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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°459/2022
N° RG 19/05250 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QAA6
M. [D] [S]
C/
Société CITEDIA SERVICES Société
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 Septembre 2022, devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [L] [X], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [D] [S]
né le 11 Septembre 1971 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Lara BAKHOS de la SELEURL PAGES – BAKHOS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
CITEDIA SERVICES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES,
Représentée par Maître FROGER, plaidant, avocat au barreau de Rennes,
EXPOSÉ DU LITIGE
La Société SAPAR devenue CITEDIA , créée par la Société Centrale d’Equipement du Territoire (SCET) et la ville de [Localité 4], a pour activité principale la gestion des parkings de [Localité 4]. Elle était dirigée par M.[Z] [S], Directeur Général, de 1977 à 2014.
M. [D] [S], fils du Directeur Général, a été engagé le 11 octobre 1999 en qualité d’agent d’accueil par la Société Citedia Services dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, suivi d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2000.
A l’issue d’une formation, le salarié a été promu en 2004 sur un poste de Technicien assistant informatique et a accédé en 2010, à un poste de Technicien Réseau.
La relation de travail était régie par la convention collective des services de l’automobile.
Le 7 mars 2016, M.[S] a refusé de signer le compte rendu de son entretien annuel d’évaluation établi par son responsable hiérarchique M.[A].
Le 16 mars 2016, M. [S] a été placé en arrêt maladie pour une durée de 15 jours, renouvelé une fois.
Le 30 mars 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 avril suivant. Parallèlement, il s’est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire.
Le 8 avril 2016, M.[S] s’est interrogé sur les motifs de la procédure disciplinaire engagée à son encontre et s’est plaint des méthodes ‘managériales destructrices’ de M.[A] et des conséquences désastreuses sur son état de santé, à l’origine de ses arrêts de travail.
Le 26 avril 2016, l’employeur lui a notifié un licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants :
‘ (..) Vous exercez les fonctions de technicien informatique au sein de notre entreprise. A ce titre, vous effectuez le support de premier niveau aux utilisateurs et assurez le maintien en conditions opérationnelles des systèmes d’information avec le souci du respect des procédures et des exigences de sécurité. Vos missions sont guidées par des impératifs de professionnalisme, de qualité du service rendu et de souci permanent de la sécurité des informations.
La charte informatique de CITEDIA du 6 février 2009 dont un exemplaire vous a été remis le 16 mars 2009 détermine les conditions d’accès et d’utilisation des ressources informatiques et des moyens de communication existant au sein de l’entreprise. (..) Les dispositions de cette charte liées tant à la sécurité qu’à la discipline dans l’entreprise, sont impératives. En votre qualité de technicien informatique, il vous appartient en tant qu’utilisateur, de respecter ses dispositions mais également de veiller à ce que tous les autres utilisateurs de l’entreprise l’appliquent correctement.
Or, nous avons récemment constaté que vous ne respectiez pas un nombre important de dispositions édictées par cette charte. En effet, suite à constat d’huissier effectué le 25 mars 2016 sur votre poste de travail, nous avons découvert les faits fautifs suivants/
– s’agissant de l’utilisation des Services internet : en analysant votre activité internet sur la période du 1er février 2016 au 16 mars 2016 (soit 25 journées et demi travaillées), nous avons constaté que vous passiez un temps considérable durant vos heures de travail sur des sites internet, sans lien direct et nécessaire avec votre activité professionnelle. A titre d’exemple et non exhaustif, nous avons identifié 3h56 de connexions régulières sur de nombreux sites de presse, 2h06 sur les réseaux sociaux avec des temps de connexion journaliers réguliers, 1h05sur les sites de divertissement, 51mn 03 sur les sites de multimédia, 22mn13 sur des sites de shopping, 11mn22 sur des sites de jeux. Il en ressort par ailleurs que ces temps de connexion ont lieu à toit moment de votre journée de travail, matin comme après-midi en dehors de la pause déjeuner.(…)
– s’agissant du stockage des fichiers sur votre ordinateur :vous n’êtes pas sans ignorer qu’il est formellement interdit d’installer sur son ordinateur professionnel des logiciels à caractère ludique, de détenir des logiciels ou fichiers dont l’usage pourrait nuire à la sécurité et au bon fonctionnement du système d’information, ou encore de télécharger des logiciels via internet ( Art 4.2 et 5 de la charte informatique).( ..) Nous avons découvert sur votre ordinateur ka présence d’un certain nombre de fichiers, logiciels à caractère ludique ou interdits (…jeux, logiciels et.fichiers films téléchargés illégalement.).
– s’agissant de l’utilisation de la messagerie professionnelle à des fins personnelles : comme le rappelle notre charte informatique, un usage raisonnable de la messagerie informatique à des fins personnelles est toléré à condition qu’il ne soit pas préjudiciable aux intérêts de l’entreprise. L’utilisateur ne soit pas porter atteinte à l’intégrité d’un autre utilisateur ou à sa sensibilité notamment par l’intermédiaire de messages, textes ou images provoquants . Il ne doit par ailleurs pas diffuser de données à caractère injurieux ou diffamatoire. Nous avons pu déplorer qu’en sus du temps non négligeable passé sur internet à effectuer des activités non professionnelles, vous adressiez régulièrement : des courriels à caractère non professionnel à vos collègues visant à les distraire avec des images parfois suggestives, (…)
– s’agissant de l’envoi de courriels de réponse aux utilisateurs à travers lesquels nous pouvons déplorer un manque de professionnalisme de votre part dans la réponse apportée : ‘ je dois être neuneu, je n’arrive pas à refaire ton erreur’ mail envoyé le 10 septembre 2015 à Mme [SI] assistante de direction (..;) ‘ parce que tu trouves que celle-là est mieux !!hahahah c’est celle que tu as mis sur meetic” mail adressé le 11 septembre 2015 à [U] qui demandait le changement de sa photo de profil sur la messagerie de l’entreprise. Outre ces réponses, non appropriées marquant une certaine désinvolture dans le traitement des demandes, vous ne respectez pas les procédures de sécurité concernant l’attribution des login et mots de passe aux utilisateurs. Ainsi à titre d’exemple, nous avons pu relever un mail du 19 octobre 2015 dans lequel vous communiquiez les login et mot de passe d’une salariée à deux autres collaborateurs sans faire mention des précautions de sécurité alors que les habilitations et droits attribués à chaque utilisateur sont strictement personnels et ne peuvent en aucun cas être cédés même temporairement à un tiers ( art 3.1 de la charte informatique).
– s’agissant de l’envoi de courriels à caractère injurieux à des collègues voire diffamatoire à l’égard de votre hiérarchie et plus largement de votre employeur:
– le 6 janvier 2015, votre manager [T] [A] vous a adressé par mail une invitation à passer votre entretien professionnel, invitation à laquelle était joint le guide préparatoire d’entretien prévu à cet effet ( dénommé kit collaborateur). Vous avez alors transféré ce mail à votre collègue [R] en y insérant une photo du Maréchal Pétain sur laquelle il est écrit ‘ Français, vous n’êtes ni vendus, ni trahis, ni abandonnés, venez à moi avec confiance’ ainsi qu’une photo d’un serpent hypnotiseur, et avez écrit le commentaire suivant :’ hmmmm j’aime le kit collabo… est confiannnnnnnnnnce disait le serpent’
– le 20 octobre 2015, vous avez transféré un mail de votre manager L.[A] ( vous demandant de bien vouloir rappeler un prestataire) à votre collègue [E] en y rajoutant une photo d’Adophe Hitler et avez écrit le commentaire suivant : ‘ Schnellll!! Dou zuite!!!'(..)
– le 2 octobre 2015, vous adressez à votre collègue [J] un mail intitulé ‘ A effacer une fois lu’ contenant un lien internet vers le site capital.fr ayant pour objet ‘ reconnaître et contrer les manipulateurs pervers au travail’.(..)
– s’agissant de l’envoi de courriels à des prestataires extérieurs et à d’anciens salariés par lesquels vous transmettez des informations internes à l’entreprise en effectuant des commentaires nuisant à l’image de l’entreprise :
– le 10 avril 2014, vous écrivez le courriel suivant à une ancienne salariée partie en retraite : Ici à Citedia, les choses ont commencé à changer. Il y a eu quelques recadrages. Mon responsable s’appelle [T] [A]. Un personnage assez curieux, il est là pour [G]…fin pour réfléchir..c’est l’entente professionnel, on est pas copain quoi’
– le 9 avril 2015 un mail à Y Garrec prestataire informatique dans lequel vous écrivez ‘ bah, on est 3 à l’informatique maintenant..me suis fait doubler. Il y a directeur de l’information, un administrateur système et réseau … et moi, le pauvre tech.(..)’
– le 11 mai 2015 un mail à [F] ‘ nous vous informons suite au départ de [H] , nous sommes amenés à recruter un responsable activité spectacles. A qui le tour’ Moi-même je commence à y réfléchir, je changerais bien de métier…mais je ne sais pas vers quoi encore. Je ne me vois pas faire de l’informatique encore 10 ans..encore moins avec ces nouvelles méthodes de travail à la world compagny.'(..)
– le 29 octobre 2015 un mail à notre prestataire informatique Bretagne Computer : Salut, dîtes, ça vous intéresse pas d’embaucher un super technicien informatique aux multiples compétences, beau, intelligent et drôle’hein’ Dites’ Non parce que là.. Ça va imploser ici. Heu, faut que je revois mon CV qui doit dater de 2004…d’ici 2 ans, mon poste n’existera plus selon mon responsable. Il n’y aura plus que des têtes pensantes, architectes réseaux et chef de projet.’
(…) Votre temps passé à des activités non professionnelles sur votre temps de travail constitue un usage déraisonnable et abusif qui nuit à votre productivité. De plus, vos agissements caractérisent un manquement à votre obligation de loyauté envers votre employeur et nuisent sérieusement à l’image de votre manager comme de votre entreprise.
Aussi, nous ne pouvons tolérer plus longtemps un tel comportement au sein de notre société qui ne nous permet pas de garantir un fonctionnement satisfaisant du service et nuit à l’image de notre entreprise. Aussi, pour toutes ces raisons, nous sommes amenés à prononcer à votre égard une mesure de licenciement.
Votre préavis d’une durée de deux mois que nous vous dispensons d’exécuter , débutera à la date de la première présentation de cette lettre. (..)’
Le 19 juillet 2016, M.[S] par la voix de son conseil a contesté son licenciement et a manifesté son souhait de rechercher une solution transactionnelle.
Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête du 9 mars 2018, lequel s’est dessaisi le 5 septembre 2018 au profit du conseil de prud’hommes de Saint Malo.
Dans ses dernières écritures devant la juridiction prud’homale, M.[S] a demandé à voir :
– Condamner la société CITEDIA à lui verser la somme de 20.000 euros pour manquement à son obligation de sécurité de résultat ;
– Dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ,
– condamner la Société CITEDIA à lui verser la somme de 52.000 euros de dommages intérêts à ce titre ;
– Condamner la Société CITEDIA sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir à délivrer les bulletins de salaires et l’attestation Pôle Emploi rectifiés,
– Dire que le Conseil de Prud’hommes se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte,
– Condamner la Société CITEDIA à payer à Monsieur [S] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Ordonner l’exécution provisoire pour l’intégralité du jugement ;
– Condamner la Société CITEDIA aux entiers dépens.
La Société CITEDIA Services a demandé au conseil de prud’hommes de :
A titre principal,
– Dire que le licenciement de M.[S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– Dire que la Société CITEDIA Services n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;
– Le débouter de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la Société CITEDIA Services;
– Condamner M.[S] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
À titre subsidiaire, si par extraordinaire le Conseil de céans estimait que le licenciement de M.[S] était dénué de cause réelle et sérieuse,
– Ramener les prétentions de M.[S] à une juste mesure au regard des éléments développés ci-dessus,
– Statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par jugement en date du 16 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Malo a :
– Dit que la Société CITEDIA n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;
– Dit que le licenciement de M.[S] est justifié ;
– Débouté M.[S] de l’intégralité de ses demandes ;
– Condamné M.[S] à payer à la SARL CITEDIA la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des dépens de l’instance.
M. [S] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 1er août 2019.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 21 octobre 2020, M. [S] demande à la cour de :
– réformer le jugement en totalité et statuant à nouveau :
– Condamner la société CITEDIA à lui verser la somme de 20 000 euros pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,
– Dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société CITEDIA à lui verser la somme de 52 000 euros de dommages intérêts à ce titre,
– Condamner la société CITEDIA sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir à délivrer les bulletins de salaires et l’attestation Pôle Emploi rectifiés,
– Dire que le Conseil de Prud’hommes se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte,
– Condamner la société CITEDIA au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais de première instance et 2 500 euros au titre des frais d’appel,
– Ordonner l’exécution provisoire pour l’intégralité du jugement,
– Condamner la société CITEDIA aux entiers dépens.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 26 août 2020, la SAEM CITEDIA Services demande à la cour de :
– Confirmant le jugement et y ajoutant :
À titre principal,
– Dire que le licenciement de M.[S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– Dire que la Société CITEDIA Services n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;
– Le débouter de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la Société CITEDIA Services;
– Condamner M. [S] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais de première instance et 2.500 euros pour les frais en cause d’appel et aux entiers dépens.
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait que le licenciement de M.[S] était dénué de cause réelle et sérieuse,
– Ramener les prétentions de M.[S] à une juste mesure,
– Statuer ce que de droit quant aux dépens.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 28 juin 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 13 septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse. Selon l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Dans la lettre de licenciement du 26 avril 2016 qui fixe les limites du litige, il est reproché à M.[S] de ne pas avoir respecté les termes de son contrat de travail se traduisant par :
– une utilisation abusive des Services internet à des fins personnelles
-le stockage de fichiers ludiques sur son ordinateur
– une utilisation abusive de la messagerie professionnelle à des fins personnelles
– l’envoi de courriels révélant un manque de professionnalisme
– l’envoi de courriels à caractère injurieux ou diffamatoire à l’égard de sa hiérarchie
– l’envoi de commentaires nuisant à l’image de l’entreprise à des tiers.
Au soutien des griefs invoqués, la société Citedia verse aux débats :
– la Charte d’utilisation des moyens informatiques et de communication de Citedia, émargée par M.[S] le 16 mars 2009, selon laquelle ‘les dispositions impératives liées tant à la sécurité qu’à la discipline ainsi édictées pourra entraîner l’application de sanctions disciplinaires. Elle interdit notamment au salarié’ d’installer des logiciels à caractère ludique, de télécharger des logiciels via Internet sauf accord spécifique de l’Administrateur réseau de Citedia, (…) de diffuser des données
( textes, images, sons) ayant un caractère explicitement indécent, contraire à l’ordre public,à la vie privée , à caractère injurieux, raciste , pédophile, pornographique, diffamatoire, en rapport avec une secte, ou de nature à porter atteinte à la dignité humaine.(..) Une consultation ponctuelle et raisonnable pour un motif personnel, des sites Internet dont le contenu n’est pas contraire aux bonnes moeurs et à l’ordre public et ne mettant pas en cause l’intérêt et la réputation de l’organisation est tolérée.(..)’
– le procès-verbal de constat établi le 25 mars 2016 par Me [I], huissier de justice, ( pièce 66), chargé de procéder aux consultations sur l’ordinateur professionnel mis à disposition de M.[S], en présence de Mme [Y] DRH et M.[A], informaticien. L’analyse des connexions de M.[S], effectuée sur une période limitée du 1er février au 16 mars 2016, date de l’arrêt maladie du salarié, a révélé que:
– le salarié se connectait sur des sites non liés à son activité professionnelle, tels que les réseaux sociaux, des sites de presse, de divertissement, de jeux et de petites annonces, et ce de manière fréquente, représentant un total de 8 h31 sur une période de 25,25 jours travaillés, durant ses horaires de travail ; qu’il transmettait des liens et des informations à ses collègues ou à son père ancien dirigeant de la société Citedia; qu’il prenait soin de supprimer régulièrement l’historique de sa navigation personnelle sur Internet.
-il stockait sur son ordinateur professionnel des logiciels ‘Torrent’ téléchargés le 11 février 2016 à 9h14, permettant de télécharger illégalement des films et musique que Internet, des fichiers films téléchargés illégalement via Torrent au cours des mois de janvier et février 2016 ( [YF] [O], the Killing saison 1..), des jeux téléchargés, des titres de musique téléchargés VLC media file, des fichiers winzip.
– il transmettait à certains collègues des courriels visant à les distraire,
– il répondait à des utilisateurs de manière inappropriée et discourtoise, par exemple le 9 octobre 2015 à l’assistante de direction ‘ je dois être neuneu, je n’arrive pas à refaire ton erreur'(doc 64), le 11 septembre 2015 à un salarié demandant le changement de sa photo de profil sur la messagerie professionnelle ‘ Parce que tu trouves que celle-là est mieux!!hahahah c’est celle que tu as mis sur meetic”.( Doc 60)
– il a transmis à des collègues deux courriels à caractère injurieux voire diffamatoire à l’égard de son supérieur hiérarchique M.[A] , à savoir: le 6 octobre 2015 ( doc 53), alors que son manager [T] [A] venait de lui adresser par mail une invitation à passer son entretien professionnel, invitation à laquelle était joint le guide préparatoire d’entretien prévu à cet effet (dénommé kit collaborateur), M.[S] a transféré ce mail à une collègue ([R]) en y insérant une photo du Maréchal Pétain sur laquelle il est écrit ‘ Français, vous n’êtes ni vendus, ni trahis, ni abandonnés, venez à moi avec confiance’ ainsi qu’une photo d’un serpent hypnotiseur, et il a écrit le commentaire suivant ‘: hmmmm j’aime le kit collabo… est confiannnnnnnnnnce disait le serpent’ et le 20 octobre 2015 ( doc 49) , il a transféré un mail de son manager L.[A] ( demandant à M.[S] de bien vouloir rappeler un prestataire) à son collègue du service informatique ([E]) en y rajoutant une photo d’Adophe Hitler en écrivant le commentaire suivant : ‘ Schnellll!! Dou zuite!!!'(..)
– il adressait à des tiers – prestataires extérieurs ou anciens salariés- des courriels contenant des informations internes à l’entreprise avec des commentaires nuisant à l’image de celle-ci, en évoquant auprès de prestataires informatiques les changements de politique de l’entreprise, par exemple le 11 mai 2015 ‘bah, on est 3 à l’informatique maintenant..me suis fait doubler. Il y a directeur de l’information, un administrateur système et réseau … et moi, le pauvre tech.de plus, le boss est parti en retraite et remplacé par un nouveau. Un parisien .. Pas du tout les mêmes méthodes. Citedia est atteinte de réunionnite aiguë. Des gens partent tellement l’ambiance change.; le 29 octobre 2015; ‘ Salut, dîtes, ça vous intéresse pas d’embaucher un super technicien informatique aux multiples compétences, beau, intelligent et drôle’hein’ Dites’ Non parce que là.. Ça va imploser ici. Heu, faut que je revois mon CV qui doit dater de 2004…d’ici 2 ans, mon poste n’existera plus selon mon responsable. Il n’y aura plus que des têtes pensantes, architectes réseaux et chef de projet’.
En défense, M.[S] explique qu’il aurait agi dans le cadre de ses missions de technicien informatique en téléchargeant le fichier d’installation plus évolué Torrent Time, disponible sur le web début 2016, afin de vérifier l’efficacité du système informatique interne de blocage en vigueur dans l’entreprise, qu’il aurait ensuite désinstallé le programme ; que les fichiers Torrent cités par l’employeur ne sont pas des fichiers films ; qu’il conteste avoir procédé au téléchargement des oeuvres en question, que l’espace disponible sur le disque dur était insuffisant pour accueillir les fichiers films et videos évoqués, qu’en tout état de cause, il lui était impossible d’ouvrir les ports Torrent sans que son supérieur hiérarchique M.[A] n’en soit informé par le logiciel Oceanet Technology;
que s’agissant du stockage des fichiers jeux, il aurait seulement stocké de manière temporaire des fichiers personnels provenant d’une clé USB personnelle à des fins de sauvegarde sur l’un des 4 disques durs professionnels juste le temps de commander un nouveau disque dur; qu’en ce qui concerne les titres de musique, la présence de ces fichiers peut résulter de multiples causes non fautives lorsqu’il a pu sauvegarder au fil des années des fichiers d’autres salariés ou de clients, et en tout état de cause, ne peut pas être considérée comme abusive; que pour la messagerie professionnelle, les messages envoyés au cours des années 2014 à 2015 ne peuvent pas justifier un licenciement disciplinaire le 26 avril 2016 et sont atteints par la prescription dès lors qu’ils étaient envoyés ou reçus sur les boîtes professionnelles des salariés en parfaite transparence; que les quelques messages sortis de leur contexte adressés à des collègues ne sont pas représentatifs de la vingtaine de mails envoyés tous les jours et ne peuvent pas remettre en cause son professionnalisme ni porter préjudice à la société; que les messages humoristiques constituent des correspondances privées lesquelles ne peuvent pas justifier une sanction disciplinaire; que l’utilisation personnelle et ponctuelle de l’outil informatique a toujours été autorisée au sein de l’entreprise ; que les destinataires des messages lui répondaient sur le même ton et n’ont fait l’objet d’aucune sanction; qu’enfin, les courriels adressés en octobre 2015 à sa collègue -Mme [K]) ne citent personne en particulier et ne sont pas injurieux; que le courriel du 6 octobre 2015 relatif à l’entretien annuel avec son supérieur hiérarchique ne fait qu’exprimer le sentiment d’angoisse et d’anxiété du salarié craignant d’être à nouveau dénigré; que les autres correspondances doivent être replacées dans leur contexte et ne traduisent aucun abus dans l’exercice de la liberté d’expression du salarié.
Concernant l’utilisation des Services Internet, la preuve est rapportée que durant la période incriminée entre le 1er février et le 16 mars 2016, M.[S] s’est connecté à de multiples reprises, durant ses heures de travail et en dehors des pauses, sur des sites à des fins privées sans lien avec son activité professionnelle. Alors que la Charte Informatique autorise de façon ponctuelle et exceptionnelle un usage des outils informatiques à des fins personnelles, le temps passé par M.[S] sur les sites Internet par intérêt personnel, représentant une moyenne de 20 minutes par jour et pouvant atteindre une heure durant certaines journées, n’est pas raisonnable en dehors des périodes de pause dans l’utilisation des outils informatiques.
S’agissant du stockage des fichiers films, musiques et jeux, les explications fournies par M.[S], difficilement crédibles de la part d’un technicien en informatique au regard des risques encourus en terme de sécurité pour le système et de responsabilité pour la société CITEDIA, ne permettent pas de légitimer la présence de tels fichiers sur un ordinateur professionnel en violation des dispositions de la Charte informatique.
A propos des conditions d’utilisation de la messagerie professionnelle, M.[S] ne peut pas se prévaloir utilement de la prescription des messages incriminés dès lors que l’employeur a engagé la procédure disciplinaire le 30 mars 2016, dans le délai de deux mois suivant la découverte des faits portés à sa connaissance par l’effet du constat d’huissier en date du 25 mars 2016.
Si le salarié bénéficie dans l’entreprise d’une liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut pas abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires, excessifs.
Comme le rappelle à juste titre l’employeur, toute correspondance échangée dans le cadre du travail est réputée professionnelle dès lors qu’elle n’est pas expressément identifiée par le salarié comme personnelle. En l’espèce, M.[S] n’ayant pas identifié les mails litigieux comme étant personnels, ils sont réputés professionnels et ne constituent pas une correspondance privée.
Il résulte des courriels figurant dans le constat d’huissier et visés dans la lettre de licenciement que M.[S] a manqué à son devoir de courtoisie en s’adressant à certains de ses collègues sur un ton désobligeant et inadapté
( doc 60 et 64) à son devoir de loyauté en se moquant ouvertement de son supérieur hiérarchique et de son employeur ( doc 57, 70 world Compagny,) et en critiquant la nouvelle Direction auprès de tiers à l’entreprise
( doc 71) ; que M.[S] a également transmis à deux de ses collègues des messages visant directement M.[A] son supérieur hiérarchique, tant dans son courriel le 6 octobre 2015 ( doc 53) en y insérant ses commentaires et une affiche du Maréchal Pétain que dans celui 20 octobre 2015 ( doc 49) avec le portrait d’Adolphe Hitler. Le contenu de ces messages, sous couvert d’un ton prétendument humoristique, est injurieux envers M.[A] et attentatoire à la dignité de ce dernier.
Le salarié de par son expérience professionnelle ne peut pas sérieusement justifier le ton adopté dans le courriel du 6 octobre 2015 par une anxiété alléguée à l’approche de l’entretien annuel d’évaluation par M.[A].
Il suit de là que l’employeur a établi la réalité et le caractère sérieux des griefs ainsi articulés à l’encontre de M.[S] de nature à fonder son licenciement.
En conséquence, son licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, M.[S] doit être débouté de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie de confirmation du jugement.
Sur le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité
En application de l’article L4121-1 du code du travail, le chef d’entreprise est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l’assurer.
Il doit le faire notamment par des actions de prévention des risques professionnels, par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
M.[S] demande l’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en retenant à tort que le médecin du Travail, les membres du CHSCT n’avaient pas jugé utile de donner suite aux accusations du salarié, que ce dernier ne justifiait pas du lien entre son mal-être et son environnement professionnel, alors qu’il incombe à la société Citedia de démontrer qu’elle a pris les mesures d’évaluation et de prévention de la situation de son salarié, confronté à un management déstabilisant, à la modification de ses fonctions avec rétrogradation, un isolement et à une souffrance au travail; que sa demande de dommages-intérêts pour manquement de son employeur à l’obligation de sécurité est parfaitement fondée.
La société Citedia s’y oppose en rappelant que M.[S] dont le père était à l’époque directeur Général de l’entreprise, a occupé des fonctions de ‘Technicien réseau ‘ à une période où l’entreprise faisait appel à des conseils et prestataires extérieurs dans ses projets en informatique; que compte tenu du développement du service informatique, il est devenu impératif en janvier 2014 de procéder au recrutement d’un ingénieur Système et réseau
( M.[A]); que la fiche de poste de M.[S] a été actualisée en mai 2014 sous la dénomination de Technicien informatique sans modification de salaire et de qualification professionnelle comme Technicien Expert ; que le recrutement de M.[W] comme administrateur réseau le 2 décembre 2014 correspond à un nouveau poste que M.[S] ne pouvait pas occuper faute de disposer des compétences nécessaires ( Bac +4). L’employeur conteste les allégations de M.[S] à propos tant d’une prétendue rétrogradation que des entretiens de destabilisation menés par sa hérarchie, alors qu’à l’inverse, son supérieur hiérarchique M.[A] a mis en place durant plus de 18 mois un dispositif d’accompagnement en interne et en externe avec un conseil en évolution professionnelle pour lui permettre de s’adapter aux évolutions de l’entreprise; que faute pour M.[S] de se ressaisir et d’améliorer la qualité de son travail, il lui a été proposé à la fin de l’année 2015 le financement d’une formation qualifiante de son choix avec possibilité d’une rupture conventionnelle à l’issue de la formation; que le salarié, initialement favorable à cette proposition, y a finalement renoncé en invoquant des pressions de la part de la Direction et en alertant la médecine du travail, l’inspection du travail et les délégués du personnel; que ces derniers ayant pris connaissances des moyens déployés par l’employeur n’ont pas donné suite aux doléances du salarié dont les reproches n’étaient pas fondés; que M.[S] placé en arrêt maladie le 16 mars 2016, s’est offusqué de ce qu’il ne pouvait plus se connecter à distance au réseau de l’entreprise, après la suspention temporaire de son compte durant l’arrêt de travail. La société Citedia considère avoir satisfait à son obligation envers le salarié en ce qu’elle a mis tout en oeuvre pour accompagner le salarié lequel n’a rien fait pour améliorer la situation . Elle fait valoir que M.[S] ne fournit aucun justificatif permettant de lier ses arrêts de travail avec ses conditions de travail alors que dans le même temps, il rencontrait des difficultés d’ordre personnel.
Concernant la rétrogradation alléguée par le salarié, il convient de prendre en considération les fonctions réellement exercées par M.[S] avant la réorganisation du service informatique intervenue au cours de l’année 2014 compte tenu du développement de l’entreprise et de l’équipe passant de 2 à 3 salariés. M.[A] ingénieur en informatique récemment recruté est devenu le Responsable Sécurité Systèmes d’Information tandis que M. [W] était recruté comme Administrateur système et réseau correspondant à un niveau Bac +4.
Il résulte des pièces produites que :
– M.[S] a acquis durant la relation contractuelle en 2003-2004 une formation de technicien d’assistance en informatique, correspondant à un niveau bac +2.
– il a exercé les fonctions de ‘Technicien Assistance informatique ‘ avant d’occuper en 2010 un poste de ‘Technicien réseau ‘sous la qualification conventionnelle de Technicien expert, avec le statut d’Employé.
– M.[M] , son ancien Responsable avant 2014 ( pièce 7) confirme que le périmètre d’intervention du service informatique est devenu plus large et complexe au fur et à mesure du developpement des domaines d’activités de l’entreprise, de sorte que M.[S] et lui-même étaient de ‘simples pilotes et vérificateurs des process mis en place par les prestataires extérieurs’, que M.[S] ‘lui faisait part des limites de ses interventions et de ses compétences dans certains domaines spécifiques , et qu’il était en charge de l’installation, du dépannage et des sollicitations quotidiennes des utilisateurs’ .
– à partir du 1er juin 2014, l’intitulé du poste de M.[S] a été actualisé sous le nom de ‘Technicien informatique’ ( pièce 4), le salarié conservant la même qualification professionnelle de Technicien expert, le même statut Employé et le même niveau de salaire.
– l’entretien professionnel annuel de 2008 rempli par Mme [B] soulignant que ‘M.[S] a besoin d’être accompagné dans tous les projets, seul, il semble perdu ” ne sait toujours pas gérer les priorités” il est un peu juste pour revendiquer un poste d’administrateur, il lui faudrait une formation ‘ ; en complet décalage avec les observations du salarié ‘ mes compétences sont clairement aujourd’hui celui d’un administrateur : serveurs, prestation compensatoire, et désormais réseau à venir..mes connaissances en serveur linux ont permis la réalisation de 4 sites web’
– les entretiens professionnels annuels de 2009 et 2010 remplis par M.[M] de manière postive en faveur des qualités professionnelles du salarié, à une période où les missions informatiques complexes étaient assurées soit par son supérieur hiérarchique M.[M] disposant des compétences informatiques supérieures à celles du technicien soit par des prestataires extérieurs( pièces 30 et 31)
– les entretiens annuels du salarié établis par M.[A] les 18 septembre 2014, 27 octobre 2015 et 7 mars 2016 soulignant en dernier lieu de nombreuses insuffisances professionnelles : ‘le salarié ne dispose pas à ce jour de toutes les compétences techniques requises pour le poste, fait preuve d’un manque de rigueur, parvient difficilement à s’adapter aux changements de méthode ou d’organisation, sa motivation est irrégulière, les procédures ne sont pas appliquées.’
M.[S] qui soutient avoir subi un déclassement sous couvert d’un changement d’intitulé de poste ne précise pas la nature et le nombre des tâches qui lui auraient été retirées après le remaniement du service informatique. Les éléments recueillis révèlent à l’inverse que le salarié a conservé les attributions incombant à un Technicien Informatique correspondant à sa qualification conventionnelle, tandis que le Responsable RSSI , de formation ingénieur, et l’Administrateur réseaux de niveau bac + 4, réalisaient les missions les plus complexes précédemment confiées à des prestataires extérieurs. A supposer que M.[S] se soit vu retirer certaines missions, ce qui n’est pas établi en l’espèce, force est de constater que l’intéressé à conservé l’essentiel de ses attributions dans le cadre de la maintenance informatique, ainsi que sa qualification professionnelle et le même niveau de revenus, exclusifs d’un déclassement. La preuve de la rétrogradation alléguée n’est donc pas établie.
A propos des entretiens de ‘déstabilisation’ subis depuis 2015, M.[S] se réfère aux entretiens annuels d’évaluation réalisés par son responsable M.[A] ( 21 octobre 2015, 7 mars 2016) et à des entretiens menés par Mme [Y], DRH tant sur la demande préalable du salarié que sur celle de M. [A]. Toutefois, il ressort des pièces produites que, mis à part les entretiens légaux d’évaluation annuelle, l’employeur a mis en place suite à l’entretien annuel du 18 septembre 2014 un dispositif d’accompagnement de M.[S] dans un contexte de changement lié au développement des systèmes d’information dans l’entreprise et de difficultés d’adaptation du salarié aux évolutions de son poste au-delà des formations spécifiques.
Ces entretiens étaient destinés à faire des points sur le suivi des dossiers et sur l’aide apportée au salarié confronté à de nouvelles méthodes de travail et à l’évolution des solutions technologiques. Compte tenu des difficultés de M.[A] à faire évoluer M. [S] et du sentiment exprimé par ce dernier d’être tenu à l’écart, la DRH Mme [Y] a proposé d’organiser des entretiens tripartites à partir du 1er juin 2015; qu’elle a par ailleurs accompagné M.[S] dans une démarche de bilans de compétences ( Conseil en Evolution Professionnelle) auprès du FONGECIF ( pièce 37 mail du 9 novembre 2015). Les compte-rendus des entretiens ne comportent aucun terme discourtois ou désobligeant pour le salarié , qui ne s’en est jamais plaint auprès des représentants du personnel avant le mois de mars 2016, et s’inscrivent dans l’évaluation objective des difficultés rencontrées par l’intéressé, qui en était conscient notamment depuis l’évaluation annuelle du 18 septembre 2014 et qui recevait les doléances récurrentes des autres services
( courriels pièces 24 à 28 Mme [C] du service ressources humaines’ je suis désolée [D] mais c’est pénible d’avoir ces remontées sans cesse car cela nous met aussi en porte-à-faux , personne n’est à l’abri d’un oubli mais je ne peux pas me permetter d’avoir sans arrêt des remarques cela va de la crédibilité de notre travail de gestionnaire.) Le délégué du personnel , M.[XC] ( pièce 39) et une membre du CHSCT Mme [RF] ( pièce 21), ont confirmé l’implication de Mme [Y] dans la recherche des solutions d’accompagnement et de formation de M.[S] . M.[S] ne rapporte pas la preuve que l’employeur organisait les entretiens incriminés destinés à le destabiliser.
M.[S] évoque également le fait qu’il était victime d’un prétendu isolement après la suspension temporaire de son accès au réseau informatique durant son arrêt de travail et d’un manque de soutien de la part des délégués du personnel et des membres du CHSCT (courriels du 15 mars 2016 et du 18 mars 2016 pièces 17 et 20). Toutefois, les allégations du salarié ne reposent sur aucun élément objectif permettant d’imputer à l’employeur une mise à l’écart de M.[S] au travers d’une éventuelle pression sur les représentants du personnel. A l’inverse, les délégués du personnel et Mme [RF] membre du CHSCT ont immédiatement signalé la situation du salarié auprès de la Directrice des ressources humaines pour s’assurer de la prise en compte des difficultés dénoncées et de la mise en oeuvre des mesures d’accompagnement. Aucune pression n’est dénoncée par les intéressés de la part de la Direction. Le fait que l’accès de M.[S] au réseau informatique de l’entreprise ait été suspendu de manière temporaire durant sa période d’arrêt de travail a été explicité de manière très claire auprès du salarié qui s’en offusquait par la Directrice des ressources humaines dans un courriel du 17 mars 2016 ( pièce 14) de nature à apaiser le salarié. Ce comportement ne s’analyse pas comme un manquement à son obligation de sécurité, la mise à disposition de l’outil informatique professionnel ne présentant aucune utilité objective pour le salarié durant son arrêt maladie.
Pour justifier la dégradation de son état de santé et son lien avec ses mauvaises conditions de travail, M.[S] verse aux débats:
– le certificat établi le 10 mai 2016 par son médecin traitant selon lequel M.[S] présente un syndrome dépressif, qu’il est en arrêt maladie depuis le 16 mars 2016, qu’il suit un traitement médical et d’un suivi au Cmp une fois par semaine, alors qu’il déclare avoir subi un harcèlement moral depuis un an au travail avec menace de licenciement.
– un courrier du 14 avril 2016 du médecin du travail, rappelant les divers entretiens menés depuis le 22 janvier 2016, aux termes duquel il a orienté M.[S] vers son médecin généraliste,
– des justificatifs de prise de rendez-vous le 22 mars et le 8 avril 2016 avec une infirmière au centre hospitalier [V] [N],
– des prescriptions d’anxiolitiques le 4 mars et le 16 mars 2016 par son médecin traitant et le 4 avril 2016 par le docteur [P] du CHS G.Régnier.
Le médecin traitant de M.[S], qui n’est pas en mesure d’opérer des vérifications personnelles dans l’entreprise, ne se base que sur les doléances de son patient, lequel n’établit pas la réalité d’une faute de l’employeur.
Outre les éléments médicaux dont fait état le salarié, il ressort des attestations versées aux débats, dont rien ne permet de remettre en cause la crédibilité, que M.[S] traversait au cours de cette période des difficultés personnelles liées à la maladie de son épouse ainsi qu’à des malfaçons affectant son domicile ( Mme [RF] pièce 21, M.[XC] pièce 39). Même si M.[S] s’en défend, la réalité de ses problèmes personnels est établie au travers de deux de ses courriels le 25 mars 2016 ( pièce 30) quand il évoque le 25 octobre 2015 auprès d’une collègue ( pièce 47 ‘Marre’) qu’il accumulait les ‘problèmes persos’, qu’il sera sans doute arrêté par son médecin traitant et le 25 mars 2016 auprès de Mme [Y] ( pièce 30) qu’il est soulagé après la réponse du neuro-chirurgien concernant son épouse et leur projet de partir en voyage fin juin 2016.
Dans ces conditions, il n’est pas établi un lien de cause à effet entre l’état de santé du salarié et les éléments de fait allégués en lien avec des conditions de travail dégradées susceptibles d’engager l’obligation de sécurité de l’employeur.
Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’étant pas établi, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M.[S] de ce chef.
Sur les autres demandes et les dépens
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société CITEDIA les frais non compris dans les dépens en cause d’appel. M.[S] sera condamné à lui payer la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile.
M.[S] qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions .
et y AJOUTANT :
– CONDAMNE M.[S] à payer à la SAEM Citedia la somme de 500 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– REJETTE la demande de M.[S] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNE M.[S] aux dépens de l’appel.
Le Greffier Le Président