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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 09 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/297
Rôle N° RG 18/16428
N° Portalis DBVB-V-B7C-BDGKZ
Association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4]
C/
[H] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
09 SEPTEMBRE 2022
à :
Me Emilie MILLION-ROUSSEAU de la SELARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Prosper ABEGA, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 20 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00578.
APPELANTE
Association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4], demeurant [Localité 3] – [Adresse 2]
représentée par Me Emilie MILLION-ROUSSEAU de la SELARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [H] [J], demeurant [Adresse 5] – [Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Prosper ABEGA, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2022,
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [H] [J] a été engagé par l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 1er juillet 2016, ayant pour terme le 30 juin 2017, en qualité d’entraîneur de l’équipe dite ‘réserve’ évoluant au niveau de compétition DHR et moyennant une rémunération brute de 964,80 € pour 17h30 de travail hebdomadaire.
Par avenant du 3 mars 2017, Monsieur [J] a été nommé en qualité d’entraîneur de l’équipe première masculine du 1er mars 2017 au 30 juin 2017, moyennant une rémunération mensuelle de 1.566€ brut.
Le 3 mai 2017, un protocole d’accord, en complément du contrat de travail à durée déterminée signé le 1er mars 2017, a été conclu et aux termes desquels :
– en cas de maintien de l’équipe première en championnat de National 2 pour la saison 2017/2018, le contrat de Monsieur [J] sera reconduit pour une saison, soit du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 et, à ce titre, Monsieur [J] percevra une rémunération mensuelle brute de 2.912 €.
– en cas de montée en National 1 à l’issue de la saison 2017/2018, le contrat sera reconduit pour une saison 2018/2019, soit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, et les deux parties se rencontreront pour négocier les conditions de rémunération de Monsieur [J].
Par courrier du 2 juin 2017, Monsieur [J] a été convoqué à un entretien préalable et a été mis à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 29 juin 2017, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] a notifié à Monsieur [J] la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée pour faute grave, en ces termes :
‘Je reviens vers vous suite à l’entretien qui s’est tenu au siège du club le jeudi 22 juin dernier, au cours duquel vous étiez présent et assisté de Monsieur [P] [W], en qualité de conseiller du salarié.
Lors de cet entretien, nous avons été amenés à évoquer les agissements dont vous vous êtes rendu coupable.
Ces faits, d’une particulière gravité compte tenu de vos fonctions, rendent impossible votre maintien au sein de l’entreprise et, lors de notre entretien, vous n’avez pas fourni d’explications nous amenant à modifier notre appréciation des faits.
Nous vous rappelons les éléments nous ayant contraints à prononcer cette mesure à votre encontre.
Le jeudi 1er juin dernier, les dirigeants du club ont pris connaissance d’articles parus sur Internet et qui reprenaient des propos que vous aviez tenus auprès de plusieurs organes de presse au sujet de votre collaboration au sein du FC [Localité 4].
Vous vous êtes en effet permis, de votre propre chef et sans en avertir les dirigeants du club, de réaliser des déclarations auprès de plusieurs médias, déclarations immédiatement relayées dans la presse en ligne (lamarseillaise.fr, laprovence.com, actufoot.com, notamment), selon lesquelles votre collaboration au sein du FC [Localité 4] aurait pris fin et que vous ne seriez plus l’entraîneur de l’équipe première masculine du club pour la saison sportive 2017/2018.
De telles déclarations sont de nature à créer un important bouleversement au sein du club, en particulier en pleine intersaison, période cruciale et décisive en vue de constituer une équipe compétitive pour la saison sportive à venir.
Plus globalement, vos déclarations portent atteinte à l’image de notre club et de notre équipe tant auprès des instances du football que des médias, de nos partenaires, du public et surtout de nos supporters.
Ce comportement constitue sans la moindre équivoque un manquement grave à vos obligations d’entraîneur de football, telles qu’elles découlent notamment de l’article 26.1.8 du Statut des Educateurs et Entraîneurs de Football établi par la Fédération Française de Football, qui précise que l’entraîneur doit « adopter une conduite qui ne puisse porter atteinte aux intérêts de son club, au renom de son équipe et à l’image du football ».
Une telle attitude, compte tenu de vos fonctions d’entraîneur de l’équipe professionnelle masculine, est inacceptable.
En outre, au cours de l’entretien qui s’est tenu le 22 juin dernier, vous vous êtes emporté et avez proféré des menaces à mon encontre.
Ces faits constituent des manquements intolérables à vos obligation rendant impossibles votre maintien au sein du club. Les explications que vous nous avez fournies au cours de l’entretien ne sont pas de nature à modifier la perception des faits qui vous sont reprochés.
En conséquence, la rupture anticipée de votre contrat de travail pour faute grave prendra effet immédiatement, dès réception de la présente lettre’.
Contestant cette rupture anticipée et sollicitant également un rappel de salaire et des dommages-intérêts au titre d’un préjudice moral et d’une perte de chance de bénéficier des primes pour la saison 2017/2018, Monsieur [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues, lequel, par jugement du 20 septembre 2018, a :
– dit que l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne peut reprocher à Monsieur [J] [H] d’avoir révélé une information jugée confidentielle alors même qu’elle était déjà parue dans la presse avant l’entretien du 1er juin au cours duquel l’employeur lui-même lui a annoncé la fin de son contrat de travail d’entraîneur, rompant ainsi son contrat en dehors de toute procédure,
– dit que la faute grave reprochée ne résulte dans ces conditions que de la révélation d’un « secret de polichinelle » qui n’a surpris personne dans l’entourage du club et dont l’employeur ne justifie pas qu’elle soit imputable à Monsieur [J],
– dit que l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne justifie pas, dans ces conditions, d’une faute grave de nature à permettre la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [J],
– condamné l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :
* 34.944 € au titre de dommages-intérêts pour rupture anticipée,
* 2.000 € au titre du caractère vexatoire de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,
* 3.782 € au titre de l’indemnité pour perte de chance,
* 1.300 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] aux entiers dépens de l’instance,
– dit qu’il y a lieu à l’exécution provisoire du présent jugement mais uniquement pour ce qui est de droit.
L’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2021, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement du 20 septembre 2018 rendu par le conseil de prud’hommes de Martigues.
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
– constater que le comportement de Monsieur [J] est constitutif d’une faute grave justifiant la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée.
– constater l’absence de bien-fondé de l’ensemble des demandes formulées par Monsieur [J] à l’encontre de l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4].
– débouter Monsieur [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4].
– condamner Monsieur [J] à verser à l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner Monsieur [J] aux entiers dépens.
A titre subsidiaire,
– limiter le quantum de la demande de dommages-intérêts de Monsieur [J] pour rupture abusive à 1.566 €.
– débouter Monsieur [J] de sa demande dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier des primes de matchs pour la saison 2017/2018.
– débouter Monsieur [J] de sa demande au titre de la prime de précarité.
– débouter Monsieur [J] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.
– débouter Monsieur [J] de sa demande au titre du caractère vexatoire de la rupture du contrat.
– condamner Monsieur [J] à verser à l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner Monsieur [J] aux entiers dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 1er avril 2019, Monsieur [J] demande à la cour de :
1- Confirmant le jugement entrepris :
Dire et juger que :
– l’association du FC [Localité 4] ne peut reprocher au salarié d’avoir révélé une information jugée confidentielle alors même qu’elle était déjà parue dans la presse avant l’entretien du 1er juin au cours duquel l’employeur lui a annoncé la fin de son contrat de travail d’entraîneur, rompant ainsi son contrat en dehors de toute procédure.
– que la faute grave reprochée ne résulte dans ces conditions que de la révélation d’un « secret de polichinelle » qui n’a surpris personne dans l’entourage du club et dont l’employeur ne justifie pas qu’elle soit imputable à Monsieur [J], qui le conteste, alors qu’au surplus le conseiller du président a contacté lui-même la presse le 24 moi 2017.
– qu’il apparaît que l’employeur avait déjà programmé son éviction et décidé d’engager Monsieur [T] [R] dès le mois de mai 2017, qui rejoindra finalement le club en octobre 2017, après une éviction programmée de M.[Z], entraîneur désigné pour assurer l’intérim entre Messieurs [J] et [R], ainsi que le site internet du club le prévoit, dès le début de la saison 2017-2018.
– qu’elle ne justifie pas, dans ces conditions, d’une faute grave de nature à permettre la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [J].
– qu’il convient donc de la condamner à payer à Monsieur [J] :
‘ 34.944 € au titre des dommages-intérêts pour rupture anticipée de contrat de travail à durée déterminée dépourvue de cause réelle et sérieuse, dont le terme a été automatiquement prolongé jusqu’au 30 juin 2018, par l’avenant à son contrat à durée déterminé, formalisé avec son employeur le 3 mai 2017.
2- y ajoutant :
– dire et juger que le conseil de prud’hommes a omis de statuer sur la demande relative à la mise à pied à titre conservatoire conclue dans le corps des conclusions de première instance et plaidée oralement.
– en conséquence, condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer la somme de 1.566 € brut au titre du remboursement de la période de mise à pied à titre conservatoire.
– dire et juger que M. [J] s’est vu signifier dès le 1er juin la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée par une personne dépourvue de toute qualité pour le faire et sans respect de la convocation à entretien préalable pourtant obligatoire en pareille matière.
– en conséquence, condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer la somme de 2.912 € brut à titre d’irrégularité de la procédure suivie.
3- Ampliant les condamnations prononcées :
– dire et juger que les conditions de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Monsieur [J] sont particulièrement vexatoires.
– en conséquence, condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer la somme 10.000 € au titre du caractère particulièrement vexatoire de la rupture anticipée de son contrat.
– dire et juger que l’évaluation du conseil de prud’hommes n’est conforme ni à la réalité ni à l’étendue de la perte de chance de percevoir des primes de matchs pour la saison 2017-2018.
– en conséquence, condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer la somme de à 6.340 € à titre d’indemnité pour perte de chance.
En tout état de cause, condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4], appelante, prétend que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est justifiée en ce que :
– elle démontre la réalité des déclarations inopinée et fautives de Monsieur [J] à la presse. Alors que Monsieur [J] avait signé une promesse de contrat le 3 mai 2017 qui permettait au club de compter sur lui comme entraîneur pour la saison 2017/2018, sans aucune justification, Monsieur [J] a annoncé brutalement et clairement à plusieurs médias locaux qu’il était mis fin à sa collaboration avec l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4]. Il ne peut y avoir de doute que Monsieur [J] est bien à l’origine de ces révélations compte tenu des propos rapportés par la presse (‘a lui-même levé le voile’, ‘nous a-t-il déclaré’, ‘a-t-il dit’) qui ne font que citer les déclarations spontanées de Monsieur [J].
Il s’agit d’une révélation publique inattendue et Monsieur [J] ne peut s’appuyer sur une rumeur qui a été rapportée dans un article du média Actufoot.com du 24 mai 2017 qui n’avait aucun fondement et qui n’était pas connue de tous comme le prétend Monsieur [J]. Il n’existait aucun projet de changement d’entraîneur mais au contraire, les parties étaient en discussion pour assurer le maintien de Monsieur [J] la saison suivante. Ce n’est qu’une fois le contrat de travail de Monsieur [J] rompu qu’un nouvel entraîneur a été nommé en la personne de Monsieur [Z], et non de Monsieur [R], comme le prétendait la rumeur.
– elle conteste le fait qu’elle aurait elle-même communiqué l’information à la presse, comme le conclut Monsieur [J].
– ces déclarations sont fautives car elles ont bouleversé l’équilibre du club dans le contexte de l’intersaison, Monsieur [J] étant un des entraîneurs centraux du club. Monsieur [J], en faisant ces révélations, a clairement affiché son intention de nuire au club alors même que le 23 mai, il a bien menacé que, si les négociations financières ne devaient pas aboutir, son départ provoquerait également ceux de nombreux joueurs. Il est fort probable que les déclarations faites à la presse avaient pour objet d’instaurer un rapport de force qui lui soit favorable en pleines négociations sur les conditions financières de son maintien. Par ailleurs, ces déclarations avaient également pour but de court-circuiter la communication du club.
– ces déclarations mensongères caractérisent un manquement grave aux obligations de l’entraîneur. Des déclarations publiques impromptues et non concertées avec la direction du club ayant pour objet de déstabiliser le club caractérisent un abus dans l’exercice de la liberté d’expression. L’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] invoque également une obligation générale de bonne foi et de loyauté, en vertu de l’article 12.8.1.2 de la convention collective nationale du sport (‘la mission de l’entraîneur comprend accessoirement des activités de représentation au bénéfice de l’employeur’) et de l’article 25-1 du statut des éducateur et entraîneurs de football (l’entraîneur doit ‘adopter une conduite qui ne puisse porter atteinte aux intérêts de son club, au renom de son équipe et à l’image du football’). Monsieur [J] a cherché à discréditer le club, a continué à tenir des propos mensongers et a confirmé sa volonté de nuire au club en déclarant lors de l’ entretien préalable ‘Je vais détruire votre club de merde’.
– Monsieur [J] a eu une attitude menaçante lors de l’entretien préalable en proférant des menaces explicites à l’encontre de Monsieur [D], président du club, et du club lui-même. Monsieur [J] a commis un abus dans sa liberté d’expression.
En réponse, Monsieur [J] conclut que :
– une information connue de tous avant les faits reprochés et parue dans la presse antérieurement ne présente pas la nature d’une information confidentielle.
– l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne rapporte pas la preuve qu’il serait l’auteur de la divulgation reprochée.
– à supposer avérée la révélation invoquée, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée fondée sur ce motif constitue une la violation de sa liberté d’expression et est nulle de plein droit.
– l’annonce de son départ n’est ni injurieuse, ni grossière, ni diffamatoire, ni excessive et ne peut constituer un abus de sa liberté d’expression.
– l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] n’apporte aucune preuve de son prétendu préjudice.
– il n’a violé aucune disposition contractuelle.
– l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne peut soutenir de bonne foi qu’elle n’avait pris aucune décision à son égard le 1er juin 2017 alors qu’elle lui avait officiellement annoncé la cessation de ses fonctions et qu’elle l’avait remplacé officiellement pour la saison 2017/2018.
– l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne rapporte pas la preuve de ce qu’il aurait été menaçant lors de l’entretien préalable et, alors qu’il n’avait produit aucun élément en première instance, l’employeur produit en cause d’appel l’attestation de Monsieur [Y] qui est imprécise, à laquelle on ne peut conférer une valeur probante comme émanant d’un directeur du club et qui est contredite par Monsieur [P], conseiller du salarié présent lors de l’entretien préalable.
***
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l’employeur.
Pour démontrer la réalité, l’imputabilité au salarié et la gravité des faits commis et reprochés dans la lettre de licenciement, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] verse :
– un article paru sur le site ‘actufoot.com’ du 1er juin 2017 à 14h15 dont le texte est le suivant ‘[H] [J] et le FC [Localité 4], c’est terminé. Fin de la collaboration entre [H] [J] et le FC [Localité 4]. Après avoir sauvé l’équipe CFA de la relégation, [H] [J] ne sera plus l’entraîneur de l’équipe la saison prochaine’.
– un article paru sur le site de ‘laprovence.com’ le 1er juin 2017 à 15h10 qui mentionne : ‘[H] [J], l’entraîneur quitte le FC [Localité 4]. Comme nous vous l’annoncions le 24 mai dernier, les dirigeants du FC [Localité 4] semblaient vouloir ne pas reconduire [H] [J] à la tête de l’équipe première. Si un doute subsistait et qu’une possibilité de le voir rester au sein du club martégal dans un autre rôle était aussi une possibilité, celui qui a permis au FCM de se maintenir en National 2, a lui-même levé le voile, après un entretien avec les dirigeants en début d’après-midi : ‘je ne serai ni l’entraîneur ni rien d’autre au FCM, nous a-t-il déclaré. Je n’en dirais pas plus pour le moment, si ce n’est que je suis forcément déçu et surpris de quitter le club’.
– un article paru sur le site internet de ‘lamarseillaise.fr’ le 1er juin 2017 qui annonce : ‘L’entraîneur du FC [Localité 4], [H] [J], s’en va. [H] [J] ne sera plus l’entraîneur de l’équipe première du F C [Localité 4] qui évolue en CFA la saison prochaine. ‘J’en dirais plus dans les prochains jours mais pour l’instant je ne souhaite pas m’exprimer à chaud’ a-t-il dit (…) [O] [D], le nouveau président du club martégal, avait dans un premier temps déclaré vouloir continuer avec [H] [J] avant de laisser entendre qu’il pourrait y avoir du changement’.
Si ces articles de presse sont sans équivoque sur l’auteur des déclarations retranscrites, Monsieur [J] produit également un article paru sur le site internet ‘actufoot’ le 24 mai 2017 qui indique : ‘selon nos informations, [H] [J] ne devrait plus être l’entraîneur de la CGA du FC [Localité 4] la saison prochaine. [T] [R], l’entraîneur de la Nationale de Consolat serait de retour au FCM pour le remplacer’.
Il en résulte que l’information d’un possible départ de Monsieur [J] du club avait déjà été révélée publiquement dès le 24 mai 2017 de sorte que l’information parue dans la presse le 1er juin suivant, à la suite d’une réunion entre Monsieur [J] et les dirigeants du club, ne peut être considérée comme étant une révélation publique inattendue. Ainsi, il ne peut être reproché à Monsieur [J] d’avoir divulgué cette information dès lors qu’elle n’était plus confidentielle.
De plus, il ressort des mêmes articles de presse invoqués par l’employeur que les dirigeants du club étaient également à l’origine de la révélation de cette information puisque l’article de la ‘lamarseillaise.fr’ du 1er juin 2017 précise bien ‘[O] [D], le nouveau président du club martégal, avait dans un premier temps déclaré vouloir continuer avec [H] [J] avant de laisser entendre qu’il pourrait y avoir du changement’, confirmant également que l’information du départ de Monsieur [J] était publique et de notoriété avant le 1er juin 2017. De même, l’article paru sur le site de ‘laprovence.com’ le 1er juin 2017 rappelle : ‘ Comme nous vous l’annoncions le 24 mai dernier, les dirigeants du FC [Localité 4] semblaient vouloir ne pas reconduire [H] [J] à la tête de l’équipe première’.
Dans ces conditions, et selon les griefs invoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, alors que les dirigeants du club avaient fait antérieurement des déclarations à la presse concernant le possible départ de Monsieur [J], l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne saurait reprocher à Monsieur [J] d’avoir effectué des déclarations de même nature, même sans en avertir préalablement son employeur.
De plus, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] procède par affirmation et ne produit aucune pièce qui démontrerait que les informations parues dans la presse le 1er juin 2017 sont de nature à ‘créer un important bouleversement au sein du club’. Le seul fait d’invoquer un mail de Monsieur [J] du 23 mai qui indique ‘Comme je vous l’ai expliqué certains attendent de savoir si je serai là pour prendre une décision. Donc il m’est difficile de leur mentir’ ne caractérise pas le bouleversement évoqué dans la lettre de licenciement.
Alors que l’information du départ de Monsieur [J] était de notoriété publique, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne peut soutenir que l’annonce le 1er juin 2017 du départ effectif de Monsieur [J] du club a porté atteinte à l’image du club, à ses intérêts ou à son renom, de sorte que Monsieur [J] n’a nullement manqué à ses obligations découlant du statut des Educateurs et Entraîneurs de Football ni à son obligation de loyauté découlant du contrat de travail.
Il ne ressort pas davantage des propos contenus dans les articles de presse parus le 1er juin 2017 une intention de nuire de la part de Monsieur [J] et, au contraire, celui-ci a pris la précaution d’indiquer qu’il ne souhaitait pas faire de déclarations ‘à chaud’. Les propos tenus ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs.
En conséquence, un abus de la part de Monsieur [J] de sa liberté d’expression n’est pas établi.
Dans ces conditions, le premier motif invoqué à l’appui de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée n’est pas établi.
Concernant le second motif, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] produit une attestation de Monsieur [Y], directeur du Pôle Amateur du club, qui indique : ‘Moi, [Y] [X] – [E] atteste ma présence au siège du F C MARTIGUES juste après l’entretien entre Monsieur [J] et M. [D]. J’atteste avoir entendu après la sortie virulente de Monsieur [J] : ‘vous ne savez pas ce que vous êtes en train de faire. Je vais détruire votre club de merde’ et l’attestation de Monsieur [I] qui indique ‘lors du rendez-vous avec Mr [D], Monsieur [J] a été extrêmement agressif et surtout lors de son départ du FCM’.
Outre le fait que l’attestation de Monsieur [I] est imprécise et que les deux attestations ne respectent pas les exigences de l’article 202 du code de procédure civile en ce qu’elles ne comportent pas la mention écrite par leur auteur des conséquences pénales d’une fausse attestation, Monsieur [J] produit une attestation de Monsieur [P] qui contredit cette version des faits et qui indique avoir été présent lors de l’entretien préalable et qu’ ‘au cours de cet entretien, aucune menace n’a été proférée de la part de Monsieur [J]. En effet, il y a pu avoir des désaccords mais en aucun cas le discours de Monsieur [J] n’a été malveillant ou intimidant que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’enceinte du FC [Localité 4]. Je tiens à rajouter qu’avec Monsieur [J] nous sommes arrivés ensemble et repartis ensemble et qu’aucune insulte et menace n’a été proférée’, Monsieur [P] ayant apposé de sa main la mention que son attestation était destinée à être produite en justice et qu’il avait eu connaissance des sanctions encourues en cas de fausses déclarations.
Dans ces conditions, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] ne rapporte pas davantage la preuve du second grief mentionné dans la lettre de licenciement.
Il s’ensuit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [J] ne repose pas sur une faute grave et constitue une rupture abusive du contrat.
La Cour constate que Monsieur [J] invoque la nullité de la rupture du contrat de travail fondée sur la violation de sa liberté d’expression, sans toutefois formaliser cette demande de nullité dans le dispositif de ses conclusions.
Il convient de condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer à Monsieur [J] la somme de 1.566 € au titre du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire.
Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée
En application de l’article L.1243-4 du code du travail, la rupture anticipé du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail , ouvre droit au salarié à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L.1243-8.
Monsieur [J] invoque d’une part une date de fin de contrat au 30 juin 2018, en application du protocole du 3 mai 2017, qui est, selon lui, un avenant du contrat de travail à durée déterminée et non un projet de contrat de travail et d’autre part, le fait que l’équipe s’est maintenue en N2.
L’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] conclut que le document du 3 mai 2017 n’était qu’un projet de contrat, conclu sous la pression, laissant de nombreux points à arrêter et les nombreux échanges permettent de dire que les parties étaient encore en négociations, notamment sur les aspects financiers du maintien de Monsieur [J]. Considérant que le protocole signé le 3 mai 2017 ne caractérise pas un contrat définitivement formé, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] estime que Monsieur [J] ne peut prétendre au salaire qu’il aurait perçu s’il avait été maintenu dans les effectifs du club et que les dommages-intérêts alloués à Monsieur [J] devront s’arrêter au 30 juin 2017, soit à la somme de 1.566 €.
Le 3 mai 2017, l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] et Monsieur [J] ont signé un ‘protocole d’accord’ qui stipule qu’il ‘est établi en complément du contrat de travail à durée déterminée d’entraîneur à temps partiel signé le 1er mars 2017″ et qui prévoit pour la ‘saison 2017/2018:
– en cas de maintien de l’équipe 1ère en championnat de National 2 pour la saison 2017/2018 le contrat de Monsieur [J] sera reconduit pour une saison, soit du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 et, à ce titre Monsieur [J] percevra une rémunération mensuelle brute de 2.912€.
– en cas de montée en National 1 à l’issue de la saison 2017/2018, le contrat sera reconduit pour une saison 2018/2019, soit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 et les deux parties se rencontreront pour négocier les conditions de rémunération de Monsieur [J]’.
Alors que l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] invoque des pressions lors de la signature du protocole sans en demander la nullité pour vice du consentement, il ressort clairement de cet accord que celui-ci a une valeur contractuelle définitive comme étant un avenant au contrat du 1er mars 2017. Au moment de la rupture, les parties se trouvaient dans la situation envisagée au 1er cas (maintien de l’équipe 1ère en N2) et les parties ont clairement convenu que le contrat de travail serait reconduit jusqu’en juin 2018 et que Monsieur [J] percevrait une rémunération mensuelle brute de 2.912 €.
Ainsi, l’accord des parties est parfait quant à la durée de leurs relations contractuelles et quant au montant de la rémunération de Monsieur [J], ce qui permet de fixer les dommages-intérêts dus à Monsieur [J] à la somme de 34.944 € (soit 2.912 € x 12 mois).
Sur la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure suivie
Monsieur [J] soutient qu’il s’est vu signifier, dès le 1er juin 2017, la rupture anticipée de son contrat de travail par une personne dépourvue de toute qualité pour le faire (Monsieur [D] n’a été élu président du club qu’à la suite de l’assemblée générale extraordinaire du 16 juin 2017) et sans respect de la convocation à l’entretien préalable.
Cependant, s’il ressort des articles de presse que, suite à une réunion qui s’est tenue le 1er juin 2017, il a été annoncé que Monsieur [J] ne serait plus entraîneur du club pour l’avenir, à savoir pour la saison 2017/2018, il n’en résulte pas que la rupture des relations contractuelles ait été prononcée le 1er juin 2017. Par ailleurs, Monsieur [J] ne rapporte pas la preuve que Monsieur [D] ait été le seul intervenant lors de la réunion du 1er juin 2017 et que le président du club n’y a pas également participé. Dans ces conditions, la demande n’est pas justifiée et sera rejetée.
Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir des primes
En fonction des matchs gagnés et des matchs nuls du club au cours de la saison 2017/2018 et du montant des primes, Monsieur [J] considère avoir perdu la chance de percevoir la somme de 6.340 € à titre de primes.
L’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] demande d’écarter cette demande au motif que l’article L.1243-4 du code du travail prévoit une indemnité forfaitaire couvrant l’intégralité du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de travail et qui est exclusive de toute autre demande de nature indemnitaire.
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L’article L.1243-4 du code du travail, qui fixe seulement le montant minimum des dommages-intérêts dû au salarié, dont le contrat de travail à durée déterminée a été rompu avant son terme de manière illicite, à un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, ne limite pas le préjudice dont il peut réclamer réparation aux seules rémunérations dont il aurait été privé, en sorte que Monsieur [J] peut réclamer la réparation du préjudice causé par la perte de chance de percevoir des primes, dès lors qu’il rapporte la preuve du caractère direct et certain de ce préjudice et que celui-ci constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution du contrat.
En l’espèce, au regard des résultats réels et justifiés des matchs de l’équipe FCM lors de la saison 2017/2018, Monsieur [J] justifie qu’il aurait dû percevoir, si le contrat de travail à durée déterminée n’avait pas été rompu, 13 primes de 420 € pour les 13 matchs gagnés et 8 primes de 110 € pour les 8 matchs nuls, soit la somme de 6.340 €.
Il s’agit donc bien d’un préjudice direct et certain qui constitue la suite immédiate et directe de l’inexécution du contrat.
Il convient donc de condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer à Monsieur [J] ladite somme de 6.340 €.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du caractère vexatoire de la rupture
Monsieur [J] invoque le caractère brutal et infondé de la rupture qui l’a pris totalement au dépourvu au point qu’il n’a pas pu retrouver un club pour la saison 2017/2018, ainsi que l’absence de respect de la procédure lors de l’annonce de la fin de ses fonctions.
Cependant, alors qu’il a été indemnisé du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de travail, Monsieur [J] ne justifie pas de circonstances vexatoires ayant entouré la rupture du contrat de travail qui pourraient justifier une indemnisation complémentaire.
La demande sera donc rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer à Monsieur [J] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés en cause d’appel.
Les dépens d’appel seront à la charge de l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4], partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant dit la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée abusive, ayant accordé au salarié la somme de 34.944 € à titre de dommages-intérêts en application de l’article L.1243-4 du code du travail et la somme de 1.300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ayant rejeté la demande au titre des dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure et en sa disposition relative aux dépens,
L’infirme sur le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer à Monsieur [H] [J] les sommes de :
– 1.566 € à titre de salaire dû pendant la période de mise à pied conservatoire,
– 6.340 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir les primes,
Déboute Monsieur [H] [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre du caractère vexatoire de la rupture,
Y ajoutant,
Condamne l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] à payer à Monsieur [H] [J] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne l’association FOOTBALL CLUB DE [Localité 4] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction