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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 16 FÉVRIER 2024
N° 2024/41
Rôle N° RG 20/12870 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGVW5
[T] [K]
C/
S.A.R.L. AIRLOG
Copie exécutoire délivrée
le :
16 FÉVRIER 2024
à :
Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Marseille en date du 15 Décembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01004.
APPELANT
Monsieur [T] [K], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.R.L. AIRLOG, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Fabien ARRIVAT, avocat au barreau d’Aix-en-Provence
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique SOULIER, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique SOULIER, Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2024
Signé par Madame Véronique SOULIER, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [T] [K] a été engagé par la SARL AIRLOG suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 2013, en qualité de chauffeur livreur, statut ouvrier, groupe 3bis, coefficient 118M de la convention collective des transports routiers.
M. [K] a été sanctionné par des avertissements, les 5 janvier 2015 et 22 février 2016.
Le 21 juin 2016, M. [K] a été placé en arrêt de travail en raison d’une rechute d’un accident du travail survenu en 2012 alors qu’il travaillait au sein de la société AIRPORT DISTRIBUTION.
A l’issue de la visite médicale de reprise du 16 mai 2017, le médecin du travail a déclaré M.[K] apte à la reprise de son poste de chauffeur livreur, avec les restrictions suivantes :
‘ Pas de port de charge de plus de 7 kg.
Elément complémentaire prescrit.
A revoir à l’obtention des résultats sans dépasser le délai d’1 mois.
Etude de poste à programmer.’.
Par courrier du 18 mai 2017, la SARL AIRLOG a proposé à M. [K] un aménagement de son poste consistant à réaliser des livraisons de colis de moins de 7 kg, en scooter.
Le 30 mai 2017, le médecin du travail a effectué une étude de poste en la présence de M.[K].
M. [K] a été placé en congés payés jusqu’au 5 juin 2017.
Par courrier du 6 juin 2017, la SARL AIRLOG a mis en demeure M. [K] d’exécuter son contrat de travail selon les termes de l’aménagement de son poste de travail et par courrier du 8 juin 2017, elle lui a notifié son constat d’un abandon de poste, le salarié se présentant à son poste de travail les matins mais refusant de partir en tournée avec le scooter mis à sa disposition.
Suivant avis du 23 juin 2017, le médecin du travail a confirmé l’aptitude de M. [K] à son poste ainsi que les restrictions de port de charges dans les termes suivants :
‘ Pas de port de charge de plus de 7 kg.
Avis complémentaire prescrit.
A revoir à l’obtention du résultat’.
Par courrier du 26 juin 2017, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 10 juillet 2017.
Suivant avis du 5 juillet 2017, le médecin du travail a déclaré M. [K] apte à son poste de travail avec les restrictions suivantes : ‘Pas de port de charge de plus de 25 kg’.
Par courrier du 7 juillet 2017, la SARL AIRLOG a indiqué à M. [K], au vu de l’avis du médecin du travail, qu’il effectuerait ses tournées avec un véhicule à 4 roues.
M. [K] a repris son poste de travail le 17 juillet 2017.
Le 6 mars 2018, M. [K] a été mis à pied à titre conservatoire et par courrier du 7 mars 2018, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.
Par courrier du 22 mars 2018, M. [K] a été licencié pour faute grave pour les motifs suivants exactement reproduits :
‘Nous faisons suite à notre convocation à un entretien préalable que nous avons fixé le lundi 19 mars 2018 à 10h00, à l’établissement d’entrepôt de l’entreprise, sis à [Adresse 2], auquel nous vous avions convoqué par lettre R.A.R en date du 7 mars 2018.
Vous avez alors réitéré vos injures et grossièretés. Aussi, après le délai de réflexion, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :
Dans un premier temps, en mai 2017 vous tenez des propos injurieux et déplacés à notre égard. En effet, lors de votre arrêt de travail pour maladie de juin 2016 à mai 2017, vous nous reprochez d’avoir nui volontairement à votre dossier d’arrêt maladie en faisant exprès de faire durer les demandes. Ce qui est bien sur complètement faux et, nous en avons apportés les preuves écrites en justifiant des envoies et de retour de l’Assurance Maladie.
Lors de la fin de votre arrêt maladie en mai 2017, vous rencontrez le médecin du travail Madame [G] afin, de pouvoir effectuer votre reprise. II est alors conclu par le médecin du travail une aptitude, avec un port de charge inférieur à 7 Kg. Cette contrainte de poids rend impossible votre travail tel qu’auparavant.
Pour adapter votre poste à une livraison en petit colis, nous vous proposons en collaboration avec Madame le Docteur [G] qui le valide, d’aménager votre poste de travail, en livrant avec un véhicule 2 roue adapté à ce type de colis léger et à la circulation Marseillaise.
Vous refusez cette proposition en verbalisant « vous voulez me baiser» …
Nous faisons constater votre refus par huissier. (S.C.P Guy ROSA).
Malgré votre manquement à vos obligations et, dans un souci d’apaisement nous tentons de trouver un compromis qui vous convienne. Nous vous conseillons de reprendre rendez-vous avec la médecine du travail avec des éléments médicaux lui permettant d’approfondir son examen initial concernant le poids maximum que vous pouvez porter.
Suite à ce nouveau rendez vous avec la médecine du travail, votre aménagement de poste évolue. L’avis du 5 juillet 2017, présente une interdiction de porter des charges supérieure à 25 kg.
Aussi cette évolution nous permet de vous proposer de réaliser votre travail dans les mêmes conditions mais chez un autre partenaire qui a des colis moins volumineux et moins lourds …
Fin février 2018, vous demandez à avoir un rendez vous avec [Z] [B] Directeur Général et, [D] [Y] gérant de la Société AIRLOG pour échanger sur vos conditions de travail.
Nous vous proposons un rendez- vous le vendredi 2 mars à 8 heures. Vous ne vous présentez pas au rendez vous.
Nous vous proposons un autre rendez- vous le lundi 5 mars à 8H30. De nouveau vous ne venez pas à ce rendez-vous.
Enfin, à la proposition d’un nouveau rendez -vous le mardi 6 mars à 8H00, vous êtes présent.
Vous vous plaignez alors d’avoir des frais pour vous rendre de chez vous à votre lieux de travail, et vous insultez [D] [Y] et [Z] [B] en disant qu’ils vous avaient ‘baisé et enculé’ et ensuite vous proférez des menaces en disant ‘j’ai des dossiers sur la société AIRLOG’.
Vous avez ensuite précisé que depuis votre reprise en mai 2017, après votre arrêt de travail de plusieurs mois, ‘nous vous avions mis dans une grosse merde et que vous ne nous faisiez plus confiance.’.
Je vous rappelle, voir ci-dessus, que eu égard à vos restrictions de poids, nous avions créé un poste spécialement pour vous afin de vous permettre de continuer à travailler dans l’entreprise. Vous l’aviez refusé.
Nous avons alors fait preuve de beaucoup de bienveillance en tentant de trouver des solutions et en vous conseillant de retourner voir la médecine du travail pour pouvoir trouver une solution de maintien dans l’entreprise. C’est par notre insistance que vous avez pu avoir une restriction passant de 7 Kg max à 25 kg max et ainsi, nous permettre de vous trouver un travail approprié.
Vos propos lors de l’entretien du mardi 6 mars 2018, ont été intolérables pour nous et pour la Société.
Nous vous proposons alors un autre site de travail avec notre donneur d’ordre U.P.S sur la même commune géographique que votre situation actuelle.
Vous avez refusé en spécifiant que vous ne vouliez plus que l’on travail ensemble.
Vous avez réitéré vos injures « vous m’avez baisé».
Suite à ce nouvelles insultes et injures, nous vous avons signifié une mise à pied conservatoire mais, vous avez refusé de partir.
Après une nouvelle demande de notre part de rentrer chez vous et, après de nouvelles insultes, vous êtes partis.
En conséquence, le présent licenciement prononcé pour faute grave, au regard de vos attitudes injurieuses et irrespectueuses répétée, sans préavis, ni indemnité, prend effet immédiatement, dès la réception de la présente correspondance (…)’.
Par requête du 22 mai 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille pour demander de dire nul son licenciement en raison d’un motif discriminatoire lié à son état de santé et de condamner la SARL AIRLOG à lui payer des indemnités de rupture, des dommages-intérêts et un rappel de salaire.
Par jugement du 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes, a débouté la SARL AIRLOG de ses demandes reconventionnelles au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire ainsi que pour la demande d’article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [K] aux entiers dépens.
Par déclaration d’appel du 21 décembre 2020, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 10 novembre 2023, il demande à la cour de :
– annuler, ou à tout le moins, infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Marseille sauf en ce qu’il a débouté la SARL AIRLOG de ses demandes reconventionnelles.
– statuer à nouveau.
– dire M. [K] bien fondé et recevable dans son action.
– dire et juger que le licenciement est nul ou, à tout le moins, qu’il ne repose sur aucune faute grave.
– en conséquence, condamner la SARL AIRLOG au paiement des sommes suivantes :
* 1.434,82 euros à titre de salaire pour la période de mise à pied conservatoire.
* 143,48 euros à titre d’incidence de congés payés sur salaire précité.
* 3.456,79 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
* 345,68 euros à titre d’incidence de congés payés sur l’indemnité précitée.
* 10.178,29 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice distinct subi du fait d’un licenciement discriminatoire, vexatoire et d’un abus de droit.
– Subsidiairement, sur l’indemnité légale de licenciement : condamner la SARL AIRLOG au paiement de la somme suivante : 2. 112,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.
– dire et juger que le licenciement est nul ou, à tout le moins, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
– en conséquence, condamner la SARL AIRLOG au paiement de la somme suivante : 26. 790,10 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi à raison du licenciement nul ou, à tout le moins, dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions des articles L.1235-3-1 ou L.1235-3 du code du travail. – dire y avoir lieu à rappel de salaire au titre des mois de mai et juin 2017.
– en conséquence, condamner la SARL AIRLOG au paiement des sommes suivantes : 748,97 euros à titre de rappel de salaire au titre des 13 jours de congés payés imposés en mai et juin 2017.
– dire y avoir lieu à rappel de salaire au titre de la période du 6 au 30 juin 2017.
– en conséquence, condamner la SARL AIRLOG au paiement des sommes suivantes :
* 1. 275,34 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 6 au 30 juin 2017.
* 127,53 euros à titre d’incidence de congés payés sur l’indemnité précitée.
– enjoindre à la société intimée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de l’arrêt à intervenir, d’avoir à établir et délivrer les documents suivants:
* bulletins de paie rectifiés du chef des rappels de rémunérations judiciairement fixés et du chef du préavis non exécuté.
* attestation destinée à pôle emploi conforme à l’arrêt à intervenir.
* certificat de travail mentionnant, pour terme de la relation de travail, la date de fin du préavis non exécuté.
– lui enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la notification de l’arrêt à intervenir, d’avoir à régulariser la situation de M. [K] auprès des organismes sociaux.
– condamner, en outre, la SARL AIRLOG au paiement de la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner la société intimée aux entiers dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2023, la SARL AIRLOG demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions ayant débouté M. [K] de toutes ses demandes et ayant fait droit partiellement aux demandes de la société AIRLOG.
– prendre acte de l’appel incident de la SARL AIRLOG pour toutes les dispositions du jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 15 décembre 2020 n’ayant pas fait droit à ses demandes.
– réformer et infirmer dès lors le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 15 décembre 2020 pour ce surplus.
En conséquence et statuant à nouveau :
– juger l’appel de M. [K] infondé.
– juger la demande de reprise d’ancienneté formulée par M. [K] prescrite.
– juger en toute état de cause que l’ancienneté de M. [K] au sein de la SARL AIRLOG a débuté le 1er septembre 2013.
– débouter M. [K] de toutes demandes à ce titre.
– juger que le licenciement de M. [K] est sans lien avec son état de santé.
– débouter M. [K] de sa demande de nullité du licenciement prononcé.
– juger que le licenciement de M. [K] repose sur des fautes graves.
– juger bien fondé et justifié le licenciement de M. [K].
– débouter M. [K] de toutes ses demandes.
– juger irrecevables, au visa des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, les demandes de condamnation de la SARL AIRLOG au paiement des sommes de 1.434,82 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et de 143,48 euros à titre d’incidence de congés payés y afférents.
– débouter M. [K] de sa demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire à hauteur de 1.434,82 euros et de sa demande d’incidence de congés payés à hauteur de 143,48 euros.
– débouter M. [K] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de son incidence congés payés.
– débouter M. [K] de sa demande d’indemnité de licenciement.
– juger que, par principe, les barèmes issus de la loi dite « Macron » et fixés aux articles L.1235-3 et suivants du code du travail sont applicables.
– débouter M. [K] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.
– débouter M. [K] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– débouter M. [K] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions vexatoires et abusives.
– débouter M. [K] de sa demande de rappel de salaire des mois de mai et juin 2017.
– débouter M. [K] de sa demande de rappel de salaire pour la période du 6 au 30 juin 2017 et de son incidence de congés payés.
– débouter M. [K] de sa demande de remise de documents légaux rectifiés et de sa demande d’astreinte à ce titre.
– débouter M. [K] de sa demande d’intérêts moratoires.
– débouter M. [K] de sa demande de régularisation auprès des organismes sociaux ainsi que de sa demande d’astreinte à ce titre.
– débouter M. [K] de sa demande de frais irrépétibles.
– débouter par voie de conséquence, M. [K] de toutes ses demandes.
A titre reconventionnel,
– condamner M. [K] au paiement de la somme de 4.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire.
– condamner M. [K] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
– le condamner aux entiers dépens de l’instance, y compris ceux de première instance, en application des dispositions des articles 696 à 699 du code de procédure civile, ceux d’appel de la société AIRLOG, distraits au profit de Maître Jean-François JOURDAN, Avocat Postulant, sur son affirmation d’y avoir pourvu.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d’annulation du jugement du conseil de prud’hommes du 15 décembre 2020
M. [K] demande de prononcer la nullité du jugement du conseil de prud’hommes de Marseille rendu le 15 décembre 2020, sur le fondement de l’article 455 du code de procédure civile, en ce que ledit jugement querellé est dépourvu de toute motivation de droit et de fait et se contente de reprendre l’argumentation de l’employeur en omettant même de finir certaines phrases. De plus, le conseil de prud’hommes n’a pas statué sur la demande de rappel de salaire et il demande qu’il soit réparé à cette omission de statuer.
La SARL AIRLOG fait au contraire état d’une décision motivée, en droit et en fait, pour demander de rejeter la demande de nullité du jugement.
* * *
L’article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé et l’article 458 dispose que ce qui est prescrit par l’article 455, en son alinéa 1er, doit être observé à peine de nullité.
Il ressort du jugement querellé que le conseil de prud’hommes a motivé en droit, par le rappel de la notion de la faute grave, et en fait en procédant, certes de façon très sommaire, à une analyse des faits énoncés dans la lettre de licenciement au regard des antécédents disciplinaires du salarié, pour estimer que le licenciement pour faute grave était fondé.
La simple omission de statuer, dont il est demandé la réparation par l’appelant, ne peut avoir pour conséquence la nullité de la décision rendue.
La demande de nullité du jugement sera en conséquence rejetée.
Sur le licenciement
Selon l’article L.1132-1 du code du travail ‘aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français’.
Selon l’article L1134-1 du code du travail, ‘lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’
M. [K] invoque une discrimination à raison de son état de santé, lequel constitue, selon lui, la véritable cause de son licenciement. Il soutient que l’employeur a manifestement refusé d’aménager son poste de travail en tentant de lui imposer, tout d’abord, des tournées avec un scooter alors qu’il est chauffeur livreur, est intervenu auprès du médecin du travail pour faire modifier la limitation de port de charges de 7 à 25kgs et l’a placé ensuite sur une tournée ‘FEDEX’ dans le Vaucluse. M. [K] prétend que les relations se sont cristallisées et l’employeur a manifestement engagé des mesures de rétorsion à son égard dès lors qu’il a refusé de travailler une journée par semaine de 7 heures à 8 heures 30 sans être payé pour réaliser “la navette UPS”. De plus, il n’est pas anodin de constater que la lettre de licenciement fait clairement référence à cette période de mai 2017, confirmant ainsi le véritable motif de son éviction car, à cette époque, l’employeur avait compris qu’il ne serait plus « corvéable à merci » compte-tenu de son état de santé.
Selon M. [K], la concomitance entre la connaissance par l’employeur de l’altération de son état de santé et l’engagement de la première procédure de licenciement est flagrante et, dès lors, le licenciement doit être nécessairement regardé comme ayant pour motif discriminatoire lié à son état de santé et frappé de nullité, en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L.1132-4 du code du travail.
M. [K] prétend qu’il présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe et que l’employeur n’apporte aucune justification par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. [K] produit :
– les avis du médecin du travail du 18 mai 2017 émettant la restriction d’interdiction de tout port de charges supérieures à 7 kg et du 5 juillet 2017, portant cette restriction à 25 kg.
– la lettre de convocation à un entretien préalable du 26 juin 2017.
– la lettre de licenciement du 22 mars 2018.
Si ces éléments ne permettent pas de caractériser un refus de M. [K] de ‘travailler une journée par semaine de 7 heures à 8 heures 30 sans être payé pour réaliser “la navette UPS”‘, le salarié établit par ailleurs, l’existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l’existence d’une discrimination à son encontre.
La SARL AIRLOG fait valoir qu’il n’existe pas de lien entre l’état de santé de M. [K] et son licenciement, survenu le 22 mars 2018, notamment dans la lettre de licenciement qui ne fait que rappeler la procédure engagée et les faits antérieurs, s’agissant des comportements grossiers et injurieux du salarié. Elle soutient avoir fait des efforts considérables pour permettre à M. [K] de conserver son poste et aménager celui-ci, avoir été force de proposition en la matière et avoir fait preuve de patience et de bienveillance face aux refus répétés du salarié -et constatés par huissier de justice- de tout aménagement de son poste consistant à effectuer sa tournée comportant des colis de moins de 7 kg au moyen d’un scooter et sur lequel le médecin du travail n’avait formulé aucune objection ou contre-indication. Elle a incité le salarié à revoir le médecin du travail, ce qui a permis de limiter les restrictions des ports de charge à 25 kg et de reprendre les tournées au moyen d’un véhicule à quatre roues, le 17 juillet 2017, dans les termes d’un courrier envoyé le 11 juillet 2017.
Elle indique que l’état de santé de M. [K] a été stabilisé au mois de mars 2018 et ne faisait plus débat depuis le 5 juillet 2017, tout comme l’aménagement du poste du salarié.
La SARL AIRLOG conclut que la lettre de licenciement du 22 mars 2018 fait état des propos injurieux et irrespectueux tenus le 6 mars 2018 par M. [K] mais ne motive en rien la rupture du contrat de travail par l’état de santé de celui-ci. La véracité des fautes commises par M. [K] et la faute grave de celui-ci sont justifiées, laquelle faute grave est sans lien avec son état de santé passé.
La SARL AIRLOG produit :
– les avis du médecin du travail.
– ses courriers des 18 mai 2017, 30 mai 2017, 6 juin 2017, 7 juin 2017 (adressé au médecin du travail), 8 juin 2017, 21 juin 2017, 26 juin 2017, 7 juillet 2017 et 11 juillet 2017.
– l’attestation de Mme [S], directrice d’exploitation qui indique que ‘en mai 2017, et après la fin de son arrêt maladie, M. [K] a renouvelé ses injures, nom d’oiseau et propos déplacés à mon égard’.
– un constat d’huissier du 19 juin 2017 aux termes duquel l’huissier constate que : ‘Monsieur [D] [Y], présente à Monsieur [T] [K], sa tournée du jour composée de 8 colis, (aussitôt nous contrôlons que chacun pèse moins de 7kg, en effet le plus lourd ne dépasse pas 3kg), ainsi que le scooter PEUGEOT 125i, immatriculé [Immatriculation 3], avec 237 KM au compteur aménagé pour la livraison et lui demande de prendre son travail, mais ce dernier refuse d’utiliser le scooter et déclare « Je suis chauffeur livreur et pas coursier», puis il quitte aussitôt les lieux’.
– l’attestation de M. [J] qui indique : (sic) ‘ Le mardi 6 mars 2018, j’étais présent à l’entrepôt de [Localité 5].
En tant que Responsable de la société AIRLOG pour notre donneur d’ordre FedEx, j’ai eu, avec Mr [Z] [B] et [D] [Y], un rendez-vous avec Monsieur [T] [K].
Cet entretien a eu lieu suite à sa demande de fin février 2018.
Cet entretien a été remis plusieurs fois car Mr [T] [K] n’est pas venu aux précédents RV que nous avions fixés ensemble le vendredi 2 mars 2018 à 08h00 puis le lundi 5 mars 2018 à 08h30.
Pendant l’entretien du 6 mars 2018, Mr [T] [K] s’est exprimé en disant qu’il n’avait plus confiance dans la Société AIRLOG car elle l’avait mis dans « une grosse merde » (selon ses termes), lorsqu’il s’était mis en arrêt maladie.
Monsieur [K] semblait très énervé, car, avant et après avoir dit que la société AIRLOG l’avait mis dans « une grosse merde », il a tenu des propos totalement déplacés envers son directeur Général, M. [Z] [B], et son Gérant M. [D] [Y].
Par deux fois, il leur a dit à tous les deux « qu’ils l’avaient bien baisé », et « bien enculé » par rapport à ses conditions de travail.
Mr [K] a même menacé Mr [Y] en lui disant que cela ne se passerait pas comme ça et qu’il avait des dossiers sur la société AIRLOG, qu’il la ferait payer.
Par deux fois, Mr [Y] et [B] lui ont demandé de ne pas leur parler comme ça et de ne pas les injurier en les respectant.
A la fin de l’entretien, et bien que Mr [Y] est proposé de chercher une solution pour voir si il serait possible de l’affecter sur le même secteur géographique, mais auprès de UPS et non plus FedEx, Monsieur [K] a, à nouveau, précisé qu’il « s’en battez les couilles » et que « je ne veux plus travailler avec vous car vous m’avez baisé ».
J’ai été choqué par de tels propos injurieux et insultant.
Mr [Y] a mis fin à l’entretien et a dit à Mr [K] qu’il était mis à pied à titre conservatoire.
Je précise également par la présente que lundi 5 mars, Mr [K] était présent au sein de l’entreprise, et, a bien effectué son travail normalement sur sa tournée FedEx’.
– l’attestation de M. [B] qui indique : ‘ Mr [T] [K], en Février 2018, a demandé un RDV avec [D] [Y] et moi-même par l’intermédiaire de son Responsable à FedEx.
Nous lui proposons le Vendredi 2 Mars à 8H, date et heure à laquelle il ne se présente pas.
Nous lui proposons donc un autre RDV le lundi 5 Mars à 8H30. De nouveau, Monsieur [T] [K] ne se présente pas au RDV.
Un report est donc fixé le lendemain matin, mardi 6 mars à 8H. Cette fois, Monsieur [T] [K] se présente à l’entrepôt de [Localité 5] pour nous rencontrer.
Monsieur [Y] demande à [K] de nous expliquer les raisons de sa demande de RDV. Il s’en est suivi le dialogue surréaliste ci-après retranscrit :
[T] [K] :
« Depuis que je suis rentré de maladie, je touche moins qu’avant. J’ai trop de frais de déplacement, vous m’avez enculé ».
[D] [Y] :
« Vous ne pouvez pas nous parler comme ça. C’est inadmissible et je vous demande de nous respecter. D’autant plus qu’après contrôle de vos fiches de paye, nous vous confirmons que votre paie n’a pas changé. »
[T] [K] :
« C’est faux, vous m’avez baisé et enculé, et ça ne se passera pas comme ça, j’ai des dossiers sur la société AIRLOG, vous allez payer ! ».
[Z] [B] :
« Nous ne pouvons pas accepter vos propos et encore moins vos insultes, vous ne pouvez pas nous parler comme cela.»
[T] [K] :
« Depuis ma reprise en mai 2017, après mon arrêt maladie, vous m’avez mis dans une grosse merde et je ne vous fais plus confiance. »
[Z] [B] :
« Je vous rappelle que la Sté AIRLOG a eu une restriction du Médecin du travail et que vous étiez limité à un poids de 7KG.
La société AIRLOG vous a réuni avec le Médecin du travail afin, de vous aménager un poste de travail avec des petits colis.
Cette prestation se fait en scooter pour des raisons de secteur géographique à couvrir, de circulation et d’heure de livraison impérative pour certains petits colis.
La société AIRLOG a aménagé le poste et même créé un poste pour vous, en achetant un scooter.
Le Médecin du travail n’était pas opposé, pourtant, vous avez toujours refusé de travailler sur ce poste.
Vous avez refusé de prendre le travail sur ce poste de travail depuis le 17 Mai, c’est pour cette raison que la Sté AIRLOG a demandé à un huissier de venir constater que vous preniez pas votre poste de travail.
[D] [Y] :
« [T], pour la dernière fois, arrêtez de nous parler comme cela, et respectez nous comme nous vous respectons. Nous allons tenter de vous trouver un autre poste à UPS, sur le même secteur géographique, puisque FedEx ne vous convient pas. »
[T] [K] :
« Je m’en bats les couilles de votre poste.
Je ne veux plus travailler avec vous, car vous m’avez baisé ».
Suite à ces nouvelles insultes, Monsieur [D] [Y] lui signifie sa mise à pied conservatoire. »
* * *
Il ressort de ces éléments que, suite aux avis d’inaptitude du médecin du travail des 16 mai 2017 et 23 juin 2017, qui comportaient uniquement des restrictions en lien avec le poids des colis transportés, la SARL AIRLOG n’a pas refusé d’aménager le poste de travail de M. [K] puisqu’elle lui a proposé d’effectuer des tournées de colis de moins de 7 kg avec un scooter, aménagement qui a été refusé par le salarié.
Par ailleurs, les éléments produits indiquent, non pas que la SARL AIRLOG est intervenue auprès de médecin du travail pour obtenir une modification des restrictions à la reprise du poste, mais qu’elle a uniquement conseillé au salarié de prendre rendez-vous avec le médecin du travail pour approfondir l’examen initial.
La mesure présentée par le salarié comme étant discriminatoire est le licenciement du 22 mars 2018 dont il demande en conséquence la nullité. Si la lettre de licenciement comporte une chronologie des relations entre les parties depuis le mois de mai 2017 et mentionne ainsi nécessairement les avis d’aptitude avec restrictions rendus par le médecin du travail à l’égard de M. [K] et les démarches d’aménagement de son poste, c’est dans le but de contextualiser les faits que la SARL AIRLOG reproche à son salarié, à savoir avoir proféré des insultes et des injures à l’encontre de M. [B] et de M. [Y].
L’employeur démontre également que l’aménagement du poste de travail de M. [K] a été effectif et constant depuis le 5 juillet 2017 et qu’à compter de cette date, jusqu’au licenciement, aucune pièce ne concerne l’état de santé du salarié.
Concernant le licenciement, M. [K] conteste les faits qui lui sont reprochés en concluant qu’il n’a pas pu les commettre le 6 mars puisque, selon les indications de la lettre de convocation à l’entretien préalable et du bulletin de salaire, il a été mis à pied conservatoire le 5 mars et que les attestations produites ne sont pas probantes comme émanant du directeur de la société et de M. [J], dont la présence n’est pas mentionnée dans la lettre de licenciement.
Cependant, dès lors que les faits se sont déroulés au cours d’un entretien auquel participait un nombre très limité de personnes, la production d’attestations des personnes ayant assisté à cet entretien, apparaît pertinente.
M. [B] est directeur de la société et M. [J], chef d’équipe, et à ce titre, ces personnes ne sont pas l’employeur de M. [K] et ne sont pas parties au procès.
Le fait que les attestants soient salariés de la SARL AIRLOG ne suffit pas à remettre en cause la valeur probante de leur témoignage dès lors qu’ils attestent, dans les formes exigées et de façon détaillée et circonstanciée, de faits qu’ils ont personnellement vus et entendus.
De même, il ne peut être déduit du seul fait que la présence de M. [J] n’ait pas été mentionnée dans la lettre de licenciement que celui-ci n’était pas présent au moment des faits alors même qu’il atteste de sa présence et relate précisément les faits dont il a été témoin.
Si la lettre de convocation à l’entretien préalable fait mention d’une mise à pied conservatoire prononcée le 5 mars 2017, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, fait bien état de faits commis le 6 mars 2018 et d’une mise à pied conservatoire décidée à cette occasion. M. [B] et M. [J] attestent que les faits ont eu lieu de 6 mars 2017 et que la mise à pied conservatoire a été prononcée également le 6 mars, immédiatement après l’entretien.
Les attestations démontrent de façon concordante que M. [K] a tenu les propos selon lesquels la SARL AIRLOG l’avait mis dans « une grosse merde », « qu’ils l’avaient bien baisé », et « bien enculé » (M. [B] et M. [Y]), ‘que cela ne se passerait pas comme ça, et qu’il avait des dossiers sur la société AIRLOG, qu’il la ferait payer’, qu’il « s’en battait les couilles » de son poste et qu’il ne voulait plus travailler avec eux car ils l’avaient baisé.
Ainsi, ces éléments prouvent la réalité et l’imputation des faits reprochés à M. [K]. Ils constituent, compte tenu de leur nature, du fait qu’ils ont été dirigés contre l’employeur lui-même et s’inscrivent dans le cadre de deux précédentes sanctions disciplinaires, une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.
L’employeur démontrant la faute grave, et donc le bien fondé du licenciement qu’il a prononcé, démontre par là-même que le licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de débouter M. [K] de ses demandes tendant à voir juger son licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse, à voir condamner l’employeur à payer un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire, vexatoire et pour abus de droit
M. [K] fait valoir que la SARL AIRLOG a agi avec intention de nuire, n’hésitant pas à discriminer son salarié en raison de son état de santé et à alléguer, sans le prouver par des pièces probantes, qu’il se serait rendu coupable d’injures. Ce licenciement injustifié, vexatoire et diffamatoire lui a causé un préjudice distinct et d’autant plus important qu’il s’est retrouvé, du jour au lendemain, sans emploi et sans aucun revenu à compter du 5 mars 2018, jour de la mise à pied injustifiée.
* * *
Il a été jugé que le licenciement de M. [K] n’était pas discriminatoire et était justifié par une faute grave. De plus, M. [K] ne justifie pas de circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement ni de préjudice distinct à l’appui de sa demande qui sera donc, par confirmation du jugement, rejetée.
Sur la demande de rappels de salaire
Il convient de relever que le conseil de prud’hommes a omis de statuer sur la demande en paiement de rappels de salaire. Dès lors que ce point du litige est déféré à la cour, il lui revient, du fait de l’effet dévolutif de l’appel, de statuer et de réparer cette omission.
– sur la demande de rappel de salaire de mai et juin 2017
M. [K] soutient que, alors qu’il était à la disposition permanente de la SARL AIRLOG depuis le 18 mai 2017 compte tenu de la confirmation de son aptitude par le médecin du travail, l’employeur a refusé de le réintégrer dans son poste de chauffeur-livreur, s’est abstenu de lui fournir le travail convenu et lui a imposé treize jours de congés payés. Il sollicite le paiement de ces treize jours de congés payés, du 18 mai au 5 juin 2017, soit la somme de 748,97 euros.
La SARL AIRLOG conclut que c’est M. [K] qui a demandé à être en congés payés pendant cette période et que celui-ci n’a élevé aucune contestation, à ce titre, à la reprise de son poste.
* * *
La charge de la preuve du paiement du salaire pèse sur l’employeur et il est également de sa responsabilité de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
Or, en l’espèce, alors que la SARL AIRLOG soutient que les congés payés n’ont pas été imposés au salarié mais ont été accordés à sa demande, la SARL AIRLOG n’en rapporte pas la preuve. Dès lors que M. [K] a été placé en position de congés payés du 18 mai au 5 juin 2017 et a perçu une indemnité de congés payés, comme en attestent les bulletins de salaire, la demande en paiement du rappel de salaire est fondée s’agissant d’une période où M. [K] aurait dû percevoir un salaire.
Il convient d’accorder à M. [K] la somme de 748,97 euros à ce titre, laquelle somme portera intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2018.
– sur la demande de rappel de salaire du 6 au 30 juin 2017
M. [K] fait valoir que le bulletin de salaire du mois de juin 2017 laisse apparaître une retenue de 1. 275,34 euros en raison d’une prétendue absence non rémunérée alors qu’il résulte des éléments du dossier qu’il n’a jamais été absent au cours de cette période et que, bien au contraire, il se présentait quotidiennement sur son lieu de travail et se tenait à la disposition de son employeur, lequel refusait de le laisser travailler sur son poste de chauffeur-livreur en dépit de l’avis d’aptitude délivré par le médecin du travail.
La SARL AIRLOG conclut que M. [K] était tenu d’exécuter son contrat de travail à compter du 6 juin 2017, en appliquant les aménagements de son poste de travail imposés par les restrictions médicales, et ainsi, en utilisant un scooter. M. [K] reconnaît qu’il s’est présenté à son poste de travail à compter du 6 juin 2017 mais qu’il a refusé de prendre son poste aménagé, ce qui est démontré par les courriers de la société et par le constat d’huissier réalisé.
* * *
Il ressort des courriers de la SARL AIRLOG des 6 juin 2017, 8 juin 2017, 21 juin 2017 et 26 juin 2017 ainsi que du constat d’huissier du 19 juin 2017, aux termes duquel l’huissier constate que : ‘Monsieur [D] [Y], présente à Monsieur [T] [K], sa tournée du jour composée de 8 colis, (aussitôt nous contrôlons que chacun pèse moins de 7kg, en effet le plus lourd ne dépasse pas 3kg), ainsi que le scooter PEUGEOT 125i, immatriculé [Immatriculation 3], avec 237 KM au compteur aménagé pour la livraison et lui demande de prendre son travail, mais ce dernier refuse d’utiliser le scooter et déclare « Je suis chauffeur livreur et pas coursier», puis il quitte aussitôt les lieux’, que la SARL AIRLOG a bien fourni un travail à M. [K] qui a refusé de l’exécuter.
Alors que les restrictions énoncées par le médecin du travail ne concernaient que le poids des charges à transporter, la fourniture de travail proposée par la SARL AIRLOG s’inscrivait bien dans le cadre d’un aménagement du poste du salarié en concordance avec les avis d’aptitude avec réserves émis par le médecin du travail. Dès lors qu’il ressort du contrat de travail que M. [K] a été engagé en qualité de chauffeur-livreur, l’instruction de l’employeur de procéder aux livraisons de colis de moins de 7 kg, au moyen d’un scooter, ne constitue pas une modification du contrat de travail. Le refus de M. [K] d’exécuter sa prestation de travail et ses absences délibérées à son poste de travail sont donc fautifs. Dans ces conditions, les retenues opérées par l’employeur sur ses salaires sont justifiées et la demande en paiement présentée par M. [K] sera rejetée.
Sur les demande de remise de documents
La remise d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SARL AIRLOG n’étant versé au débat.
La cour relève que M. [K] ne présente pas, dans le dispositif de ses conclusions, de prétention en lien avec une reprise d’ancienneté, même dans le cadre de sa demande de remise d’un certificat de travail rectifié.
Le contrat de travail a été signé entre les parties le 1er septembre 2013 et le fait que M. [K] ait été engagé antérieurement par d’autres sociétés, dont il soutient qu’elles étaient gérées de fait par M. [B], sans en rapporter la preuve, est insuffisant à fonder juridiquement une reprise d’ancienneté.
Le jugement sera donc confirmé.
Sur la demande reconventionnelle de la SARL AIRLOG
La SARL AIRLOG soutient que la procédure diligentée par M. [K] est abusive, tant en première instance qu’en cause d’appel, et demande la somme de 4.500 euros de dommages-intérêts à ce titre.
Cependant, il est de principe que le droit d’action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipolante au dol, de sorte que la condamnation à des dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l’intention malicieuse et de la conscience d’un acharnement procédural voué à l’échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en oeuvre par la partie adverse du projet contesté
En l’espèce, si les demandes de M. [K] au titre de son licenciement n’ont pas prospéré devant le conseil de prud’hommes et devant la cour d’appel, il n’en reste pas moins, et alors que M. [K] a obtenu gain de cause en matière de rappel d’une partie de ses salaires, que la SARL AIRLOG ne démontre pas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipolante au dol de la part du salarié.
La demande d’indemnisation doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.
Il est équitable de condamner la SARL AIRLOG à payer à M. [K] la somme de 1.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés en première instance et en cause d’appel.
Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la SARL AIRLOG, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Rejette la demande de nullité du jugement du conseil de prud’hommes rendu le 15 décembre 2020,
Répare l’omission de statuer au titre de la prétention relative au rappels de salaire,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives au rappel de salaire pour la période du 18 mai au 5 juin 2017, à la remise d’un bulletin de salaire rectifiés, aux intérêts, à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL AIRLOG à payer à M. [T] [K] les sommes de :
– 748,97 euros à titre de rappel de salaire pour 18 mai au 5 juin 2017, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2018,
– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par la SARL AIRLOG à M. [T] [K] d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt,
Condamne la SARL AIRLOG aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT