Diffamation : décision du 11 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01716

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Diffamation : décision du 11 avril 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01716

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°145

N° RG 20/01716 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QRUY

S.A.S. IKOS CONSULTING

C/

Mme [L] [G]

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 AVRIL 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Février 2023

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [X] [I], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La S.A.S. IKOS CONSULTING prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant Me Franck MARCAULT-DEROUARD de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et représentée à l’audience par Me Séverine MARTEL du Cabinet PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [L] [G]

née le 10 Février 1986 à

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie BIGOT de la SCP GODARD-DUMONT-BIGOT, Avocat au Barreau de NANTES

Le 8 avril 2016, Mme [L] [G] a été embauchée par la SAS IKOS CONSULTING dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité d’Ingénieur consultant statut cadre, position 2.1, coefficient 115, la relation contractuelle étant régie par Convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC).

Le 3 mai 2018, la SAS IKOS CONSULTING, à la suite d’un accord collectif d’entreprise modifiant les règles en matière d’aménagement et d`organisation du temps de travail, a adressé Mme [G] un avenant à son contrat de travail.

Le 29 mai 2018, Mme [G] a transmis par courriel à la responsable des ressources humaines et ses collègues, des questions relatives à cet avenant et à la compatibilité de ses dispositions au regard de la convention collective applicable.

Le 30 mai 2018, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 7 juin avec une mise à pied à titre conservatoire et à effet immédiat en raison des faits graves qui lui étaient reprochés.

Le 14 juin 2018, Mme [G] était licenciée pour faute grave.

Le 22 novembre 2018, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins essentiellement de contester son licenciement pour faute grave et obtenir le paiement d’heures supplémentaires et de rappel de salaire pour non-respect de la rémunération minimale conventionnelle.

La cour est saisie d’un appel formé le 11 mars 2020 par la SAS IKOS CONSULTING à l’encontre du jugement prononcé le 18 février 2020 par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que :

– la rupture du contrat de travail de Mme [G] est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– il y a lieu au paiement d’un rappel de salaire,

– il n’y a pas lieu au paiement d’heures supplémentaires,

– i1 n’y a pas lieu au paiement de dommages-intérêts pour jours de repos non pris ;

‘ Condamné la SAS IKOS CONSULTING à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

– 1.726,19 € brut au titre du paiement de la mise à pieds conservatoire,

– 172, 61 € brut de congés payés afférents,

– 2.481€ net au titre de l’indemnité conventionnel de licenciement,

– 10.200 € brut au titre de l’indemnité de préavis,

– 1.020 € brut de congés payés afférents,

– 10.338 € net de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– 2.088 € brut au titre d’un rappel,

– 208,80 € brut de congés payés afférents,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2018, date de la saisine du Conseil pour les sommes à caractère salariale et à la date de la notification du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire ;

‘ Les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts ;

‘ Limité l’exécution provisoire du jugement à l’exécution provisoire de droit définie à l’article R. 1454-28 du code du travail ;

‘ Fixé à cet effet à 3.446 € brut le salaire mensuel moyen de référence,

‘ Reçu la SAS IKOS CONSULTING en ses demandes reconventionnelles et l’en a déboutée ;

‘ Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

‘ Ordonné le remboursement par la SAS IKOS CONSULTING aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [G] dans la limite de 3 mois d’indemnités;

‘ Condamné la SAS IKOS CONSULTING aux dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 29 septembre 2020, suivant lesquelles la SAS IKOS CONSULTING demande à la cour de :

‘ Dire et juger recevable et bien fondée son appel ;

‘ Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes du 18 février 2020 en ce qu’il a :

– dit la rupture du contrat de travail de Mme [G] devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SAS IKOS CONSULTING au paiement des sommes suivantes :

– 1.726,19 € brut à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

– 172,61 € au titre des congés payés afférents,

– 2.481 € net à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 10.200 € brut à titre d’indemnité de préavis,

– 1.020 € au titre des congés payés afférents,

– 10.338 € net de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

– 2.088 € brut au titre d’un rappel de salaire,

– 208,80 € brut au titre des congés payés afférents,

– condamné la SAS IKOS CONSULTING à rembourser les indemnités de chômage versée à Mme [G] dans la limite de 3 mois ;

‘ Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes du 18 février 2020 en ce qu’il a débouté Mme [G] de :

– ses demandes relatives au rappel d’heures supplémentaires,

– sa demande de dommages-intérêts pour jours de repos non-pris ;

En conséquence,

‘ Ordonner le remboursement par Mme [G] à la SAS IKOS CONSULTING de la somme de 14.669,62 € correspondant au montant net des condamnations d’ores et déjà perçues au titre des condamnations assorties de l’exécution provisoire de droit ;

‘ Dire et juger que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé par la Cour de sa décision et ce jusqu’à leur complet remboursement ;

En tout état de cause,

‘ Dire et juger que le licenciement de Mme [G] repose sur une faute grave parfaitement établie et justifiée ;

‘ Débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

‘ Condamner Mme [G] à verser à la SAS IKOS CONSULTING la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamner Mme [G] aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, suivant lesquelles Mme [G] demande à la cour de :

‘ Confirmer le jugement rendu en première instance en ce qu’il a :

– dit et jugé le licenciement pour faute grave notifié à la date du 14 juin 2018 comme étant dénué de cause réelle et sérieuse,

– dit et jugé que la SAS IKOS CONSULTING reste devoir à Mme [G] les sommes suivantes en suite des dispositions relatives à sa durée du travail s’agissant du non-respect de la rémunération minimale conventionnelle :

– 2.088 € brut, à titre principal, au titre des dispositions relatives à sa durée du travail s’agissant du non-respect de la rémunération minimale conventionnelle,

– 208.80 € brut de congés payés afférents,

– 10.086,70 € brut, à titre subsidiaire, au titre des dispositions relatives à sa durée du travail s’agissant du non-respect de la rémunération minimale conventionnelle,

– 1.008,67 € brut de congés payés afférents,

– condamné la SAS IKOS CONSULTING à régler à Mme [G] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de :

– son rappel d’heures supplémentaires effectuées au-delà de 38 h 30,

– sa demande des jours de repos supplémentaires ;

‘ Condamner la SAS IKOS CONSULTING à lui régler au titre du rappel d’heures supplémentaires effectuées au-delà de 38 h 30 avec intérêts au taux légal outre capitalisation :

– 1.074,06 € brut pour la période courant d’avril à décembre 2016,

– 107,40 € brut de congés payés afférents,

– 1.454,85 € brut pour la période de janvier à décembre 2017,

– 145,48 € brut de congés payés afférents ;

‘ Fixer la moyenne mensuelle brute des salaires de Mme [G] à la somme de 3.446 € et le préciser dans la décision à intervenir ;

‘ Condamner la SAS IKOS CONSULTING à lui régler 2.500 € net au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

‘ Condamner la SAS IKOS CONSULTING aux entiers dépens de l’instance qui comprendront en tant que de besoin les frais d’exécution forcée en ce compris l’article 10 du décret de 1979.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2023.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur le non respect de la rémunération minimale conventionnelle

En droit, la durée du travail de tout salarié peut faire l’objet d’une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois ; que des convention individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année peuvent être conclues par des catégories de salariés déterminées par une convention ou un accord collectif de travail, ou par une convention ou un accord d’entreprise.

L’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris pour l’application de la loi du 13 juin 1998 et rattaché à la convention collective SYNTEC, prévoit à l’égard des cadres au sein des entreprises de l’ingénierie, de l’informatique et du conseil, compte tenu de la nature des fonctions et responsabilités confiées à ce personnel, une mesure de temps exprimé en nombre de journées ou demi-journées de travail en lieu et place d’un calcul en heures; que trois types de modalités de gestion des horaires sont a priori distingués à l’initiative de l’entreprise :

– modalités standard,

– modalités de réalisation de missions,

– modalités de réalisation de missions avec autonomie complète.

Des conventions de forfait en heures sur la semaine peuvent être conclues par des ingénieurs et cadres lorsqu’ils relèvent de la catégorie ‘réalisation de missions’ pour la gestion de leurs horaires; qu’en effet, l’article 3 de l’accord précité dispose que :

‘Ces modalités s’appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète.

Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale. De plus, en fonction de l’activité de l’entreprise, un accord d’entreprise doit préciser les conditions dans lesquelles d’autres catégories de personnel peuvent disposer de ces modalités de gestion.

Compte tenu de la nature des tâches accomplies (responsabilités particulières d’expertise technique ou de gestion qui ne peuvent s’arrêter à heure fixe, utilisation d’outils de haute technologie mis en commun, coordination de travaux effectués par des collaborateurs travaillant aux mêmes tâches…), le personnel concerné, tout en disposant d’une autonomie moindre par rapport aux collaborateurs définis à l’article 3, ne peut suivre strictement un horaire prédéfini. La comptabilisation du temps de travail de ces collaborateurs dans le respect des dispositions légales se fera également en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement (chapitre III).

Les appointements de ces salariés englobent les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

La rémunération mensuelle du salarié n’est pas affectée par ces variations.

Les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l’employeur, au-delà de cette limite, représentant des tranches exceptionnelles d’activité de 3,5 heures, sont enregistrés en suractivité. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer ces suractivités qui ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, intercontrats…) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue.

Ces salariés ne peuvent travailler plus de 220 jours pour l’entreprise, compte non tenu des éventuels jours d’ancienneté conventionnels. Le compte de temps disponible peut être utilisé pour enregistrer les jours accordés aux salariés concernés par ces modalités. Toutefois, ce chiffre de 219 jours pourra être abaissé par accord d’entreprise ou d’établissement, négocié dans le cadre de l’article L. 132-19 du code du travail.

Le personnel ainsi autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % doit bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie’.

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le dispositif du forfait en heures ‘réalisation de mission’ suppose une double condition, à savoir que la rémunération minimale de l’ingénieur ou du cadre est d’une part au moins égale au plafond de la sécurité sociale et d’autre part au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie.

En l’espèce, il n’est pas discuté que Mme [G] a été embauchée à compter du 16 avril 2018 en qualité d’ingénieur consultant cadre moyennant un salaire mensuel brut de 3.100 € pour une durée forfaitaire de travail de 38 h 30 par semaine. Il est établi que Mme [G] appartenait à la catégorie ‘réalisation de mission’. Elle a été soumise à une convention de forfait en heures correspondant à cette catégorie de gestion des horaires.

Dans le cadre de ce forfait en heures conclu conformément à l’article 3 de l’accord de branche précité, il apparaît que Mme [G] a perçu durant toute sa collaboration auprès de son employeur, soit jusqu’au 14 juin 2018, une rémunération d’un montant de 3.100 € à son embauche et de 3.400 € en fin d’activité.

Il est constant que durant la totalité de la période d’activité de Mme [G], le plafond de la sécurité sociale a été fixé à 3.218 € en 2016, à 3.269 € en 2017 et à 3.311 € en 2018.

Mme [G] est donc bien fondée à solliciter un rappel de salaires correspondant à la différence entre les salaires qu’elle a réellement perçu et le plafond de la sécurité sociale.

La cour relève à l’analyse de l’intégralité des fiches de paie versées aux débats que la rémunération mensuelle brute de Mme [G] se composait d’un salaire de base qui a évolué comme suit au regard du plafond de la sécurité sociale :

– d’avril 2016 à décembre 2016, une rémunération de 3.100 € au lieu de 3.218 €.

– de janvier 2017 à mai 2017, une rémunération de 3.100 € au lieu de 3.269 € ;

– de juin 2017 à août 2017, une rémunération de 3.200 € au lieu de 3.269 € ;

– de septembre 2017 à décembre 2017 : une rémunération de 3.255 €au lieu de 3.269 € ;

– de janvier à avril 2018, une rémunération de 3.255 € au lieu de 3.311€.

Il s’ensuit que la SAS IKOS CONSULTING est redevable envers Mme [G], dans la limite de sa demande, de la somme de 2.088 € outre 208,80 € au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur le rappel d’heures supplémentaires au delà de 38 h 30 hebdomadaires

Mme [G] sollicite un rappel de salaire de 1.074.06 € brut pour la période d’avril à décembre 2016 et de 1 454.85 € brut pour la période de janvier à décembre 2017.

La SAS IKOS consulting rétorque que la salariée n’a accompli aucune heure supplémentaire étant soumise à une convention de forfait de 38 heures 30 hebdomadaires dans la limite de 220 jours par an.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de sa demande, Mme [G] produit un ‘tableau récapitulatif de jours travaillés, RTT et congés payés’ couvrant la période d’avril 2016 à juin 2018 (pièce n°26).

Ce seul élément est insuffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Mme [G] sera donc déboutée, par confirmation du jugement, de sa demande de rappel d’heures supplémentaires au delà de 38 h 30 hebdomadaires.

Sur les jours de repos prévus par la convention collective

C’est par une exacte application du droit et une appréciation des faits dont les débats en cause d’appel n’ont pas altéré la pertinence, que les premiers juges ont retenu qu’en application de l’article 3 modifié de l’accord d’entreprise du 22 juin 2019, le contrat de travail était conforme à la durée du travail et n’ouvrait pas droit à des jours de repos supplémentaires. La salariée sera donc déboutée de sa demande.

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation à ce titre, la SAS SAS IKOS CONSULTING soutient le bien fondé du licenciement pour faute grave de la salariée en ce qu’il est fondé sur les deux griefs suivants :

– un abus de liberté d’expression (ton employé),

– une violation de l’obligation de loyauté (nombre de destinataires en copie masquée).

Pour confirmation, Mme [G] soutient essentiellement le caractère non fondé des reproches contenus dans la lettre de licenciement.

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’appelant dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif.

En l’espèce, aux termes d’une procédure régulière sur la forme, les faits reprochés à la salariée selon la lettre de licenciement datée du 14 juin 2018 (pièce n°19 de la salariée) sont les suivants :

‘Le 29 mai 2018, vous avez adressé, de votre messagerie professionnelle à 21H45, à [P] [M], Responsable des Ressources Humaines, un email comportant un certain nombre d’interrogations concernant votre situation personnelle suite à la demande qui vous avait été faite de retourner signé un avenant à votre contrat de travail destiné à vous proposer un nouveau mode d’organisation de votre temps de travail.

Outre le fait que le ton de cet email était particulièrement inapproprié, de nombreux salariés nous ont, des le lendemain, informé avoir reçu cet email ; certains pensant que celui-ci ne leur était pas destiné et leur avait été adressé par erreur.

Cette situation nous a contraint d’entreprendre des investigations lesquelles ont révélé que vous aviez mis en copie masquée de votre email plus de 200 personnes dont certaines ne sont plus salariés d’Ikos en utilisant tantôt leur adresse email Ikos, tantôt leur adresse email auprès des Clients au bénéfice desquels ils exercent leurs prestations voire même leur adresse email personnelle.

Outre le fait qu’une telle situation s’avère hautement préjudiciable pour Ikos Consulting laquelle est, je vous rappelle, habilitée confidentiel défense et se doit d’assurer la sécurité des données auxquels ses salariés peuvent avoir accès, une telle démarche poursuit le seul objectif de nuire à la Société qui vous emploie.

Vous avez prétendu, au cours de l’entretien préalable, avoir découvert le lendemain matin que cet email aurait été adressé à plus de 200 personnes affirmant que vous ne l’auriez envoyé qu’à [P] [M] cherchant à vous retrancher derrière de prétendus dysfonctionnements de notre serveur informatique.

De telles explications ne nous paraissent pas sérieuses. Il nous a été confirmé par notre prestataire informatique qu’aucun dysfonctionnement lié à l’envoi de cet email n’était à signaler. Les adresses emails de ces destinataires ne sont pas toutes des adresses emails lkos ce qui implique qu’elles aient été saisies manuellement.

De plus à aucun moment après avoir prétendument découvert la situation, vous n’avez jugé utile de prévenir la direction ou même de vous excuser. interrogée sur ce point, vous êtes restée silencieuse et n’avez pas su quoi répondre ce qui démontre bien le caractère mensonger de telles explications.

Il nous semble, bien au contraire, que vous avez adressé cet email à dessein afin de tenter de déstabiliser la Société en espérant que d’autres salariés se fassent l’écho de vos revendications.

J’ai personnellement répondu, lors de ma venue à [Localité 4] le 17 mai dernier, à vos questions. Nous avons, depuis la fin de l’année, échangé à de nombreuses reprises sur l’organisation de votre durée du travail.

Même si les réponses apportées ne vous convenaient pas, il ne vous appartenait pas d’adresser à plus de 200 personnes, dont certaines ne sont plus salariés de la Société, vos revendications.

Vous avez fait le choix de jeter le discrédit sur votre employeur en abusant de votre liberté d’expression ce qui rompt la confiance qui doit présider à toute relation de travail.

Cette situation nous est hautement préjudiciable notamment en qu’elle a gravement altéré nos relations professionnelles avec la SNCF auprès de laquelle vous exerciez vos missions. Nous ignorons aujourd’hui le sort du projet auquel vous étiez affectée.

Aussi, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave à effet immédiat.’

En l’espèce, il importe d’examiner la teneur du mail adressé à la responsable RH, Mme [M], dont il résulte des pièces versées à la procédure, qu’il a été adressé par Mme [G] en copie masquée à 123 de ses collègues sur leur adresse professionnelle, cette dernière disposant de cette liste qui lui avait communiquée lors de son embauche via le livret d’accueil de la société.

La Cour observe que le mail de Mme [G] motivant son licenciement est rédigé dans les termes suivants :

Bonjour [P],

Je profite de ton mail pour revenir vers toi suite à mon bilan annuel.

Comme évoqué, pourrais-tu s’il te plaît m’indiquer les conséquences en cas de non signature de l’avenant ‘

En effet, l”avenant indique que je reconnais que mon contrat rémunère 37h30 au lieu des 35h (les 35h étant la norme dans la convention collective Syntec à laquelle IKOS est soumis).

Le passage à 37h30 dans l’avenant n’étant pas accompagné d’une compensation par des RTT ou le paiement des 2h30 supplémentaires (entre 35h et 37h30 hebdomadaires), je ne souhaite donc pas signer cet avenant.

Pour information, ci-joint l’annexe de la convention Syntec relative à la durée du travail qui traite de ce sujet au chapitre 2.

Mon contrat initial s’inscrit bien dans les modalités standard à 35h et non pas dans les modalités réalisation de missions “forfait jours ” qui implique une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale (3311 euros par mois en 2018).

Par ailleurs, l’avenant propose des RTT uniquement pour une heure de travail supplémentaire (heure effectuée entre 37h30 et 38h30). Ce nombre de RTT étant à peu près équivalent à ce que nous avons actuellement, cela signifie que les heures effectuées jusqu’à présent entre 35h et 37h30 n’étaient pas rémunérées ni compensées par des RTT ‘

J’ai remarqué que sur mes fiches de paie, les heures travaillées sont passées de 151,67h par mois (soit une mensualisation des 35h par semaine) à 166,83h par mois au 1er janvier 2018. Peux-tu m’en expliquer les raisons ‘

Si je ne signe pas l’avenant passant de 35h à 37h30 et que je reste sur les modalités actuelles avec uniquement des RTT pour 1h supplémentaire, cela signifie-t-il que les heures de travail indiquées sur mes fiches de paie passeront à une mensualisation des 36h hebdomadaires (35h + 1h supplémentaire compensée par des RTT) ‘

Te remerciant d’avance de ton retour,

Très bonne soirée à toi

Cordialement’.

C’est par une exacte application du droit et une appréciation des faits dont les débats en cause d’appel n’ont pas altéré la pertinence, que les premiers juges ont retenu que le mail de Mme [G] ne contient aucun terme injurieux, diffamatoire, excessif ou menaçant. En effet, ses propos relèvent exclusivement d’un questionnement relatif aux conditions de travail et aux conséquences d’un éventuel refus de signer l’avenant à son contrat de travail. La salariée ne divulgue pas des informations industrielles, financières, techniques, des savoirs faire ou des secrets de fabrication qui déstabiliseraient la société.

Le mail de Mme [G] a été adressé aux seuls salariés de la SAS IKOS CONSULTING et l’utilisation de ce procédé se justifie d’autant plus que les consultants en mission chez divers clients ne disposent d’aucun lieu informel pour échanger sur leurs conditions de travail et leur rémunération. Ainsi le fait de partager par courrier électronique avec des collègues de travail un questionnement relatif au droit du travail, indépendamment d’autres moyens plus institutionnels, ne caractérise pas un abus de la liberté d`expression.

Le fait que la responsable RH ayant reçu le mail de Mme [G] ne soit pas informée du nom des salariés destinataires de la correspondance, compte tenu de l’envoi en copie cachée, ne caractérise pas une violation de l’obligation de loyauté, d’autant que l’employeur ne fournit pas de charte ou de règlement informatique encadrant ou régulant le recours à l’envoi en copie cachée au sein de la société.

Enfin, si l’employeur invoque dans la lettre de licenciement, pour justifier la déloyauté de la salariée, d’une altération des relations avec le client SNCF, force est de constater qu’il ne produit aucune pièce pour le démontrer.

Au vu de l’ensemble de ces éléments d’appréciation, les faits ainsi rapportés ne sont donc pas d’une gravité suffisante pour avoir rendu impossible le maintien de Mme [G] au sein de la SAS IKOS CONSULTING et ne caractérisent en conséquence ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre.

Sur les conséquences financières

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, ou si l’inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Aucune faute grave n’étant retenue à l’encontre de la salariée, l’employeur, qui l’a licenciée à tort sans préavis, se trouve débiteur envers elle d’une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où elle aurait dû l’exécuter, l’inexécution du préavis ayant pour cause la décision de l’employeur de le priver du délai-congé sous le prétexte d’une faute grave inexistante.

En l’espèce, Mme [G] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés afférents.

Il résulte des bulletins de salaire de Mme [G] que son salaire moyen de référence s’élève à un montant de 3.400 € brut par mois.

L’employeur doit ainsi être condamné à payer à la salariée disposant d’une ancienneté de 2 ans et deux mois les sommes de :

– 10.200 € brut au titre de l’indemnité de préavis correspondant à trois mois de salaire de la convention collective en sa qualité de cadre,

– 1.020 € brut au titre des congés payés afférents ;

– 2.481 € net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– 1.726,19 € brut au titre des salaires sur la mise à pied conservatoire ;

– 172 € brut au titre des congés payés afférents ;

Le jugement sera confirmé en ce sens.

L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

En l’occurrence, pour une ancienneté de 2 ans et 2 mois, l’indemnité minimale s’élève à 3 mois de salaire brut et l’indemnité maximale est de 3,5 mois.

Au regard de l’ancienneté de Mme [G], de son âge lors de la rupture (29 ans), de sa situation personnelle postérieure à la rupture et du montant mensuel de son salaire brut, il y a lieu de lui accorder la somme de 10.338 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’anatocisme

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande du salarié.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser la ‘appelant des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS IKOS CONSULTING à verser à Mme [L] [G] la somme de 1.800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la SAS IKOS CONSULTING de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS IKOS CONSULTING aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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