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RUL/CH
[L] [R]
C/
S.A.R.L. RESTOTEL
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 02 MARS 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00330 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FWGF
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, décision attaquée en date du 16 Avril 2021, enregistrée sous le n° F 20/00155
APPELANTE :
[L] [R]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL – VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Claire DE VOGÜE, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A.R.L. RESTOTEL
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Jean-Charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE substitué par Me Jérôme DUQUENNOY, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [L] [R] a été embauchée le 19 juin 2017 par la société RESTOTEL exerçant sous l’enseigne ESCATEL, par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité d’employée polyvalente.
Le 31 mai 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par requête du 27 octobre 2020, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Mâcon afin de faire requalifier sa prise d’acte de rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir l’annulation d’avertissements.
Par jugement du 16 avril 2021, le conseil de prud’hommes a jugé que la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission et débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes.
Par déclaration formée le 10 mai 2021, Mme [R] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 28 décembre 2021, l’appelante demande de :
– infirmer le jugement déféré,
– juger que la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société RESTOTEL à lui verser les sommes suivantes :
* 1 592 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 159,20 euros au titre des congés payés afférents,
* 760,18 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 000 euros au titre du préjudice subi du fait du mail envoyé de la société
RESTOTEL à l’ensemble des hôtels de la région pour la dénigrer,
– débouter la société RESTOTEL de l’intégralité de ses demandes fins et prétentions,
– annuler l’avertissement du 22 décembre 2017,
– annuler l’avertissement du 24 avril 2018,
– annuler l’avertissement du 30 octobre 2018,
– annuler l’avertissement du 18 janvier 2019,
– condamner la société RESTOTEL à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts suite à l’annulation des avertissements,
– condamner la société RESTOTEL à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société RESTOTEL à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées comprenant un bulletin de salaire,
– condamner la société ESTOTEL aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières écritures du 27 octobre 2021, la société RESTOTEL demande de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la prise d’acte aux torts de l’employeur en une démission et débouté Mme [R] de l’intégralité de ses demandes,
– l’infirmer pour le surplus,
– condamner Mme [R] à lui payer les sommes suivantes :
* 796 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis non effectué,
* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner en tous les dépens.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur l’annulation des avertissements :
Une sanction disciplinaire se définit comme toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif.
– Sur l’avertissement du 22 décembre 2017 :
Le 22 décembre 2017, l’employeur a notifié à la salariée un avertissement consécutif à une altercation survenue entre cette dernière et Mme [G] le 19 décembre précédent (pièce n° 3).
Mme [R] conteste cette sanction au motif que l’altercation qui lui est reprochée n’a jamais existé et soutient qu’elle n’a eu connaissance de cet avertissement que le 24 avril 2018.
Au visa de l’article L 1471-1 du code du travail qui prévoit que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, l’employeur oppose que l’action de Mme [R], introduite le 6 février 2020, est prescrite dans la mesure où la raison pour laquelle la salariée n’a eu connaissance de cet avertissement que le 24 avril 2018 est qu’elle n’est pas allée chercher la lettre recommandée de notification.
A cet égard, s’il est constant qu’en toute matière la notification est valablement faite à la date de première présentation du courrier lorsque le destinataire ne prend pas la peine d’aller récupérer son courrier, la cour relève que l’employeur ne justifie aucunement du fait que la salariée ne serait pas allée chercher la lettre recommandée, ni même de son envoi effectif. Il s’en déduit que l’action introduite le 6 février 2020, soit dans le délai de deux ans à compter de la prise de connaissance de l’avertissement le 24 avril 2018, n’est pas prescrite.
Au titre des éléments dont la preuve lui incombe, l’employeur produit une lettre de Mme [G] du 14 octobre 2018 évoquant, selon lui, une “agression de plus en référence à l’altercation et aux propos irrespectueux tenus à son encontre le mardi 19 décembre 2017 par Mme [R]”. (pièce n° 8)
Néanmoins, outre le fait que cette lettre n’est pas contemporaine du fait reproché à la salariée et qu’il ne revêt pas les formes légales permettant d’authentifier son auteur comme son contenu, cette lettre n’évoque aucunement le fait du 19 décembre 2017 contrairement à ce qui est soutenu, et la mention que “[…] pour moi c’est une agression (de plus)” relève d’une lecture orientée des termes de cette lettre.
Dans ces conditions, peu important que la salariée n’ait pas contesté par écrit cet avertissement lors de sa notification puisqu’il n’est de toute façon pas établi qu’elle en a eu connaissance, en l’absence d’élément de nature à établir la réalité du grief reproché, il y a lieu de considérer que l’avertissement du 22 décembre 2017 n’est pas fondé et sera annulé, le jugement étant infirmé sur ce point.
– Sur l’avertissement du 24 avril 2018 :
Le 24 avril 2018, l’employeur a notifié à la salariée un avertissement pour avoir :
– quitté son poste de travail le mardi 18 avril 2018 à 11 heures sans justification,
– été absente le 15 avril 2018 sans motif légitime,
– s’être présentée le 7 mars 2018 à son poste à 12 heures au lieu de 11h45,
– être arrivée en retard de cinq minutes à son poste le 15 février 2018,
– commis une erreur sur la date de réservation d’un billet d’avion contraignant l’employeur à lui accorder une semaine de congés sans solde du 8 au 14 janvier 2018. (pièce n° 3)
Mme [R] oppose que :
– les faits concernant la date de réservation de son billet d’avion et son retard de 5 minutes le 15 février 2018 sont prescrits,
– concernant son retard du 7 mars 2018, l’employeur ne le démontre pas,
– concernant son absence injustifiée du 15 avril 2018, elle a été malade et a prévenu son employeur mais que n’ayant pu se rendre chez le médecin un dimanche, elle a repris le travail dès le lendemain,
– concernant son départ anticipé le 18 avril 2018, elle a pris une pause à 11 heures et a repris son service à 11 heures 45 comme le prévoit son planning.
En application de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, lorsque le comportement du salarié s’est poursuivi.
En l’espèce, les faits reprochés à la salariée s’étant successivement produits du mois de janvier au mois d’avril 2018, il s’en déduit que les faits de janvier et février 2018, lesquels sont de même nature que les faits de mars et avril 2018, ne sont pas prescrits.
Au titre des éléments dont la preuve lui incombe, l’employeur produit les bulletins de salaire de la salariée pour la période considérée mentionnant que les absences qui lui sont reprochées ont été décomptées sur le bulletin de salaire d’avril 2018 pour les journées des 15 et 18 avril, et ajoute que la salariée n’a aucunement contesté ces retenues ni formulé de demande de rappel de salaire à ce titre. (pièce n° 1)
Néanmoins, la cour relève que l’employeur ne justifie en réalité d’aucun élément de nature à établir l’erreur de billet d’avion évoquée, les deux retards de 5 et 15 minutes pour les journées des 5 février et 7 mars 2018 ou le départ anticipé du 18 avril 2018, le seul fait que des retenues de salaire aient été effectuées étant insuffisant et l’argument de l’absence de protestation de la salariée inopérant.
Par ailleurs, dès lors que l’employeur a accepté d’octroyer une semaine de congé sans solde pour la période du 8 au 14 janvier 2018, ce fait est de nature à ôter tout caractère injustifié à l’absence de la salariée à cette période.
Il s’en déduit que l’ensemble de ces griefs ne sont pas fondés.
En revanche, il ressort des écritures des parties que Mme [R] admet avoir été absente le 15 avril 2018 sans justifier d’un arrêt de travail.
Il s’en déduit que ce comportement caractérise une faute de sa part qui justifie à lui seul l’avertissement qui lui a été notifié. La demande d’annulation sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
– Sur l’avertissement du 30 octobre 2018 :
Le 30 octobre 2018, l’employeur a notifié à la salarié un avertissement consécutivement à une lettre de Mme [G] reçue le 14 octobre 2018 l’informant d’une agression verbale subie la veille, Mme [R] lui ayant dit en la pointant du doigt “ne me touche pas je vais tout casser et te casser la gueule vieille folle” et en levant un bras avec des verres à la main. (pièce n° 8)
Il y est également fait mention :
– de retards le 13 octobre 2018 et le 11 juin 2018,
– du fait que la transmission tardive des prolongations d’arrêt de travail génèrent des difficultés d’organisation.
Néanmoins, étant observé que Mme [R] procède par voie d’interprétation s’agissant du fait que ce sont ses arrêts maladie qui lui sont reprochés, la cour relève que la lettre de Mme [G] du 14 octobre 2018 ne revêt pas les formes légales permettant d’authentifier son auteur comme son contenu. En outre, l’employeur ne justifie d’aucun élément permettant de s’assurer que des vérifications ont été faites afin de confirmer les dires de Mme [G].
Il n’est par ailleurs justifié d’aucun élément de nature à établir les retards allégués.
Dans ces conditions, en l’absence d’élément de nature à établir la réalité des griefs reprochés, il y a lieu de considérer que l’avertissement du 30 octobre 2018 n’est pas fondé et sera annulé, le jugement étant infirmé sur ce point.
– Sur l’avertissement du 18 janvier 2019 :
Par lettre du 18 janvier, sans précision de l’année mais que la cour peut, au visa des autres pièces, dater de 2019 (pièce n° 10), l’employeur a notifié à la salariée un avertissement fondé sur les faits suivants :
– avoir proféré à plusieurs reprises contre son employeur, en la personne de M. [Z], des injures et des propos tels que « vous vous en foutiez », « qu’on vous saoulait » et « qu’on vous agressait » avant de quitter son poste de travail et de faire parvenir le 17 janvier un arrêt pour cause d’accident du travail (pièce n° 10),
– avoir été absente sans justification du 26 au 31 décembre 2018 et le 7 janvier 2019,
– avoir attribué une chambre déjà occupée à un client le 22 décembre 2018.
Au titre des éléments dont la preuve lui incombe, l’employeur produit une attestation de son épouse (pièce n° 21).
Mme [R] soutient pour sa part qu’elle a en réalité été agressée physiquement par M. [Z] et ajoute que le 7 janvier 2019 elle avait prévenu en avance de son indisponibilité (pièces n° 8 et 9), que le 26 décembre 2018 elle ne travaillait pas et que le 22 décembre 2018 elle n’a commis aucune erreur d’attribution de chambre.
Néanmoins, la cour relève que le seul élément produit par l’employeur est une attestation de sa propre épouse. Or en l’absence d’un quelconque autre élément extérieur, les liens de proximité entre le témoin et celui pour le compte de qui celui-ci atteste ne permet pas de garantir l’objectivité des propos rapportés. Cette attestation n’emporte donc pas conviction et sera en conséquence écartée.
Pour le surplus, l’employeur ne justifie d’aucun élément.
Dans ces conditions, en l’absence d’élément de nature à établir la réalité des griefs reprochés, il y a lieu de considérer que l’avertissement du 19 janvier 2019 n’est pas fondé et sera annulé, le jugement étant infirmé sur ce point.
Au titre des avertissements annulés, Mme [R] sollicite à titre de dommages-intérêts la somme de 2 000 euros.
Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l’espèce, Mme [R] n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice résultant du fait que trois des quatre avertissements qui lui ont été notifiés ont été annulés. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
II – Sur la qualification de la prise d’acte :
L’article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En application de l’article L4121-1 du code du travail, “l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes”.
L’article L.4121-2 du même code prévoit que “l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs”.
La prise d’acte par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, ou d’une démission dans le cas contraire.
La charge de la preuve incombe au salarié.
Mme [R] soutient, à l’appui de sa demande visant à ce que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’elle a subi un “acharnement” de la part de son employeur résultant du fait que :
– des avertissements lui ont été notifiés,
– son employeur lui aurait fait “payer” ses arrêts de travail du 26 mai au 1er juin 2018, puis du 14 juin au 8 juillet 2018 et enfin du 25 juillet 2018 au 30 septembre 2018 (pièces n° 14 et 18) en lui demandant de lui remettre ses clés et son pass, de sorte qu’elle était tenue de l’appeler chaque matin pour qu’elle puisse lui ouvrir la porte,
– les 4 et 7 octobre 2018 elle est allée frapper à la porte de l’hôtel, ce qui aurait occasionné l’énervement de Mme [Z] qui lui aurait demandé de l’appeler avant, ce qu’elle ne pouvait faire faute de forfait téléphonique et qui lui a été reproché toute la journée et le lendemain,
– elle a subi des reproches sur son manque de professionnalisme, des attitudes méprisantes telles que lui remettre un téléphone fixe pour appeler alors que l’appareil ne fonctionnait pas ou des insinuations sur son mauvais comportement avec ses collègues de travail,
– elle a été provoquée le 28 octobre 2018 par M. [Z] qui se serait mis en travers de son chemin et agressée par lui le 12 janvier 2019, ce qui a justifié un arrêt de travail “pour état de stress post-traumatique – choc psychologique suite à agression”. (pièces n° 16 et 18).
Au titre des éléments qu’il lui appartient de démontrer, Mme [R] produit :
– les avertissements dont elle a été l’objet (pièces n° 3 à 5 et n°7)
– une lettre du 9 novembre 2018 relatant les agissements de la société RESTOTEL (pièce n° 6),
– deux lettres du 24 janvier 2019 (pièces n° 8 et 9)
– une lettre à la CPAM du 26 février 2019 (pièce n° 11)
– copie de ses arrêts de travail (pièce n° 18)
– copie d’un récépissé de dépôt de plainte (pièce n° 17)
– un certificat médical du 12 janvier 2019 (pièce n° 16)
– une lettre de l’inspection du travail (pièce n° 20).
Néanmoins, la cour relève que la salariée ne produit à l’appui de ses affirmations aucun élément qui soit n’émane pas d’elle-même (lettre à son employeur, à la CPAM, plainte), soit ne repose pas sur ses seules déclarations (certificats médicaux, arrêts de travail, lettre de l’inspection du travail).
Par ailleurs, le fait qu’elle se soit vu notifier quatre avertissements sur une période de 13 mois n’est, à lui seul, pas suffisant pour caractériser un exercice abusif de son pouvoir disciplinaire par l’employeur, même s’il ressort des développements qui précèdent que trois de ces avertissements sont annulés faute de preuve.
Il en est de même du fait, dans le contexte d’un contentieux important entre la salariée et son employeur, que celui-ci conteste l’accident du travail et la pertinence des arrêts de travail dont elle a bénéficié.
De plus, même si elle ne fixe pas les termes du litige, la lettre du 31 mai 2019 par laquelle elle a notifié à son employeur sa décision de prendre acte de la rupture de son contrat de travail ne fait état que d’un seul fait (agression verbale et physique du 12 janvier 2019) (pièce n° 12). Or sur ce point, la salariée ne justifie d’aucun élément de nature à établir la réalité de l’agression alléguée, l’employeur en faisant un récit différent dans la lettre d’avertissement du 18 janvier 2019 (pièce n° 10).
En outre, peu important que la plainte ait été classée sans suite le 8 octobre 2020 pour cause d’extinction de l’action publique du fait de la prescription (pièce n° 23), en l’absence d’enquête la salariée n’est pas fondée à soutenir que la preuve n’est pas rapportée que les faits dénoncés par elle n’ont pas existé, le contraire étant tout aussi valable.
Enfin, s’il peut être relevé que l’employeur admet dans l’avertissement du 30 octobre 2018 (pièce n° 5) que des échanges ont eu lieu en lien avec le prêt d’un téléphone fixe, solution refusée par la salariée selon lui, il n’est pas établi que cet échange serait consécutif aux faits que les clés et le pass de la salariée lui aurait été retirés, affirmation au demeurant contestée par l’employeur dans ses écritures.
Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments que Mme [R] échoue à démontrer un quelconque manquement imputable à son employeur suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Il s’en déduit, par confirmation du jugement déféré, que la prise d’acte de la rupture par la salariée produit les effets d’une démission et la salariée n’est donc pas fondée à réclamer le paiement de sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la remise des documents légaux rectifiés comprenant un bulletin de salaire.
III – Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct :
Mme [R] soutient que son employeur a tenu à son égard des propos diffamatoires.
Elle indique que dans le cadre de sa recherche d’emploi, elle a trouvé un contrat de travail à durée déterminée au Château de la Barge dont le terme était le 30 septembre 2019 mais que M. et Mme [Z], gérants de la société RESTOTEL, ont envoyé un courrier électronique à tous les hôtels de [Localité 5] pour la dénigrer dans les termes suivants :
« Bonjour à tous, Madame [R] a travaillé chez moi pendant deux ans avant de pouvoir enfin mettre fin à son contrat. Cette personne nous a posé de très nombreux problèmes et a été absente environ 9 mois sur 12 uniquement sur la 2ème année. » (pièce n° 19)
Elle indique qu’à cause de ce mail, elle n’a retrouvé aucun emploi (pièce n° 21).
A l’appui de son affirmation, outre le courrier électronique litigieux, elle produit une attestation de Mme [D] selon laquelle la gérante de l’hôtel où elle travaillait lui aurait affirmé que Mme [R] ne trouverait jamais de travail sur [Localité 5] car elle était au courant de ce qui s’était passé avec M. [Z]. (pièce n° 24)
La société RESTOTEL oppose que :
– seule la société RESTOTEL est partie à la procédure alors que le mail invoqué a été envoyé par M. [Z], de sorte qu’aucune condamnation ne peut intervenir à l’encontre de la société RESTOTEL,
– le contenu du courrier électronique n’a rien de diffamatoire puisqu’il ne fait qu’évoquer, sans rentrer dans les détails, les difficultés rencontrées avec Mme [R] ainsi que ses absences répétées,
– M. [Z] n’a fait que répondre à un courrier électronique du gérant du [Adresse 4] en cliquant machinalement sur « répondre à tous », de sorte qu’aucune intention de nuire ne saurait être retenue,
– la salariée ne rapporte nullement la preuve d’un préjudice découlant de l’envoi de ce courrier électronique puisqu’elle n’établit pas d’avoir postulé – ni d’avoir été écartée – pour travailler au sein des hôtels destinataires,
– l’attestation de Mme [D] ne fait que prêter des propos à la gérante d’un autre hôtel sans lien avec la société RESTOTEL.
En premier lieu, la cour relève que la société RESTOTEL ne saurait sérieusement soutenir que le courrier électronique litigieux est imputable à M. [Z] lui-même, dès lors que celui-ci, gérant de la société RESTOTEL, a répondu en cette qualité à partir de l’adresse électronique de la société à une sollicitation professionnelle.
Par ailleurs, l’argument relatif à l’erreur de manipulation n’est pas plus sérieux, le message commençant par “Bonjour à tous” impliquant un envoi multiple et non une réponse à l’expéditeur.
Néanmoins, nonobstant le fait qu’en tenant de tels propos sur une ancienne salariée la société RESTOTEL a manifestement souhaité faire obstacle, ou en tout cas compliquer, la poursuite de son parcours professionnel, Mme [R] ne justifie pas que le courrier électronique en question lui a porté préjudice dans la mesure où il n’est pas établi qu’elle a été privée d’une possibilité d’embauche dans l’un des établissements concernés ni même qu’elle y avait postulé.
En effet, il ne se déduit pas du courrier électronique du 24 septembre 2019 émanant du Château de la Barge que le contrat de Mme [R], dont le terme était fixé au 30 septembre 2019, devait être reconduit ou converti en contrat de travail à durée indéterminée. L’invitation a contacter l’expéditeur “pour tout renseignement à son sujet en cas de réception de la candidature de l’appelante” (pièce n° 19) implique au contraire que la rupture, au plus tard au terme du contrat, était acquise.
Enfin, l’attestation de Mme [D] n’a aucune valeur probante en ce qu’elle se borne à rapporter des propos d’ordre général et qui plus est tenus par d’autres.
Dans ces conditions, faute de démontrer un lien entre le courrier électronique litigieux et le fait qu’elle n’a pu retrouver un travail qu’à l’extérieur de [Localité 5], le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts à ce titre.
IV – Sur la demande reconventionnelle de la société RESTOTEL :
Au titre d’une prise d’acte produisant les effets d’une démission, la société RESTOTEL sollicite le paiement d’une indemnité de préavis à hauteur de 796 euros correspondant aux 15 jours non effectués puisque la salariée était en arrêt de travail jusqu’au 11 juin 2019 seulement et non sur la totalité du préavis dû, ou tout au moins du 12 au 15 juin 2019.
Il est constant que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’une démission implique que le salarié est redevable d’une indemnité compensatrice de préavis, sauf si le salarié démissionnaire était dans l’impossibilité d’exécuter son préavis pour maladie.
L’article 30 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 prévoit que le salarié démissionnaire relevant de la catégorie employé et justifiant d’une ancienneté supérieure à 6 mois et inférieure à deux ans est redevable d’un préavis de 15 jours.
il ressort des pièces produites que Mme [R] a :
– d’une part notifié sa prise d’acte de rupture le 31 mai 2019, de sorte que le préavis de 15 jours prenait fin le 15 juin 2019,
– d’autre part qu’elle a bénéficié d’un arrêt de travail pour maladie jusqu’au 11 juin 2019.
Dans ces conditions, il sera alloué à la société RESTOTEL la somme de 212,27 euros à titre d’indemnité de préavis pour la période du 12 au 15 juin 2019, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
V – Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points sauf en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [R] sera condamnée à payer à la société RESTOTEL la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande de Mme [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel sera rejetée.
Mme [R] succombant au principal, elle supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 16 avril 2021 par le conseil de prud’hommes de Mâcon sauf en ce qu’il a :
– rejeté la demande d’annulation des avertissements des 22 décembre 2017, 30 octobre 2018 et 18 janvier 2019,
– rejeté les demandes de la société RESTOTEL au titre du préavis et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
ANNULE les avertissements des 22 décembre 2017, 30 octobre 2018 et 18 janvier 2019,
CONDAMNE Mme [L] [R] à payer à la société RESTOTEL les sommes suivantes :
– 212,27 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de Mme [L] [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [L] [R] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION