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ARRÊT N° /2022
PH
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/01812 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EZ4Y
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EPINAL
F 20/00036
28 juin 2021
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
Madame [N] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphanie PICOCHE, avocat au barreau d’EPINAL, substitué par Me Adrien PERROT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
S.A.R.L. AD SENIORS CENTRALE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me François-Xavier WEIN de l’AARPI CHAPEROT – WEIN, avocat au barreau d’EPINAL, substitué par Me Jean-Charles MEUNIER, avocat au barreau de CHALONS SUR SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président :WEISSMANN Raphaël,
Conseiller : WILLM Anne-Sophie,
Greffier lors des débats :TRICHOT-BURTE Clara
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 02 Juin 2022 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Anne-Sophie WILLM, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, Stéphane STANEK et Anne-Sophie WILLM, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 15 Septembre 2022;
Le 15 Septembre 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Mme [N] [I] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée pour 60 heures par mois par la société AD SENIORS CENTRALE à compter du 8 janvier 2018, en qualité d’assistante de vie.
Suite à un accident du travail survenu le 5 décembre 2018, Mme [N] [I] a été placée en arrêt de travail.
Par courrier du 18 février 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 février 2019.
Par lettre du 4 mars 2019, elle a été licenciée pour faute grave.
Par requête du 20 février 2020, Mme [N] [I] a saisi le conseil de prud’hommes d’Epinal aux fins de nullité de son licenciement et de paiement d’indemnités, outre des dommages et intérêts.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 28 juin 2021, lequel a :
– dit que le licenciement de Mme [N] [I] pour faute grave est requalifié en licenciement nul,
En conséquence :
– condamné la société AD SENIORS CENTRALE à payer à Mme [N] [I] les sommes suivantes :
– 176,38 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 651,32 euros bruts au titre du préavis,
– 65,13 euros bruts au titre des congés payés sur le préavis,
– 651,32 euros au titre des dommages-et-intérêts pour nullité du licenciement,
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile de la décision à intervenir,
– rappelé qu’en application des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l’article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 651,32 euros,
– débouté la société AD SENIORS CENTRALE de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société AD SENIORS CENTRALE aux entiers dépens de l’instance.
Vu l’appel formé par Mme [N] [I] le 15 juillet 2021 ;
Vu l’appel incident formé par la société AD SENIORS CENTRALE le 25 novembre 2021 ;
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de Mme [N] [I] déposées sur le RPVA le 30 septembre 2021, et celles de la société AD SENIORS CENTRALE déposées sur le RPVA le 25 novembre 2021 ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 4 mai 2022 ;
Mme [N] [I] demande :
– de dire et juger que son licenciement pour faute grave est nul,
– de condamner la SARL AD SENIORS CENTRALE à lui payer les sommes suivantes :
. 6 000 euros à titre de dommages-et-intérêts pour nullité du licenciement,
. 980,43 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 98,04 euros à titre de congés payés afférents,
. 176,38 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société AD SENIORS CENTRALE demande :
– de dire et juger mal fondé l’appel principal de Mme [I] mais bien fondé son appel incident,
– de réformer le jugement entrepris dans la limite de l’appel incident,
– de dire et juger, pour les causes sus énoncées, qui font expressément corps avec le présent dispositif, mal fondées les prétentions formées par Mme [I],
– en conséquence l’en débouter,
– de condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de Mme [N] [I] le 30 septembre 2021, et en ce qui concerne la société AD SENIORS CENTRALE le 25 novembre 2021.
1. Sur le licenciement nul
Mme [N] [I] fait valoir qu’elle a été licenciée au cours de la période de suspension de son contrat pour accident de travail, précisant avoir été en arrêt du 5 décembre 2018 au 1er janvier 2019, puis du 12 janvier 2019 au 1er mars 2019, et qu’elle n’a bénéficié d’aucune visite médicale de reprise. Elle ajoute que l’employeur ne démontre pas la faute grave reprochée.
La SARL AD SENIORS CENTRALE rétorque que la situation du salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle n’interdit pas à l’employeur de lui notifier un licenciement pour faute grave. Elle précise que les faits reprochés sont matériellement établis.
Motivation :
Aux termes de l’article L.1226-9 du code du travail : « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie ».
Selon l’article L.1226-13 du même code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de ce texte est nulle.
Par ailleurs, selon l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. C’est à l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier d’en rapporter la preuve.
En outre, aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».
En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes (pièce employeur N°3) :
« Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du Mercredi 27 février 2019 auquel vous vous êtes présentée.
Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :
– Absences injustifiées au poste de travail
– Comportement inadéquat vis-à-vis des bénéficiaires
– Insubordination vis-à-vis du représentant de l’employeur
– Propos diffamatoires et excessifs vis-à-vis de la société sur les réseaux sociaux.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, à la première présentation de ce courrier, sans indemnité de préavis ni de licenciement (‘.) ».
Par courrier en date du 19 mars 2019, la société AD SENIORS CENTRALE a précisé (pièce employeur N°4), répondant à la demande de Mme [N] [I] (pièce salariée N°3) :
« Concernant votre licenciement pour faute grave, voici les faits qui vous sont reprochés. Dans une démarche de protection de nos clients, nous ne vous donnerons pas de noms.
Un comportement inadéquat vis-à-vis des bénéficiaires
Des intrusions illégitimes au domicile des bénéficiaires.
Le 18 janvier 2019 vous vous êtes rendue au domicile d’une bénéficiaire alors que vous étiez en arrêt de travail. Nous vous rappelons que votre contrat de travail vous interdit de vous immiscer dans les affaires personnelles des bénéficiaires et de garder une réserve de bon aloi vis-à-vis de ceux-ci. Un arrêt de travail entraine une suspension du contrat de travail. Vous n’avez donc pas à vous rendre sur vos lieux de travail. De plus, vous vous êtes régulièrement imposée au domicile d’une bénéficiaire après votre mission. Vous n’étiez alors plus sous l’égide d’AD SENIORS.
Nous avons également reçu de nombreuses plaintes de nos bénéficiaires qui nous informent que vous n’exécutez pas les fonctions qui vous sont confiées. Notamment en négligeant d’alimenter un bénéficiaire ou encore l’aide à la toilette pour un autre. De nombreux bénéficiaires ne souhaitent plus vous voir intervenir à leur domicile.
Des absences injustifiées
Le 23 Novembre 2018 vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail sans prévenir, laissant un bénéficiaire sans aide et le mettant en danger. Les interventions d’aide à domicile s’effectuent auprès d’un public fragile.
Une insubordination vis-à-vis du représentant de l’employeur
Nous avons également notifié un comportement inadapté vis-à-vis de Madame [A] [P] lors d’un entretien de licenciement où vous vous êtes montrée particulièrement emportée et irrespectueuse.
Des propos diffamatoires vis-à-vis de la société
Vous avez émis des plaintes vis-à-vis de la société sur une plage publique de la Ville de [Localité 4]. Certes, le nom de la Société n’est pas cité, mais le rapprochement est aisé à faire.
Nous disposons d’éléments de preuves pour tous ces faits. Bien que les procédures disciplinaires doivent être engagées dans les 2 mois qui suivent la prise de connaissance des faits par l’employeur (ce qui est le cas pour la majorité des faits), d’autres éléments peuvent venir étayer ces faits, dans la limite de 3 ans (ce qui est le cas des absences injustifiées).
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez bien que votre maintien dans l’entreprise n’est pas possible. »
Sur le grief du comportement inadéquat vis-à-vis des bénéficiaires
La société AD SENIORS CENTRALE se réfère à sa pièce N°10 pour justifier de la présence de Mme [N] [I] au domicile d’une bénéficiaire alors qu’elle se trouvait en arrêt de travail. Dans ses conclusions, elle reproche à la salariée d’avoir ce jour-là effectué une prestation de travail contre l’avis de sa collègue qui aurait notamment pu avoir pour conséquence d’engager sa responsabilité d’employeur en cas d’accident. La société AD SENIORS CENTRALE reproche en outre à la salariée de ne pas avoir exécuté les fonctions confiées, renvoyant à ses pièces N°11, 7, 8, 9, 12 et 13. Elle précise qu’aucune prescription des faits fautifs ne saurait être encourue dès lors que la salariée en a commis d’autres de même nature dans le délai de deux mois précédant sa convocation à l’entretien préalable.
Mme [N] [I] rétorque que si elle se trouvait effectivement chez Mme [L] le 18 janvier 2019, ce fait relève de sa vie privée. Elle explique que des liens amicaux se sont noués entre elle et la bénéficiaire et que celle-ci ne s’est jamais plainte d’avoir été importunée ou dérangée. Elle conteste en outre la régularité de l’attestation de Mme [Y] et relève que les pièces N°11, 7, 8, 9, 12 et 13 de l’employeur ne justifient d’aucun reproche à son encontre et ne témoignent d’aucun fait constitutif d’une faute grave.
Sur ce :
L’écrit de Mme [J] [Y] produit en pièce N°10 de l’employeur, qui confirme la présence de Mme [N] [I], alors en arrêt de travail, lors de son intervention au domicile de Mme [L] le 18 janvier 2019, et qui précise que la salariée a insisté pour participer à sa prestation, n’est effectivement pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. Toutefois, Mme [N] [I], si elle mentionne que le fait de s’être trouvée chez cette personne relève de sa vie privée, elle ne conteste pas les propos de sa collègue lui reprochant d’avoir insisté pour participer à sa prestation.
La pièce N°11 de l’employeur est une attestation de Mme [B] [G] du 1er février 2019 qui déclare refuser l’intervention de la salariée à son domicile en tant qu’auxiliaire de vie, et la pièce N°7 est encore un courrier de Mme [B] [G] en date du 4 février 2019 aux termes duquel elle fait part de son mécontentement à l’égard de Mme [N] [I] à qui elle reproche de l’importuner en restant chez elle après ses heures d’intervention, d’entrer sans frapper et de faire beaucoup de choses sans bruit alors qu’elle est non-voyante et a des difficultés à se déplacer, s’interrogeant sur ce qu’elle faisait réellement. A cela, Mme [N] [I] rétorque qu’elle n’a pas le temps de rester chez les personnes entre deux clients et fait valoir que le fait de travailler en silence n’est pas constitutif d’une faute grave.
L’employeur produit en outre en pièce N°12 le témoignage de Mme [H] [V] qui demande de ne plus faire intervenir Mme [N] [I] chez elle en raison de son comportement « immobilité réduite » inacceptable. Sur ce point, Mme [N] [I] observe que l’attestante ne se plaint d’aucun comportement fautif qu’elle aurait eu avant son arrêt maladie.
La pièce N°13 est un courrier de Mme [M] [X] demandant à l’employeur de prendre note qu’à compter du 14 février 2019, elle refuse toute intervention de Mme [N] [I] à son domicile. En réponse, Mme [N] [I] fait valoir que Mme [X] ne se plaint pas de son travail avant son arrêt-maladie et qu’elle n’émet aucun reproche la concernant.
La pièce N°8 de la société AD SENIORS est une lettre de M. [T] [O] du 24 novembre 2019 aux termes de laquelle il fait part de son mécontentement à l’égard de Mme [N] [I] à qui il reproche d’avoir fait preuve d’incompétence avec sa mère, précisant qu’à chacune de ses interventions, sa mère n’était pas douchée. Il mentionne en outre que le 23 novembre 2018, Mme [N] [I] avait oublié de venir s’occuper de sa mère qui n’avait alors pas eu à manger de la journée. La pièce N°9 est encore un courrier de M. [T] [O] du 10 janvier 2019 dans lequel il mentionne refuser les interventions de Mme [N] [I] chez sa mère en raison de son incompétence et du fait que celle-ci avait oublié de venir donner à manger à sa mère un vendredi. Mme [N] [I] conclut à la prescription des faits.
Il est constaté que si les attestations versées en pièces N°11, 12 et 13 de l’employeur témoignent du mécontentement de bénéficiaires à l’égard de Mme [N] [I], aucune ne donne de précision sur les dates auxquelles les comportements dénoncés se sont produits, et le témoignage de Mme [M] [X] ne donne aucune indication sur la nature du fait fautif invoqué à l’encontre de la salariée.
Les courriers de M. [T] [O] (pièces N°8 et 9) ne font quant à eux état que d’un fait précis qui s’est déroulé le 23 novembre 2018. Sur ce point, il est observé que Mme [N] [I] n’apporte aucun élément susceptible de remettre en cause ce témoignage qui lui fait le reproche d’avoir oublié de venir s’occuper d’une bénéficiaire, en l’occurrence sa mère. Il est toutefois remarqué que ce fait est daté au-delà du délai de deux mois de l’article L.1332-4 du code du travail, et contrairement à ce que l’employeur indique, il n’est pas justifié que des faits de même nature ont été commis par la salariée dans le délai de deux mois du déclenchement des poursuites disciplinaires.
Il résulte de ces éléments que le seul fait établi est celui pour Mme [N] [I] de s’être trouvée, le 18 janvier 2019, chez une bénéficiaire de l’employeur alors qu’elle était sous le coup d’un arrêt de travail, mais l’employeur ne démontre pas que la salariée se soit immiscée dans les affaires de la bénéficiaire, ni qu’elle a eu un comportement inadéquat à l’égard de celle-ci.
En conséquence, le grief du comportement inadéquat vis-à-vis des bénéficiaires n’est pas établi.
Sur le grief des absences injustifiées
La société AD SENIORS CENTRALE renvoie à ses pièces N°8 et 9 qui sont un écrit de M. [T] [O] faisant le reproche à Mme [N] [I] d’avoir omis de s’occuper de sa mère le 23 novembre 2018 et d’avoir oublié de donner à manger à celle-ci un vendredi. Elle ajoute qu’aucune prescription n’est encourue dès lors que la salariée a commis ultérieurement de nouveaux faits fautifs de même nature dans le délai de deux mois précédant sa convocation à l’entretien préalable.
Mme [N] [I] fait valoir que rien ne démontre que sa prétendue absence le 23 novembre 2018 était volontaire et que les faits invoqués sont prescrits.
Sur ce :
Il ressort de l’analyse qui précède que si seul le fait du 23 novembre 2018 dénoncé par M.[T] [O] est établi, il est néanmoins couvert par la prescription de deux mois prévue par l’article L.1332-4 du code du travail, et il est constaté que l’employeur ne justifie pas que des faits fautifs de même nature ont été commis par la salariée dans les deux mois de la convocation à l’entretien préalable au licenciement.
Dès lors, le grief n’est pas établi.
Sur le grief de l’insubordination vis-à-vis du représentant de l’employeur
L’employeur ne conclut pas sur ce grief et il ne le justifie par aucun élément.
Aucun manquement de la salariée à l’obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du contrat de travail n’est reproché par l’employeur et constaté, le grief invoqué n’étant de surcroît pas établi.
Sur le grief des propos diffamatoires vis-à-vis de la société
La société AD SENIORS CENTRALE reproche à la salariée d’avoir diffusé un message aux termes diffamatoires sur la page publique de la ville de [Localité 4], renvoyant à sa pièce N°14.
Elle fait ainsi valoir que d’être accusée publiquement et faussement de vouloir « virer » la salariée sous des prétextes mensongers ne relève pas de la liberté d’expression mais de la diffamation.
Mme [N] [I] rétorque que son commentaire ne comporte aucun propos injurieux ou diffamatoire, qu’il n’est pas daté et qu’il ne permet pas d’identifier l’employeur.
Motivation :
La limite de la liberté d’expression dont jouit le salarié tient dans son abus constitué notamment par la tenue de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
En l’espèce, il est constaté que Mme [N] [I] ne conteste pas avoir tenu les propos suivants sur la page publique de la ville de [Localité 4] (pièce employeur N°14) :
« Voilà cela fait 2 fois que ma patronne veux me virer, je ne lui convient plus, je suis assistante de vie et j’ai quelques problèmes avec ma cheville j’ai été en accident de travail. Comme elle a pris du personnel pour me remplacer et qu’elle n’a pas assez de clients elle n’a plus besoin de moi. Elle voudrait que je trouve une solution pour partir et trouver des financements, il est hors de question que je quitte mon emploi et de plus je suis en CDI je ne quitterai pas mon poste d’assistante de vie ».
Il est observé que ces propos ne désignent aucune personne identifiée ou identifiable et ne constituent dès lors pas une attaque contre l’employeur excédant les limites de la liberté d’expression.
Le grief de propos diffamatoires n’est dès lors pas établi.
-oOo-
Il ressort de ces éléments qu’aucun des griefs reprochés à Mme [N] [I] n’est établi, le grief tiré des absences injustifiées étant couvert par la prescription de deux mois prévue par l’article L.1332-4 du code du travail.
La faute grave de la salariée rendant possible la rupture du contrat de travail pendant la période de suspension du contrat n’est en conséquence pas établie.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera dès lors confirmé en ce qu’il a dit le licenciement nul.
2. Sur la demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents
Mme [N] [I] indique que son salaire moyen avant son arrêt maladie pour accident de travail du 5 décembre 2018 était de 980,43 euros, se référant sur ce point à ses bulletins de salaire versés en pièce N°7 ainsi qu’à l’attestation Pôle emploi. Elle sollicite l’infirmation du jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 651,32 euros, et demande à ce titre un montant de 980,43 euros correspondant au salaire moyen des mois de septembre, octobre et novembre 2018 avant son arrêt maladie du 5 décembre 2018, outre les congés payés y afférents à hauteur de 98,04 euros.
La société La société AD SENIORS CENTRALE ne conclut pas sur ce point.
Motivation :
Lorsqu’un licenciement est nul, le salarié qui ne demande pas sa réintégration a droit aux indemnités de préavis.
Au vu des éléments produits et du montant du salaire moyen de 980,43 euros non contesté par l’employeur, il sera fait droit à la demande de Mme [N] [I], le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur le quantum de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.
3. Sur la demande à titre d’indemnité légale de licenciement
Mme [N] [I] sollicite la condamnation de la SARL AD SENIORS CENTRALE à lui payer la somme de 176,38 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
L’employeur ne concluant pas sur ce point, il sera fait droit à la demande de la salariée, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point.
4. Sur la demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement
Mme [N] [I] sollicite une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire, soit 6 000 euros, se fondant sur les dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail. Elle indique être sans emploi et percevoir l’allocation de retour à l’emploi, renvoyant à sa pièce N°5. Elle demande en conséquence l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes sur le quantum des dommages et intérêts.
La société AD SENIORS CENTRALE conclut au débouté de la demande, faisant valoir que la salariée ne justifie ni d’un préjudice causé par la rupture de son contrat de travail, ni de sa situation actuelle.
Motivation :
Lorsqu’un licenciement est nul, si le salarié ne demande pas sa réintégration, il a droit à l’indemnisation du préjudice né de ce licenciement nul, au moins égale à six mois de salaire, le barème d’indemnisation obligatoire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’étant pas applicable.
En l’espèce, il a été constaté que le licenciement de Mme [N] [I] est nul et que le salaire mensuel moyen non contesté par l’employeur s’élève à 980,43 euros.
Compte-tenu de ces éléments, il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, mais sur une moyenne de salaire de 980,43 euros, soit un total sur 6 mois de 5 882,58 euros, le jugement du conseil de prud’hommes étant infirmé sur le quantum des dommages et intérêts dus pour licenciement nul.
5. Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
La société AD SENIORS CENTRALE sera condamnée à payer à Mme [N] [I] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, et elle sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
La société AD SENIORS CENTRALE sera en outre condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 28 juin 2021 en ses dispositions soumises à la cour :
– sur le quantum de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents,
– sur le quantum des dommages et intérêts dus à Mme [N] [I] pour licenciement nul ;
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal rendu le 28 juin 2021 pour le surplus ;
STATUANT A NOUVEAU dans cette limite :
Condamne la société AD SENIORS CENTRALE à payer à Mme [N] [I] la somme de 980,43 euros (neuf cent quatre vingt euros et quarante trois centimes) à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
Condamne la société AD SENIORS CENTRALE à payer à Mme [N] [I] la somme de de 98,04 euros (quatre vingt dix huit euros et quatre centimes) à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis ;
Condamne la société AD SENIORS CENTRALE à payer à Mme [N] [I] la somme de 5 882,58 euros (cinq mille huit cent quatre vingt deux euros et cinquante huit centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Y AJOUTANT
Condamne la société AD SENIORS CENTRALE à payer à Mme [N] [I] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société AD SENIORS CENTRALE aux dépens ;
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE
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