Diffamation : décision du 28 juin 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00214

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Diffamation : décision du 28 juin 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00214
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MINUTE N° 22/555

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 28 Juin 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00214

N° Portalis DBVW-V-B7G-HX3S

Décision déférée à la Cour : 06 Janvier 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTES :

FONDATION DE LA MAISON DU [6]

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 778 95 0 5 50

[Adresse 2]

[Localité 4]

LA CLINIQUE [7]

prise en la personne de son représentant légale

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentées par Me Julie HOHMATTER, avocat à la Cour

INTIMEE :

Madame [W] [K]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [W] [K] née le 30 avril 1982 a été embauchée le 16 janvier 2015 en qualité d’infirmière diplômée d’État en anesthésie par la Fondation de la Maison du [6], et la Clinique du [7].

La loi du 05 août 2021 relative à la question sanitaire prévoit une obligation vaccinale pour les personnes employées dans les établissements sociaux, et médico-sociaux. Madame [K] s’est opposée à cette obligation vaccinale.

Par courrier daté du 12 septembre 2021 l’employeur lui a notifié la suspension de son contrat de travail à compter du 15 septembre 2021.

Néanmoins Madame [K] qui a contracté la Covid 19 a fait l’objet d’arrêts maladie du 27 août au 29 septembre 2021. Le certificat de rétablissement lui a permis d’avoir un passe vaccinale valide, et elle a par conséquent repris son activité le 1er octobre 2021.

Madame [W] [K] a le 06 octobre 2021 saisi la formation de référé du conseil des prud’hommes de Mulhouse afin de voir annuler la décision du 10 septembre 2021 à effet rétroactif au 15 septembre 2021, ordonner le paiement des salaires jusqu’à complète réintégration, et obtenir des frais irrépétibles.

L’employeur pour sa part soulevait l’incompétence du juge des référés.

Par ordonnance du 06 janvier 2022, la formation de référé a :

– Déclaré Madame [K] recevable ses demandes,

– Annulé la décision du 10 décembre 2021 portant suspension du contrat de travail,

– Ordonné la réintégration de la salariée sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 10 janvier 22 en se réservant la liquidation de l’astreinte,

– Débouté Madame [K],

– Débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné l’employeur aux entiers frais et dépens.

Par déclaration du 13 janvier 2022 les deux établissements ont interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 07 avril 2022 la Fondation de la Maison [6], et la Clinique du [7] demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a débouté la salariée du surplus de ses demandes, et statuant à nouveau de :

– Dire et juger que la formation de référé n’est pas compétente,

– Dire et juger que la loi du 05 août 2021 ne porte aucune atteinte aux dispositions conventionnelles applicables,

– Dire et juger bien fondée la décision de suspension du contrat de travail,

– Débouter Madame [W] [K] de l’ensemble de ses demandes,

– La Condamner à verser à la Fondation la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile  ainsi qu’aux entiers frais et dépens de la procédure

– Condamner l’intimée aux entiers frais et dépens de l’instance.

À l’appui de leur recours les appelantes font en premier lieu valoir que la saisine du juge des référés est sans objet, puisque la salariée a repris son activité dès le 1er octobre 2021, reconnaissant cependant qu’aucune des parties n’avait soulevé cet argument devant les premiers juges.

Elles expliquent néanmoins former appel en raison de la motivation de la décision, dès lors que des contentieux sont initiés par d’autres salariés, et que l’ordonnance déférée aurait servi à les alimenter.

Elles soulèvent l’incompétence de la formation de référé en rappelant les trois dispositions permettant de saisir ce juge (les articles R 1455-5 à 7), et contestent à cet égard :

– l’absence de contestations sérieuses dès lors que la décision de suspension était fondée sur la loi sanitaire du 05 août 2021 à laquelle la convention collective ne pouvait déroger,

– l’absence de démonstration de dommages, ou d’un trouble manifestement illicite dès lors que là encore il existe aucune licéité et aucun dommage imminente, ou trouble manifestement illicite.

Elles concluent enfin au débouté des demandes des lors que la loi du 05 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ne porte aucune atteinte aux dispositions conventionnelles applicables, bien au contraire. Elles rappellent qu’il ne s’agit pas d’ordre social qui est un ordre public relatif, mais d’ordre public sanitaire qui en l’espèce s’impose, de sorte que le principe de faveur des dispositions conventionnelles de s’applique pas.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 avril 2022 Madame [W] [K] demande à la cour de :

– Déclarer l’appel sans objet du fait de la réintégration avant la saisine du conseil des prud’hommes,

– Débouter les appelantes de l’intégralité de leurs demandes,

– Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

– Condamner les appelantes au paiement de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

– Les condamner à lui payer 5.000 € au titre de l’article 700 code de procédure civile,

– Les condamner aux dépens des deux instances.

L’intimée fait valoir que le l’appel est sans objet dès lors qu’elle a été réintégrée dans son poste le 1er octobre 2021, et elle se prévaut à cet égard de ses bulletins de paye de septembre 2021 à janvier 2022, ainsi que des bulletins de paye prévisionnels jusqu’à juin 2022.

Elle qualifie de diffamatoire l’affirmation selon laquelle la décision entreprise pourrait être instrumentalisée, et conclut que l’appel est abusif et s’accompagne d’accusation, de suspicions intolérables justifiant l’allocation d’une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Il est pour plus ample exposé des faits, moyens, et prétentions des parties, en application de l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE L’ARRET

– Sur la recevabilité de l’appel

Madame [K] demande à la cour de déclarer l’appel sans objet dès lors qu’elle a été réintégrée dans ses fonctions depuis le 1er octobre 2021, soit antérieurement à la saisine du conseil des prud’hommes.

Il convient de rappeler qu’elle a elle-même saisie le juge des référés postérieurement à sa réintégration, et qu’il a notamment ordonné sa réintégration sous astreinte journalière.

Par conséquent Madame [K] ne peut soutenir que l’appel est sans objet, eu égard à la condamnation prononcée.

L’appel est donc recevable.

– Sur la compétence du juge des référés

L’article R 1455-5 du code du travail dispose que dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article R 1455-6 du code du travail dispose que la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminents, ou faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Enfin l’article R 1455-7 du code du travail énonce que dans le cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le juge des référés du conseil des prud’hommes de Mulhouse a retenu sa compétence au visa de ces trois textes.

Il résulte cependant de la procédure que Madame [K] a saisi le juge des référés le 06 octobre 2021, alors qu’elle était réintégrée dans ses fonctions depuis le 1er octobre 2021.

Par ailleurs elle s’est trouvée en arrêt maladie du 27 août au 29 septembre 2021 sans perte de salaire, alors que la suspension du contrat de travail devait prendre effet à compter du 15 septembre 2021.

Par conséquent la requête du 06 octobre 2021 tendant à voir ordonner la réintégration de la salariée sous astreinte, et le paiement des salaires jusqu’à la complète réintégration est sans objet, de sorte qu’il n’y avait pas lieu à référé.

L’ordonnance entreprise est donc infirmée.

– Sur l’annulation de la décision de suspension du contrat de travail

Dès lors qu’il n’y a pas lieu à référé pour statuer sur la réintégration sous astreinte et le paiement des salaires, il ne peut y avoir lieu à référé pour trancher la question initiale de la validité de la décision de suspension du contrat de travail.

D’ailleurs la question de la validité de la décision de suspension ne présente plus aucune urgence, qu’elle fait l’objet de contestations très sérieuses au regard notamment des différents textes de loi et autres applicables, et qu’il n’existe aucun trouble manifestement illicite.

Par conséquent il n’y a pas lieu à référé à ce titre.

– Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée

Tel que jugé ci-dessus, l’appel n’était pas sans objet, de sorte que la procédure n’est ni abusive, ni injustifiée. Madame [K] est donc déboutée de sa demande de paiement d’une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

– Sur les demandes annexes

Madame [K] qui est à l’origine d’une procédure de première instance inutile, et qui donc succombe, supportera les frais et dépens de première instance et d’appel. L’ordonnance de référé est infirmée sur ce point.

Elle est confirmée s’agissant du rejet des demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile. À hauteur de cour l’équité ne commande pas davantage de faire application de ces dispositions au bénéfice de l’une ou de l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement et contradictoirement

DECLARE recevable l’appel dirigé contre l’ordonnance rendue le 06 janvier 2022 par la formation de référé du Conseil de Prud’hommes de Mulhouse ;

INFIRME l’ordonnance rendue le 06 janvier 2022 par la formation de référé du conseil des prud’hommes de Mulhouse en toutes ses dispositions SAUF en ce qu’elle déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant

DIT n’y avoir lieu que à référé ;

DEBOUTE Madame [W] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Madame [W] [K] aux entiers frais et dépens des procédures de première instance et d’appel ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure Civile au bénéfice d’aucune des parties.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022, et signé par Mme Christine DORSCH, Président de Chambre, et par Mme Martine THOMAS, Greffier.

Le Greffier Le Président

 


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