Diffamation : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02764

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Diffamation : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02764

AFFAIRE : N° RG 21/02764

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3DG

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LISIEUX en date du 08 Septembre 2021 – RG n° F 19/00057

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 23 MARS 2023

APPELANT :

Monsieur [S] [D]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie IFFRIG, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Pierre JALET, avocat au barreau de l’EURE

INTIMEE :

S.A.S. FAJOLINI

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre BLIN, avocat au barreau de LISIEUX

DEBATS : A l’audience publique du 16 janvier 2023, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 23 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

M. [D] a été embauché à compter du 6 novembre 2012 en qualité de vendeur polyvalent par la société Fajolini-Bricocash qui exploite un magasin de vente de matériel de bricolage.

Le 8 novembre 2018, il a été licencié pour faute grave.

Le 11 avril 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lisieux aux fins de contester cette mesure et obtenir paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 8 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Lisieux a :

– dit que le licenciement repose bien sur une faute grave

– débouté M. [D] de ses demandes

– condamné M. [D] à payer à la société Fajolini la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et celle de 1 euro symbolique au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné M. [D] aux dépens.

M. [D] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions ayant dit que le licenciement reposait sur une faute grave, l’ayant débouté de ses demandes et condamné au paiement des sommes susvisées .

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 15 juillet 2022 pour l’appelant et du 2 janvier 2023 pour l’intimée.

M. [D] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en celles de ses dispositions ayant dit que le licenciement reposait sur une faute grave, l’ayant débouté de ses demandes et condamné au paiement des sommes susvisées

– condamner la société Bricocash à lui payer les sommes de :

– 45 066 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

– 3 000 euros à titre de préjudice moral

– 2 436 euros à titre d’indemnité de préavis

– 243,60 euros à titre de congés payés afférents

– 1 461,60 euros à titre d’indemnité de licenciement

– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Fajolini-Bricocash demande à la cour de :

– confirmer le jugement

– condamner M. [D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 janvier 2023.

SUR CE

La lettre de licenciement expose qu’il a été à plusieurs reprises porté à la connaissance de l’entreprise qu’une rumeur courait accusant M. [H], président de la société, et M. [I], directeur de magasin, de tenir des propos homophobes à l’encontre de M. [D], que M. [D], convoqué, a reconnu être à l’origine de ces accusations sans donner d’explications, qu’il s’agit d’accusations gratuites et présentant un caractère diffamatoire outre qu’elles sont susceptibles d’entraîner des conséquences pénales et personnelles, que cette attitude, n’ayant d’autre but que de nuire volontairement aux personnes concernées, nuit à la bonne marche de l’entreprise.

M. [D] verse aux débats trois témoignages de salariés faisant état de propos tenus par M. [H] ou M. [I] pour soutenir qu’il est dès lors difficile pour les gérant et directeur de se draper dans une position vertueuse exempte d’homophobie.

Et l’argumentation de la société Fajolini-Bricocash consiste à soutenir d’une part que les propos tenus par ces trois témoins sont mensongers et à se prévaloir de plus de 25 témoignages de salariés et clients attestant n’avoir jamais entendu le président et le directeur tenir quelques propos homophobes que ce soit.

Mais M. [D] a été licencié pour avoir été à l’origine d’une rumeur concernant l’homophobie des dirigeants, ce qu’aucun de ces éléments n’établit puisque les trois témoins cités par M. [D] font état de propos qu’ils ont entendu de la part de M. [H] ou de M. [I] sans même indiquer les avoir rapportés à M. [D] ni surtout évoquer la façon dont M. [D] s’en serait ensuite ouvert auprès d’autres personnes ou aurait répandu une rumeur, ce qu’aucun des témoignages produits par l’employeur n’établit.

Ainsi, peu important la pertinence des attestations témoignant de propos homophobes (et particulièrement de celle de M. [Y] sur laquelle celui-ci est ultérieurement revenu) et peu important la pertinence des témoignages supposés établir l’absence d’homophobie des gérants, il suffit de relever qu’aucun des éléments produits par l’employeur ne fait la preuve de propos accusatoires tenus par M. [D] et d’une rumeur qu’il aurait répandue, la simple affirmation contenue dans la lettre de licenciement que M. [D] aurait reconnu ces faits ne pouvant faire cette preuve en l’absence de tous autres éléments et notamment de témoignages sur les propos tenus lors de l’entretien.

En cet état, il ne peut qu’être jugé que la société Fajolini-Bricocash ne rapporte la preuve d’aucune faute de M. [D], de sorte que le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse et que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Ceci ouvre droit au paiement d’indemnités de préavis et de licenciement pour les montants réclamés non contestés à titre subsidiaire, outre à des dommages et intérêts qui, en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail et en considération de l’ancienneté, du salaire mensuel perçu (1 218 euros suivant les affirmations non contestées du salarié) et de l’absence de pièces justificatives de la situation postérieure au licenciement (il n’est procédé que par affirmations sur le fait que M. [D] n’aurait jamais retrouvé d’emploi ni pu faire valoir ses droits au chômage à raison de la non remise de l’attestation pôle emploi qu’il n’a jamais réclamée), seront évalués à 8 500 euros, sans qu’il y ait lieu à indemnisation distincte d’un préjudice moral qui n’est pas explicité.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau,

Condamne la société Fajolini-Bricocash à payer à M. [D] les sommes de :

– 8 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

– 2 436 euros à titre d’indemnité de préavis

– 243,60 euros à titre de congés payés afférents

– 1 461,60 euros à titre d’indemnité de licenciement

– 2 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonne le remboursement par la société Fajolini-Bricocash à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [D] dans la limite de 3 mois d’indemnités.

Déboute M. [D] du surplus de ses demandes.

Déboute la société Fajolini-Bricocash de ses demandes.

Condamne la société Fajolini-Bricocash aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE

 


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