Diffamation : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01653

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Diffamation : décision du 1 février 2024 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01653

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/01653 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FRBO

Minute n° 24/00030

S.A.S. SAS GRAS SAVOYE

C/

[G] VEUVE [V], [P]-[V], S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE, S.A. MMA VIE, Société MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES, S.A. GENERALI VIE, S.A. HSBC FRANCE

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 20 Mai 2021, enregistrée sous le n° 2013/01352

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er FEVRIER 2024

APPELANTE :

SAS WILLIS TOWERS WATSON FRANCE, venant aux droits de la SAS GRAS SAVOYE, elle même venant aux droits par fusion absorption de la SAS GRAS SAVOYE BERGER [E], représentéepar son représentant légal,

[Adresse 5]

[Localité 12]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Marcel PORCHER substitué lors de l’audience par Me Cathertine EGRET, avocats plaidant du barreau de PARIS

INTIMÉS ET APPELANTES INCIDENTS:

Madame [X] [G] veuve [V] venant aux droits de Monsieur [K] [V], décédé le [Date décès 2] 2007,

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de [H]

Madame [D] [P]-[V] épouse [Z] venant aux droits de Monsieur [K] [V], décédé le [Date décès 2] 2017

[Adresse 14]

[Localité 8]

Représentée par Me Hugues MONCHAMPS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE, représentée par son représentant légal

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Bernard LEVY substitué lors de l’audience de plaidoirie par Me Claire-Marie REIGNERON, avocats plaidant du barreau de STRASBOURG

S.A. MMA VIE représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ

Société MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES représentée par son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ

S.A. GENERALI VIE Prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 10]

Non représentée

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 11 Mai 2023 , l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 1er février 2024, en application de l’article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Réputé contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

[K] [V] a souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie dénommés « Generali Phi » et « MDM Initatives » respectivement auprès des sociétés anonymes (SA) Generali Vie et MMA Vie par l’intermédiaire de M. [S] [Y], lequel se présentait comme conseiller gestion de patrimoine.

Il n’est pas contesté que les contrats d’assurance vie était adressés aux assureurs par le cabinet de courtage Gras Savoye Berger [E] situé [Adresse 7] à [Localité 13].

Plusieurs demandes de rachat ont été effectuées sur les contrats souscrits au moyen notamment de formulaires signés en blanc par l’assuré. [K] [V] a également remis divers chèques à M. [Y].

Une procédure pénale a été engagée contre M. [Y] à la suite d’une plainte déposée par la SA Generali le 14 octobre 2011 et sa mise en examen pour escroquerie a été rendue publique lors de la parution d’un article dans le journal Républicain Lorrain le 15 mars 2012.

Cette procédure pénale donnera lieu à un jugement du tribunal correctionnel de Metz le 07 avril 2021, par lequel M. [Y], reconnaissant les faits reprochés, sera déclaré coupable d’abus de confiance, faux, escroquerie et blanchiment aggravé pour des faits commis sur la période de 1999 à 2012, et condamné notamment à une peine d’emprisonnement de six ans assortie d’un sursis probatoire pendant cinq ans et d’une interdiction d’exercer la profession de courtier à titre définitif.

Sur l’action civile, le tribunal correctionnel déclarera M. [Y] responsable de l’entier préjudice subi par les parties civiles et réservera les droits de la majorité d’entre elles. Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et Mme [G], veuve [V], en tant qu’ayant droit d'[K] [V] alors décédé, la SAS Gras Savoye Berger [E] et la SA Generali Vie seront également reçues en leur qualité de partie civile.

Alléguant avoir été victime de détournement de fonds et estimant que la responsabilité SAS Gras Savoye Berger [E] était engagée du fait des agissements de M. [Y] sur le fondement des articles 1134, 1147, 1382 et 1384 du code civil et des articles L. 511 et suivants du code des assurances, [K] [V] a assigné cette dernière devant le tribunal de grande instance de Metz par acte d’huissier du 08 mars 2013 aux fins de la voir notamment condamnée à lui payer les sommes de :

542 447 euros en réparation du préjudice matériel et financier né de :

Remise de chèques remis à M. [Y] dont les sommes ont été, selon les consorts [V]-[Z], détournées :

Chèque n° 1692975 d’un montant de 45 000 euros en date du 09 mars 2010 ;

Chèque n°1692977 d’un montant de 45 000 euros en date du 11 mars 2010 ;

Chèque n° 1758966 d’un montant de 13 500 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 18 mai 2011 ;

Chèque n° 1758970 d’un montant de 36 000 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 18 mai 2011 ;

Chèque n° 1758971 d’un montant de 21 600 euros tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 19 mai 2011 ;

Chèque n° 1758967 d’un montant de 27 900 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 03 aout 2011 ;

Chèque n° 1758969 d’un montant de 21 600 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 03 aout 2011 ;

Chèque n° 1758968 d’un montant de 27 900 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 04 aout 2011 ;

Chèque n° 1766837 d’un montant de 10 440 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30 aout 2011 ;

Chèque n° 1766838 d’un montant de 18 090 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30 aout 2011 ;

Chèque n° 1766836 d’un montant de 10 800 euros, tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30 aout 2011 ;

Demandes de rachat alléguées frauduleuse :

Sur le contrat Generali Phi :

Le 19 mai 2010 d’un montant de 50 000 euros ;

Le 29 mai 2010 d’un montant de 50 000 euros ;

Le 25 octobre 2010 d’un montant de 20 000 euros ;

Le 01 décembre 2010 d’un montant de 61 477 euros ;

Sur le contrat MMA MDM Initiatives :

Le 29 juin 2010 d’un montant de 50 000 euros ;

Le 27 octobre 2010 d’un montant de 33 200 euros ;

10 000 euros au titre du son préjudice moral.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 2013/1352.

Estimant quant à elle que la responsabilité incombait aux assureurs du fait de la non restitution des fonds décaissés à leur assuré, la SAS Gras Savoye Berger [E] a, par actes d’huissier signifiés les 06 et 12 mai 2014, assigné en intervention forcée la SA MMA Vie, la société civile MMA Vie Assurance Mutuelle et la SA Generali Vie, chacune prise en la personne de son représentant légal, au visa des articles 331 et suivants du code de procédure civile, de l’article L. 511-1 III du code des assurances aux fins, notamment, les voir condamnées à restituer les fonds décaissés et disparus sur les supports d’assurance-vie souscrits par [K] [V] et, subsidiairement, de les voir condamnées in solidum à la relever et garantir indemne de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 2014/2210.

Par ordonnance rendue le 24 octobre 2014, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures sous le numéro RG 2013/1352.

Par ordonnance du 15 octobre 2015, le juge de la mise en état a notamment :

Ordonné la disjonction de l’affaire n°2013/1352 avec l’affaire nouvellement nouvellement enregistrée sous le n° RG 2015/3446 ayant pour parties [K] [V], demandeur, et comme défenderesse la SAS Gras Savoye Berger [E], la SA MMA Vie et la SA MMA Vie Assurances mutuelles s’agissant des demandes relatives aux chèques suivants :

Chèque n° 1758966 d’un montant de 13 500 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 18.05.2011

Chèque n° 1758970 d’un montant de 36 000 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 18.05.2011

Chèque n° 1758971 d’un montant de 21 600 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 19.05.2011

Chèque n° 1758967 d’un montant de 27 900 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 03.08.2011

Chèque n° 1758969 d’un montant de 21 600 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 03.08.2011

Chèque n° 1758968 d’un montant de 27 900 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 04.08.2011

Chèque n° 1766837 d’un montant de 10 440 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30.08.2011

Chèque n° 1766838 d’un montant de 18 090 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30.08.2011

Chèque n° 1766836 d’un montant de 10 800 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30.08.2011)

Et ordonné le sursis à statuer pour cette seule procédure ;

Rejeté la demande des sociétés MMA Vie, MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie tendant à voir communiquer par la SAS Gras Savoye Berger [E] les coordonnées de son assureur de garantie financière, à justifier d’une déclaration de sinistre ou à lui enjoindre de l’appeler en la cause.

Par acte d’huissier signifié le 12, 17 et 18 mai 2016, la SAS Gras Savoye Berger [E] a assigné en intervention forcée la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel, la Caisse de Crédit Mutuel CCM Thionville Alliés, la Caisse de Crédit Mutuel CCM Garche, le Crédit agricole de Lorraine et à la SA HSBC France.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 2016/1990.

Cette procédure a été jointe à la procédure numéro RG 2013/1352 par ordonnance du juge de la mise en état du 19 octobre 2016.

Mme [Z] et Mme [G] veuve [V], sont intervenues volontairement à l’instance à la suite du décès de [K] [V] survenu le [Date décès 2] 2017.

Par ordonnance du 20 septembre 2018, le juge de la mise en état s’est soit déclaré incompétent pour connaitre du litige opposant la SAS Gras Savoye Berger [E] et les établissements bancaires, soit a prononcé la disjonction de l’affaire à leur égard de sorte qu’ils ne font plus parties de la cause, à l’exception de la SA HSBC France.

En cours de procédure, la SAS Gras Savoye Berger [E] a été absorbée par la SAS Gras Savoye, laquelle est alors venue aux droits de la première.

Par jugement rendu le 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

Donné acte à la SAS Gras Savoye qu’elle vient désormais aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à la suite d’une opération de fusion absorption ;

Donné acte à Mme [D] [Z] née [P]-[V] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant chacune aux droits de M. [K] [V], décédé le [Date décès 2] 2017, de leurs interventions volontaires par conclusions notifiées par RPVA le 25 octobre 2018 ;

Constaté que les demandes formées par Mme [D] [Z] née [P]-[V] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant chacune aux droits de M. [K] [V], relativement aux chèques suivants :

Chèque n° 1758966 d’un montant de 13 500 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 18.05.2011

Chèque n° 1758970 d’un montant de 36 000 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 18.05.2011

Chèque n° 1758971 d’un montant de 21 600 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 19.05.2011

Chèque n° 1758967 d’un montant de 27 900 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 03.08.2011

Chèque n° 1758969 d’un montant de 21 600 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 03.08.2011

Chèque n° 1758968 d’un montant de 27 900 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 04.08.2011

Chèque n° 1766837 d’un montant de 10 440 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30.08.2011

Chèque n° 1766838 d’un montant de 18 090 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30.08.2011

Chèque n° 1766836 d’un montant de 10 800 euros à l’ordre de cabinet [Y], tiré sur le Crédit Mutuel, débité le 30.08.2011,

font l’objet d’un sursis à statuer ordonné par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Metz selon ordonnance du 15 octobre 2015 et qu’elles sont enregistrées sous le N° d’affaire RG 2015/3446. ;

Pour le surplus,

Ecarté des débats la pièce N°23 produite par Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] ;

Débouté la SAS Gras Savoye de sa demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Débouté Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] de leur demande formée à l’encontre de la société Gras Savoye au titre du chèque N° 1692975 d’un montant de 45 000 euros et du chèque N° 1692977 de 45 000 euros représentant un montant total de 90 000 euros ;

Déclaré les demandes formées par Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] à l’encontre de SAS Gras Savoye parfaitement recevables ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler à M. [V] dont Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier, selon demandes, la somme totale de 263 860,01euros outre intérêts légaux à compter du jugement ;

Débouté Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] du surplus de leurs demandes ;

Débouté Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Débouté la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal de l’ensemble de ses demandes formées dans son appel en garantie tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance et ce, à l’encontre des sociétés d’assurance MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles, d’une part, de la SA Generali Vie, d’autre part ;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé par les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles à l’encontre de la SAS Gras Savoye ;

Déclaré sans objet les demandes formées par la SAS Generali Vie à l’encontre de la société Gras Savoye à titre subsidiaire et tendant à voir déclarer irrecevable son action relative aux quatre demandes de rachat partiel ou à titre infiniment subsidiaire à sa garantie en principal, intérêts et frais ;

Déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par la SA HSBC France pour n’avoir pas été présentée devant le juge de la mise en état ;

Débouté la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] de sa demande de garantie formée à l’encontre de la SA HSBC France à défaut pour elle d’établir sa responsabilité lors de la réception du virement de la SA Generali Vie d’un montant de 60 660,00 euros ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal aux dépens ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler à Mme [D] [Z] née [P]-[V] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant chacune aux droits de M. [K] [V], la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles prise chacune en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E], à régler à la SA Generali Vie la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler à la SA HSBC France la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 30 juin 2021, la SAS Gras Savoye a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement infirmation, du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 20 mai 2021 en ce qu’il a :

Débouté la SAS Gras Savoye de sa demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Déclaré les demandes formées par Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] à l’encontre de SAS Gras Savoye parfaitement recevables ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler à M. [V] dont Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et financier, selon demandes, la somme totale de 263 860,01euros outre intérêts légaux à compter du jugement ;

Débouté la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal de l’ensemble de ses demandes formées dans son appel en garantie tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance et ce, à l’encontre des sociétés d’assurance MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles, d’une part, de la SA Generali Vie, d’autre part ;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé par les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles à l’encontre de la SAS Gras Savoye ;

Débouté la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] de sa demande de garantie formée à l’encontre de la SA HSBC France à défaut pour elle d’établir sa responsabilité lors de la réception du virement de la SA Generali Vie d’un montant de 60 660,00 euros ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal aux dépens ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler à Mme [D] [Z] née [P]-[V] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant chacune aux droits de M. [K] [V], la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles prise chacune en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E], à régler à la SA Generali Vie la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à régler à la SA HSBC France la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Prononcé l’exécution provisoire du présent jugement.

Mme [V] et Mme [Z] ont formé appel incident par voie de conclusions, aux fins d’infirmation du jugement en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes de réparation de leur préjudice financier issu des deux chèques de 45 000 euros et déboutées de leur demande d’indemnisation au titre de leur préjudice moral.

En cours de procédure, la SAS Gras Savoye a changé de dénomination sociale et se présente désormais sous le nom de SAS Willis Towers Watson France.

Malgré signification de l’acte d’appel à personne habilitée le 05 octobre 2021, la SA Generali Vie n’a pas constitué avocat à hauteur d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 09 février 2023 auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SAS Willis Towers Watson France, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 6 de la convention européenne des droits de l’homme, 41 de la loi du 29 juillet 1881, L. 511-1 et suivants, R 511-3 III. et L. 132-22 du code des assurances, 1371, 1382 et 1384 du code civil, demande à la cour d’appel de :

« Prendre acte que la société Willis Towers Watson France est la nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E]

Déclarer recevable la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E] en son appel et le déclarer bien fondée.

Déclarer mal fondées Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] en leur appel incident et les débouter de leurs demandes

Déclarer mal fondée la société HSBC Continental Europe, identité actuelle de la société HSBC France, en son appel incident et la débouter de ses demandes

Faisant droit à l’appel de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], la déclarer bien fondée,

Infirmer le jugement rendu le 20 mai 2021 en ses dispositions déboutant la société Gras Savoye, venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], de sa demande de dommages et intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, portant condamnation de la société Gras Savoye, venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], à indemniser Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] au titre du préjudice matériel et financier à hauteur de 263 860,01 euros outre 1 500 euros à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant la société Gras Savoye, venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], de sa demande portée contre les sociétés MMA Vie, MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie tendant à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre et portant condamnation de la société Gras Savoye, venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], à régler aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles la somme de 1 000 euros à chacune d’elles et à la société Generali Vie la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant la société Gras Savoye, venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], de sa demande portée contre la société HSBC France tendant à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre, et portant condamnation de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

Déclarer bien fondée la demande de dommages et intérêts présentée par la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], et condamner Mme [D] [Z] née [P] ‘ [V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] à payer à la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Juger que M. [S] [Y] n’était ni mandataire ni préposé de la société Gras Savoye Berger [E] et qu’il n’existait pas de mandat tacite passé entre M. [K] [V] et la société Gras Savoye Berger [E]

En tout état de cause,

Juger que les conditions du mandat apparent allégué par Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] ne sont pas réunies,

En conséquence,

Juger que la société Gras Savoye Berger [E] n’a pas engagé sa responsabilité à l’égard de M. [K] [V] et de Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V]

Débouter Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E]

Subsidiairement,

Juger que les préjudices matériels de Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] ne sont pas justifiés et qu’il n’existe aucun lien de causalité entre le prétendu mandat apparent et/ou les fautes arguées et les préjudices allégués par Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V]

En conséquence,

Débouter Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] de l’intégralité de leurs demandes d’indemnisation présentées à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E]

Très subsidiairement, et pour le cas où par impossible la cour d’appel devait entrer en voie de condamnation à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E]

Infirmer la décision entreprise et juger que les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie sont civilement responsables de leur mandataire la société Gras Savoye Berger [E],

A défaut, juger que les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie ont engagé leur responsabilité en ne satisfaisant pas à leur obligation de tenue d’un audit annuel, en opérant, sans vérification, le décaissement de la somme dont Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] sollicitent la restitution et en s’abstenant d’aviser la société Gras Savoye Berger [E] de l’alerte qui leur avait été adressée par les assurés sur le comportement inapproprié de M. [Y], qui a, subséquemment, perduré après le 2 septembre 2008, sans que la société Gras Savoye Berger [E] puisse intervenir

A défaut encore, juger que les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie sont tenues de restituer les fonds des supports d’assurance-vie souscrits par M. [K] [V], la condamnation de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], au profit de Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] entraînant nécessairement un enrichissement sans cause des sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie.

En conséquence,

Condamner les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie à relever et garantir indemne la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle au profit de Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] et les débouter de leur demande d’indemnité de procédure

Débouter les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles et Generali Vie de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E]

Infirmer la décision entreprise, juger que la société HSBC Continental Europe, identité actuelle de la société HSBC France, a engagé sa responsabilité pour avoir manqué à son obligation de vigilance s’agissant des vérifications lui incombant en sa qualité de professionnel.

La condamner à relever et garantir indemne la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E] de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle au profit de Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] et la débouter de sa demande d’indemnité de procédure

Pour le surplus, et en tout état de cause

Confirmer le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a écarté la pièce N°23 produite par Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] devant le tribunal judiciaire de Metz

Confirmer le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a débouté Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] de leur demande de dommages et intérêts formée pour un montant total de de 90 000 euros au titre des chèques N°1692975 et N°1692977 à l’encontre de la SAS Gras Savoye et correspondant à des chèques remis à M. [Y] et libellés à l’ordre du Cabinet [Y], débouté Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] du surplus de leurs demandes et débouté Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] de leur demande d’indemnisation au titre d’un préjudice moral et

Débouter Mme [D] [Z] née [P]-[V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] de leur appel incident

Confirmer le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a déclaré recevables l’appel en intervention forcée et en garantie formé par la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E] à l’encontre des sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles, Generali Vie et HSBC ainsi que ses demandes tendant à leur condamnation à la garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre

Débouter la société HSBC Continental Europe, identité actuelle de la société HSBC France, de son appel incident et de ses demandes à l’encontre de la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E]

Si par exceptionnel la cour estime devoir entrer en voie de condamnation, fixer le point de départ des intérêts au jour de la décision à intervenir,

Condamner Mme [D] [Z] née [P] ‘ [V] et Mme [X] [G] veuve [V] venant désormais aux droits de M. [K] [V] et/ou tout succombant à payer à la société Willis Towers Watson France, nouvelle dénomination sociale de la société Gras Savoye venant aux droits de la société Gras Savoye Berger [E], la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner tout succombant aux entiers dépens comprenant ceux de l’ordonnance du juge de la mise en état des 28 juin 2018 et 20 septembre 2018 ».

Par conclusions du 12 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions, Mme [V] et Mme [Z] (ci-après dénommées les consorts [V]) demandent à la cour d’appel de :

« Débouter la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] de son appel et de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

Statuer ce que de droit sur l’appel incident de la SA HSBC Continental Europe concernant la question des frais irrépétibles,

Débouter les SA MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles de leurs moyens, fins et prétentions en ce qu’ils seraient contraires à ceux exposés par Mesdames [D] [Z] née [P]-[V] et [X] [G] veuve [V], venant aux droits de M. [K] [V],

Dire et juger qu’en tout état de cause, le préjudice allégué quant à la production de la lettre anonyme, retirée du bordereau de Mesdames [D] [Z] née [P]-[V] et [X] [G] veuve [V], venant aux droits de M. [K] [V], est valorisé à un montant exorbitant,

Dire et juger recevables et bien fondés les appels incidents de Mesdames [D] [Z] née [P]-[V] et [X] [G] veuve [V], venant aux droits de M. [K] [V],

Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à payer à Mesdames [D] [Z] née [P]-[V] et [X] [G] veuve [V], venant aux droits de M. [K] [V], le montant de 90 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, au titre de la réparation de leur préjudice matériel et financier correspondant aux deux chèques CCM Garche n° 1692977 du 9 mars 2010 d’un montant de 45 000 euros et n° 1692975 du 1l mars 2010 d’un montant de 45 000 euros remis à M. [Y] pour alimenter le support supposé ouvert à la Banque Dexia au Luxembourg et détournées,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à payer à Mesdames [D] [Z] née [P]-[V] et [X] [G] veuve [V], venant aux droits de M. [K] [V], chacune, une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts à titre de réparation de leur préjudice moral,

Confirmer sur le surplus des dispositions non contraires du jugement entrepris, au besoin par substitution de motifs ou de fondement,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à payer à Mesdames [D] [Z] née [P]-[V] et [X] [G] veuve [V], venant aux droits de M. [K] [V], chacune, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SAS Willis Towers Watson France (nouvelle dénomination de Gras Savoye), venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] aux entiers frais et dépens d’appel ».

Par conclusions du 23 décembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SA MMA Vie et la SAM MMA Vie Assurances Mutuelles, demandent à la cour d’appel de :

« Dire et juger mal fondé l’appel de la Société Gras Savoye à l’encontre du jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Metz,

Confirmer le jugement entrepris :

En ce qu’il a débouté la Société Gras Savoye Berger [E], aux droits de laquelle vient le Société Gras Savoye, de sa demande formée contre les Sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance ;

En ce qu’il a condamné la SAS Gras Savoye Berger [E] prise en la personne de son représentant légal, aux droits de laquelle vient le Société Gras Savoye, à payer aux Sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles, chacune prise en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros à chacune d’entre elles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

En ce qu’il a condamné la SAS Gras Savoye Berger [E] prise en la personne de son représentant légal, aux droits de laquelle vient le Société Gras Savoye, aux dépens de première instance,

Débouter la Société Gras Savoye de toutes ses demandes plus amples ou contraires;

Condamner la Société Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal, à payer aux Sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles, chacune prise en la personne de son représentant légal, la somme de 3 000 euros à chacune d’entre elles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

Condamner la Société Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal aux entiers dépens de la procédure d’appel ».

Par conclusions du 16 décembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SA HSBC Continental Europe demande à la cour d’appel de :

« Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Metz en date du 20.05.2021 en tant qu’il a débouté la société Gras Savoye de sa demande de garantie formée à l’encontre de la SA HSBC France.

Le Confirmer également en tant qu’il a condamné celle-ci aux entiers frais et dépens.

L’Infirmer en tant qu’il n’a accordé à la banque HSBC France actuellement la banque HSBC Continental Europe qu’une somme de 2 000 C sur le fondement de l’article 700.

Débouter la société Gras Savoye SAS de toutes ses fins et conclusions.

La Condamner aux frais et dépens.

La Condamner à payer à la banque HSBC France SA la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ».

MOTIFS DE LA DECISION

Il n’est pas contesté que la SAS Willis Towers Watson France est la nouvelle dénomination de la SAS Gras Savoye qui elle-même est venue aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E]. Pour les besoins de la motivation elle sera désignée « société Gras Savoye ».

Le tribunal a déclaré les demandes formées par les ayant droit de M. [V] à l’encontre de SAS Gras Savoye parfaitement recevables, cependant aucune fin de non-recevoir n’est soulevée en appel, cette disposition sera confirmée.

Il n’y par ailleurs pas été fait appel de la disposition qui a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par la SA HSBC France pour n’avoir pas été présentée devant le juge de la mise en état sera confirmée, la cour n’en est pas saisie.

I- Sur la responsabilité de la société Gras Savoye au titre des rachats partiels sur les contrats d’assurance MMA et Générali vie

Sur la responsabilité de la société Gras Savoye sur le fondement du mandat apparent

Selon les dispositions de l’article L. 511-1 du code des assurances, est un intermédiaire d’assurance ou de réassurance toute personne physique ou morale autre qu’une entreprise d’assurance ou de réassurance et son personnel et autre qu’un intermédiaire d’assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l’activité de distribution d’assurances ou de réassurances ou l’exerce.

Est un intermédiaire d’assurance à titre accessoire toute personne autre qu’un établissement de crédit, qu’une entreprise d’investissement ou qu’une société de financement qui, contre rémunération, accède à l’activité de distribution d’assurances ou l’exerce pour autant que les conditions suivantes soient remplies :

1° La distribution d’assurances ne constitue pas l’activité professionnelle principale de cette personne ;

2° La personne distribue uniquement des produits d’assurance qui constituent un complément à un bien ou à un service ;

3° Les produits d’assurance concernés ne couvrent pas de risques liés à l’assurance vie ou de responsabilité civile, à moins que cette couverture ne constitue un complément au bien ou au service fourni dans le cadre de l’activité professionnelle principale de l’intermédiaire.

Pour l’activité de distribution d’assurances, l’employeur ou mandant est civilement responsable, conformément aux dispositions de l’article 1242 du code civil, du dommage causé par la faute, l’imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l’application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire.

La société Gras Savoye ne conteste pas sa qualité de courtier en assurance et qu’elle a transmis les contrats d’assurance MMA et Générali Vie souscrits par M. [V] aux sociétés d’assurance concernées par l’intermédiaire d’un portail dont seuls ses salariés avaient accès. Elle est donc un intermédiaire d’assurance qui assure la distribution d’un contrat d’assurance. Aussi ce texte qui vise expressément son activité d’intermédiation en assurance et de distributeur, s’applique contrairement à ses affirmations à sa situation et trouverait application s’il était démontré l’existence d’une faute de l’un de ses mandataires.

En outre au regard du fait que sa qualité de courtier n’est pas contestée par la société Gras Savoye qui reconnait donc une relation contractuelle entre elle et le souscripteur des contrats d’assurance dans le cadre d’un contrat d’intermédiation, il n’est pas besoin d’examiner si un mandat tacite s’applique entre eux.

Aucune des parties ne soutient par ailleurs que M. [Y] aurait officiellement contracté avec la société Gras Savoye en une quelconque qualité et serait officiellement son employé ou son mandataire. A tout le moins aucun contrat n’est produit au débat.

Si dans les conclusions des consorts [V], il est évoqué occasionnellement la notion de mandat sans plus de précision, hormis sur la base du mandat apparent, l’existence d’un contrat de mandat entre la société Gras Savoye et M. [Y] n’est pas explicitée et n’est soutenue par aucun moyen.

Il est toutefois admis que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs. (Ass.plén. 13 décembre 1962 n°57-11.569)

L’appréciation de la croyance légitime du tiers dans les pouvoirs du mandataire s’effectue par l’analyse d’un faisceau d’indices résultant de la combinaison de circonstances tant objectives que subjectives de la légitimité de la croyance, les circonstances subjectives relevant de la personnalité du mandataire et les circonstances objectives résultant de l’acte lui-même.

 

Toutefois, pour retenir l’existence d’un mandat apparent, il convient d’apprécier si l’acte, de par sa nature, sa gravité ou son urgence est normal et justifiait l’absence de vérification des pouvoirs du mandataire apparent.

Les conditions dans lesquelles M. [V] a rencontré M. [Y] sont inconnues. Il est produit peu d’éléments de la plainte pénale et il est donc ignoré ce que M. [Y] a pu exposer et notamment s’il a, lors des entretiens réguliers qu’il a pu avoir avec M. [V], soutenu être le mandataire de la société Gras Savoye ou courtier. Aucune pièce du dossier ne permet de déterminer le discours qui leur aurait été tenu par M. [Y].

Il n’est pas plus établi que M. [Y] aurait été envoyé par la société Gras Savoye, aucune pièce du dossier ne le démontre.

Ensuite, aucune pièce n’établit que M. [V] aurait été reçu dans les locaux de la société Gras Savoye par M. [Y].

La sommation interpellative de Mme [O] [C] n’indique en rien qu’il recevait des clients dans les locaux de la société Gras Savoye.

A ce titre, à la question « Savez-vous si M. [Y] utilisait des bureaux au sein du cabinet Gras Savoye Berger [E] ‘ », elle répondait : « Il n’avait pas de bureau attitré. Il utilisait un bureau vacant si nécessaire. »

Il n’en ressort donc nullement que M. [Y] utilisait les locaux de la société Gras Savoye pour rencontrer des clients.

Il est ensuite soutenu que l’organisation de la société Gras Savoye et les relations entretenues entre la société Gras Savoye et M. [Y] faisait croire en l’apparence d’un mandat. Cependant l’apparence et la légitime de la croyance ne s’examinent pas au regard de ce qui se passait au sein du cabinet et de ce que pouvaient y voir les personnes présentes, mais se détermine exclusivement au regard du souscripteur de l’acte.

Ainsi quoi qu’il se soit passé dans l’organisation de la société Gras Savoye quant à la réception des contrats et quant à l’inscription sur le portail par la société Gras Savoye des renseignements des assurés, il s’agit d’éléments extérieurs à M. [V] qui n’en prenait pas partie. Il n’est d’ailleurs pas contesté par la société Gras Savoye que M. [Y] était en relation d’affaire comme apporteur d’affaire et la société Gras Savoye ne conteste pas que ses salariés entraient les données des contrats adressés par M. [Y] sur un portail en lien avec l’assureur.

Sauf à ce que M. [V] ait été régulièrement présent au sein de l’agence de courtage ce qui n’est nullement avéré ni même soutenu, les contacts et les passages de M. [Y] au sein du cabinet Gras Savoye quels qu’en soit la nature, ou encore les opérations réalisées par les salariés de la société Gras Savoye, étaient donc ignorés par M. [V] lors de la conclusion des contrats et lors de rachats litigieux. Ce dernier se contentaient de signer les documents en blanc.

Aussi l’analyse de la réalité des contacts et des relations entre M. [Y] et la société Gras Savoye ne peut servir à l’examen du mandat apparent puisque seule la légitimité de la croyance du souscripteur soit de M. [V] doit être examinée.

En outre, pour appréciation de la légitimité de la croyance et admettre le mandat apparent il convient de se placer au moment de la réalisation des actes litigieux c’est-à-dire soit au moment de la souscription des contrats initiaux soit au moment des demandes de rachat qui ont été versées sur des comptes de tiers.

Or, il fait grand cas du courrier du directeur général de la société Gras Savoye du 26 mai 2011 qui comporte la mention que M. [Y] n’est plus habilité à les « représenter ». Outre le fait que ce courrier semble avoir été fait dans l’urgence lors de la découverte des malversations de M. [Y], il est postérieur à la souscription des contrats et aux rachats litigieux et n’a donc pu être un élément de nature à faire naitre la croyance d’un mandat au moment de ces actes.

Pour justifier du mandat apparent, il est ensuite produit deux copies et deux originaux de cartes de visite au nom de [S] [Y]. Ces cartes mentionnent que M. [Y] exerce une activité de « conseil gestion de patrimoine » ou encore « ingénierie financière ». Il n’y apparait aucune mention sur le cadre juridique de sa relation avec la société Gras Savoye.

Toutefois, sur ces cartes de visite, il y apparait la mention « Cabinet Berger [E] » et « cabinet Gras Savoye Berger [E] » et l’adresse indiquée correspond à l’adresse de la société Gras Savoye à Metz.

Ces indications ont pu entretenir la croyance du souscripteur d’une relation de M. [Y] avec la société Gras Savoye et ce même si aucun logo de la société Gras Savoye n’apparait. Si les conditions de remises de ces cartes sont ignorées, leur production en justice établit qu’elles ont été remises par M. [Y] et même si la date est ignorée, il est habituel de remettre une carte de visite au début ou au cours d’une relation commerciale et non à son issue.

S’agissant de l’origine de ces cartes de visite, sauf s’il était établi que le M. [Y] dans son argumentaire à destination du souscripteur, avait soutenu que les cartes de visite provenaient de l’imprimeur de la société Gras Savoye, il importe peu de le savoir puisque ce point ne concerne que les relations entre M. [Y] et la société Gras Savoye.

La croyance légitime comme déjà indiqué s’examine au regard du souscripteur. Seules les mentions que contiennent les cartes de visites sont susceptibles d’influencer sa croyance en l’existence d’un mandat, l’origine des cartes n’y contribuant pas.

Aussi il n’est pas besoin d’examiner les conditions dans lesquelles elles auraient été remises à M. [Y] et ce d’autant que nonobstant la sommation interpellative de Mme [C], il ne ressort des pièces du dossier aucune certitude sur les conditions de leur remise, Mme [C] n’évoquant aucune certitude quant à l’origine des cartes de visite et le fait que M. [Y] mentionne dans un courrier produit (écrit après la découverte de ses agissements) qu’il disposait de cartes remises par la société Gras Savoye, n’est pas non plus un gage de certitude à ce sujet, au regard de l’ensemble des mensonges de ce dernier.

Seules donc les indications contenues sur les cartes de visite ont pu entretenir l’apparence d’un mandat dans la croyance des souscripteurs.

Il ressort ensuite de l’ensemble des documents en possession des consorts [V] relatifs aux contrats objet du litige et qui avait été adressé à M. [V] directement durant la vie des contrats par les assureurs, une mention expresse en haut des documents « Apporteur :  Gras Savoye- Berger [E] » ou encore « votre conseil : Gras Savoye Berger [E] ».

Ainsi les cartes de visite produites qui comportent les mentions relatives à la société Gras Savoye et l’inscription en gros caractères sur l’ensemble des documents relatifs aux assurances vie que l’apporteur était la société Gras Savoye pouvaient entrainer une croyance dans l’esprit du souscripteur de l’existence d’un mandat entre M. [Y] et la société appelante.

Toutefois s’il est possible pour un profane de s’être trompé sur la relation de M. [Y] avec la société Gras Savoye, certains éléments par leur caractère anormal étaient en mesure d’alerter M. [V] et auraient dû l’amener à procéder à des vérifications sur la réalité du mandat.

En effet, M. [V] a, pour chacun des contrats, signé par avance des demandes d’opérations, remises à M. [Y], ne contenant aucune indication de date et de montant.

Il est ignoré ce qui était convenu entre M. [V] et M. [Y] en termes d’informations quant à l’utilisation de ces demandes en blanc. La seule information dont il avait officiellement connaissance était l’information préalable de l’opération (pour les contrats MMA Vie) et l’information qui lui en était faite à postériori par les deux assureurs (contrats MMA Vie et contrats Générali Vie) après sa réalisation effective.

Il est exact qu’un profane, n’a pas nécessairement connaissance du fonctionnement d’un contrat d’assurance et M. [Y] a pu justifier dans un argumentaire commercial l’utilité pour lui de disposer de documents signés en blanc.

Toutefois, signer des documents en blanc à un tiers n’est pas un fonctionnement normal et aurait dû inciter M. [V] comme tout « bon père de famille » à procéder à des vérifications sur la réalité du mandat et ce d’autant plus au regard des montants engagés et de l’absence d’urgence.

Ensuite, alors que depuis de nombreuses années les établissements bancaires et d’assurance procèdent de manière informatique tant pour la souscription que pour les simulations financières, les consorts [V] produisent des simulations financières manuscrites de M. [Y], sur papier libre ou sur « post-it » remises à M. [V]. A tout le moins, cette pratique aurait pu étonner un bon père de famille.

Ainsi, la signature en blanc des demandes de rachat par M. [V] constitue un élément anormal qui ne le dispensait pas de vérifier la réalité du mandat de M. [Y] et ce d’autant qu’il n’est justifié d’aucune urgence et que d’autres éléments comme évoqués précédemment présentaient également une certaine anormalité.

Il ne peut donc être retenu l’existence d’un mandat apparent et le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a condamné la société Gras Savoye sur ce fondement.

Sur la responsabilité de la société Gras Savoye sur d’autres fondements juridiques

L’argumentaire des consorts [V] ès qualité d’ayant droit de M. [V] est essentiellement fondé sur le mandat apparent. Il est toutefois fait une argumentation subsidiaire relevant des manquements contractuels de la société Gras Savoye sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil (dans sa version applicable au litige), distincts de la faute du mandataire consistant selon les termes des écritures en :

l’absence de « contrôle formel des actes » et de l’absence de vérification quant au RIB falsifié en faisant référence à l’argumentation des premiers juges

l’absence de vérification de l’inscription à l’ORIAS

l’absence de vérification de l’honorabilité

« l’absence de tout conseil d’un quelconque préposé »,

l’absence « d’information particulière qu’un préposé ou mandataire ne devait pas procéder de la sorte ».

Il est invoqué également la responsabilité sur le fondement de l’article 1384 al 5 et sur l’incidence de la condamnation pénale.

Comme déjà indiqué, la société Gras Savoye ne conteste pas la relation contractuelle entre elle et le souscripteur du contrat en sa qualité de courtier, il convient donc d’examiner les fautes invoquées.

Sur l’inscription à l’ORIAS, la société Gras Savoye ne soutient pas que M. [Y] était un courtier, elle soutient qu’il était juste un apporteur d’affaire comme d’ailleurs indiqué par Mme [C] dans la sommation interpellative, aussi elle n’avait pas à vérifier son inscription à l’ORIAS.

Sur l’absence de vérification de l’honorabilité de M. [Y], alors que la lettre anonyme n’est plus versée aux débats et qu’aucune pièce du dossier ne vient établir que les responsables de la société Gras Savoye étaient informés des enquêtes qui avaient eu lieu en 1996 à Metz et 1999 en Suisse, l’appelante n’avait aucune raison de s’inquiéter de l’honorabilité de leur apporteur d’affaire, étant rappelé le caractère confidentiel des enquêtes pénales. Aucune faute n’est démontrée à cet égard.

Sur l’absence de « tout conseil d’un quelconque préposé » il convient de relever que ce manquement n’est pas décrit. Il n’est pas exposé qu’elles auraient dû être les conseils à fournir. Outre le fait que cette faute n’est pas caractérisée dans les écritures, il n’est pas plus expliqué comment ce manquement à un conseil aurait un lien de causalité avec le préjudice subi du fait des rachats effectués.

S’agissant de l’absence « d’information particulière qu’un préposé ou mandataire ne devait pas procéder de la sorte » il n’est pas décrit quel procédé aurait pu être détecté par un préposé de la société Gras Savoye, de quelle manière l’intervention d’un préposé aurait pu détecter un procédé irrégulier. Ainsi outre le fait que ce manquement n’est pas caractérisé, il n’est pas expliqué comment cette absence d’information aurait un lien de causalité avec le préjudice subi.

Il est également invoqué subsidiairement la responsabilité de la faute d’un préposé en la personne d’un « de ses personnels » soit un salarié de la société qui aurait commis une faute « en validant les actes d’arbitrage et de rachat », il n’est pas plus caractérisé la nature de la faute et le lien de causalité entre la faute et le préjudice, sachant que comme déjà indiqué les clients confirmaient eux même les informations fournies s’agissant des contrats MMA ou étaient informés immédiatement après l’opération s’agissant des contrats Générali et qu’il leur était loisible de modifier leurs comptes bancaires en cours de vie des contrats.

Il est au terme des conclusions des consorts [V], indiqué que la cour doit entrer en condamnation en considérant que le jugement définitif du tribunal correctionnel s’oppose à ce que la société Gras Savoye conteste l’existence du mandat et il est soutenu l’existence d’une présomption de vérité de la chose jugée au pénal.

Toutefois, s’il est exact selon l’article 4 du code de procédure pénale que les décisions pénales ont au civil autorité absolue à l’égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l’existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé, il convient de préciser que le jugement pénal a opposé les époux [V] à M. [Y] et non à la société Gras Savoye qui était d’ailleurs partie civile au procès pénal. Il ne peut en conséquence être tiré aucune conséquence juridique de la condamnation pénale sur la présente procédure.

***

Il convient toutefois de revenir sur le moyen tiré de l’absence de vérification relative au RIB et de faire une distinction entre les contrats d’assurance MMA et Généralie Vie.

En effet, il ressort du mode opératoire de M. [Y] que ce dernier a adressé des demandes de rachats en modifiant le RIB adressé avec la demande de rachat afin que les sommes réclamées se retrouvent sur un autre compte bancaire que celui de M. [V].

S’agissant du contrat MMA MDM initiative 00WK0373 souscrit par M. [V], il n’est justifié dans ce dossier d’aucun document imposant à la société Gras Savoye de procéder à des vérifications sur le RIB produit lors de demandes de rachat au cours de la vie du contrat. En outre, s’il est clairement établi que la demande de souscription initiale d’un contrat avec MMA était adressée à l’assureur par un préposé de la société Gras Savoye par l’intermédiaire d’un portail, les conditions dans lesquelles les demandes au cours de la vie des contrats étaient adressées à l’assureur ne sont pas clairement explicitées et aucun document écrit ne s’y rapporte. Il n’est justifié en outre d’aucune convention à ce titre.

Il n’est donc pas justifié d’obligations particulières qui auraient incombées à la société Gras Savoye.

Ensuite, le client pouvait à loisir changer de banque au cours de la vie des contrats sans être tenu d’en informer quiconque. De surcroit avant de réaliser le rachat, l’assureur MMA demandait confirmation des informations recueillies auprès du client lui-même et M. [V] ne s’est pas opposé à l’opération.

Il n’est donc pas rapporté la preuve d’un manquement de la société Gras Savoye à ce titre.

Il n’est en outre pas explicité qu’elle autre absence de « contrôle formel » serait fautif.

Il ne peut donc être engagé la responsabilité de la société Gras Savoye pour le contrat MMA MDM Initiative souscrit par M. [V].

Cependant s’agissant du contrat Générali Vie N° 2021003912 souscrit par M. [V], il ressort de la pièce 22 produite par la société Gras Savoye qu’un mode opératoire pour la transmission des demandes de rachat en ligne était convenu entre l’assureur et le courtier.

Il y apparait que le courtier doit pour toutes les demandes de rachat être notamment en possession du RIB lors d’une demande de paiement par virement, RIB qui doit correspondre au compte récepteur indiqué dans « Gael » (nom du portail).

Il y est ajouté que pour toutes les demandes la société Gras Savoye doit vérifier que le RIB en sa possession correspond bien à celui saisi dans GAEL. Elle doit ensuite pour les demandes inférieures à 80 000 euros, ce qui est le cas puisque les demandes de rachat litigieuses portent sur des sommes inférieures, archiver le document qu’elle conserve en son sein.

Il ressort de l’audition réalisée dans le cadre de l’instruction de Mme [H] directrice de la conformité auprès de la SA Générali Vie produite en pièce 18 qu’il n’existait pas de charte lors de la mise en place de ce portail mais que la société Gras Savoye avait accès à une notice et à une documentation en ligne sur le portail, notice qui correspond à la pièce 22 sus évoquée.

Les recommandations d’utilisation éditées par la SA Générali Vie permettaient d’instaurer un mode opératoire destiné à assurer la sécurité des transactions et la société Gras Savoye en recevant ce protocole et en l’adoptant devait procéder aux vérifications qui y étaient prescrites ou justifier et informer l’assureur des difficultés opérationnelles qu’elle pouvait rencontrer ce qui n’est ni allégué, ni justifié.

Il est exact que les clients pouvaient à loisir changer de banque, cependant il est mentionné dans la notice en pièce 22 que « les informations du RIB ne doivent être changée dans GAEL que sur demande et envoi du RIB correspondant par le client ». Il était donc exigé de la part du client, une démarche particulière en cas de changement de RIB.

Ainsi la vérification du RIB de M. [V] aurait permis de constater une différence entre le RIB renseigné initialement dans le portail lors de la souscription du contrat et celui transmis pour la demande de rachat. Et dans la mesure où M. [V] n’avait formulé aucune demande de changement de RIB, la société Gras Savoye aurait dû l’interpeller sur cette différence. Cette opération était en mesure de détecter la fraude et d’en éviter la survenance.

La société Gras Savoye a donc commis une faute en lien avec le préjudice subi par M. [V] au titre du contrat Générali Vie et en est déclarée responsable.

II- Sur la responsabilité de la société Gras Savoye au titre des chèques

Il convient de relever que le seul fondement juridique invoqué par les consorts [V] est l’article L 511-11 du code des assurances précité et l’invocation du fait que la société Gras Savoye est responsable des détournements réalisés par M. [Y] qui serait son mandataire apparent.

Comme déjà indiqué, il est admis que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

L’appréciation de la croyance légitime du tiers dans les pouvoirs du mandataire s’effectue par l’analyse d’un faisceau d’indice résultant de la combinaison de circonstances tant objectives que subjectives de la légitimité de la croyance, les circonstances subjectives relevant de la personnalité du mandataire et les circonstances objectives résultant de l’acte lui-même.

 

Toutefois, pour retenir l’existence d’un mandat apparent, il convient d’apprécier si l’acte, de par sa nature, sa gravité ou son urgence est normal et justifiait l’absence de vérification des pouvoirs du mandataire apparent.

En l’espèce, les consorts [V] exposent que les 2 chèques remis par M. [V] ont été émis à l’ordre du « cabinet [Y] ».

Au cours de ces opérations, il n’est pas justifié de l’intervention de la société Gras Savoye puisque les chèques étaient établis non pas au nom des compagnies d’assurance mais au nom du cabinet [Y]. En outre comme indiqué dans le jugement M. [V] a effectué successivement 4 chèques dont 2 au nom du cabinet [Y] et 2 au nom des compagnies MMA et Générali Vie, cela établissant que M. [V] destinait les 2 chèques au nom du cabinet [Y] à des opérations distinctes de celles réalisées par l’intermédiaire de la société Gras Savoye.

Aussi dans la mesure où il n’existe la preuve d’aucun lien entre les chèques visés et les contrats d’assurance souscrits et apportés par M. [Y] à la société Gras Savoye, il ne peut être établi la croyance légitime de M. [V] dans le fait que M. [Y] agissait comme mandataire apparent de la société Gras Savoye au titre des chèques détournés.

Ainsi la responsabilité de la société Gras Savoye ne peut être engagée de ce chef et il convient de confirmer le jugement entrepris, sachant qu’aucun autre fondement juridique n’est soutenu au titre des chèques.

III- Sur les appels en garantie

Sur l’appel en garantie des sociétés MMA Vie et MMA Assurance Mutuelle

Compte tenu de l’infirmation de la décision de première instance au titre des contrats MMA MDM Intitiative, cette demande est désormais sans objet.

Sur l’appel en garantie de la SA Générali Vie

La SA Générali n’étant pas présente à cette procédure, elle est sensée s’approprier les motifs des premiers juges. Ensuite, même si l’intimé est défaillant, il n’est fait droit aux demandes que si elles sont justifiées en fait et en droit.

Sur la demande de la société Gras Savoye tendant à voir la société Générali Vie à la garantir du paiement par application de l’article L 511-1 du code des assurances à la société Générali Vie du fait de la faute de son mandataire la société Gras Savoye

Il est constant qu’un courtier en assurance est un intermédiaire en assurance et il est le mandataire de l’assuré pour l’exécution des contrats.

Dès lors qu’un intermédiaire d’assurance a agi, non en qualité de mandataire de l’assureur mais comme mandataire de l’assuré, la compagnie d’assurances ne saurait être tenue pour civilement responsable des fautes commises par l’intermédiaire. Aussi l’entreprise d’assurance n’est en principe, pas civilement responsable, sur le fondement de l’article L. 511-1 du Code des assurances, de la faute commise par un courtier d’assurance ayant fait souscrire l’un de ses contrats à ses clients.

Il ne peut en aller autrement que s’il était démontré par celui qui l’invoque en l’espèce la société Gras Savoye, l’existence d’un mandat conclut entre l’assureur et elle-même.

Or la société Gras Savoye ne présente au soutien de cette démonstration aucun moyen se contentant d’affirmer qu’elle était mandataire de l’assureur. Elle ne produit aucune pièce alors que la société de courtage ne s’était pas vu déléguer par l’assureur le règlement des avances ou rachats qui ne passaient pas par ses comptes. Elle ne s’était pas vu déléguer les arbitrages et ne disposait d’aucune faculté de gérer la vie des contrats.

Dans la mesure où il n’est pas fait la démonstration de l’existence d’un mandat entre l’assureur et le courtier, il ne peut être fait application des dispositions de l’article L 511-1 du code des assurances.

Sur l’action en garantie en raison des fautes de la SA Genérali

Il est soutenu par la société Gras Savoye l’absence d’audit annuel. Il n’est d’une part pas établi que la SA Générali n’avait pas réalisé d’audit interne, surtout il n’est pas démontré de quelle manière la réalisation d’un audit interne aurait été en mesure de découvrir les agissements de M. [Y] au regard de l’ampleur de la cavalerie qu’il avait opérée.

Il est ensuite invoqué le courrier de Mme [B] et l’absence d’information de la société Gras Savoye de la réception de ce courrier. Si effectivement Mme [B] a par courrier du 2 septembre 2008 demandé à ce que M. [Y] n’intervienne plus sur ses contrats, elle invoque dans le courrier uniquement un désaccord et n’expose nullement soupçonner des malversations. Elle indique certes avoir signé des demandes d’opération en blanc, mais s’il s’agissait d’une pratique inhabituelle, sans investigation plus précise cette pratique n’était pas un indicateur évident d’une fraude.

A cette date la SA Générali n’a donc commis aucune faute en n’informant pas la société Gras Savoye.

S’agissant de l’obligation de surveillance des rachats, il est soutenu que les rachats partiels litigieux ont été réalisés à moins de 30 jours de la souscription du contrat. Pour ce contrat, il n’est pas produit le document d’ouverture mais il ressort de la lecture des pièces et notamment du relevé de situation au 1er janvier 2011 que ce contrat était déjà ouvert au 15 mars 2010. Les demandes de rachat litigieuses ayant été réalisées entre mai et décembre 2010, elles ont été réalisées au-delà des 30 jours de l’ouverture. Il n’est pas établi de manquement à ce titre.

La société Gras Savoye soutient surtout que les vérifications relatives aux rachats litigieux et notamment au RIB incombaient à la société Générali Vie.

Il ressort cependant de la notice en pièce 22 déjà évoquée qu’il était fait une distinction entre les demandes de rachats inférieures à 80 000 euros et celles supérieures.

Pour les demandes inférieures à 80 000 euros comme celle de M. [V] (4 opérations distinctes de 50 000, 50 000, 20 000 et 60 660 euros), une fois l’opération enregistrée sur le portail et terminée, la lettre ou le formulaire de demande et le RIB étaient simplement classés dans le dossier par le client.

Une vérification complémentaire par l’assureur lui-même n’était imposée que pour les sommes supérieures à 80 000 euros et la société Gras Savoye a accepté ce mode opératoire.

Aussi la SA Générali qui n’était tenue à aucune vérification complémentaire de l’opération n’était pas en mesure de se rendre compte de la différence de RIB et de détecter la fraude.

N’ayant pas contribué à la réalisation du dommage elle n’est pas tenue à garantir la société Gras Savoye.

Sur la demande de la société Gras Savoye au titre de l’enrichissement sans cause

Selon les conditions d’ouverture de cette action applicable au présent litige, l’action est admise lorsque le patrimoine d’une personne s’est enrichi au détriment d’une autre et que l’appauvrissement corrélatif qui en est résulté ne trouve sa justification, ni dans une convention ou une libéralité, ni dans une disposition légale ou réglementaire.

En l’espèce, dans la mesure où la SA Générali Vie a réglé les sommes relatives aux demandes de rachat elle ne s’est pas enrichie au détriment d’une autre. En outre l’appauvrissement de la société Gras Savoye est légitime puisque résultant d’une condamnation en justice.

La demande de la société Gras Savoye doit en conséquence être rejetée.

IV- Sur la responsabilité de la banque HSBC Continental Europe

Selon le mode opératoire de M. [Y] qui résulte des écritures, pour les demandes de rachat frauduleux, M. [Y] produisait un RIB qui contenait le nom exact du souscripteur du compte mais qui contenait un numéro de RIB modifié correspondant au compte d’un tiers.

Il ressort en effet des pièces produites que pour le rachat partiel de 60 660 euros du 1er décembre 2010, il a été produit un RIB falsifié qui mentionne le nom de M. [K] [V] et son adresse mais que les mentions chiffrées du RIB correspondent au compte HSBC de M. [W] [A].

Selon les dispositions de l’article L 133-1 du code monétaire et financier, un ordre de paiement exécuté conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l’identifiant unique.

Si l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n’est pas responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution de l’opération de paiement.

Toutefois, le prestataire de services de paiement du payeur s’efforce de récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement. Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire communique au prestataire de services de paiement du payeur toutes les informations utiles pour récupérer les fonds. Si le prestataire de services de paiement du payeur ne parvient pas à récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement, il met à disposition du payeur, à sa demande, les informations qu’il détient pouvant documenter le recours en justice du payeur en vue de récupérer les fonds.

Si la convention de compte de dépôt ou le contrat-cadre de services de paiement le prévoit, le prestataire de services de paiement peut imputer des frais de recouvrement à l’utilisateur de services de paiement.

Si l’utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l’identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat-cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l’exécution correcte de l’ordre de paiement, le prestataire de services de paiement n’est responsable que de l’exécution de l’opération de paiement conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur de services de paiement.

Ainsi, même si l’identifiant unique à savoir le RIB est inexact, pour ne pas être celui du véritable destinataire du virement bancaire, la banque réceptrice ne peut en être tenue pour responsable.

Pour établir la faute de la banque du fait d’un manquement à un devoir de vigilance, il conviendrait de démontrer qu’elle était en mesure de se rendre compte de l’erreur relative au destinataire du virement et qu’elle n’a pas relevé cette erreur.

Or, aucune pièce du dossier n’établit qu’elle a été en possession du RIB frauduleux ou encore que dans l’opération interbancaire apparaissait le nom de M. [V] à la place de celui de M. [A]. De plus il est habituel que des virements bancaires ne comportent que numéros relatifs aux comptes de l’émetteur et du bénéficiaire sans comporter de mentions en lettre.

Il n’est donc pas rapporté la preuve d’un manquement de la banque HSBC Continental Europe et il convient de confirmer le jugement de ce chef.

***

Faute de condamnation, l’ensemble des demandes subsidiaires en garantie formées par les assureurs, seront déclarées sans objet.

V- Sur le préjudice financier des consorts [V]

Il ressort des pièces du dossier que les sommes réclamées par M. [V] au titre du contrat Générali Vie ont bien été décaissées par la SA Générali au bénéfice d’autres comptes que le sien dans le cadre de l’escroquerie par cavalerie réalisée par M. [Y]. Il est notamment produit les demandes de rachat et les RIB frauduleux correspondant pour les sommes de 50 000, 50 000, 20 000 et 60 660 euros soit pour une somme totale de 180 660 euros.

Ensuite il est évoqué par la société Gras Savoye la négligence de M. [V] du fait de la signature des demandes de rachat en blanc et du fait de l’absence de vérification de la réalisation des opérations, à l’occasion de la réception des lettres les informant des opérations de rachat transmises par la SA Générali, en aucun cas cette négligence, à la supposée établie, ne peut avoir pour conséquence de rendre inexistant le préjudice ou d’interdire aux consorts [V] de s’en prévaloir.

Seul un partage de responsabilité serait en mesure de limiter le droit à indemnisation, voire de l’anéantir, après un examen attentif des fautes respectives, mais ce n’est ni allégué ni soutenu.

Il n’est ensuite pas expliqué de quelle manière le fait de ne pas avoir été rechercher la responsabilité des assureurs serait en mesure d’exclure l’existence d’un préjudice ou d’interdire aux consorts [V] de l’en prévaloir.

En outre l’action en justice sur le plan pénal comme déjà indiqué n’a pas d’incidence sur la présente procédure puisque les réclamations sont faites à l’égard de M. [Y] et non à l’égard de la société Gras Savoye.

Le préjudice de M. [V] s’élève donc à la somme de 180 660 euros et la société Gras Savoye qui en a été déclarée responsable est condamnée au paiement de cette somme à ses ayants droits.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

VI- Sur la demande des consorts [V] au titre du préjudice moral

Les consorts [V] sollicitent l’allocation d’un préjudice moral qui tient au « stress » des procédures engagées et à l’absence de résolution amiable du litige.

Cependant, ce préjudice n’est pas démontré.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

VII- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Gras Savoye et la demande subsidiaire de retrait de la pièce 23

Dans la mesure où la pièce 23 de première instance a été retirée des débats en appel et qu’aucune contestation de la décision de première instance n’est formulée à l’encontre de la décision qui a écarté des débats cette pièce, la décision entreprise sera confirmée de ce chef.

Selon les dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 en ses alinéas 4 et 5, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages et intérêts.

Il est constant que pour examiner si l’immunité de l’article 41 s’applique, il importe de rechercher si les écrits diffamants, outrageants ou injurieux participent de la rhétorique du débat judiciaire et sont nécessaires à la défense des intérêts de la partie concernée.

Il n’est pas contesté que la pièce n°23 correspond à une lettre anonyme, produite en première instance et produite en cause d’appel par la société Gras Savoye à l’appui de sa demande de dommages et intérêts. Cette lettre sous-entend que M. [Y] et M. [E] directeur général de la société Gras Savoye se connaissaient pour avoir exercé une activité professionnelle ensemble des années antérieures à une époque où M. [Y] aurait déjà été impliqué sur le plan pénal. Elle sous-entend également que M. [E] « couvrait » les agissements de M. [Y].

Pour l’application de l’article 41 sus visé la question n’est pas de savoir si la pièce 23 constitue une preuve loyale, mais si elle constitue un écrit outrageant ou diffamatoire produit devant les tribunaux et si cette production bénéficie de l’immunité prévue par ce même texte, sachant que même si elle a été retirée des débats en cour d’appel la demande concerne sa production en première instance. Il y a lieu également d’examiner si les conclusions produites en première instance et en appel sont également outrageantes ou diffamatoires.

Il convient en premier lieu de relever que les conclusions des consorts [V] de première instance produites par la société Gras Savoye sont les suivantes :

« Un autre point a été omis par le cabinet Gras Savoye Berger [E]. En effet, ce dernier affirme ignorer tout des malversations commises par M. [Y]. Rappelons tout de même que M. [Y] n’en était pas à sa première passe d’armes et avait déjà été condamné lorsqu’il travaillait au sein des UAP. Or, lorsque M. [Y] travaillait au sein des UAP, il était le supérieur hiérarchique semble-t-il d’un certain M. [N] [E]. Une lettre anonyme avait été adressée au conseil des demandeurs pour leur rappeler cet état de fait’ ».

Il est en conséquence constaté que ces conclusions de première instance restent modérées quant aux conséquences à tirer de cette pièce 23 et surtout elles sont utilisées à l’appui d’une démonstration qui tend à considérer que nonobstant ses antécédents la société Gras Savoye a continué à accepter de travailler avec M. [Y]. Cette analyse qui tend à faire reconnaitre la responsabilité de la société Gras Savoye quant à ses relations avec M. [Y] est utile aux débats et les propos tenus dans les conclusions ne sont donc pas étrangers à la cause.

La pièce 23 en elle-même, constitue effectivement un écrit outrageant pour M. [E] puisqu’il y est décrit une possible complicité avec M. [Y] en utilisant les termes « compères » et « couvre son ami ». Si effectivement seul M. [E] est mentionné dans cet écrit, pour autant dans la mesure où il est ou était l’un des dirigeants de la société Gras Savoye cet outrage atteint également la société Gras Savoye.

Cependant puisque ce document sert une démonstration contenue dans des conclusions mesurées, discussion dont il vient d’être démontrée qu’elle n’est pas étrangère à la cause et qu’elle est utile au débat, la production de cette pièce, ainsi que les conclusions de première instance qui s’y réfèrent bénéficient de l’immunité de l’article 41.

S’agissant des conclusions d’appels, il est relevé qu’elles n’utilisent aucune référence à la lettre anonyme qui est retirée des débats et invoquent uniquement le fait qu’il ne peut sérieusement être soutenu que la société Gras Savoye correctement implantée en matière d’assurance n’avait pas connaissance des antécédents judiciaires de M. [Y]. Ces arguments de l’appelante outre le fait qu’ils n’apparaissent pas outrageants servent le débat judiciaire.

Dès lors, il n’y a lieu de condamner les consorts [V] à des dommages et intérêts sur ces fondements.

VIII- Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société Gras Savoye qui succombe principalement est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Le jugement est également confirmé en ce qui concerne l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Gras Savoye est condamnée aux même sommes en ce qui concerne la procédure d’appel, sauf à l’égard de la SA Genérali Vie absente de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

Constate que la SAS Willis Towers Watson France vient aux droits de la SAS Gras Savoye, venant aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E]

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

Donné acte à la SAS Gras Savoye qu’elle vient désormais aux droits de la SAS Gras Savoye Berger [E] à la suite d’une opération de fusion absorption ;

Donné acte à Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant aux droits d'[K] [V], de leurs interventions volontaires ;

Ecarté des débats la pièce N°23 produite par Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V];

Débouté la SAS Gras Savoye de sa demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Débouté Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant aux droits de M. [K] [V] de leur demande formée à l’encontre de la société Gras Savoye au titre du chèque N° 1692975 d’un montant de 45 000 euros et du chèque N° 1692977 de 45 000 euros représentant un montant total de 90 000 euros ;

Déclaré les demandes formées par Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant aux droits de M. [K] [V] à l’encontre de SAS Gras Savoye recevables ;

Débouté Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant aux droits de M. [K] [V] de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Débouté la SAS Gras Savoye de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la SA Générali Vie dans son appel en garantie tendant à la relever et à la garantir indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre dans la présente instance ;

Déclaré sans objet l’appel en garantie formé par les sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles à l’encontre de la SAS Gras Savoye ;

Déclaré sans objet les demandes formées par la SAS Generali Vie à l’encontre de la société Gras Savoye à titre subsidiaire et tendant à voir déclarer irrecevable son action relative aux quatre demandes de rachat partiel ou à titre infiniment subsidiaire à sa garantie en principal, intérêts et frais ;

Débouté la SAS Gras Savoye de sa demande de garantie formée à l’encontre de la SA HSBC France ;

Condamné la SAS Gras Savoye prise en la personne de son représentant légal aux dépens ;

Condamné la SAS Gras Savoye à régler à Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V] venant aux droits d'[K] [V], la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamné la SAS Gras Savoye à régler aux sociétés MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles prise chacune en la personne de son représentant légal la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye, à régler à la SA Generali Vie la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Gras Savoye à régler à la SA HSBC France la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la SAS Gras de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à faire application de la théorie du mandat apparent ;

Condamne la SAS Willis Towers Watson France à payer à Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V] la somme de 180 660 euros au titre du préjudice économique et financier ;

Déboute Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V] du surplus de leurs demandes au titre du préjudice économique et financier ;

Déclare sans objet les demandes en garantie formées à l’encontre des sociétés d’assurance MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles ;

Et y ajoutant,

Condamne la SAS Willis Towers Watson France à payer à Mme [D] [P]-[V] épouse [Z] et à Mme [X] [G] veuve [V], la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS Willis Towers Watson France à payer aux SA MMA Vie et MMA Vie Assurances Mutuelles la somme de 1 000 euros à chacune d’elles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Willis Towers Watson France à payer à la SA HSBC Continental Europe la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Willis Towers Watson France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

La Greffière La Présidente de chambre

 


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