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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 18 JANVIER 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/03072 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O72C
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 AVRIL 2021
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 19/00154
APPELANTE :
S.A.R.L. AMBULANCE ABRI
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Noria MESSELEKA de la SCP NOVAE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Marie THOMAS COMBRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur [Z] [V]
né le 22 Juin 1987 à [Localité 4] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Mathilde LAFON, avocat au barreau de BEZIERS, substituée par Me Xavier LAFON, avocat au barreau de Béziers
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/008181 du 07/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
Ordonnance de clôture du 14 Novembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [Z] [V] a été engagé, par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, à compter du 30 mai 2017, en qualité d’auxiliaire ambulancier, par la Sarl Ambulances Abri, dont l’activité de transport par ambulance relève de la convention collective nationale des transports routiers.
Le 1er juin 2018, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 juin 2018.
Le 22 juin 2018, il a été licencié pour faute grave pour absence injustifiée le 8 mai 2018 et menaces de mort, injures et accusations portées à l’encontre de son supérieur hiérarchique auprès d’un collègue de travail.
Contestant son licenciement, il a saisi, le 11 février 2019, le conseil de prud’hommes de Montpellier.
Par jugement du 2 avril 2021, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :
Dit et juge que le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL Ambulance Abri à payer à M. [V] les sommes suivantes :
-3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 113,94 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 311,40 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
– 389,24 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 1 037,40 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 22 juin 2018 (période de la mise à pied à titre conservatoire) outre103,74 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 74,10 euros brut à titre de rappel de salaire pour la journée du 8 mai 2018 outre 7,41 euros brut au titre des congés payés afférents,
Rappelle que de droit, l’intérêt à taux légal s’appliquera à la date de la saisine concernant les condamnations salariales, à la date de la décision concernant les créances indemnitaires,
Prononce la capitalisation des intérêts,
Ordonne à la Sarl Ambulance Abri de remettre à M. [V] un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi, conformes au présent jugement et ce, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement,
Condamne la Sarl Ambulance Abri à payer à M. [V] la somme de 960 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Sarl Ambulance Abri de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Ordonne l’exécution provisoire de droit du présent jugement et fixe le salaire moyen mensuel de M. [V] à la somme de 1 556,97 euros brut,
Condamne la Sarl Ambulance Abri aux entiers dépens.
Le 11 mai 2021, la Sarl Ambulance Abri a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 14 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 novembre 2023.
‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 4 janvier 2022, la société Ambulance Abri demande à la cour de :
Réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dire que le licenciement pour faute grave est justifié,
Débouter M. [V] de ses demandes,
Le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 3 novembre 2021, M. [Z] [V] demande à la cour de :
Confirmer le jugement du 2 avril 2021 en ce qu’il a :
Juger son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamner la Sarl Ambulance Abri à lui payer les sommes suivantes :
– 1 037,40 euros bruts de rappel de salaire du 1er au 22 juin 2018 outre 103,74 euros bruts de congés payés afférents,
– 74,10 euros bruts de rappel de salaire pour la journée du 8 mai 2018 outre 7,41 euros bruts de congés payés afférents.
Condamner la Sarl Ambulance Abri aux intérêts au taux légal à compter de la convocation de la défenderesse devant le bureau de conciliation et prononcer la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code civil,
Condamner la Sarl Ambulance Abri à lui payer la somme de 960 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Réformer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamner la Sarl Ambulance Abri à lui payer les sommes suivantes :
– 9 000 euros nets de CSG CRDS de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
– 3 213,91 euros bruts d’indemnité de préavis outre 321,39 euros bruts de congés payés afférents,
– 401,73 euros d’indemnité légale de licenciement,
– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris le cas échéant les frais de recouvrement forcé par voie d’huissier de justice.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS :
Sur la demande de rappel de salaire pour la journée du 8 mai 2018 :
M. [V] soutient que l’employeur a indûment retenu la somme de 74,10 euros sur son bulletin de salaire du mois de mai 2018 au titre d’une ‘absence non autorisée’. Il reconnaît s’être porté volontaire pour travailler ce jour férié mais avoir changé d’avis en apprenant la veille qu’il serait rémunéré selon le régime des équivalences. Il invoque une exception d’exécution justifiant son absence tenant au fait que l’employeur ne pouvait décompter le temps de travail selon les régimes des équivalences durant les jours fériés.
Il produit aux débats son bulletin de salaire du mois de mai 2018 sur lequel figure une retenue sur salaire de 74,10 euros pour ‘absence non autorisée’ et son contrat de travail qui prévoit qu’il pourra assurer des services de permanences de nuit ou de week-end dont le temps de travail sera décompté selon les conditions du régime d’équivalence.
La société rétorque que la retenue sur salaire est justifiée dès lors que le salarié devait travailler le 8 mai 2018 et ne s’est pas présenté à son poste sans en justifier. Elle produit aux débats un sms qui a été adressé au salarié dans la matinée du 8 mai pour lui demander de justifier de son absence.
Il se déduit de ce sms que le salarié n’a pas justifié de son absence avant cette date. Il ne justifie pas non plus avoir fourni un justificatif d’absence a posteriori.
Par ailleurs, l’employeur produit un extrait de la convention collective des transports routiers qui prévoit que les jours fériés sont considérés comme services de permanences et soumis au régime d’équivalences. Il rapporte ainsi la preuve que la rémunération de cette journée était bien conforme aux dispositions applicables, de sorte que le salarié ne pouvait se prévaloir d’une exception d’inexécution pour justifier son absence.
Il y a donc lieu de débouter M. [V] de sa demande de rappel de salaire, par réformation du jugement entrepris.
Sur la cause du licenciement :
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
« 1. Menaces de mort, injures et accusations graves portées à l’encontre de votre responsable hiérarchique Monsieur [X] [Y].
En date du mercredi 30 mai 2019, entre 19h et 19h30, vous vous êtes présenté dans le bureau de la régulation des ambulances Abri où vous avez rencontré Monsieur [L] [K], responsable d’exploitation. Plusieurs de vos collègues étaient présents sur place.
Vous avez fait part de votre mécontentement quant au montant du salaire que vous veniez de percevoir au titre du mois de mai 2018. En effet, vous ne compreniez pas pourquoi le montant de votre salaire était aussi bas alors que vous aviez effectué un certain nombre d’heures supplémentaires durant le mois de mai 2018.
Monsieur [L] [K] a alors examiné votre fiche de paye afin d’apporter une réponse à vos interrogations. Après examen du document, Monsieur [L] [K] vous a alors indiqué qu’une retenue sur votre salaire avait été effectuée en raison de votre absence injustifiée du 08 mai 2018.
Vous vous êtes alors mis en colère et vous avez dit à plusieurs reprises à Monsieur [L] [K] : « [X] me vole de l’argent sur ma paye pour se faire des primes, il détourne de l’argent, il vole de l’argent à la société ».
Vous avez ensuite poursuivi en disant que Monsieur [X] [Y] était « un menteur », « un voleur », que vous n’aviez rien à perdre, que vous alliez le « chopper » et vous battre avec lui, que vous ne connaissiez que la marche avant sur la voiture et que vous lui rouleriez dessus dès que vous le verrez, qu’il ferait mieux de se méfier car vous connaissiez du monde et que vous pourriez le faire « tuer ».
Vous avez proféré ces menaces devant plusieurs témoins.
2. Votre absence injustifiée du 8 mai 2018
En date du 8 mai 2018, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail et vous n’avez jamais produit aucun justificatif d’absence.
A toutes fins utiles, je me permets de vous rappeler que vous vous étiez porté volontaire pour travailler ce jour férié.
Lorsque votre responsable s’est aperçu de votre absence, il a essayé de vous joindre par téléphone, en vain.
Le lendemain, soit le 9 mai 2018, vous vous êtes présenté à votre poste mais vous n’avez produit aucun justificatif d’absence.
Passé le délai de 48h qui vous était imparti pour me remettre un justificatif d’absence, je vous ai alors demandé la raison pour laquelle vous ne vous étiez pas présenté à votre poste de travail le 8 mai 2018.
Vous m’avez alors indiqué que vous n’étiez pas venu travailler car vous n’étiez rémunéré qu’à hauteur de 75% (convention collective IDCC 16 permanence jour férié).
Vous avez donc reconnu que le motif de votre absence était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En outre, je vous rappelle que vous avez été convoqué à un entretien préalable, qui devait avoir lieu le jeudi 31 mai 2018 à 9h30, afin de vous expliquer sur les motifs de votre absence du 8 mai 2018.
Vous ne vous êtes jamais présenté à cet entretien.
Par la suite, vous vous êtes défendu en indiquant que vous n’aviez reçu aucune convocation et que, par conséquent, vous n’étiez pas informé de cet entretien or nous avons la preuve de dépôt dans votre boîte aux lettres d’un courrier recommandé que vous n’avez jamais retiré.
Cette lettre recommandée nous a d’ailleurs été retournée par la poste le 12 juin 2018 avec la
mention « Pli avisé et non réclamé ».
Enfin, j’attire votre attention sur le fait que vous avez déjà eu par le passé des absences injustifiées.
Lors de votre entretien du mercredi 13 juin 2018, vous avez nié la totalité des accusations portées à votre encontre. Vous avez reconnu néanmoins vous être emporté et vous être énervé à cause de votre salaire sans approfondir vos arguments et sans pouvoir nous donner aucune explication sur vos paroles. Vous vous êtes défendu en disant que vous n’avez jamais tué personne, que c’est « n’importe quoi ».
Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas convaincu et n’enlève en rien les propos graves que vous avez tenus à l’encontre de votre responsable Monsieur [Y] [X].
Pour ces raisons, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants : « menace de mort, propos injurieux et diffamatoire à l’encontre de votre responsable hiérarchique ainsi que pour vos nombreuses absences injustifiées qui désorganisent le bon fonctionnement de la société (23 décembre 2018 (1jour), 20 au 21 janvier 2017 (2 jours), 8 mai 2018 (1 jour)) ».
Ces faits portant également atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise. En effet, lors de vos absences, vous n’avez jamais pris la peine de prévenir vos responsables hiérarchiques de sorte que nous avons été contraints, à plusieurs reprises, de faire face à d’importants retards dans la prise en charge des patients.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise
est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement soit à la date du présent
courrier, sans indemnité de préavis ni de licenciement. (‘)»
L’employeur sollicite l’infirmation du jugement qui a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Il soutient que la faute grave est démontrée par l’absence injustifiée du salarié le 8 mai 2018 et les injures et menaces qu’il a proféré à l’encontre de son supérieur hiérarchique, M. [Y], le 20 mai 2018, devant deux collègues, témoins des faits.
Le salarié conteste avoir proféré des injures et menaces à l’encontre de son supérieur hiérarchique. Il remet en cause le contenu des attestations produites par l’employeur et invoque leur absence d’objectivité en ce qu’elles émanent d’un responsable de la société et d’un ouvrier placé sous un lien de subordination. Il ajoute n’avoir aucun passif disciplinaire au sein de la société et invoque l’absence de plainte pénale déposée par M. [Y] à son encontre.
Pour preuve de la faute grave, l’employeur produit aux débats deux attestations de salariés rapportant les propos cités dans la lettre de licenciement :
– M. [L], responsable d’exploitation, déclare avoir été personnellement témoin, le 30 mai 2018 de menaces de mort, insultes et accusations de vol et détournement d’argent proférées par M. [V] à l’encontre de M. [Y]. Il rapporte qu’il a entendu M. [V] dire qu’il roulerait sur M. [Y], qu’il connaissait du monde pour le faire tuer, qu’il allait le chopper pour se battre et l’a accusé de lui voler de l’argent sur sa paye pour se faire des primes,
– M. [W], salarié de la société, déclare avoir entendu M. [V] dire, très en colère, qu’il allait chopper M. [Y] pour se battre, qu’il lui roulerait dessus avec la voiture, qu’il ne n’en resterait pas là, et l’avoir accusé de lui voler de l’argent sur sa paye.
La société produit également une main courante déposée par M. [L] le 31 mai 2018 pour rapporter ces faits.
M. [V] reconnaît avoir eu un échange le 30 mai 2018 avec M. [L] au cours duquel il lui a fait part de son mécontentement concernant le montant de son salaire au titre du mois de mai 2018, et notamment de la retenue sur salaire susvisée au titre de la journée du 8 mai.
S’il conteste les propos qui lui sont attribués par ses collègues au cours de cet échange, il n’apporte aucun élément permettant de contredire leurs témoignages concordants, précis et circonstanciés, notamment quant à la teneur des propos tenus.
Ces propos, incluant des menaces de mort et accusations infondées, tenus en présence de ses collègues, rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, y compris pendant la durée du préavis et constituent une faute grave, nonobstant l’absence de comportements antérieurement sanctionnés et l’absence de plainte pénale déposée par M. [Y].
Au surplus, il résulte de ce qui précède que le grief tenant à son absence injustifiée, justifiant une retenue sur salaire est établi.
Le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu’il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a alloué à M. [V] des indemnités au titre du préavis, de l’indemnité légale de licenciement et un rappel sur mise à pied à titre conservatoire.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Montpellier du 11 février 2019 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Juge le licenciement fondé sur une faute grave,
Déboute M. [V] de l’ensemble de ses demandes,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Condamne M. [V] à verser à la société Ambulance Abri la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par M. Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, greffier, auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT