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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 27 OCTOBRE 2022
N° 2022/ 306
N° RG 20/05415 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF5A3
S.A.S. AER HOLDING
S.A.S. EUROFEU
S.A.S. EUROFEU SERVICES
C/
S.A.S. PROSUD INCENDIE
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Maxime PLANTARD
Me Delphine VERRIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Janvier 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2015002127.
APPELANTES
S.A.S. AER HOLDING, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. EUROFEU, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. EUROFEU SERVICES, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A.S. PROSUD INCENDIE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Delphine VERRIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 12 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte en date du 18 février 2015, la société AER HOLDING, société spécialisée dans la fabrication et la distribution de matériel de protection incendie, a fait assigner devant le tribunal de commerce la société PROSUD INCENDIE en concurrence déloyale pour obtenir principalement la condamnation de celle-ci à lui verser les sommes de 700 000 €, 15 000 €, 27 058 € 87 et 50 000 € de dommages intérêts et la fermeture de son fonds de commerce durant une période de douze mois. Les sociétés EUROFEU et EUROFEU SUD, filiales de la société AER HOLDING, sont intervenues à la cause.
Suivant jugement daté du 25 janvier 2016, le tribunal a débouté la société AER HOLDING de l’ensemble de ses prétentions, a débouté la société PROSUD INCENDIE de ses demandes reconventionnelles et a condamné la société AER HOLDING au paiement d’une somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SUD ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 1er février 2016.
Par arrêt en date du 28 février 2019, la Cour a prononcé le retrait du rôle de l’affaire.
Le 11 juin 2020, les sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SERVICES ont déposé des conclusions de remise au rôle.
Par ordonnance en date du 1er septembre 2022, le magistrat de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et a fixé l’audience au 12 septembre 2022.
A l’appui de leur appel, par conclusions déposées par voie électronique le 11 juin 2020, les sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SERVICES demandent à la cour de révoquer la précédente ordonnance de clôture prononcée le 21 décembre 2018 afin de pouvoir répliquer à la sommation interpellative délivrée par la partie adverse la veille. Sur le fond, elles invoquent des actes de désorganisation et de débauchages dont la société EUROFEU aurait été victime de la part de la société PROSUD présidée par monsieur [G], ancien salarié. Elles relèvent notamment les termes de l’un des salariés, monsieur [J], pour établir le caractère prémédité et systématique des 10 débauchages invoqués.
Les appelantes invoquent en outre un démarchage de la clientèle déloyal, notamment du fait de la présentation mensongère par des salariés de PROSUD soutenant agir pour la société EUROFEU ou EUROFEU SERVICES. Pour justifier du préjudice subi, les sociétés appelantes versent plusieurs documents comptables.
Au terme de ces conclusions, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens invoqués, les sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SERVICES demandent d’infirmer la décision déférée et de condamner la société PROSUD INCENDIES à leur verser les sommes de 700 000 €, 15 000 €, 15 455 € et 10 000 € en réparation des préjudices matériels et du préjudice moral subi, d’ordonner la fermeture de la société PROSUD INCENDIE pendant une durée de 12 mois, de la condamner à remettre les copies des fichiers clients litigieux sous astreinte journalière de 1 000 €, d’ordonner la publication de la décision dans trois journaux locaux sous astreinte et de condamner la société PRO SUD à verser une somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société PROSUD INCENDIE, par conclusions déposées par voie électronique le 19 décembre 2018, conteste le caractère délictueux du débauchage des salariés, rappelant notamment que ceux ci ont fait en vain l’objet de la part de la partie adverse d’actions devant le conseil des prud’hommes. Elle soutient en outre que ces débauchages ne représentent aucun caractère massif. Elle conteste de même tout démarchage déloyal, mettant en cause le caractère probant des documents présentés. Enfin, le quantum des préjudices ne serait pas documenté. Reconventionnellement, elle demande à être indemnisée du préjudice d’image subi du fait de l’envoi de courriels mensongers à ses clients. Elle conclut en conséquence à la confirmation de la décision déférée, sauf en ce qu’elle a rejeté ses demandes reconventionnelles et à ce titre conclut à la condamnation de la société AER HOLDING au paiement d’une somme de 50 000 € de dommages intérêts pour concurrence abusive, sa condamnation sous astreinte à publier la décision et à lui verser la somme de 15 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’ordonnance de clôture initiale a été tacitement révoquée du fait de la radiation de l’affaire ; il n’y a dès lors pas lieu de faire droit à la demande de révocation formulée par l’appelante dont les conclusions postérieures apparaissent recevables.
La concurrence existant entre deux sociétés, spécialisées dans un secteur de marché similaire, ne constitue pas en soi un acte fautif en vertu du principe de la liberté du commerce.
De même, ne constitue pas en soi une faute le fait pour un ancien salarié de constituer une société concurrente de celle de son ancien employeur en utilisant l’expérience professionnelle acquise précédemment.
Il a également été jugé que le démarchage de la clientèle d’autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est licite ; pour autant, cet acte peut s’avérer fautif s’il s’accompagne d’agissements déloyaux, et notamment s’il s’appuie sur le détournement de fichiers clients de la société concurrencée ou, de façon générale, sur le détournement de données ou d’informations qui sont le fruit de son travail et constituent son fonds de commerce ; il appartient à celui qui allègue l’existence de tels agissements d’en apporter la preuve.
En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que comme l’ont relevé les premiers juges la société PROSUD INCENDIE a recruté 10 anciens salariés de la société EUROFEU sur un effectif de 138 salariés ; les conditions salariales et les modalités de recrutement ne manifestent aucune volonté de débaucher les dits salariés de manière non loyale et dans le but de désorganiser l’ancien employeur, observation étant faite que certains ont fait l’objet non d’une démission, mais d’une mesure de licenciement par l’ancien employeur ; le bref délai existant entre les démissions et l’embauche par la société concurrente, enfin, traduit le souci des salariés de trouver un nouvel emploi, et ne permet pas d’en déduire une intention maligne du nouvel employeur.
De même, l’analyse des premiers juges concernant le volume de transfert de clientèle entre les deux sociétés concurrentes doit être approuvée en ce qu’elle ne met en lumière aucune modalité fautive, notamment la captation de fichier ou des manoeuvres auprès de clients ; les revirements de témoignage de l’un de ses anciens salariés, monsieur [J] permettent de mettre fortement en doute la fiabilité des propos de l’intéressé, sans remettre en cause l’analyse pratiquée.
Il résulte de ces éléments que les premiers juges ont à bon droit juger que les sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SERVICES n’apportaient pas la preuve d’une faute imputable à la société PROSUD INCENDIE créée par l’un de leur ancien salarié ; la décision sera en conséquence confirmée.
En cause d’appel, la société PROSUD INCENDIE ne verse pas les courriels qu’elle prétend diffamatoire ; le constat fait par les premiers juges selon lesquels ces courriels ne citent pas cette partie expressément doit en conséquence être repris, aucun élément contraire n’étant produit ; la société PROSUD INCENDIE sera en conséquence déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts.
Les sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SUD succombant à la procédure, elles devront verser une somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
– CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d’AIX EN PROVENCE en date du 25 janvier 2016 dans l’intégralité de ses dispositions.
Y ajoutant,
– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
– CONDAMNE les sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SERVICES prises ensemble à verser à la société PROSUD INCENDIE la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– MET l’intégralité des dépens à la charge des sociétés AER HOLDING, EUROFEU et EUROFEU SERVICES.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT