Diffamation : décision du 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06850

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Diffamation : décision du 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06850
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 02 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06850 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDO6X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 janvier 2021 – Juridiction de proximité de CHARENTON LE PONT – RG n° 11-19-000514

APPELANTE

Madame [N], [Z] [L]

née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Sylvie BELTRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1591

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010541 du 16/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

Madame [T] [R]

née le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée de Me Véronique CLAVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1008

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [R], ostéopathe animale, pratique l’équitation et Mme [Z] [L] est éleveuse de chevaux et propriétaire de l’étalon Casino royal du Croisel.

En décembre 2018, Mme [L] a mis en relation Mme [R] avec une famille reconnue dans le monde de l’équitation pour qu’elle mette à disposition de cette famille son étalon aux fins de valorisation en vue de sa vente. Dans ce cadre, Mme [L] a confié son étalon à Mme [R], cavalière, afin que celle-ci le monte. Le 15 avril 2019, l’étalon a été restitué et transporté aux frais du père de Mme [R].

Le 20 avril 2019, Mme [R] a porté plainte pour diffamation contre Mme [L], plainte classée sans suite.

Le 7 juin 2019, Mme [R] a fait procéder par huissier à la constatation de propos, photographies et vidéos la concernant publiés sur un compte Facebook. Mme [R] pensait que M. [D] était le propriétaire de l’étalon au moment des faits.

Saisi le 27 juin 2019 par Mme [R] d’une demande tendant principalement à la condamnation de M. [D] et de Mme [L] au paiement d’une somme de 2 684 euros au titre des factures de pension et de soin de l’étalon et d’une somme de 5 300 euros au titre de réparation des préjudices découlant de propos diffamatoires et de l’atteinte au respect de sa vie privée, le tribunal de proximité de Charenton-le-Pont, par un jugement contradictoire rendu le 12 janvier 2021 auquel il convient de se reporter, a :

– déclaré Mme [R] irrecevable dans ses demandes formées contre M. [D],

– condamné Mme [L] à payer à Mme [R] la somme de 1 500 euros au titre de dommages et intérêts,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné Mme [L] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a principalement retenu que les demandes formées contre M. [D] étaient irrecevables pour défaut d’intérêt à agir contre ce dernier car il n’était pas le propriétaire de l’étalon au moment des faits.

Il a également estimé que Mme [R] avait confirmé que l’accord conclu oralement avec Mme [L] comprenait la prise en charge des frais du cheval.

Il a également retenu que Mme [L] avait publié de manière répétée des propos diffamatoires et injurieux à l’égard de la demanderesse sur un compte Facebook lui appartenant et que ces publications non autorisées par l’intéressée, notamment une vidéo et un extrait de conversation privée, portaient atteinte au respect de sa vie privée.

Il a enfin estimé que Mme [L] n’établissait pas les agissements malveillants dont elle s’estimait également victime ni le caractère diffamatoire des accusations publiées sur Facebook la concernant et l’a déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

Par une déclaration en date du 8 avril 2021, Mme [L] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 13 octobre 2022, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée et de débouter l’intimée de ses demandes de dommages et intérêts.

L’appelante soutient que les conditions de la diffamation dont se prévaut l’intimée ne sont pas réunies, qu’elle ne démontre pas de préjudice au titre de la diffamation et de l’atteinte à la vie privée et qu’elle ne produit aucune preuve d’un accord pour lui rembourser les frais de pension du cheval.

Par des conclusions remises le 5 octobre 2022, Mme [R] fait appel incident et demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’appelante et l’a déboutée de ses demandes,

– d’infirmer le jugement sur le montant des dommages et intérêts et sur le débouté de l’intimée de ses demandes de règlement des factures de pension du cheval,

– de condamner l’appelante au versement des sommes suivantes :

– 2 684 euros en règlement des factures de pension et de soins du cheval,

– 5 300 euros en réparation des préjudices découlant de ses propos diffamatoires,

– 2 000 euros pour les préjudices découlant de l’atteinte au respect de sa vie privée,

– 5 000 euros pour appel abusif,

– 5 000 euros et 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée soutient que le contrat oral conclu ne comprenait que de monter le cheval et non la prise en charge de tous les frais et que seul le propriétaire est juridiquement tenu des frais afférents à un cheval.

Elle invoque également l’existence d’un préjudice moral au titre des propos diffamatoires et injurieux tenus par l’appelante par des messages postés publiquement sur Facebook nuisant à son activité professionnelle et en raison de la violation de sa vie privée résultant de publication sans son autorisation de conversations privées, photos et vidéos.

Elle soutient enfin que l’appel est dilatoire dans la mesure où l’appelante n’apporte aucun argument permettant de contester sa responsabilité ni l’existence de préjudice.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience le 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, il convient de relever l’absence de contestation concernant l’irrecevabilité des demandes à l’encontre de M. [C] [D] et le rejet de la demande reconventionnelle de dommages-intérêts de Mme [L].

Sur la demande de remboursement des factures de pension et de soins

À l’appui de son appel incident, Mme [R] réclame une somme de 2 684 euros correspondant aux frais de pension et de soins exposés pour le cheval Casino Royal outre les frais de son transport. Elle produit les sept factures établies entre le 1er janvier 2019 et le 15 avril 2019 et souligne qu’elle était étudiante et âgée de 23 ans lors des faits.

Elle soutient que former un cheval n’est jamais gratuit et rappelle qu’elle n’avait aucune obligation à remercier Mme [L] pour son information. Elle estime que sa déclaration ne concernait que les frais de travail et qu’elle n’a fait qu’avancer les frais de pension et de soin.

Pour s’y opposer, Mme [L] soutient avoir conclu un contrat oral avec Mme [R] consistant à ce qu’elle lui permette de confier son cheval à la valorisation/vente et qu’elle abandonne sa commission de vente, à condition qu’elle valorise son cheval Casino Royal en vue de sa revente. Selon elle, le contrat de confiage oral du cheval a été conclu à titre gratuit, comme le sont habituellement ces types de contrat dans le domaine équestre.

Comme l’a justement rappelé le tribunal au visa des articles 1103 et 1353 du code civil, il appartient à la demanderesse de démontrer l’existence d’un accord sur l’arrangement qu’elle invoque.

En l’espèce, les parties conviennent s’être entendues oralement et il n’est pas contestable que toutes les factures produites ont été émises au nom d'[T] [R]. De surcroît, lors de son dépôt de plainte, celle-ci a déclaré : « Mme [L], en échange de son information, m’a proposé un deal oral’: étant donné qu’elle estimait que c’était grâce à elle que j’avais fait affaire avec la famille [F], elle voulait en échange que je forme un cheval à mes frais pour qu’elle puisse le vendre à un acquéreur ».

À hauteur d’appel, la cour ne peut que constater que Mme [R] ne rapporte toujours pas la preuve de l’obligation dont elle réclame l’exécution. Partant, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages intérêts au titre des propos diffamatoires et injurieux

À l’appui de son appel, Mme [L] estime qu’une diffusion sur un réseau social ne peut être considérée comme publique puisqu’elle ne concerne qu’un nombre restreint d’amis sélectionnés, que les propos ne sont pas diffamants, que Mme [R] participe elle-même à un groupe de prétendues victimes de [Y] [K], que leurs échanges de sms de décembre 2018 jusqu’au 12 février 2019 étaient élogieux sur le cheval confié, qu’à compter de mars, la mère d'[T] [R] l’a informée que par manque de temps et en raison de sa santé, sa fille ne pouvait plus s’occuper du cheval, que l’exposé fait à l’huissier n’est corroboré d’aucune preuve et que le préjudice allégué n’est pas démontré.

Les parties ne discutent pas l’application de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définissant le propos diffamatoire ou injurieux et l’appelante ne conteste pas que [Y] [K] est son pseudonyme sur Facebook.

Les propos litigieux ont été publiés entre le 5 et le 21 avril 2019. Leur caractère public et accessible n’est pas contestable. Mme [R] a déposé une plainte le 20 avril 2019 et fait établir un constat d’huissier le 7 juin 2019 qui a consigné les 2 conversations litigieuses postées le 5 et le 6 avril, ainsi que les cinq messages postés le 7, le 11, le 18 et le 21 avril 2019.

L’intimée fait valoir également que lors de la création de son propre site Facebook dédié à son activité professionnelle d’ostéopathe animalier le 20 juillet 2020, Mme [L] a émis un avis négatif la concernant : « un manque d’éthique incompatible avec la prise en charge des animaux. Je déconseille totalement ».

À la lecture des messages, le caractère diffamant apparaît sur la publication du 6 avril où l’intimée est parfaitement identifiable. Le premier juge a justement considéré que le contenu des propos qu’il a reproduits portait atteinte à la réputation de Mme [R] en qualité de cavalière et que les messages des 7, 11 et 18 avril sous-entendaient qu’elle aurait été malhonnête.

L’avis posté le 13 septembre 2020 évoquant des maltraitances animales comporte également des propos portant atteinte à son honneur et à sa réputation.

Les faits ont néanmoins été limités dans le temps et s’inscrivent dans un contexte de litige personnel entre les deux parties qui se font des reproches mutuels dont la cour n’est pas en mesure d’apprécier la véracité, s’agissant principalement d’allégations.

C’est donc par de justes motifs que le premier juge a estimé que ces propos à l’égard d’une jeune femme débutant sa carrière d’ostéopathe avaient nécessairement causé un préjudice moral dont la réparation a été justement évaluée à la somme de 1 000 euros.

Sur la demande de dommages intérêts au titre de l’atteinte au respect de sa vie privée

La cour constate qu’il n’est nullement contesté la publication sans autorisation, le 6 avril 2019, par Mme [L] d’une vidéo montrant Mme [R] ainsi qu’un extrait d’une conversation privée effectuée par sms.

C’est par des motifs précis et circonstanciés que le premier juge a pu en déduire une violation de l’article 9 du code civil justifiant l’octroi d’une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Les parties succombant en leurs appels respectifs, les dépens de l’appel seront partagés et chacune gardera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Dit que les dépens d’appel seront partagés entre les parties ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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