l’article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Pour écarter toute faute civile à la charge de M. [G], l’arrêt attaqué énonce que les destinataires du courriel en cause sont liés par une communauté d’intérêts dès lors qu’ils sont tous concernés par l’objet de la société française d’informatique de laboratoire, s’agissant de propos relatifs à la probité et à la légitimité de M. [I] en qualité de président de ladite association.

7. Les juges ajoutent que le courriel revêt le caractère d’une correspondance personnelle et privée et n’a perdu son caractère confidentiel que par le fait de l’un de ses destinataires.

8. Ils en déduisent qu’aucune faute civile ne peut être retenue à l’encontre de M. [G].

9. En se déterminant ainsi, et abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, relatif à l’existence d’une communauté d’intérêts entre l’expéditeur et les destinataires du courriel, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.

10. En effet, lorsque le courriel a été adressé à des tiers par rapport à la personne visée, il convient d’apprécier, avant toute autre chose, si ledit courriel a été envoyé aux destinataires dans des conditions exclusives de toute confidentialité et ce n’est que si ce courriel a été adressé de manière non confidentielle qu’il convient alors de déterminer s’il a été envoyé à des destinataires liés par une communauté d’intérêts.

11. Dès lors, le moyen n’est pas fondé.
12. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [1] et M. [T] [I] devront payer à M. [Y] [G] en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille vingt-deux.

 


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