Diffamation : décision du 9 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00897

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Diffamation : décision du 9 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/00897
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/94

N° RG 22/00897 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UD3I

Jugement (N° 21/00199) rendu le 10 Février 2022 par le Tribunal judiciaire de Cambrai

APPELANTES

Madame [R] [E]

[Adresse 4]

[Localité 9]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/003126 du 07/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)

Syndicat Union Departementale des Syndicats du Nord Force Ouvrière

[Adresse 6]

[Localité 8]

Syndicat Union Locale Fo [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représentés par Me Stephane Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉS

Madame [O] [H]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 12]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022022002932 du 31/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)

Monsieur [V] [D]

né le [Date naissance 7] 1964 – de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 9]

Monsieur [Y] [G]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 12]

Monsieur [J] [M]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 12]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022022002933 du 31/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai

Représentés par Me Patrick Ledieu, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur Le Procureur de la République

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 10]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l’audience publique du 15 décembre 2022 après rapport oral de l’affaire par Guillaume Salomon

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE :

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [R] [E] exerce des activités syndicales au sein du syndicat Force ouvrière. Elle préside notamment l’Union locale de Force ouvrière [Localité 12].

Dans un contexte d’élection professionnelle, un tract a été diffusé le 9 novembre 2020 sur la voie publique, notamment à destination des salariés du groupe Holesco.

Par acte du 5 février 2021, Mme [E], le syndicat Union locale Force ouvrière [Localité 12] (le syndicat) et l’union départementale des syndicats du Nord Force ouvrière (l’union) ont assigné Mme [O] [H], M. [V] [D], M. [Y] [G] et M. [J] [M] (les mis en cause), sur le fondement de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 pour faire reconnaître le caractère diffamatoire de ce tract et solliciter la réparation de leur préjudice.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Cambrai a :

– débouté Mme [E], le syndicat et l’union de toutes leurs demandes ;

– condamné « solidairement » Mme [E], le syndicat et l’union à payer aux mis en cause la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Lecompte et Ledieu ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– dit que l’exécution provisoire est de droit.

3. La déclaration d’appel :

Par déclaration du 22 février 2022, Mme [E], le syndicat et l’union ont formé appel de l’intégralité du dispositif de ce jugement.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 9 août 2022, Mme [E], le syndicat et l’union, appelants principaux, demandent à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau, de :

– Dire et juger que le 9 novembre 2020 et à partir de cette date, un tract intitulé « vendue au patronat » et détaillé dans la présente assignation, a constitué une diffamation publique à leur encontre,

– Dire et juger que ce fait constitue une diffamation publique, à savoir une atteinte à l’honneur et à la considération,

– Condamner en conséquence in solidum :

‘ Mme [O] [H],

‘ M. [J] [M],

‘ M. [V] [D],

‘ M. [Y] [G]

qui sont tous les quatre les signataires du présent acte incriminé, à leur verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– Dire que la présente somme portera intérêts au taux légal à compter de la demande en justice sur le fondement de l’article 1231-7 du code civil,

Vu les articles 32 et 23 de la loi du 29 juillet 1881,

Vu la signification de la présente assignation à Monsieur le Procureur de la République de Cambrai exigée par la loi,

– Donner acte aux requérants que la prescription de trois mois sera régulièrement interrompue par la délivrance d’assignation conforme à la présente en application de des dispositions de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881,

– Condamner solidairement les défendeurs à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner les défendeurs aux entiers dépens sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions, ils font valoir que :

– le tract litigieux comporte d’une part, au recto la reproduction d’une tribune décrivant les relations de Mme [E] avec la représentante du Medef dans le Cambresis en marge duquel figure en lettres dactylographiées majuscules la mention « vendue au patronat », et d’autre part, au verso, une « lettre ouverte aux salariés du groupe Holesco » qui mentionne notamment « l’union locale FO dirigée par une seule personne acquise aux paroles du Medef à sa soumission ». Sous le texte de la « lettre ouverte » figurent quatre signatures manuscrites, dont deux sont complétées par des initiales.

– de nombreux salariés ont attesté avoir constaté la diffusion sur la voie publique, et notamment sur leurs véhicules, du tract litigieux ;

– les dispositions des articles 53 et 29 de la loi du 29 juillet 1881 ont été respectées dans la rédaction de l’assignation, alors que les syndicats ont mandaté un conseil par écrit pour les représenter en justice ;

– le tract comporte une mention portant atteinte à la considération de Mme [E], alors qu’il y est prétendu qu’elle est incompétente et soumise au patronat, étant précisé que sa photographie y est intégrée ; de tels faits précis s’analysent comme une diffamation publique ;

– Mme [E] a perdu tout crédit à la suite d’une telle publication, alors qu’elle travaille depuis 50 ans dans le milieu syndical ;

– les signatures figurant sur le tract sont celles des mis en cause, ainsi qu’il résulte des comparaisons d’écritures soumises à la cour et de la présence des initiales pour M. [M] et M. [G] ;

– certaines des attestations produites par les mis en cause doivent être écartées des débats, alors que d’autres ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ou ne présentent pas d’intérêt, voire émanent de personnes exclues du syndicat, tel que M. [G] ;

– en sa qualité de syndicaliste, Mme [E] a permis à de nombreux salariés d’obtenir satisfaction dans des conflits engagés devant les juridictions

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 6 juillet 2022, Mme [H] et MM. [D], [G] et [M], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

– « Dire et juger Mme [E], le syndicat et l’union infondés en leur appel.

– L’en débouter.

À titre subsidiaire

– Déclarer irrecevable, pour défaut de qualité à agir de l’action engagée par L’UNION LOCALE FORCE OUVRIÈRE DE [Localité 12] et L’UNION DEPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE DU NORD.

– Confirmer la décision entreprise en sa totalité, sauf y ajouter en cause d’appel condamnation solidaire de Madame [R] [E], du SYNDICAT UNION LOCALE FORCE OUVRIÈRE [Localité 12] et de l’UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DU NORD FORCE OUVRIÈRE au paiement des sommes suivantes :

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du caractère téméraire de l la procédure ;

– 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile 

– Condamner avec la même solidarité Madame [R] [E], le SYNDICAT UNION LOCALE FORCE OUVRIÈRE [Localité 12] et l’UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS DU NORD FORCE OUVRIÈRE aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de la SCP LECOMPTE & LEDIEU, avocats aux offres de droit ».

A l’appui de leurs prétentions, ils font valoir que :

– ils ont exclusivement exercé leurs prérogatives syndicales, dans les limites de la liberté d’expression que leur confèrent leurs fonctions ;

– la mention « vendue au patronat » sur l’article publié par Mmes [E] et [F] (représentante du Medef) a été ajoutée postérieurement ; à cet égard, ils produisent des attestations indiquant qu’une telle mention ne figurait pas sur leur lettre ouverte, alors qu’elle a pu être ajoutée par n’importe qui, étant précisé que Mme [E] est critiquée par d’autres qu’eux ; un doute existe sur l’imputabilité de cette mention ;

– aucune critique n’est formulée sur la lettre ouverte figurant dans le tract, qu’ils admettent avoir exclusivement rédigé et signé ;

– le syndicat et l’union sont irrecevables à agir.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe que :

– les dispositions des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 n’ont

pas été invoquées, en ce qu’elles prévoient une responsabilité « en cascade », alors que les mis en cause se présentent exclusivement comme les auteurs de la seule « lettre ouverte » figurant au recto du tract litigieux ;

– si les mis en cause invoquent l’irrecevabilité de l’action engagée par le syndicat et l’union, cette prétention n’est toutefois formulée qu’à titre subsidiaire dans le dispositif de leurs conclusions, dans l’hypothèse où la cour serait conduite à « débouter » les appelants, alors qu’une fin de non-recevoir constitue nécessairement le préalable à l’examen du fond en application de l’article 122 du code de procédure civile. Dans ces conditions, dès lors que la cour est saisie directement de l’examen du fond, il n’y a pas lieu de statuer sur une telle demande « subsidiaire ».

Sur l’existence d’une diffamation :

En application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la citation doit préciser le fait incriminé, le qualifier et indiquer le texte de loi applicable à la poursuite. Ses dispositions sont applicables devant une juridiction civile.

À cet égard, les parties ne fournissent pas l’assignation ayant eu vocation à articuler les faits reprochés.

Pour autant, la reproduction du dispositif de l’assignation délivrée le 5 février 2021 par les dernières conclusions de Mme [E], du syndicat et de l’union devant la cour n’est pas contestée par leurs adversaires. Ce dispositif se limite à viser la mention « vendue au patronat » comme élément constitutif d’une diffamation. Il en résulte qu’à l’inverse, il n’est pas démontré que tout ou partie des termes de la « lettre ouverte » figurant au dos de cette mention soient eux-mêmes visés dans les faits de poursuites qu’il appartient à la victime d’une diffamation d’articuler.

La diffusion publique du tract n’est pas contestée. Elle résulte en tout état de cause des attestations fournies respectivement par chacune des parties.

S’agissant de la mention litigieuse, il est manifeste qu’elle porte atteinte à la considération de Mme [E].

Alors que cette mention figure en marge d’une tribune dans laquelle Mme [E] vantait la qualité du dialogue social entre le syndicat FO et le patronat à l’échelle locale et que ce tract s’inscrit dans le cadre d’une compétition syndicale dans la perspective d’une élection des membres du comité social et économique, la mention « vendue au patronat » (l’adjectif étant conjugué au féminin) s’analyse comme l’imputation d’un fait précis et portant atteinte à l’honneur et à la considération de Mme [E], conformément aux dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

Sur les éventuelles causes exonératoires :

La liberté d’expression qu’invoquent les mis en cause repose d’une part sur l’exercice d’un mandat syndical, alors que Mme [E] indique que les signataires de la lettre ouverte ont été révoqués par le syndicat FO, étant précisé qu’ils ne revendiquent ou n’établissent leur appartenance à aucune autre organisation syndicale. Sur ce point, il s’observe que le tract litigieux ne comporte d’ailleurs aucune mention du nom, de l’adresse et du logo d’un syndicat, de sorte que ce document constitue en réalité une initiative de ses rédacteurs, qui ne s’inscrit pas dans l’exercice d’un mandat au moment de sa rédaction et de sa diffusion. Ce document ne comporte pas davantage le nom et l’adresse de son imprimeur, qui est de nature à permettre la mise en ‘uvre de la cascade de responsabilité prévue par la loi sur la presse.

Au surplus, l’article L. 2142-5 du code du travail dispose que même lorsqu’il s’agit de véritables tracts syndicaux, leur contenu « est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse ». À cet égard, l’expression « vendue au patronat » est manifestement outrancière et excède la liberté de ton qu’autorise par ailleurs l’exercice de fonctions syndicales, en ce qu’elle implique à la fois une « soumission » personnelle et institutionnelle et une trahison des intérêts des salariés que Mme [E] et son syndicat ont vocation à défendre.

Alors que la bonne foi ou l’exception de vérité ne sont pas invoqués par les mis en cause, il est en revanche indifférent de statuer sur les mérites, réels ou supposés, de Mme [E] dans la défense syndicale des intérêts des salariés.

Sur l’imputabilité de l’écrit diffamatoire :

A titre liminaire, les mis en cause ne contestent pas être les signataires de la face du « tract » comportant la « lettre ouverte aux salariés du groupe Holesco », de sorte que la vérification d’écritures à laquelle invitent Mme [E] et son syndicat n’est plus nécessaire.

Alors qu’il incombe à Mme [E] et à son syndicat d’établir les faits qu’ils allèguent au soutien de leurs prétentions, ces derniers produisent valablement une pièce n°2 qui fait apparaître que la tribune intitulée « le dialogue est le maître mot et cela se ressent dans notre partenariat », en marge de laquelle figure la mention « vendue au patronat », est imprimée au dos de la « lettre ouverte aux salariés du groupe Holesco ».

L’exemplaire du tract fourni par Mme [E] à la cour est ainsi rédigé en recto verso, avec la mention manuscrite « TSVP » figurant sur chacune de ses faces, étant observé que cet acronyme y est inscrit selon la même écriture manuscrite sur les deux pages de ce document.

Dès lors, il appartient aux mis en cause d’établir la fausseté d’une telle pièce.

Pour estimer que la mention « vendue au patronat » ne leur est pas imputable, les mis en cause produisent quelques attestations indiquant que les « tracts » qu’ils ont pu recueillir sur le parking de leur entreprise ne comportaient pas de mentions nominatives : « il n’était adressé à aucune personne qui ne puisse être attaqué ni blasphémer d’aucune sorte en particulier » (pièce 10), « j’ai bien vu le tract sur le parking destiné aux salariés du groupe Holesco, il comportait plusieurs signatures mais pas de noms ni la mention vendu au patronat » (pièce 11) ; Mme [X] et Mme [P] sont les seules à attester, parmi les témoignages fournis, qu’aucun document n’était imprimé au dos de ce tract : « j’ai bien lu le tract, il ne comportait aucun nom, ni aucun slogan d’aucune sorte, il n’y avait rien au dos du document » (pièce 12, pièce 9). Un autre attestant indique enfin n’avoir pas vu de tract sur le parking au moment des élections (pièce 15), contredisant les déclarations des autres témoignages fournies par les mis en cause.

Pour autant, outre que l’hypothèse d’une diffusion de plusieurs formats de tract n’est pas exclue, les témoignages de Mmes [X] et [P] sont contredits par ceux fournis par Mme [E] et son syndicat : ainsi, alors que l’existence d’une diffusion sur le parking d’un tract « à l’encontre de FO » est attestée (pièces 4, 21, et 22 de Mme [E]), M. [A] certifie avoir « trouvé à terre le tract et comme [il a] reconnu la photo de Mme [E], [il l’a] ramassé et lu » (pièce 24) : une telle référence très spécifique à la photographie est conforme au document produit par Mme [E] et son syndicat ; M. [S] confirme avoir retrouvé sur ses essuie-glaces « un tract qui blasphémait Mme [E] [R], en plein centre de [Localité 12] c’est inimaginable ».

Alors qu’il appartient aux mis en cause d’établir la fausseté de la pièce n°2 de Mme [E], les seules attestations opposées à cette dernière sont ainsi insuffisantes pour apporter la démonstration de sa non-conformité au tract diffusé sur la voie publique.

Dans leurs propres conclusions, les mis en cause ne contestent d’ailleurs pas le lien existant entre la lettre ouverte qu’ils revendiquent à présent avoir rédigée et la tribune publiée par Mme [E] : en page 3 de leurs conclusions, ils admettent ainsi que la lettre ouverte n’a été adressée aux salariés du groupe Holesco que « suite à une tribune publiée par Mme [E] et Mme [I] [F] ». Plus encore, ils n’allèguent pas en réalité que le tract ne comportait qu’une seule face, mais que « postérieurement à cette lettre ouverte, il sera ajouté la mention « vendue au patronat » sur l’article publié par Mmes [E] et [F] (pièce adverse n°2) ».

Il en résulte clairement qu’en définitive, les mis en cause se réfèrent eux-mêmes à la pièce adverse, dont ils allèguent exclusivement sa modification postérieure à sa conception initiale, sans s’expliquer pour autant sur une telle circonstance ou fournir un exemplaire exempt d’une telle mention. Un tel argumentaire invalide par conséquent les attestations qu’ils ont par ailleurs fournies pour exposer que le tract ne comportait qu’une seule face.

Enfin, si la mention « vendue au patronat » figure en lettres majuscules sur la page reproduisant la tribune, elle n’est toutefois pas rédigée en caractères manuscrits, contrairement à la motivation du premier juge qui retient à cet égard qu’elle a pu être « ajoutée par n’importe qui ». A l’inverse, il s’agit d’une mention dactylographiée, qui a été ainsi imprimée en même temps que le reste du document litigieux.

La pièce n°2 précitée constitue par conséquent un ensemble indivisible, dont les mis en cause n’établissent pas qu’elle soit falsifiée, alors que leur argumentaire est contradictoire avec les témoignages qu’ils produisent eux-mêmes.

Dans ces conditions, il est établi que les faits de diffamation reprochés leur sont imputables.

Ce propos diffamatoire cause à Mme [E] un préjudice direct dés lors qu’une telle présentation comme ‘vendue au patronat’ est de nature à alterer la confiance des salariés dans son engagement syndical à leur égard.

Les mis en cause engagent par conséquent leur responsabilité civile à l’encontre de Mme [E], du syndicat et de l’union, étant rappelé que l’intérêt à agir de ces derniers n’a pas été contesté. À cet égard, si la mention litigieuse ne vise pas directement et personnellement le syndicat, ce dernier est toutefois affecté dans son image et sa réputation par une telle imputation diffamatoire à l’encontre de la présidente de son union locale, de sorte qu’il est également victime indirecte des faits reprochés.

Le jugement critiqué est par conséquent réformé en ce qu’il a débouté ces derniers de leurs demandes.

Sur la réparation :

Alors que la demande indemnitaire est formulée au profit collectif de Mme [E], du syndicat et de l’union, il convient de condamner les mis en cause in solidum à payer à ceux-ci une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la procédure abusive :

La cour ayant retenu la responsabilité des mis en cause au titre d’une diffamation publique, Mme [E], le syndicat et l’union n’ont pas commis une faute résultant d’un abus du droit d’agir en justice.

La demande formée à leur encontre de ce chef est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

” d’une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile,

” et d’autre part, à laisser à la charge de chaque partie les dépens et les frais irrépétibles qu’elles ont respectivement exposés au titre des procédures devant les premiers juges et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Réforme le jugement rendu le 10 février 2022 par le tribunal judiciaire de Cambrai en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant :

Dit que la mention « vendue au patronat » figurant sur un tract diffusé publiquement le 9 novembre 2020 est constitutive d’une diffamation publique à l’encontre de Mme [R] [E] ;

Dit que la responsabilité de Mme [O] [H], M. [V] [D], M. [Y] [G] et M. [J] [M] est engagée de ce chef à l’égard de Mme [R] [E] ;

Dit que la responsabilité de Mme [O] [H], M. [V] [D], M. [Y] [G] et M. [J] [M] est également engagée à l’égard du syndicat Union locale Force ouvrière [Localité 12] et de l’union départementale des syndicats du Nord Force ouvrière ;

Condamne in solidum Mme [O] [H], M. [V] [D], M. [Y] [G] et M. [J] [M] à payer à Mme [R] [E], au syndicat Union locale Force ouvrière [Localité 12] et à l’union départementale des syndicats du Nord Force ouvrière, une somme de 1 000 euros ;

Déboute Mme [O] [H], M. [V] [D], M. [Y] [G] et M. [J] [M] de leur demande indemnitaire formée l’encontre de Mme [R] [E], du syndicat Union locale Force ouvrière [Localité 12] et de l’union départementale des syndicats du Nord Force ouvrière, au titre d’une procédure abusive ;

Laisse à la charge de chaque partie les dépens et les frais irrépétibles qu’elles ont respectivement exposés en première instance et en l’appel.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon

 


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