Diffamation : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00875

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Diffamation : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00875
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JANVIER 2024

N° RG 22/00875

N° Portalis DBV3-V-B7G-VCIN

AFFAIRE :

[U] [X]

C/

S.A. FRANCE MEDIAS MONDE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation de départage de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 19/01127

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL CABINET ROUMIER

Me Franck LAFON

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [U] [X]

née le 09 Janvier 1964 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Sylvain ROUMIER de la SELEURL CABINET ROUMIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2081

APPELANTE

****************

S.A. FRANCE MEDIAS MONDE

N° SIRET : 501 524 029

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Franck LAFON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Novembre 2023, devant la cour composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB

EXPOSE DU LITIGE.

Le 23 septembre 2018, Mme [U] [X], salariée de la société France Medias Monde, en qualité de ‘journaliste grand reporteur’ au sein de la chaîne RFI, a publié sur le site internet ‘Twitter’ deux messages relatifs à un attentat survenu en Iran.

Le même jour, M. [P] [W], également ‘journaliste grand reporteur’ au sein de la chaîne RFI a envoyé un courriel collectif à de nombreux salariés de cette chaîne critiquant ces deux messages publiés par Mme [X].

Le même jour encore, M. [O], adjoint à la directrice de la chaîne RFI, a demandé à Mme [X] d’effacer les messages en cause, ce que cette dernière a fait.

Différents échanges ont ensuite eu lieu entre Mme [X] et la direction de la chaîne RFI.

Le 16 octobre 2018, Mme [X] a envoyé un courriel collectif aux mêmes destinataires que ceux du message de M. [W] du 23 septembre précédent, demandant notamment des excuses de la part de ce dernier.

Le même jour, M. [W] a répondu à Mme [F] par le biais d’un courriel collectif qu’il maintenait ses critiques à l’encontre des messages publiés par cette dernière.

Le même jour, la directrice de la chaîne RFI a demandé à Mme [X] et à M. [W] de cesser leurs échanges ‘en prenant à témoin l’ensemble des destinataires de ces mails’.

Le 8 août 2019, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour demander, notamment, la condamnation de la société FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, atteinte à la liberté d’expression et manquement à l’obligation de sécurité.

Par jugement de départage du 18 février 2022, le juge départiteur a :

– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné Mme [X] aux dépens.

Le 7 mars 2022, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées le 9 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, Mme [X] demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

1) DEBOUTER la Société FRANCE MEDIAS MONDE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

2) JUGER que la Société FRANCE MEDIAS MONDE n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail, y compris au regard des principes, droits fondamentaux et accords d’entreprises régissant la profession de journaliste ;

3) JUGER que la Société FRANCE MEDIAS MONDE n’a pas respecté et garanti son droit et sa liberté d’expression personnelle et professionnelle

4) JUGER que la Société FRANCE MEDIAS MONDE n’a pas respecté son obligation d’assurer la sécurité et la protection de la santé physique à son égard

EN CONSEQUENCE

5) CONDAMNER la Société FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer, pour non-respect des dispositions contractuelles et conventionnelles, des dommages et intérêts sur le fondement du défaut de respect de l’Accord Collectif d’entreprise de FRANCE MEDIAS MONDE qui impose à l’employeur d’assurer la protection du salarié dans l’entreprise, la somme de 59 342 euros (soit 10 mois de salaire) ;

6) CONDAMNER la Société FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer pour violation des dispositions des articles L.1121-1 du Code du travail et 1240 du Code civil, la somme de

59 342 euros (soit 10 mois de salaire) ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

7) CONDAMNER la Société FRANCE MEDIAS MONDE à FAIRE INJONCTION écrite à M. [W] de lui présenter des excuses circonstanciées pour l’ensemble des propos prononcés ;

8) FOURNIR toute explication, à la réponse qui a été formulée par la Direction de FMM, et plus particulièrement par Mme [N] [T] et à son refus de prendreles mesures qui s’imposent pour faire cesser le préjudice professionnel et personnel ;

9) FAIRE INJONCTION à la Société FRANCE MEDIAS MONDE d’ECRIRE à l’ensemble des plus de 300 personnes qui ont reçu le mail de M. [W] dont l’intention était manifestement de nuire à sa réputation, afin de leur notifier un démenti clair et précis destiné à réhabiliter sa réputation et rappelant le droit à la liberté d’expression dans l’entreprise et à l’extérieur de celle-ci, tel que mentionné par la Convention Collective de France MEDIAS MONDE ;

Le tout sous astreinte de 2 000euros par obligation et par jour de retard ;

10) CONDAMNER la Société FRANCE MEDIAS MONDE FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer des dommages et intérêts sur le fondement des articles 1240 du Code civil et L 4121-1 et suivant du Code du Travail pour manquement à l’obligation de protection de la santé psychique de la salariée, de sa réputation et de son image, et ce à hauteur de 20 000 euros ;

11) CONDAMNER la Société FRANCE MEDIAS MONDE à prendre toutes mesures de

protection en sa faveur ainsi que toutes mesures de destinée à empêcher le renouvellement des actes subis et leur répétition et ce sous astreinte de 250euros par jour de retard ;

12) JUGER que la Cour se réservera la liquidation de l’astreinte ;

13) CONDAMNER la Société FRANCE MEDIAS MONDE à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées le 8 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société FRANCE MEDIAS MONDE demande à la cour de :

– Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

– Débouter Mme [X] de l’ensemble de ses autres demandes,

– La condamner à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Mme [X] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck LAFON, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 10 novembre 2023, Mme [X] a déposé des conclusions d’appel n°2.

Le 13 novembre 2023, Mme [X] a communiqué de nouvelles pièces à la société FRANCE MEDIAS MONDE.

Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 14 novembre 2023.

Aux termes de conclusions déposées le 21 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société FRANCE MEDIAS MONDE demande à la cour de rejeter des débats les conclusions de Mme [X] signifiées le vendredi 10 novembre 2023 à 17h16 et les pièces n° 42 à 64 et 66 à 69 ainsi que la pièce n° 65, communiquées par mail le lundi 13 novembre 2023.

Aux termes de conclusions déposées le 21 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, Mme [X] demande à la cour de :

– débouter la société FRANCE MEDIAS MONDE de sa demande de rejet de ses conclusions et pièces ;

– subsidiairement, ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture afin de permettre à la société FRANCE MEDIAS MONDE de communiquer ses conclusions en réponse.

SUR CE :

Sur le rejet de conclusions et pièces et la demande subsidiaire de révocation de l’ordonnance de clôture :

Considérant qu’aux termes de l’article 15 du code de procédure civile : ‘ Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense’ ; qu’aux termes de l’article 16 du même code : ‘ Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction./ Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. (…)’ ;

Qu’aux termes du premier alinéa de l’article 803 du même code : ‘l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue (…) ;

Qu’en l’espèce, Mme [X] a communiqué à la société FRANCE MEDIAS MONDE de nouvelles conclusions d’appelant le vendredi 10 novembre 2023, comportant plus de vingt nouvelles pages, ainsi que de nouvelles pièces n°42 à 69, composées de longs articles de presse, le lundi 13 novembre suivant à la veille de la clôture du 14 novembre, laquelle avait été annoncée aux parties par un programme fixé le 21 avril 2023 ;

Que Mme [X] n’a ainsi pas communiqué ses conclusions et pièces en temps utile afin que l’intimée soit à même d’organiser sa défense ;

Que par ailleurs, Mme [X] ne justifie d’aucune cause grave aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture ;

Qu’il y a donc lieu d’écarter des débats les conclusions d’appelant n°2 déposées par Mme [X] le 10 novembre 2023 ainsi que ses pièces n°42 à 69 et de rejeter sa demande subsidiaire de révocation de l’ordonnance de clôture ;

Sur la demande de dommages-intérêts ‘pour non-respect des dispositions contractuelles et conventionnelles’, ‘sur le fondement du défaut de respect de l’accord collectif d’entreprise qui impose à l’employeur d’assurer laprotection du salarié dans l’entreprise’ :

Considérant que Mme [X] soutient à ce titre que la société FRANCE MEDIAS MONDE ne l’a pas protégée contre des propos injurieux, diffamatoires et excessifs tenus par M. [W] à son égard dans ses courriels du 23 septembre et du 16 octobre 2018 et a méconnu ainsi l’article I. 3.11 de la ‘convention collective d’entreprise’ ainsi que l’obligation de loyauté ; qu’elle réclame en conséquence la condamnation de la société FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer une somme de 59 324 euros à titre de dommages-intérêts ;

Que la société FRANCE MEDIAS MONDE conclut au débouté de la demande ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail : ‘Le contrat de travail est exécuté de bonne foi’ ;

Qu’aux termes des stipulations de l’article I/3.11 de l’accord d’entreprise France Médias Monde, intitulé ‘prévention et protection des salariés’ : ‘France médias monde prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés dans le cadre de leur activité professionnelle’ ;

Qu’aux termes de la charte de déontologie des journalistes de France médias monde, en son chapitre relatif aux précautions à prendre dans les environnements numériques, ‘si un journaliste soouhaite s’exprimer dans un contexte privé sur un réseau social, il doit ouvrir un compte personnel, séparé explicitement de son compte professionnel. Les journalistes n’en doivent pas moins garder en mémoire que leur personne et la fonction qu’ils occupent sont souvent indissociables : il convient alors de redoubler de précautions. Il est vivement recommandé pour éviter toute confusion, d’ajouter la mention les propos publiés ne reflètent pas la position de France 24, RFI, MCD, ou une formule similaire’ ; que cette charte stipule également que ‘les journalistes s’abstiennent de tout commentaire pouvant nuire à l’image de leur média’ et ‘les journalistes doivent prendre garde à ne pas diffuser ni cautionner de rumeurs ni d’information non confirmée, par exemple en les publiant ou en créant un lien vers une information. Une vigilance particulière est requise avant de publier, de republier ou de partager un statut ou un commentaire ou une image fixe sur tout type de réseau social’ ;

Qu’en l’espèce, il ressort des pièces versées que Mme [X], à la suite d’un attentat survenu en Iran le 22 septembre 2018 et revendiqué par l’organisation Etat Islamique en Irak et au Levant par le biais d’un organisme dénommé’Amaq’ notoirement connu comme étant son porte-parole, a publié sur le site Twitter, à partir du compte la désignant nominativement, le message suivant : ‘Mais AMAQ représente vraiment l’EI [l’Etat Islamique] ou certains services de renseignements occidentaux ! Question très sérieuse.’ ; qu’à la suite d’un message de réponse publié par un autre journaliste de RFI (M. [K]) , critiquant ce premier message et niant que l’AMAQ représente un service de renseignement étatique, Mme [X] a publié le message suivant : ‘Permettez-moi ce doute, car après tout que sait-on ‘ Etes-vous membres de l’un de ses services pour les innocenter autant ‘ Il y a quantité d’informations qui viennent d’Irak et de la Syrie et qui affirment que l’EI n’agit pas que tout seul’ ;

Qu’ayant eu connaissance des messages publiés par Mme [X], M. [W], egalement journaliste ‘grand reporteur’ au sein de la chaîne RFI a envoyé le 23 septembre 2018, le courriel collectif suivant à des salariés de la société FRANCE MEDIAS MONDE : ‘ je me permets de vous alerter au sujet du tweet dans lequel une journaliste du service Afrique de RFI écrit que l’agence de propagande officielle de l’État islamique est une émanation des services de renseignements occidentaux. Ce grotesque fake news conspirationniste a sans doute sa place chez [I] [G], dans la fâchosphère et dans les feuilles de chou de la presse arabe mais certainement pas sur RFI.

Merci de demander dès que possible à cette journaliste d’effacer ses tweets complotistes qui commencent à susciter la polémique sur Twitter.

Il en va de l’image et de la crédibilité de notre antenne’ ;

Que Mme [X] a ainsi, par deux messages successifs, publié une information dont il est constant qu’elle n’est pas confirmée par des élements tangibles, selon laquelle l’AMAQ, porte-parole de organisation Etat Islamique, est actionnée par des services de renseignement étatiques, étant précisé que la forme interrogative employée ne saurait effacer la réalité d’une telle affirmation que la salariée qualifie elle-même de ‘très sérieuse’ ;

Que les pièces versées par la société FRANCE MEDIAS MONDE démontrent que ce type d’assertion est par ailleurs propagée par des personnes ou organes véhiculant habituellement des informations non vérifiées, lesquels sont communément qualifiés de ‘complotistes’ ;

Que Mme [X] a ainsi manqué aux obligations prévues par la charte de déontologie interne à l’entreprise mentionnées ci-dessus interdisant aux journalistes de diffuser ou cautionner des rumeurs ou des information non confirmées sur les réseaux sociaux, y compris sur un compte créé sous leur nom personnel ;

Que par ailleurs, les publications par Mme [X] ont crée un trouble dans l’entreprise ainsi que le montre la réponse immédiatement publiée par M. [K], également journaliste au sein de la chaîne RFI, dans laquelle il indique qu’il est ‘malheureux de répondre à cette question après tant de morts et tant d’engagements’;

Que Mme [X] a d’ailleurs elle-même admis son erreur dans un courriel du 24 septembre 2018 adressé à la directrice de la chaîne RFI, dans laquelle elle indique ‘ puisque mes deux tweets posent problème […], j’ai accepté de les effacer’ ;

Que dans ces conditions, le courriel du 23 septembre 2018 adressé par M. [W] à de nombreux salariés de la chaîne RFI reprochant à Mme [X] de publier de ‘grotesque fake news conspirationniste’ ayant ‘sans doute sa place chez [I] [G], dans la fâchosphère et dans les feuilles de chou de la presse arabe’ et demandant leur effacement, dans le but de protéger la réputation de l’entreprise de presse, n’est ni insultant, ni diffamatoire, ni excessif et entre dans les limites de sa propre liberté d’expression ;

Que s’agissant du courriel du 16 octobre 2018 envoyé par M. [W], en réponse à un courriel collectif envoyé par Mme [X] le même jour, l’appelante n’explique pas en quoi il contient des propos insultants, diffamatoires ou excessifs à son encontre ;

Que dans ces conditions, Mme [X] n’est pas fondée à invoquer un manquement de la société FRANCE MEDIAS MONDE à son obligation de loyauté ou à l’obligation prévue par l’article I/3.11 de l’accord d’entreprise pour n’avoir pas pris de mesure de protection à son égard ;

Qu’en outre et en toute hypothèse, Mme [X] ne justifie d’aucun préjudice à ce titre ;

Qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire ;

Sur les dommages-intérêts pour violation des dispositions des articles L.1121-1 du code du travail et 1240 du code civil :

Considérant que Mme [X] soutient à ce titre que la société FRANCE MEDIAS MONDE a violé sa liberté d’expression en lui demandant de retirer les deux messages en litige publiés sur site Internet ‘Twitter’ ; qu’elle réclame en conséquence la condamnation de la société FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer une somme de 59 324 euros à titre de dommages-intérêts ;

Que la société FRANCE MEDIAS MONDE conclut au débouté de la demande ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail : ‘Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché’ ;

Qu’en l’espèce qu’il ressort des pièces versées aux débats, et notamment des échanges de courriels entre Mme [X] et sa hiérarchie les 23 et 24 septembre 2018, que la société FRANCE MEDIAS MONDE a simplement demandé, sans menace de sanction, à la salariée d’effacer les messages publiés sur son compte personnel Twitter, lesquels contreviennent à la charte de déontologie interne et ont entraîné un trouble au sein de l’entreprise et que, par ailleurs, la salariée a accepté de s’exécuter spontanément, en reconnaissant d’ailleurs le caractère problématique de ces messages, ainsi qu’il a été dit ci-dessus ;

Qu’aucune atteinte à la liberté d’expression de la salariée n’est ainsi établie ;

Que de plus et en toute hypothèse, Mme [X] ne justifie d’aucun préjudice à ce titre ;

Qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire ;

Sur dommages-intérêts ‘sur le fondement des articles 1240 du code civil et L 4121-1 et suivant du code du travail pour manquement à l’obligation de protection de la santé psychique de la salariée, de sa réputation et de son image’ :

Considérant que Mme [X] soutient que les courriels de M. [W] adressés les 29 septembre et 16 octobre 2018 constituent une ‘agression verbale publique’ ayant porté atteinte à sa sécurité, à sa dignité et à son image et que la société FRANCE MEDIAS MONDE n’a pas pris les mesures utiles pour la faire cesser, telles que des sanctions à l’encontre de leur auteur ou une demande d’excuses publiques de sa part ; qu’elle réclame en conséquence une somme de

20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Que la société FRANCE MEDIAS MONDE conclut au débouté de la demande ;

Considérant que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l’article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs et que ne méconnaît cependant pas son obligation légale l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

Que ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il ressort des débats et des pièces versées que les courriels de M. [W] des 29 septembre et 16 octobre 2018 ne sont ni injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu’ils ne constituent donc pas une ‘agression verbale publique’ ;

Qu’en outre, Mme [X], journaliste ‘grand reporteur’ expérimentée et rompue à la controverse, ne justifie d’aucune atteinte à sa santé à la suite de ces courriels de M. [W] et n’a pas fait part à son employeur, dans les échanges intervenus en septembre et octobre 2018, d’un risque pour sa santé ou sa sécurité ;

Qu’aucun manquement à l’obligation de sécurité ne ressort donc des débats ;

Qu’elle ne justifie pas non plus et en tout état de cause d’un préjudice de santé ou d’une atteinte à sa ‘réputation et à son image’ ;

Qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire ;

Sur les autres demandes relatives à une injonction à l’employeur de demander des excuses de la part de M. [W], de publier un ‘démenti clair et précis’ et relatives à des ‘mesures de protection’ ainsi que ‘toutes mesures destinées à empêcher le renouvellement des actes subis’, sous astreinte :

Considérant que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, aucun manquement de l’employeur à ses obligations n’est établi ; qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de ces demandes formées de manière subséquente par l’appelante et de sa demande d’astreinte afférente ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il statue sur ces deux points ; qu’en outre, Mme [X], qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel et sera condamnée à payer à la société FRANCE MEDIAS MONDE une somme de 2 000 euros à ce titre ainsi qu’aux dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Franck LAFON ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Ecarte des débats les conclusions d’appelant n°2 déposées par Mme [U] [X] le 10 novembre 2023 ainsi que ses pièces n°42 à 69,

Rejette la demande subsidiaire de révocation de l’ordonnance de clôture formée par Mme [U] [X],

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [U] [X] à payer à la société FRANCE MEDIAS MONDE une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [U] [X] aux dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Franck LAFON.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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