Diffamation : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01124

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Diffamation : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01124

ARRET N°8

N° RG 21/01124 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GHUB

[X] S.3.J SURVEILLANCE

C/

S.A.R.L. SECURITAS FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 17 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01124 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GHUB

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 mars 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de POITIERS.

APPELANT :

Monsieur [J] [X] S.3.J SURVEILLANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]

ayant pour avocat postulant Me Isabelle MATRAT-SALLES, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Pierre SALLES, avocat au barreau de POITIERS

INTIMEE :

S.A.R.L. SECURITAS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Nicolas DESHOULIERES, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

– Contradictoire

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

La société Itron, qui avait fait appel à la société Securitas France pour assurer la surveillance et la sécurité de son site de [Localité 5], l’a informée le 29 novembre 2018 qu’elle avait perdu ce marché, confié désormais à compter du 20 décembre 2018 à l’entreprise S3J Surveillance, exploitée à titre individuel par [J] [X].

La société Securitas France a alors écrit le 5 décembre 2018 à M. [X] pour lui rappeler qu’en vertu de l’accord collectif du 5 mars 2002, il avait l’obligation de reprendre le personnel transférable justifiant d’une ancienneté contractuelle de quatre ans ou plus ; et par courrier du 7 décembre 2018, elle lui a transmis les éléments relatifs aux trois salariés selon elle ainsi transférables, MM. [S] [M], [U] [H] et [D] [I].

M. [X] lui a répondu le 18 décembre 2018 que les documents reçus étaient incomplets car ils ne contenaient pas le justificatif que ces salariés aient suivi la formation à la sécurité incendie et à l’assistance à personnes (SSIAP) et qu’il ne reprendrait pas ces salariés.

La société Securitas France lui a répondu que M. [M] était transférable à 85% en raison de son ancienneté de moins de quatre ans et les deux autres à 100% et que tous trois devaient se voir remettre une proposition de transfert, en précisant que leur fonction d’agent de sécurité ne nécessitait pas de formation SSIAP, sur quoi l’entreprise entrante a maintenu sa position de refus.

La société Securitas France a fait assigner [J] [X] devant le tribunal de commerce de Poitiers par acte du 25 septembre 2019 pour l’entendre condamner sous exécution provisoire à lui verser /

.40.134,90 euros en réparation de son préjudice financier tenant à ce qu’elle avait dû rémunérer sans site où les affecter MM. [M], [H] et [I] depuis le 21 décembre 2018 jusqu’à mars 2019 pour l’un et septembre 2019 pour les deux autres alors qu’ils auraient dû être soustrait de ses effectifs et ajoutés à la liste du personnel de l’entreprise entrante

.5.000 euros en réparation de son préjudice moral

.et 5.000 euros d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [X] s’est opposé à ces demandes en niant avoir commis une faute et en soutenant que c’est la société Securitas France qui avait commis plusieurs fautes de nature à l’exonérer, en ne lui ayant pas adressé les dossiers des salariés dans le délai requis et en dissimulant délibérément le périmètre sortant qui comprenait des prestations SSIAP, sollicitant à titre principal le rejet des demandes adverses et le prononcé d’une amende civile. Il a subsidiairement soutenu que la demanderesse ne rapportait pas la preuve d’un préjudice certain, précis et compréhensible, en lien de causalité avec la faute alléguée, et conclu pour ce motif au rejet des demandes adverses. Il a sollicité en toute hypothèse une indemnité de procédure.

Par jugement du 8 mars 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Poitiers a :

* condamné [J] [X] – SJ3 Surveillance à payer à la SARL Securitas France la somme de 40.134,90 euros en réparation de son préjudice financier

* débouté Securitas de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral

* débouté M. [X] de l’intégralité de ses demandes

*condamné M. [X] aux dépens et à une indemnité de procédure de2.500 euros.

Pour statuer ainsi, la juridiction consulaire a retenu, en substance,

.que M. [X] n’avait pas respecté les accords de branche propres à la convention collective nationale du 2 mars 2002 qui régit les relations entre les sociétés de surveillance avec leurs personnels et entre elles, en n’informant pas dans le délai requis la société Securitas qu’il avait gagné le marché de surveillance de la société Itron et en refusant d’intégrer à son personnel trois collaborateurs de Securitas présents sur le site

.qu’il avait en cela engagé sa responsabilité envers la société Securitas France

.qu’il devait l’indemniser du préjudice financier qu’elle avait subi en continuant à devoir rémunérer ces trois personnes sans site où les affecter

.qu’il n’était pas démontré de préjudice moral.

M. [X] a relevé appel le 6 avril 2021.

Il a saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire la Première présidente de la cour d’appel de Poitiers, qui l’en a débouté par ordonnance du 1er juillet 2021.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 1er juillet 2021 par [J] [X]

* le 24 septembre 2021 par la SARL Securitas France.

[J] [X] demande à la cour de réformer le jugement, et

¿ à titre principal : de juger qu’il n’a commis aucune faute dans le cadre de sa reprise du contrat du site Itron et qu’en conséquence la société Securitas France ne peut faire valoir aucun préjudice, et de la condamner à une amende civile

¿ subsidiairement, si la cour retenait une faute de sa part , de juger que Securitas France ne justifie d’aucun préjudice

¿ en tout état de cause, condamner la société Securitas France aux dépens de première instance et d’appel et à lui verser 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il affirme que la société sortante n’a pas respecté le délai de communication de dix jours ouvrables prévu par l’article 2-3-1 de l’accord du 28 janvier 2011 qui expirait le 10 décembre 2018, son courrier du 5 décembre 2018 ne contenant aucun des éléments requis, et celui daté du 7 décembre ayant été posté le 11 ainsi que l’atteste le cachet, et distribué le 12 décembre.

Il récuse le grief que le tribunal a retenu à son encontre d’avoir lui-même manqué à son obligation d’informer Securitas qu’il avait remporté le marché Itron, indiquant que l’intéressée reconnaît elle-même qu’il l’en avait informée par courriel dès le 29 novembre.

Il soutient que Securitas France a délibérément dissimulé la nature du périmètre sortant du marché Itron, qui comprenait des prestations SSIAP. Il rappelle que l’article 2-3-1 alinéa 4 de l’accord du 28 janvier 2011 oblige l’entreprise sortante à transmettre une liste de documents parmi lesquels figure la copie des diplômes et certificats nécessaires à l’exercice de l’emploi dans le périmètre sortant, et que l’article 2-2 stipule que sont transférables les salariés qui remplissent un certain nombre de conditions, parmi lesquelles justifier des formations réglementairement requises dans le périmètre sortant et être à jour des éventuels recyclages nécessaires pour l’exercice de la qualification attribuée et/ou la nature du site, tel le SSIAP, et qu’il énonce que les salariés ne satisfaisant pas à l’intégralité de ces conditions sont exclus de la liste des salariés transférables et restent salariés de l’entreprise sortante, et que ceux ne satisfaisant pas à la condition spécifique de formation doivent être reclassés au sein de l’entreprise sortante qui doit leur dispenser la formation dont l’absence a fait obstacle à leur transférabilité.

Il fait valoir que l’avenant commercial du contrat signé pour trois ans le 29.02.2016 avec Itron était sans ambiguïté sur le fait que des salariés titulaires de formations SSIAP devaient figurer dans les salariés transférés, le tableau des postes à occuper par ces salariés indiquant clairement que 27,8 jours étaient occupés par un poste SSIAP 1 et 29,2 jours par un poste SSIAP2. Il indique avoir donc légitimement mis en demeure Securitas par courrier du 18 décembre 2018 de lui adresser les justificatifs des habilitations SSIAP 1 et SSIAP 2 et l’éventuel recyclage de MM. [M], [H] et [I], et avoir reçu le 20 décembre une réponse incohérente faisant une interprétation tronquée de la règle applicable, posée par le comité paritaire de conciliation de la branche professionnelle. Il affirme que sur les trois salariés affectés sur le site, deux étaient dépourvus de formation SSIAP et le troisième, M. [I], avait une formation obsolète faute de renouvellement du recyclage nécessaire. Il récuse l’objection de l’intimée qu’il se serait agi de prestations exceptionnelles, en indiquant qu’il ressort des tableaux de postes diffusés par Itron que les fonctions nécessitant la formation SSIAP correspondaient sur une année à 712,20 heures cumulées. Il fustige la mauvaise foi de l’intimée, qui a produit devant le tribunal de commerce des avenants antérieurs à celui qui s’appliquait en 2018, et qui aujourd’hui que lui-même le produit, dénature sa teneur en soutenant qu’il ne faisait que modifier la durée et les conditions tarifaires alors qu’il prévoit expressément des prestations de sécurité incendie qui n’existaient pas auparavant. Il fait valoir que le contrat que lui-même a conclu avec Itron en 2018 prévoit bien une prestation de surveillance et de sécurité incendie et à la personne. Il ajoute que le devis signé par les parties prévoit une facturation mensuelle ‘de la prestation de sécurité incendie (SSIAP) pour l’usine Itron..’. Il considère que Securitas se prévaut de sa propre turpitude, et qu’elle mérite une amende civile.

Très subsidiairement, M. [X] conteste l’existence d’un préjudice indemnisable en faisant valoir d’une part, que les justificatifs produits sont incohérents par rapport à la situation respective des trois salariés et ne détaillent pas les salaires et charges, et d’autre part que la société Securitas ne justifie d’aucun préjudice puisqu’il ressort de ses propres pièces qu’elle a aussitôt occupé les trois salariés sur d’autres postes, ce qui montre qu’elle avait besoin d’eux.

La SARL Securitas France demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [X] à lui payer 40.134,90 euros au titre de son préjudice financier et 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de l’infirmer pour le surplus et de condamner l’appelant à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi que 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel, et de le débouter de sa demande reconventionnelle.

Elle affirme avoir respecté les conditions régissant la reprise des salariés en cas de transfert, en indiquant que le délai pour adresser les éléments à l’entreprise entrante court à compter du jour où celle-ci s’est fait connaître auprès de l’entreprise sortante, et en faisant valoir que M. [X] ne l’a jamais informée qu’il lui succédait, l’information donnée le 29 novembre dont il est tiré argument l’ayant été par le client et non par M. [X], l’intimée ajoutant qu’au demeurant, le délai se compte en jours ouvrables, et qu’elle a transmis les documents dans les temps en les adressant le 11 décembre 2018;

Elle estime que c’est l’entreprise entrante qui n’a pas respecté ses obligations, en n’adressant pas d’avenant au contrat de travail à chacun des trois salariés ayant exprimé leur volonté d’être repris.

S’agissant des conditions de fond, la société Securitas France s’insurge contre l’affirmation de l’appelante, qu’elle estime scandaleuse et diffamatoire, selon laquelle elle aurait affecté sur le site Itron des personnels dépourvus du diplôme requis SSIAP, en soutenant que son contrat, y compris tel que renouvelé par l’avenant du 29 février 2016, ne portait pas sur des prestations nécessitant le SSIAP 1 ou 2, qu’elle n’en a jamais accompli, qu’elle n’a pas à produire les contrats antérieurs puisque l’article 2-2 alinéa 5 de l’accord de 2002 stipule que le périmètre sortant s’apprécie sur les 9 mois qui précèdent le transfert, et que la mention de l’avenant dont l’appelant essaie de tirer argument ne vise pas un nombre de jours mais les tarifs horaires si le client demandait une prestation SSIAP 1 ou SSIAP 2, ce qu’Itron n’a jamais fait.

Elle indique que l’argument de M. [X] est dépourvu de toute pertinence, puisque le site Itron ne figure dans aucune liste des sites à risque ou présentant une dangerosité particulière.

Elle maintient que l’entreprise entrante était donc tenue de reprendre les trois salariés qui le souhaitaient.

Elle indique que sa demande d’indemnisation au titre du préjudice financier recouvre le salaire et les charges sociales qu’elle a versés à ces trois salariés.

Elle reprend sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive en soutenant que M. [X] a volontairement bafoué ses obligations.

La clôture est en date du 12 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte de l’article 1 de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel dans les entreprises de prévention et de sécurité qu’en vue de conserver les effectifs qualifiés et de préserver l’emploi des salariés des entreprises de prévention et de sécurité à l’occasion d’un changement de prestataire, le nouveau titulaire du marché, qualifié d”entreprise entrante’, doit reprendre les salariés de l’ancien titulaire du marché, qualifié d”entreprise sortante’.

Le marché de surveillance du site de l’entreprise Itron à [Localité 5], dont la société Securitas France était titulaire depuis des années, et en dernier lieu en vertu d’un avenant du 29 février 2016 conclu pour trois années, a été transféré à compter du 20 décembre 2018 à l’entreprise S3J Surveillance, exploitée à titre individuel par [J] [X].

Sur les quatre salariés qui travaillaient sur le site d’Itron, trois, MM. [S] [M], [U] [H] et [D] [I], ont indiqué à la société Securitas France lorsqu’elle les a interrogés qu’ils désiraient être repris par l’entreprise entrante.

Il ressort des productions (pièces n°4, 5,7 de l’appelant) que le directeur de l’agence Securitas a adressé le mercredi 5 décembre 2018 à 16h54 à M. [X] un courriel lui indiquant que ces trois salariés employés sur le site souhaitaient rejoindre son entreprise, ce message indiquant qu’ils devraient donc être ‘repris avec leurs coefficients et salaires actuels tels que donnés dans le tableau joint ainsi qu’avec leur ancienneté dans la profession tel que prévu par la CCN (inclus dans le tableau)’ et annonçant qu’elle allait lui ‘faire suivre les dossiers complets des trois agents concernés vendredi 7/12’ ; que ce courriel était assorti de deux pièces constituées du ‘fichier du personnel Itron’ et d’un courrier d’information dans lesquelles figuraient pour chacun de ces trois salariés les renseignements complets d’identité, adresse, téléphone, adresse mail, nationalité, numéro de carte professionnelle ou récépissé, type de contrat, date d’ancienneté contractuelle, site, ancienneté sur le site, statut, emploi, base horaire, coefficient, niveau, échelon, salaire brut annuel de base, primes brutes sur les 9 derniers mois ; que par courrier daté du 7 décembre posté le 11 et reçu le 12, la SARL Securitas France a adressé à M. [X] pour chacun des trois salariés concernés leurs 9 derniers bulletins de paie, la copie de leur fiche médicale d’aptitude, du contrat de travail, de leur carte professionnelle et de leur justificatif de formation.

M. [X] disposait ainsi le 12 décembre des documents que l’article 2-3-1 dede l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 faisait obligation à l’entreprise sortante de transmettre à l’entreprise entrante pour conditionner le transfert effectif des salariés désirant être repris.

M. [X] a néanmoins refusé de les reprendre.

Il a d’abord justifié son refus dans une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 18 décembre 2018 par l’objection que les éléments reçus le 12 décembre révélaient que deux des trois salariés ne justifiaient pas d’une formation SSIAP selon lui requise et le troisième d’une remise à niveau de sa formation SSIAP 1 datant de plus de trente-six mois, et qu’en outre, les plannings reçus ne lui permettaient pas de calculer leur temps de travail réel sur le site Itron, et révélaient un manque chronique de respect des temps de pause.

Devant le tribunal et désormais devant la cour, il justifie son refus d’une part, par le fait que la société sortante n’aurait pas respecté les conditions de délai mises par l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 pour lui transmettre les éléments requis pour le transfert, et d’autre part par l’absence de formation SSIAP des trois salariés de Securitas qui intervenaient sur le site.

S’agissant du délai dans lequel il a reçu les éléments de l’entreprise sortante, M. [X] n’est pas fondé en sa contestation.

Comme le fait valoir l’intimée, il résulte en effet de l’article 2-3-1 de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 dont l’appelant se prévaut que le délai de dix jours ouvrables dans lequel l’entreprise sortante est tenue de transmettre à l’entreprise entrante la liste des éléments d’informations afférentes à chacun des salariés transférables, et dont la méconnaissance permet à l’entreprise entrante de refuser le transfert, court ‘à compter de la date où l’entreprise entrante s’est fait connaître’, ce qu’elle a en vertu de l’article 2-1 l’obligation de faire au plus tard dans les cinq jours ouvrables où elle est informée de la reprise du marché, en procédant par voie de notification à l’entreprise sortante selon lettre recommandée avec demande d’avis de réception à laquelle doit être joint l’écrit par lequel elle a été informée de la reprise du marché.

Or M. [X] n’établit pas avoir procédé à cette notification qui lui incombait en sa qualité d’entrepreneur entrant, et qui faisait seule courir le délai de transmission des éléments par l’entreprise sortante.

Ce qu’il présente comme cette notification n’en tient pas lieu, puisqu’il ne s’agit nullement de la notification par ses soins au moyen d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception avec copie de l’écrit annonçant la reprise du marché prévue au susdit article 2-1 de l’avenant, mais d’un courriel émanant du client, la société Itron.

L’appelant n’est ainsi pas fondé à arguer d’une méconnaissance par l’entreprise sortante du délai de transmission des éléments qui courait pour elle à compter de la réception de cette notification.

C’est donc à titre superfétatoire qu’il sera ajouté qu’en tout état de cause, la société Securitas justifie lui avoir adressé l’ensemble des éléments d’information sur les salariés transférables requis par l’avenant par envoi du 11 décembre, soit dans les dix jours ouvrables de ce courriel du 29 novembre 2018.

S’agissant du moyen tiré du défaut de formation, ou de formation valable, SSIAP, des trois salariés, il suppose que cette formation ait été requise dans le périmètre sortant, au sens de l’article 2-2 de l’avenant, or la preuve de cette affirmation, contestée, n’est pas rapportée par M. [X], à qui elle incombe.

Le comité de conciliation mis en place pour l’application de l’accord du 5 mars 2002 avait indiqué dans un document ‘questions/réponses’ diffusé en juin 2013 (pièce n°10 de l’intimée) que les formations réglementairement requises ou les recyclages dont il faut justifier pour que le salarié soit transférable étaient ceux ‘qui sont inhérents à la qualification du salarié définie par le CCN (SSIAP pour un agent des services de sécurité incendie) et ceux rendus nécessaires par la nature du site (IGH/ERP, Mase, Seveso, Nucléaire, Portuaire, Prévention et intervention sur risque incendie en milieu industriel)’.

Or rien n’établit, et l’appelant ne démontre pas, qu’aucun des trois postes occupés par les trois salariés transférables requérait une qualification SSIAP ; le contrat conclu en 2016 entre Itron et Securitas ne le stipule pas ; les documents produits désignent ces trois salariés comme qualifiés ‘ADS coef 130″ soit agent de sécurité confirmés ; les tableaux de postes diffusés par Itron présentés par M. [X] comme révélant 712,20 heures cumulées sur l’année de prestations nécessitant la formation SSIAP font l’objet en cela d’une dénaturation puisqu’ils ne visent pas un nombre d’heures mais un tarif en euros stipulé pour les ‘demandes exceptionnelles’ dont passerait commande le client et qui requerraient, elles, le SSIAP, sans que rien n’établisse qu’Itron en ait jamais commandé comme l’objecte l’intimée, qui faisait pertinemment observer dans sa lettre du 29 décembre 2018 (sa pièce n°6) à M. [X] qu’il était aisé, pour lui qui est désormais le partenaire contractuel d’Itron, de questionner celle-ci et de produire sa réponse, ou une attestation, afin d’établir qu’elle aurait commandé à Securitas une prestation SSIAP ou pompiers dans les neuf derniers mois, le périmètre sortant s’appréciant en effet aux termes de l’article 2-2, alinéa 5 de l’avenant sur les 9 mois qui précèdent le transfert, ce qui rend sans objet la production des contrats antérieurs à celui de 2016 dont l’appelant déplore l’absence.

Il est inopérant pour M. [X] de faire valoir que le contrat qu’il a signé avec la société Itron mentionne quant à lui que ‘la prestation sera assurée par un agent de sécurité incendie diplômé SSIAP 1’, dès lors que l’obligation de reprise de l’entreprise entrante s’apprécie non pas au vu du marché qu’elle conclut avec le client mais en considération du périmètre sortant, dont ainsi qu’il vient d’être dit rien n’établit qu’il comprenait quant à lui des prestations nécessitant une formation SSIAP.

S’agissant du critère tiré de la nature du site, il est vain pour l’appelant de gloser sur le caractère incomplet du courrier de Securitas qui ne reprenait pas les exemples cités entre parenthèse par le comité de conciliation, dans la mesure où il n’établit pas que le site Itron entrerait dans la définition des sites requérant par nature une prestation de sécurité assurée par un agent titulaire de la formation SSIAP, aucun élément voire seulement même indice n’étant produit en ce sens, et le fait qu’il s’agirait d’un site industriel ne suffisant pas, en soi, à l’établir.

S’agissant de l’objection formulée par M. [X] dans son courrier du 18 décembre 2018, non reprise dans ses écritures judiciaires, relative au temps de travail sur site des trois salariés, celui-ci ressortait des documents transmis par Securitas.

Enfin, M. [X] avait su au plus tard le 12 décembre par le courrier de transmission de la société Securitas -qui le lui a redit explicitement dans sa lettre du 20 décembre (pièce n°4)-que M. [M] faisait l’objet d’une reprise à 85% puisqu’il n’avait pas quatre ans d’ancienneté, et que MM. [H] et [D] [I] devaient faire quant à eux l’objet d’une reprise à 100%.

Ainsi, M. [X] n’avait nul motif de refuser le transfert des trois salariés, et a manqué à ses obligations en le refusant, nonobstant une mise en demeure formelle d’y procéder.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il en a décidé ainsi.

La société Securitas est fondée à demander à M. [X] réparation du préjudice que ce refus lui a causé, et qui tient aux conséquences du maintien dans ses effectifs de ces salariés qui auraient dû être transférés à l’entreprise entrante, et qu’elle a été contrainte de conserver alors qu’elle n’était plus titulaire du marché sur lequel ils étaient affectés.

Ce préjudice est réel, et justifié, contrairement à ce que prétend subsidiairement l’appelant, la SARL Securitas France expliquant et prouvant pour chacun, en un décompte détaillé et ventilé assorti des pièces justificatives, le nombre d’heures de travail ‘perdues’ qu’elle a dû payer à chacun, et les indemnités de déplacement et charges y afférentes qu’elle a supportées, ainsi que les ‘doublure sur site’, de décembre 2018 à septembre 2019 pendant la période où elle n’avait pas de poste où les affecter

-M. [H] ayant pu être affecté sur un poste à compter du 16 mars 2019 ce qui explique que rien n’est demandé après cette date, et les heures perdues payées s’étant élevées auparavant à 435h87 outre 5 heures de doublure sur site, pour un coût total de 9.633,07 euros (cf pièce n°15)

-M. [I] n’ayant quant à lui pu être affecté à un poste qu’à la mi-septembre 2019, et les heures perdues payées s’étant élevées à (435,87 + 21,76 + 55,74) = 513,37 outre 60 heures de doublure sur site, pour un total en salaires et charges de 12.839,78 euros (pièce n°16)

-M. [M] n’ayant pu lui aussi être affecté à un poste qu’à la mi-septembre 2019, et les heures perdues payées s’étant élevées à (435,87 + 112,58 + 138,74) = 687,19 outre 24 heures de doublure sur site, pour un total en salaires et charges de 17.662,05 euros (pièce n°14).

Le jugement sera ainsi également confirmé en ce qu’il a alloué à la société Securitas France une somme de (9.633,07 + 12.839,78 + 17.662,05) = 40.134,90 euros.

Les premiers juges ont rejeté à bon droit la demande de dommages et intérêts complémentaires pour préjudice moral formulée par la société Securitas France, en indiquant qu’un tel préjudice n’était pas établi.

Devant la cour, Securitas France reprend par voie d’appel incident sa demande en paiement de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en la fondant désormais sur la résistance abusive, mais elle ne justifie pas davantage subir un préjudice autre que celui que répare l’allocation de la somme qu’elle reçoit et de l’indemnité pour frais irrépétibles à laquelle l’article 700 du code de procédure civile lui ouvre droit en première instance comme en appel.

S’agissant de l’amende civile réclamée par M. [X], son prononcé n’est pas l’affaire des plaideurs, et ce chef de prétention a été rejeté à bon droit, d’autant qu’il émane de la partie succombante.

Les chefs de décision du tribunal afférents aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront également confirmés.

M. [X] succombe en son recours et supportera donc les dépens d’appel.

Il versera à l’intimée une indemnité de procédure en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONFIRME le jugement déféré

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

CONDAMNE M. [J] [X] aux dépens d’appel

CONDAMNE M. [J] [X] à payer à la SARL Securitas France la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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