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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MARS 2023
N° RG 21/02429
N° Portalis : DBV3-V-B7F-UVIC
AFFAIRE :
[F] [O]
C/
S.A. AXWAY SOFTWARE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 2 juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE :
Section : E
N° RG : F18/02691
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Emilie DURVIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES
Me Frédéric ZUNZ de la SELEURL MONTECRISTO
Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [F] [O]
né le 2 février 1962 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Emilie DURVIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: R222
APPELANT
****************
S.A. AXWAY SOFTWARE
N° SIRET : 433 977 980
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Frédéric ZUNZ de la SELEURL MONTECRISTO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J153 substitué à l’audience par Me TRÉTON Laure, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Madame Régine CAPRA, Conseillère,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,
Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI
Par contrat de travail à durée indéterminée du 23 juin 2017, Monsieur [F] [O] a été engagé à compter du 4 septembre 2017 par la société Axway Software, qui a pour activité l’édition de logiciels informatiques, en qualité de directeur d’une ligne de produits, statut cadre. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs conseils et des sociétés de conseil (Syntec).
Par lettre du 11 mai 2018, Monsieur [O] a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 24 mai 2018 et qui a été suivi de la notification de son licenciement pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée avec avis de réception du 5 juin 2018. Il a été dispensé de l’exécution du préavis de trois mois.
Par requête reçue au greffe le 22 octobre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement de diverses sommes.
Par jugement du 2 juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– dit et jugé que le licenciement de M. [O] par la société Axway Software était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
en conséquence :
– débouté M. [O] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse tant à titre principal, qu’à titre subsidiaire ;
– débouté M. [O] de sa demande de rappel de rémunération sur objectif 2018 tant au principal qu’à titre subsidiaire ;
– débouté M. [O] de sa demande de congés payés afférents ;
– débouté M. [O] de sa demande de rappel de salaire au titre du 13ème mois et les congés payés afférents ;
– débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts en raison du défaut de paiement des sommes dues à leurs dates d’échéance respectives ;
– débouté M. [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– débouté M. [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
– débouté M. [O] et la société Axway Software de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [O] de sa demande de condamnation des intérêts au taux légal avec capitalisation ;
– débouté M. [O] de sa demande d’exécution provisoire ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné Monsieur [O] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration au greffe du 23 juillet 2021, le salarié a relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 25 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, le salarié demande à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
infirmer le jugement ;
statuant à nouveau,
– juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement ;
– fixer le salaire moyen à la somme de 11 596,11 euros ;
– condamner la société Axway Software à lui verser les sommes de :
* à titre de rappel de rémunération sur objectifs 2018,
à titre principal 15 000 €,
à titre subsidiaire 10 250 €,
*au titre des congés payés,
à titre principal 1500 €,
à titre subsidiaire 1025 €,
* à titre de dommages et intérêts en raison du retard de paiement des sommes dues 12 000 €,
* à titre de rappel d’indemnité de préavis 5 678,57 €,
* au titre des congés payés 567,85 €,
* à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement 307,77 €,
* à titre de rappel de treizième mois 6307,69 €,
* au titre des congés payés 630,77 €,
* à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 250 000 € nets de CSG CRDS et de charges sociales,
* à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat 12 000 €,
* à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire 36 000 €,
* à titre d’indemnité en application de l’article 700 du CPC 6000 €,
– assortir la condamnation des intérêts au taux légal avec capitalisation ;
– condamner la société Axway Software aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 20 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [O] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence,
Débouté Monsieur [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse tant à titre principal, qu’à titre subsidiaire,
Débouté Monsieur [O] de sa demande tant à titre principal que subsidiaire, à titre de rappel de rémunérations sur objectifs 2018 et des congés payés y afférents,
Débouté Monsieur [O] de sa demande au titre des congés payés y afférents,
Débouté Monsieur [O] de sa demande de rappel de salaire au titre du 13ème mois et les congés pays y afférents,
Débouté Monsieur [O] de sa demande de dommages et intérêts en raison du défaut de paiement des sommes dues à leurs dates d’échéances respectives,
Débouté Monsieur [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
Débouté Monsieur [O] de sa demande au titre de l’article 700 du CPC et des dépens, (‘) ;
statuant à nouveau,
– condamner Monsieur [O] au versement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [O] aux entiers dépens d’instance.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le caractère fondé ou non du licenciement
Dans la lettre de licenciement, les motifs du licenciement s’énoncent en ces termes :
« ‘Solution Management Director (niveau 3.2, coefficient 210, vous êtes en charge de la réflexion stratégique autour de la création de la chaine de valeur sur une de nos lignes produits
dite « Analytics ». Vous avez la responsabilité de vous concentrer sur l’appréhension des attentes/besoins de nos clients pour mettre en lumière comment nos produits et solutions pourront venir les aider à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent dans leurs activités. Ceci implique des interactions de proximité avec les équipes notamment Vente Marketing, R&D. Vous définissez la déclinaison de la road map (feuille de route des développements à venir) dans ses grandes orientations et devez prioriser les composants devant être prioritairement intégrés à nos produits/solutions pour leur permettre de rencontrer les besoins métiers de nos clients/prospects et ainsi disposer d’arguments compétitifs (créateurs de valeur) nous différenciant de nos concurrents. Nos équipes de « Product Management » sont ensuite chargées de décliner ces grandes orientations en lots de développement dotés de spécifications techniques détaillées afin de permettre leur bon développement.
Votre rôle est d’autant plus stratégique que notre Entreprise fait face à un contexte de transformation profonde de l’industrie du logiciel ainsi qu’à une accélération des innovations technologiques de nos compétiteurs.
Nous estimons que depuis quelques mois, vous ne délivrez pas la qualité de travail attendu dans votre rôle et que votre contribution n’apporte pas la valeur ajoutée que nous attendons de votre séniorité dans le métier.
Ainsi, lors d’une réunion le 16 mars 2018, rassemblant les acteurs R&D et Product Management et organisée par l’Executive Vice President SPE (Solutions, Products, Engineering) chaque Solution Manager devait présenter sa vision du marché sur son périmètre et plus important les axes de valeur sur lesquels concentrer nos ressources. Il s’agissait d’une réunion de haute importance rassemblant toutes les parties prenantes au niveau international et ce, dans le but de créer adhésion et alignement à travers les équipes.
A cette occasion, vous vous êtes contenté de présenter un document non travaillé, manifestement établi sans concertation avec vos interlocuteurs internes. Vous intégriez par exemple des composants technologiques issus d’autres lignes de produits, dont les représentants au cours de la même réunion venaient d’expliquer pourquoi lesdits composants ne seraient pas intégrés dans leur feuille de route de développement cette année. Sur la partie dédiée aux préconisations de création de valeur, vous avez simplement égrené une simple liste de fonctionnalités à envisager sans démonstration de leur capacité respective à résoudre les difficultés que rencontrent nos clients ou à nous distinguer de nos compétiteurs. De la même manière, aucune préconisation de priorisation n’accompagnait votre énumération. Dans une dernière partie consacrée, aux développements en cours et à venir en 2018, vous avez été jusqu’à présenter des échéances de livraison obsolètes ou dont vous avez reconnu en réunion qu’elles ne seraient pas tenues !
A l’issue de cette réunion, votre responsable hiérarchique vous demandera de reprendre votre travail et de lui présenter votre stratégie sur « Analytics ». Là encore, votre production – tardive – ne répondra pas aux attentes et obligera notamment d’autres membres de nos équipes à venir pallier à (sic) votre carence et produire le travail attendu.
Début avril, notre EVP SPE convoque une nouvelle réunion de travail consacrée à votre ligne de produits « Analytics » et dont l’objet est de valider la refonte de sa stratégie tarifaire. Alors que ce sujet relève directement de votre périmètre d’intervention et que vous avez été chargé d’apporter votre analyse et vos recommandations, vous vous présentez sans les travaux demandés, uniquement avec une simple liste de points en cours de traitement et connexes à la tarification. Notre EVP SPE mettra donc fin prématurément à la réunion pour la repositionner la semaine suivante, vous enjoignant de vous connecter entretemps avec toutes les parties prenantes pour venir cette fois-ci préparé. Vous vous gardez alors de préciser être en congés ladite semaine. Vous n’estimez pas plus utile plus tard d’en aviser l’intéressé qui l’apprendra fortuitement par un tiers… La réunion sera décalée au 18 avril et vous y défendrez la thèse qu’il ne faut rien changer sur notre grille tarifaire alors même que le postulat initial est la volonté, partagée par tous en interne, d’y apporter les corrections utiles à la rendre plus compétitive ! A nouveau, au lieu de contribuer activement à l’accélération de notre mutation en apportant une vision et une analyse en phase avec votre niveau de poste et les enjeux, vous faites perdre un temps précieux à nos équipes.
Ces évènements démontrent une insuffisance professionnelle caractérisée que nous ne pouvons accepter d’un salarié de votre expérience et de vos responsabilités’ »
A l’appui de sa demande de voir le licenciement pour insuffisance professionnelle être déclaré sans cause réelle et sérieuse, le salarié fait valoir : le non-renouvellement pour trois mois supplémentaires de la période d’essai de quatre mois tel que prévu par le contrat de travail et le fait que le licenciement soit intervenu peu après la fin de cette période d’essai ; l’absence de plan d’action, de formation et de mesure d’accompagnement ; le défaut de reproche en amont du licenciement ; un changement d’organisation intervenu en janvier 2018 sans aucune directive sur le nouveau mode de fonctionnement et qui s’est traduit par le transfert de son équipe au groupe Product Management et par son affectation à un nouvelle mission consistant à recenser les besoins analytiques des différentes lignes de produits et à produire un document sur la stratégie globale des prochaines années ; dans ce cadre, lors de la réunion du 16 mars 2018 qui avait pour objet la présentation des livrables d’Axway pour 2018, il devait présenter en tant que solution manager la partie Analytics afin de pouvoir répondre sur la place de ces livrables dans la stratégie future, ayant géré la partie Product Management des produits Analytics jusqu’en décembre 2017 et n’étant plus responsable des logiciels Analytics ni chargé du calendrier des livrables ; en amont de la réunion du 16 mars 2018, l’accomplissement de travaux pour satisfaire à ses nouvelles missions : organisation d’ateliers avec d’autres entités afin de recenser les besoins ; établissement d’un état des besoins communiqué à l’Exécutive Vice President SPe puis d’un état révisé ; production d’une liste de recommandations pour les livrables produits Analytics 2018 du groupe Product Management communiqué au Vp Solution Management, son supérieur hiérarchique ; l’organisation de réunions, avec l’indication du caractère optionnel de sa présence, afin de préparer celle du 16 mars 2018, avec une validation de la présentation et de tout son contenu lors d’une réunion du 14 mars précédent ; l’absence de date précise pour l’élaboration de la stratégie
Analytics globale confirmée par son supérieur hiérarchique et l’impossibilité de réaliser le document sollicité, dans son contenu et sa forme, le 12 mars pour la réunion du 16 mars ; la demande de l’employeur de le voir assister à la conférence de la plus grande société de notation des produits informatiques au monde, « Gartner Analytics », afin de présenter le bien-fondé de la vision d’Axway dans ce domaine ; le retour positif de son supérieur par mail du 27 mars après réception du document sur la stratégie analytique globale ; la présentation en l’état de ce document à l’équipe des ventes le 19 avril suivant ; l’absence d’élément remettant en cause ses travaux remis 24 heures à l’avance à son supérieur hiérarchique en vue d’un changement de la politique tarifaire ; l’absence d’accord sur ce point en raison d’importantes modifications techniques induites ; le fait que la réunion d’avril 2018 sur le sujet a été décalée à la demande expresse de deux responsables ; une politique de réduction des coûts constituant le véritable motif de la rupture qui s’est traduite par une réduction du personnel significative et par la suppression de son poste.
L’employeur soutient que : le salarié avait pour mission hautement stratégique de mener une réflexion stratégique autour de la chaîne de valeur des lignes produits dite « Analytics » eu égard aux attentes et besoins des clients ; le salarié n’a pas réalisé la présentation attendue dans le cadre de son périmètre lors de la réunion du 16 mars 2018 alors que son supérieur lui avait indiqué ses attentes par mails datés des 2 et 12 mars 2018 ; il n’a pas réalisé l’analyse qui lui était demandée et n’a fait qu’égrener une liste de fonctionnalités envisagées sans démontrer en quoi elles pouvaient régler les problèmes des clients et permettre à la société de se distinguer de ses concurrents ; la page 6 du document de présentation du salarié le confirme ; son supérieur hiérarchique n’était pas satisfait de sa présentation puisqu’il lui a demandé de la retravailler ; ses travaux ont été rendus avec retard et ont dû être remaniés ; un travail incomplet de sa part est également à l’origine d’un report de la réunion sur la refonte de la stratégie tarifaire de la ligne de produits « Analytics » ; il y avait bien un accord pour rendre la grille tarifaire plus compétitive ; le salarié rencontrait des difficultés en matière de « pricing » relevant de ses attributions ; en définitive, c’est un autre responsable qui gérait le dossier ; ce n’est que le jour ayant précédé la réunion reportée au 18 avril que le salarié a adressé sa présentation sur laquelle son supérieur a fait des remarques et a livré des interrogations ; le salarié, engagé pour être force de proposition, était dès lors un frein à la mise en place de la nouvelle organisation ; l’insuffisance professionnelle reprochée au salariée ne résulte que de son incapacité à répondre à ses attentes malgré sa classification de haut niveau ; les départs de salariés ont résulté pour l’essentiel de démissions dans un contexte économique non dégradé ; son poste n’a pas été supprimé.
Il résulte des éléments soumis à l’appréciation de la cour que :
– le salarié a été recruté en qualité de directeur d’une ligne de produits à la position 3.2 de la convention collective Syntec, position réservée aux ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés ; la position supérieure exige, au-delà de grandes initiatives et responsabilités, une bonne coordination entre plusieurs services ainsi qu’une grande valeur technique ou administrative ;
– la période d’essai, qui a pour objectif, notamment, de permettre à l’employeur de contrôler les compétences du salarié notamment au regard de son expérience et de sa mission, a duré quatre mois, et cette durée maximale prévue par la convention collective n’a pas été renouvelée pour une durée de trois mois tel que l’envisageait également le contrat de travail ;
– alors que cette période d’essai avait permis au salarié d’apprécier la nature et l’étendue de ses fonctions, des échanges de mails, essentiellement avec son supérieur hiérarchique, laissent apparaître que dès la fin de cette période et malgré la carence de l’employeur dans la définition des contours précis des fonctions alors exercées, ce dernier en a réduit le périmètre hiérarchique en les recentrant sur des missions d’analyse de la ligne des produits « Analytics » ; et si les mails de son supérieur hiérarchique définissent des orientations en matière de stratégie analytique, ils ne contiennent aucune instruction précise sauf des réflexions à mener en ce domaine pris au sens large ;
– dans un tel contexte et en l’absence de toute alerte ou mise en garde, l’employeur remet en cause l’insuffisance et l’utilité des travaux et plus généralement les compétences du salarié dont la contribution n’apporterait pas la valeur ajoutée attendue de sa « séniorité dans le métier » ; or, s’agissant de la présentation de travaux lors de la réunion du 16 mars 2018 dont aucun élément ne permet de déterminer le déroulement précis alors que selon l’employeur celle-ci était d’une « haute importance », rassemblait « toutes les parties prenantes au niveau international » et avait pour objet la présentation par chaque « Solution Manager » de sa vision du marché sur son périmètre et les axes de valeur sur lesquels concentrer les ressources de la société, aurait mis en évidence l’incapacité du salarié à produire un travail du niveau de qualité attendu ; à cet égard, force est d’observer que l’employeur remet en cause la présentation d’un document « non travaillé, manifestement établi sans concertation avec [ses] interlocuteurs internes » alors que le mail censé informer le salarié sur les attentes de sa hiérarchie concernant cette réunion n’a été envoyé que dans la soirée du 12 mars, le salarié n’étant pas utilement contredit sur l’existence d’autres missions dans l’intervalle l’ayant amené à participer à d’autres réunions au cours des trois jours ayant précédé la réunion du 16 mars ; or, ce mail ne délimite pas clairement et précisément la mission du salariée puisqu’elle l’invite à une réflexion globale à partir de questions multiples à large spectre qui ne constituent qu’un aperçu du fond et de la forme envisagées ; dans le même temps, la dimension collective d’une telle réflexion et la contribution d’un collègue de travail expérimenté sont mis en avant ; et si l’employeur souligne l’existence de recommandations en ce que la synthèse attendue devait cibler des domaines « dans la stratégie sur les points clés », l’ambition du projet dans sa globalité était telle que le supérieur hiérarchique du salarié indiquait
ne pas s’attendre à ce qu’il réussisse du premier coup ; de même, la seule référence à une partie du document « Executive Review Analytics » produit par le salarié n’est pas de nature à en révéler les carences ; au surplus, en invoquant les échanges de mails postérieurs à la réunion concernée, l’employeur échoue à faire ressortir l’incapacité du salarié à accomplir des tâches précises dans des délais préalablement assignés quand il en ressort plutôt, sous le suivi et avec l’assentiment de son supérieur hiérarchique, l’exécution graduelle de missions transversales et collectives qui ont abouti à une présentation de la stratégie Analytics à l’ensemble de l’équipe des ventes un mois plus tard ;
– pareillement, la décision de décaler la réunion sur la stratégie tarifaire de la ligne de produits « Analytics » résulte d’un échange de mails du 12 avril 2018 laissant apparaître que contrairement aux affirmations de l’employeur, sans offre de preuve, la décision de la reporter n’était pas imputable au salarié ; en outre, il résulte d’un autre échange de mails qu’à compter de la fin du mois de mars 2018 un processus comparable à celui mis en place pour aboutir à la réalisation du projet analytique global a dû être privilégié pour une contribution collective et transversale à la définition d’une stratégie en matière de « pricing » de la ligne de produits Analytics dès lors que celle-ci devait s’insérer dans le cadre d’une réflexion plus globale sur une structure commune dans laquelle les « solutions lines » devaient se glisser ; à ce titre, si le supérieur hiérarchique du salarié a considéré devoir lui préciser l’étendue de sa mission en matière de « pricing », il a souligné une nouvelle fois l’utilité de l’implication et de l’aide d’autres collaborateurs ; il reste que ce même supérieur hiérarchique a limité ses demandes à quelques interrogations et commentaires y compris après avoir reçu, par mail du 17 avril 2018, la présentation réalisée pour la réunion devant se tenir le jour suivant, alors que l’employeur n’offre pas de prouver l’incapacité du salarié à accomplir un travail de qualité suffisante dans le temps imparti.
Considérant l’ensemble de ces éléments dont il ne résulte pas l’incapacité objective et durable du salarié à exécuter de façon satisfaisante son emploi correspondant à sa qualification, il y a lieu de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour insuffisance professionnelle du salarié, le jugement étant dès lors infirmé sur ce chef.
Sur le rappel de rémunération variable et de treizième mois
Le salarié sollicite le paiement d’un rappel de rémunération variable à hauteur de l’intégralité de la part variable annuelle fixée à 15 000 euros bruts à objectifs atteints, faute de fixation par l’employeur des objectifs et des modalités de paiement pour 2018 et compte tenu de ce que le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse l’a privé de la possibilité de réaliser l’objectif annuel si celui-ci avait été fixé. Il sollicite, en outre, un rappel de treizième mois, au prorata, que le licenciement sans cause réelle et sérieuse l’a empêché de percevoir.
L’employeur réplique que le salarié n’a pas réalisé ses missions conformément aux objectifs
fixés et que le plan de rémunération pour l’année 2018 prévoit qu’il faut être employé au 31 décembre 2018 pour obtenir le versement de la rémunération variable. Il ajoute que le treizième mois n’est pas dû dès lors que le licenciement est fondé et que le salarié ne remplissait pas la condition de présence dans l’effectif à la date de son versement fixée au 31 décembre.
Le contrat de travail prévoit que la rémunération du salarié est composée d’un salaire mensuel brut forfaitaire de 9230,77 euros, d’une prime équivalente à un treizième mois payable le 31 décembre, au prorata du temps passé à condition d’être présent dans l’effectif de la société à cette date, et d’une part variable annuelle de 15 000 euros bruts à objectifs atteints, les objectifs et modalités de paiement devant être fixés chaque année par la Direction par une lettre d’objectifs individuels.
Il en résulte, d’une part, que la société ne justifiant pas avoir porté à la connaissance du salarié des objectifs et modalités de paiement fixés pour l’année 2018, elle est redevable de la totalité de la rémunération variable contractuelle, peu important l’absence du salarié dans les effectifs au 31 décembre 2018 qui ne résulte que de la décision injustifiée de l’employeur de rompre le contrat de travail, d’autre part, que la prime de treizième mois proratisée est due par ce dernier à la suite du licenciement infondé.
Au vu des éléments produits aux débats, dont les éléments de calcul, qui ne souffrent d’aucune lacune et qui ne sont pas utilement contredits par l’employeur, ce dernier sera condamné à payer au salarié les sommes suivantes :
– 15 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable, outre 1500 euros bruts de congés payés afférents ;
– 6 307,69 euros bruts à titre de rappel de prime de treizième mois, outre 630,77 euros bruts de congés payés afférents.
Sur les reliquats d’indemnités de rupture
Considérant les développements qui précèdent et les éléments d’appréciation, les demandes en paiement de reliquats d’indemnités de rupture intégrant la rémunération variable et la prime de treizième mois sont fondées en application des dispositions conventionnelles et des articles L.1234-1 et L 1234-5 du code du travail, de sorte que l’employeur, qui s’oppose à ce paiement en excipant vainement du caractère injustifié de la demande en paiement de la rémunération variable pour l’année 2018, doit être condamné au paiement des sommes suivantes :
– 5 678,57 euros bruts à titre de reliquat d’indemnité de préavis, outre 567,85 euros bruts de congés payés afférents,
– 307,77 euros nets à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement.
En conséquence, le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salarié réclame une indemnisation au-delà du barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail faute d’indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT d’application directe en droit français. Il invoque en outre l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996. Il fait valoir l’existence d’un préjudice financier par perte de revenus ainsi que de grandes difficultés à retrouver un emploi au regard de son âge et du marché de l’emploi.
L’employeur réplique que le barème est applicable, que le salarié ne justifie pas de son préjudice et que ce dernier ne saurait obtenir une indemnisation supérieure au plafond légal.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.
Aux termes de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 de ce code n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
– la violation d’une liberté fondamentale;
– des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4;
– un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4;
– un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits;
– un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat;
– un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail. Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.
Par ailleurs, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l’exercice effectif des droits et principes» ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.
Selon l’article 24 de cette même Charte, « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »
L’annexe de la Charte sociale européenne précise qu’il « est entendu que l’indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »
L’article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu’elle contient.
Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s’engage :
a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;
b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la
Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;
c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d’articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu’elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés.»
Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l’approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d’être liée par l’ensemble des articles de la Charte sociale européenne.
L’article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :
a) la législation ou la réglementation ;
b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d’employeurs et organisations de travailleurs ;
c) une combinaison de ces deux méthodes ;
d) d’autres moyens appropriés. »
Enfin, l’annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l’application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives.
Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.
Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18.
Les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant donc pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, et la décision du Comité européen des droits sociaux publiée le 26 septembre 2022, qui considère que le barème d’indemnités pour licenciement abusif est contraire à cet article 24, ne produisant aucun effet contraignant, il convient d’allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.
En conséquence, par application de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié ayant une ancienneté inférieure à une année complète, il y a lieu d’allouer à ce dernier, au vu de son âge au moment de la rupture (56 ans) et de sa capacité à retrouver un emploi telle que celle-ci résulte des éléments fournis, la somme de 10 000 euros nets n’excédant pas un mois de salaire brut, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
Sur le caractère vexatoire du licenciement
A l’appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre d’un licenciement vexatoire, le salarié invoque le caractère vexatoire de la « communication diffamatoire et dénigrante » que son supérieur hiérarchique direct a diffusée après son départ ainsi que le fait d’avoir été dispensé d’exécuter son préavis.
L’employeur fait valoir que le mail concerné ne fait qu’annoncer les raisons pour lesquelles le salarié s’est vu licencier et que cela n’a rien de diffamatoire mais correspond à la réalité.
Il ressort d ‘un mail envoyé à plus d’une dizaine de collaborateurs de la société dès le 8 juin 2018, soit seulement trois jours après la notification du licenciement du salarié et alors que ce dernier avait été intégralement dispensé de l’exécution de son préavis d’une durée de trois mois, que le supérieur hiérarchique de celui-ci ne s’est pas contenté d’une large diffusion de la décision de l’employeur de le licencier mais a étendu sa communication à des affirmations générales sur sa vision du travail réalisé par son subordonné en allant même au-delà de la motivation du licenciement puisqu’il y indique que le salarié avait des difficultés à atteindre bon nombre des objectifs et des tâches qui lui étaient assignés et avait eu largement l’occasion de les corriger, pour en conclure que le salarié ne correspondait pas au rôle et aux attentes.
Il y a donc lieu de juger que le licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires.
Considérant notamment l’expérience et le positionnement du salarié dans l’entreprise, le préjudice moral distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi sera réparé par l’allocation de dommages et intérêts d’un montant de 3 000 euros nets.
Sur le non-paiement du salaire à l’échéance
L’article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages-intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un
préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire. Le salarié, qui ne justifie pas de la mauvaise foi de l’employeur ni d’un préjudice indépendant du retard dans le paiement du salaire, doit être débouté de cette demande, le jugement étant dès lors confirmé sur ce chef.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Le salarié fait valoir l’existence d’un préjudice découlant de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur qui selon lui résulte de son exclusion d’un « workshop » à Dallas auquel sa présence avait été annoncée, quand l’employeur réplique qu’une telle exécution déloyale ne peut résulter de sa décision de ne pas envoyer son salarié à Dallas pour se concentrer sur l’un de ses objectifs.
Le salarié ne justifie pas de l’existence d’un manquement de l’employeur à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail en invoquant la décision de l’employeur de ne pas maintenir sa présence au « workshop » alors qu’il échoue à démontrer que cette décision n’était pas motivée par la seule volonté de la société de prioriser un travail sur la stratégie « Analytics » telle que cette décision résulte d’un échange de mails avec son supérieur hiérarchique.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que le salarié est débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
Sur les intérêts au taux légal
Les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2018, date de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.
Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié par Pôle Emploi du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités.
Sur les frais irrépétibles:
En équité, il ne sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit du salarié auquel est allouée la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Sur les dépens:
La charge des entiers dépens de première instance et d’appel doit être supportée par l’employeur, partie succombante pour l’essentiel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il déboute Monsieur [F] [O] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts en raison du défaut de paiement des sommes dues à leurs dates d’échéances respectives et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et en ce qu’il ne fait pas application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Axway Software.
L’infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [F] [O].
Condamne la société Axway Software à payer à Monsieur [F] [O] les sommes suivantes:
– 15 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable,
– 1 500 euros bruts de congés payés afférents,
– 6 307,69 euros bruts à titre de rappel de prime de treizième mois,
– 630,77 euros bruts de congés payés afférents,
– 5 678,57 euros bruts à titre de reliquat d’indemnité de préavis,
– 567,85 euros bruts de congés payés afférents,
– 307,77 euros nets à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement,
– 10 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
– 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Dit que les créances salariales sont productives d’intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2018, date de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite ;
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié par Pôle Emploi du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités.
Dit qu’une copie de l’arrêt sera adressée par le greffe à Pôle Emploi.
Déboute les parties pour le surplus.
Condamne la société Axway Software aux entiers dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier en pré-affectation, Le président,