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HP/SL
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 20 Juin 2023
N° RG 21/00540 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GUXW
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 25 Février 2021
Appelante
S.A.R.L. LE SPECIALISTE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Murielle BAUMET, avocat plaidant au barreau de PARIS
Intimées
DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS, dont le siège social est situé [Adresse 3]
RECETTE REGIONALE DES DOUANES, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentées par Me Sandrine PAVET, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentées par la SELARL ASTORIA – CABINET D’AVOCATS, avocats plaidants au barreau de PARIS
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Date de l’ordonnance de clôture : 06 Février 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 février 2023
Date de mise à disposition : 20 juin 2023
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Composition de la cour :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,
– Mme Myriam REAIDY Conseillère,
avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
La société le Spécialiste (sarl), entrepôt agréé dans le commerce de gros, demi gros et détail de boissons gazeuses, vins et spiritueux (licence VII), s’approvisionnait auprès de brasseurs belges, dont la brasserie Huyghe, pour des commandes de bières aromatisées.
Le 8 octobre 2015, l’administration des douanes débutait un contrôle aux fins de déterminer si la société le Spécialiste s’acquittait de la taxe d’importation et de la taxe dite prémix, contributions indirectes, qui aboutissait, après avis préalable de taxation, droit de réponse du contribuable, à la notification de l’infraction le 30 août 2016 et l’émission d’un avis de mise en recouvrement pour un montant de 36’617′ euros au titre de la taxe prémix due sur la période de 2013 à 2016.
Suite à l’opposition pratiquée par la recette régionale des douanes de Chambéry en date du 2 septembre 2017 sur le prix de vente du fonds de commerce, la société le Spécialiste assignait en référé la direction régionale des douanes et des droits indirects de Chambéry devant le tribunal de grande instance de Chambéry aux fins de voir ordonner, à titre principal, la mainlevée de l’opposition et, à titre subsidiaire, le séquestre du montant des sommes objets de l’opposition.
Par ordonnance du 8 novembre 2016, le juge des référés rejetait la demande de mainlevée de l’opposition, mais ordonnait le versement et le placement sous séquestre de la somme de 36’617’euros entre les mains de M. le Bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Chambéry jusqu’à l’obtention d’une décision de justice au fond devenue définitive ou la signature d’un protocole transactionnel par les parties.
Parallèlement, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 17 octobre 2016, la société le Spécialiste formait un recours gracieux auprès de la direction régionale des douanes et des droits indirects de Chambéry et la recette régionale des douanes de Chambéry aux fins d’annulation de l’avis de mise en recouvrement, mais l’administration rejetait ce recours gracieux par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 18 mai 2017.
Par exploit d’huissier en date du 18 juillet 2017, la société le Spécialiste assignait la direction régionale des douanes et des droits indirects de Chambéry et la recette régionale des douanes de Chambéry devant le tribunal de grande instance de Chambéry aux fins de voir prononcer l’annulation du procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et de l’avis de mise en recouvrement n°16-875056 du 1er septembre 2016, et de voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros.
Par jugement rendu le 25 février 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry :
– déclarait l’avis de mise en recouvrement n°3742 M du 1er septembre 2016 régulier sur la forme et sur le fond ;
– rejetait la demande principale de la société le Spécialiste tendant à voir annuler le procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et l’avis de mise en recouvrement n°16-875 056 du 1er septembre 2016 ;
– rejetait la demande principale de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
– rejetait la demande subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir juger que le procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et l’avis de mise en recouvrement n°l6-875 056 du 1er septembre 2016 sont dénués de tout fondement ;
– rejetait la demande subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36 617’€ sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
– rejetait la demande plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant a voir juger que le procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et l’avis de mise en recouvrement n°16-875 056 du 1er septembre 2016 sont mal fondés ;
– rejetait la demande plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
– rejetait la demande encore plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à se voir accorder une remise complète des droits correspondant à la taxe prémix ;
– rejetait la demande encore plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
– rejetait la demande infiniment subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir déclarer l’avis de mise en recouvrement nul ;
– rejetait la demande de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner le renvoi en question préjudicielle devant la Cour de justice de l’Union Européenne sur l’interprétation de la nature de la taxe prémix et sa légalité ou non au regard du Traité de l’Union et du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne ;
– condamnait la société le Spécialiste, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la Direction régionale des douanes et des droits indirects de Chambéry et à la Recette régionale des douanes de Chambéry la somme de 3 000’euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamnait la société le Spécialiste, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens’;
– disait n’y avoir lieu de prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.
Le tribunal retenait notamment que :
‘ la procédure de contrôle et de taxation avait respecté le principe du contradictoire et des droits de la défense
‘ l’avis de mise en recouvrement du 1er septembre 2016 n’encourait pas la nullité pour violation du principe de confiance légitime en l’absence de preuve d’un quelconque manquement de l’administration au principe général du droit de l’Union européenne ;
‘ il était parfaitement établi que les bières aromatisées remplissaient les conditions de l’article 1613 bis, alinéa a), du code général des impôts et que la procédure de redressement fiscal diligentée par les services de douanes était justifiée sur le fond du seul fait de la composition des bières ;
‘ l’avis de mise en recouvrement du 1er septembre 2016 fondé sur le procès-verbal du 30 août 2016 était, au surplus, régulier sur le fond sur la base de l’alinéa b), de l’article 1613 bis du code général des impôts ;
‘ la société le Spécialiste ne justifiait pas des deux conditions cumulatives exigées par l’article 120 du code des douanes de l’Union européenne, à savoir l’existence d’une situation particulière dont elle aurait fait l’objet tant durant la période d’enquête de l’administration ou au cours de la période de taxation litigieuse et de l’absence de manoeuvre ou de négligence manifeste alors-même qu’avec sa qualité de professionnelle expérimentée depuis son immatriculation en 2008 au registre du commerce et des sociétés, elle disposait des informations nécessaires dans le cadre de l’exercice de son activité de commerce de gros, demi gros et détail de boissons gazeuses. vins et spiritueux ;
‘ la société le Spécialiste échouait à démontrer l’existence du caractère discriminatoire de la taxe prémix dont elle se prévalait alors que les dispositions de l’article 1613 bis du code général des impôts n’avaient fait l’objet d’aucune modification importante depuis la loi du 9 août 2004.
Par déclaration au Greffe en date du 12 mars 2021, la société le Spécialiste interjetait appel de ce jugement en ce qu’il l’avait rejeté sa demande principale tendant à voir prononcer l’annulation du procès-verbal de notification d’infractions du 30 août 2016 et de l’avis de mise en recouvrement n°16-875 056 du 1er septembre 2016 et la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016.
Prétentions des parties
Par dernières écritures en date du 18 janvier 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société le Spécialiste sollicite l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :
– annuler et subsidiairement réformer le jugement du 25 février 2021 en ce qu’il a :
– déclaré l’avis de mise en recouvrement n°3742 M du 1er septembre 2016 régulier sur la forme et sur le fond ;
– rejeté la demande principale de la société le Spécialiste tendant à voir annuler le procès-verbal de notification d’infractions du 30 août 2016 et l’avis de mise en recouvrement n°16-875 056 du 1er septembre 2016 ;
– rejeté la demande principale de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– annuler purement et simplement le procès-verbal de notification d’infractions du 30 août 2016 et l’AMR n° 16-875 056 du 1er septembre 2016 et ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617 euros sur le produit de la vente du fonds de la société le Spécialiste représentée par M. [H] ancien gérant et ce, suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
aux motifs suivants :
‘ l’avis de mise en recouvrement et le procès-verbal de notification d’infraction portent sur des analyses étrangères à la société le Spécialiste effectuées plusieurs années avant le contrôle au sein de la société le Spécialiste et n’ont de valeur tout au plus qu’à titre de simples renseignements
‘ les résultats d’analyses communiqués sont inopposables à la société le Spécialiste faute d’avoir été communiqués lors de l’avis préalable de taxation et seulement après la notification d’infractions en date du 30 août 2016 ;
‘ la société le Spécialiste n’a pu faire valoir son point de vue et exercer ses droits dans le cadre du principe du contradictoire en l’absence d’un quelconque délai entre la notification d’infractions du 30 août 2016 et la notification de l’avis de mise en recouvrement du 1er septembre 2016 ;
‘ faute de connaître la méthode d’analyses, la date et le lieu des prélèvements, les numéros des lots et la démonstration du caractère similaire du produit, plusieurs années avant ceux visés par le contrôle, aucune analyse n’est opposable à la société le Spécialiste qui n’a pu les discuter utilement ;
‘ les avis de classement fiscal évoqués par l’administration comme fondement de la taxation prémix n’ont jamais été communiqués ;
‘ la violation permanente du respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, entraînent l’irrégularité de la procédure dont le procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et l’avis de mise en recouvrement du 1er septembre 2016 ;
A titre subsidiaire,
– annuler et subsidiairement réformer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la dande plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir juger que le procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et l’avis de mise en recouvrement n°16-875 056 du 1er septembre 2016 sont mal fondés ;
– rejeté la demande plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
Statuant à nouveau,
– débouter l’Administration des douanes, les alinéas a et b du I de l’article 1613 du CGI étant alternatifs et non cumulatifs ; aucun des alinéas a) et/ou b) de l’article 1613 bis I du CGI n’étant applicable aux produits de la société le Spécialiste ;
– dire que le procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et l’AMR n°16-875 056 du 1er septembre 2016 sont dénués de tout fondement ;
– ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente du fonds de la société le Spécialiste représentée par M. [H] ancien gérant, et ce suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016,
aux motifs suivants :
‘ les analyses opposées par l’administration ne démontrent en aucun cas que la nature de la boisson non alcoolisée est consommable en l’état et dès lors soumise à l’alinéa a) de l’article 1613 bis I du CGI comme étant une boisson mélangée avec la bière, relevant de la position tarifaire « 2206 » ;
‘ la société le Spécialiste démontre que le concentré de jus de fruits n’est pas par nature une boisson car il doit être dilué pour être consommable et ne relève pas de l’alinéa a) de l’article 1613 bis I du CGI et conformément aux circulaires de l’administration ;
‘ la société le Spécialiste apporte des preuves certaines du bien fondé de sa position tant au regard de la réponse de l’administration des douanes et accises belges aux douanes françaises, qui classe les produits sous la position tarifaire «’2203 bières », non susceptible de taxation prémix, qu’au regard des attestations du fabricant de concentré, de celle du professeur [T], mais également d’un constat d’huissier approfondi ;
‘ l’alinéa b) de l’article 1613 bis I du CGI n’est pas plus applicable aux produits litigieux, l’ensemble des analyses effectuées suite à des prélèvements tant au sein de la société, qu’étrangers à celle-ci, ne faisant pas ressortir un taux de sucre inverti supérieur à 35g/l’;
‘ l’analyse de la Floris Framboise visée par l’Administration des douanes du 04/10/2012 est contredite par une autre analyse du laboratoire des douanes de [Localité 4] en date du 9/11/2015 réf. BOR-2015-10690 qui conclut à une édulcoration équivalente en sucre inverti de 14g/l ;
‘ la société le Spécialiste a fait faire des contre analyses par le laboratoire Qualtech entre 2016 et 2017 qui toutes se trouvent à un niveau inférieur à 35g/l d’édulcoration en sucre inverti ;
‘ d’une part les prises d’échantillons ne sont pas régulières, elles ne comportent ni l’origine, ni les numéros de lots, ni ceux des scellés, pas plus que les méthodes d’analyses, d’autre part le laboratoire des douanes de [Localité 4] n’a pas d’accréditation Cofrac, rendant inopposables ses analyses ;
‘ dans le cadre de l’entraide administrative les Douanes et Accises Belges ont répondu par la négative sur une éventuelle taxation prémix de l’ensemble des bières fabriquées par la brasserie Huyghe fournisseur de la société le Spécialiste et en vertu du principe de la souveraineté des états, la décision des autorités belges ne peut être remise en cause par les autorités douanières françaises ;
A titre encore plus subsidiaire,
– annuler et subsidiairement réformer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la demande encore plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à se voir accorder une remise complète des droits correspondant à la taxe prémix ;
– rejeté la demande encore plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016’;
Statuant à nouveau,
– dire l’AMR N° 16-875 056 en date du 1er septembre 2016 d’un montant de 36’617’euros, ainsi que le procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 mal fondés ;
– ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros, sur le produit de la vente du fonds de la société le Spécialiste représentée par M. [H] ancien gérant, et ce suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande Instance de Chambéry du 08 novembre 2016 ;
aux motifs suivants
‘ la société le Spécialiste a rempli correctement ses obligations, la tenue de la comptabilité matière et les DAE étant conformes et les droits d’accises ayant été réglés ;
‘ l’application de la taxe « prémix » a été suspendue depuis son entrée en vigueur en janvier 2005 en raison d’accords gouvernementaux visés dans le rapport public annuel de la Cour des comptes, publié et adopté le 25 janvier 2007 ;
‘ la société le Spécialiste est fondée en conséquence à invoquer le principe de protection légitime car elle avait toutes les raisons d’espérer que cette absence de taxation ne serait pas remise en cause ;
‘ en outre, le formulaire pour remplir et payer les droits d’accises ne prévoit nulle part une taxation intitulée « prémix » ;
‘ l’Administration des douanes n’a pas averti les opérateurs qu’elle avait décidé au bout de 12 ans de réactualiser la taxe « prémix » en rappelant que l’article 1613 bis I du CGI devait dorénavant trouver à s’appliquer sur un certain nombre de produits avec rétroactivité sur les trois années précédant le contrôle ;
‘ l’Administration des douanes a dès lors incontestablement commis une faute non décelable pour la société le Spécialiste en raison, durant des années, de la non application de cette taxation.
A titre encore plus subsidiaire,
– annuler et subsidiairement réformer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la demande encore plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à se voir accorder une remise complète des droits correspondant à la taxe prémix ;
– rejeté la demande encore plus subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617’euros sur le produit de la vente de son fonds suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016’;
Statuant à nouveau,
– accorder à la société le Spécialiste une remise complète des droits correspondant à la taxe «’prémix’» et ordonner la mainlevée de la somme de 36’617’euros consignée sur le produit de la vente du fonds de la société le Spécialiste représentée par M. [H] ancien gérant, et ce suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016 ;
– accorder à la société le Spécialiste une remise complète des droits concernant la taxe «’prémix’», et ordonner la mainlevée de la somme de 36’617’euros consignée sur le produit de la vente du fonds de la société le Spécialiste représentée par M. [H] ancien gérant, et ce suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016, sur la base de l’article 120 du code des douanes de l’Union, les conditions de l’équité étant réunies,
A titre infiniment plus subsidiaire,
– annuler et subsidiairement réformer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la demande infiniment subsidiaire de la société le Spécialiste tendant à voir déclarer l’avis de mise en recouvrement nul ;
– rejeté la demande de la société le Spécialiste tendant à voir ordonner le renvoi en question préjudicielle devant la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation de la nature de la taxe prémix et sa légalité ou non au regard du Traité de l’Union et du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne ;
Statuant à nouveau,
– déclarer nul l’AMR portant sur la taxe prémix, laquelle est contraire au Traité de l’Union européenne et à celui sur le fonctionnement de l’Union européenne, car constitutive d’une taxe d’imposition intérieure discriminatoire ou à tout le moins d’une taxe d’effet équivalent au vu des articles 90 TCE et 110 TFUE ;
En tout état de cause, si la cour l’estimait utile,
– ordonner le renvoi en question préjudicielle devant la CJUE et surseoir à statuer s’il y a lieu :
– l’article 110 alinéa 1 du TFUE, et en tous les cas l’article 110 alinéa 2 du TFUE, doit-il être interprété comme s’opposant à ce qu’une législation nationale telle que celle sur la taxe premix de l’article 1613 bis du code général des impôts dans sa version issue au moins depuis la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 visant les bières dites prémix ou fruitées (l’article 1613 bis, a) ou b)), et en particulier à compter de la période du présent litige qui se situe en mars 2012 date des premiers contrôles douaniers des bières dites prémix jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi de finance de sécurité sociale pour 2020 (loi de 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020- article 15 ) qui applique aux bières dites « prémix » ou « fruitées » une taxe dont le montant s’élève à 11€ / dl d’alcool mais qui exclut du champ d’application de cette taxe d’autres boissons dont les vins dits « aromatisés » ou « fruités », la législation qui serait alors constitutive d’une discrimination, comme d’ailleurs, doit-il être interprété ,comme s’opposant à l’article 1613 bis du code général des impôts dans sa version depuis l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la loi 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 dans son article 15 qui fait entrer à présent ces vins dits aromatisés dans le champ d’application de la législation sur cette taxe dite premix (1613 bis a) ou b)) mais pour un montant inférieur de seulement 3 € / dl d’alcool par rapport au montant de 11€ / dl d’alcool pour les bières dites premix ‘
– les article 28 et 30 du TFUE, doivent-il être interprétés comme s’opposant à ce qu’une législation nationale telle que celle sur la taxe premix de l’article 1613 bis du code général des impôts dans sa version issue au moins depuis la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 visant les bières dites « prémix » ou « fruitées » ( l’article 1613 bis, a) ou b)), et en particulier à compter de la période du présent litige qui se situe en mars 2012, date des premiers contrôles douaniers des bières dites prémix jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi de finance de sécurité sociale pour 2020 (loi de 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020- article 15) qui applique aux bières dites « prémix » ou « fruitées » ou « aromatisées » une taxe dont le montant s’élève à 11€ / dl d’alcool mais qui exclut du champ d’application de cette taxe d’autres boissons dont les vins dits « aromatisés » ou « fruités », législation qui serait alors constitutive d’une taxe d’effet équivalent, comme d’ailleurs doivent-il être interprétés comme s’opposant à l’article 1613 bis du code général des impôts dans sa version depuis l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la loi 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 dans son article 15 qui fait entrer à présent ces vins dits aromatisés dans le champ d’application de la législation sur cette taxe dite premix (1613 bis a) ou b)) mais pour un montant inférieur de seulement 3 € / dl d’alcool par rapport au montant de 11€ / dl d’alcool pour les bières dites premix ‘
En tout état de cause
– annuler et subsidiairement réformer le jugement en ce qu’il a :
– condamné la société le Spécialiste, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la Direction régionale des douanes et des droits indirects de Chambéry et à la Recette régionale des douanes de Chambéry la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamné la société le Spécialiste, prise en la personne de son représentant légal aux dépens’;
Statuant à nouveau,
– condamner l’Administration des douanes au paiement de la somme de 5 000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.
Par dernières écritures en date du 13 juillet 2021, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Direction régionales des douanes et droits indirects de Chambéry et la Recette régionale des douanes et droits indirects de Chambéry demandent à la cour de :
– confirmer le jugement du 25 février 2021 du tribunal judiciaire de Chambéry en toutes ses dispostions ;
– confirmer, dès lors, la validité du procès-verbal de notification d’infraction du 30 août 2016 et de l’AMR n°16-875 056 du 1er septembre 2016, tant sur la forme que sur le fond’;
– rejeter toutes les prétentions de la société le Spécialiste ;
– condamner la société le Spécialiste à verser à la Direction régionale des douanes et droits indirects de Chambéry et à la Recette régionale des douanes et droits indirects de Chambéry la somme de 3 200’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel’;
– condamner la société le Spécialiste aux dépens,
aux motifs suivants
‘ l’administration des douanes a respecté le principe du contradictoire tel que prévu à l’article L80 M du livre des procédures fiscales ;
‘ les bières vendues par la société le Spécialiste concernées par le redressement sont assujetties à la taxe premix.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 6 février 2023 clôture l’instruction de la procédure et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoirie en date du 21 février 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
A titre préliminaire, il sera rappelé que la taxe dénommée ‘prémix’ a été étendue par la loi du 2004-806 du 9 août 2004 à des boissons dites ‘prémix’ ou’alcopops’, mélanges de bières et d’autres alcools ou d’alcool avec un arôme, outre ajout de sucre ou d’édulcorant, dans le cadre de la politique de lutte contre l’alcoolisme.
Cette taxe est prévue par l’article 1613 bis du CGI lequel dans sa version applicable à l’instance dispose :
‘I. ‘ Les boissons constituées par :
a) Un mélange préalable de boissons ayant un titre alcoométrique acquis n’excédant pas 1,2 % vol. et de boissons alcooliques définies aux articles 401, 435 et au a du I de l’article 520 A,
ou
b) Un ou plusieurs produits alcooliques, définis aux articles 401, 435 et au a du I de l’article 520 A qui ne répondent pas aux définitions prévues aux règlements modifiés n° 1576/89 du Conseil du 29 mai 1989, n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 et n° 1493/99 du Conseil du 17 mai 1999, au 5° de l’article 458 du code général des impôts, qui ne bénéficient pas d’indications géographiques protégées ou d’attestations de spécificité au sens de la réglementation communautaire, et qui contiennent plus de 35 grammes de sucre ou une édulcoration équivalente par litre exprimée en sucre inverti,
font l’objet d’une taxe perçue au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés dès lors que la boisson obtenue présente un titre alcoométrique acquis de plus de 1,2 % vol. et inférieur à 12 % vol.
II. ‘ Le tarif de la taxe mentionnée au I est fixé à 11 € par décilitre d’alcool pur.
III. ‘ La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le cas, par les fabricants, les entrepositaires agréés, les importateurs, les personnes qui réalisent l’acquisition intracommunautaire de ces boissons, les représentants fiscaux des opérateurs établis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne mentionnés à l’article 302 V bis ou par les personnes mentionnées au 4° du 2 du I de l’article 302 D.
IV. ‘ Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu’en matière de contributions indirectes.
V. ‘ Le produit de cette taxe est versé à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.’
La procédure de contrôle diligentée par l’administration des douanes en matière de taxe prémix, s’agissant d’une contribution indirecte, s’effectue en application des dispositions du livre des procédures fiscales parmi lesquels l’article L34 et L 80 M, le premier disposant que :
‘chez les entrepositaires agréés, les agents de l’administration peuvent intervenir dans les magasins, caves et celliers, entre 8 heures et 20 heures en vue d’effectuer les vérifications nécessaires à la constatation des quantités de boissons restant en magasin ou de s’assurer de la régularité des opérations.
Un avis de contrôle est remis, lors du contrôle, aux entrepositaires agréés ; ceux-ci doivent toujours être en mesure soit par eux-mêmes, soit par leurs préposés s’ils sont absents, de déférer immédiatement aux réquisitions des agents auxquels doivent être déclarés les espèces et quantités de boissons existant dans les fûts, vaisseaux, foudres et autres récipients, ainsi que le titre alcoométrique volumique des alcools. Il doit être énoncé, le cas échéant, s’il s’agit d’alcools libres, d’alcools de rétrocession ou de produits à base d’alcools de rétrocession, ainsi que l’appellation d’origine attribuée aux vins, vins de liqueur et eaux-de-vie.
Les entrepositaires agréés sont tenus, à première réquisition, de présenter la comptabilité matières mentionnée au 6° de l’article L. 311-39 du code des impositions sur les biens et services. Les agents de l’administration contrôlent la régularité des énonciations qui y sont portées. A l’occasion de cet examen, les agents peuvent contrôler la cohérence entre les indications portées dans la comptabilité matières et les pièces de recettes et de dépenses et sur les documents d’accompagnement mentionnés au 4° du même article L. 311-39. Ils peuvent demander, en outre, tous renseignements, justifications ou éclaircissements, relatifs aux indications portées dans la comptabilité matières.
Chaque intervention fait l’objet d’un procès-verbal relatant les opérations effectuées, dont copie est transmise à l’occupant des locaux contrôlés’.
le second (L 80 M I) dans sa version applicable à la présente procédure que :
‘ I. ‘ 1. En matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre le contribuable et l’administration.
Le contribuable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l’administration. Il est invité à faire connaître ses observations.
Lorsque l’échange contradictoire a lieu oralement, le contribuable est informé qu’il peut demander à bénéficier d’une communication écrite dans les conditions prévues au 2.
La date, l’heure et le contenu de la communication orale mentionnée à l’alinéa précédent sont consignés par l’administration. Cet enregistrement atteste, sauf preuve contraire, que l’administration a permis au contribuable concerné de faire connaître ses observations.
2. Si le contribuable demande à bénéficier d’une communication écrite, l’administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
Le contribuable dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation.
A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l’issue du délai de trente jours prévu à l’alinéa précédent, l’administration prend sa décision.
Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée’.
L’administration des Douanes a ainsi procédé au contrôle de la société le Spécialiste, entrepositaire agréé à [Localité 6] et importateur de bières fruitées en provenance d’une brasserie belge, ‘ Huygue’, contrôle qui a débuté le 8 octobre 2015 et s’est terminé par un avis de mise en recouvrement (AMR) en date du 1er septembre 2016 à hauteur de 36 617 euros.
La société le Spécialiste conteste tant la régularité de la procédure de contrôle que le bien fondé de la taxation. Il convient donc d’examiner les moyens soulevés aux fins de voir déclarer nulle la procédure suivie par l’administration des douanes, avant le cas échéant, d’aborder le bien fondé de l’imposition.
Sur la régularité de la procédure de recouvrement
La société le Spécialiste invoque deux causes de nullité, l’une concerne la procédure d’imposition, la seconde, l’irrégularité de forme de l’avis de mise en recouvrement. Il convient donc d’examiner la régularité de la procédure de contrôle mise en oeuvre par l’administration des douanes avant de se pencher le cas échéant sur la deuxième cause de nullité alléguée.
Sur la régularité de la procédure de contrôle
La société le Spécialiste soutient que l’administration des douanes n’a pas respecté le principe du contradictoire et des droits de la défense conformément à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales et de la jurisprudence constante de la cour de cassation :
– en communiquant tardivement ou ne communiquant pas les informations et documents sur lesquelles elle a fondé la taxation puisqu’elle n’a communiqué les rapports d’analyses des huit bières retenues comme étant soumises à la taxe prémix que postérieurement au procès-verbal de notification de l’infraction en date du 30 août 2016 et qu’elle n’a jamais communiqué le classement fiscal des dites bières et sa note interne, quand bien même la société le Spécialiste en avait demandé la communication ;
– en ne prélevant aucun échantillon dans son entrepôt des bières concernées par la taxation, les 4 bières ayant fait l’objet d’un prélèvement n’ayant pas été taxées ;
– en se fondant sur des prélèvements extérieurs dont la régularité n’est pas démontrée ;
– en établissant un procès-verbal de notification d’infraction et un avis de mise en recouvrement non sur un procès-verbal de prélèvement mais sur un inventaire avec un seul échantillon par bière alors que l’article R26-2 du code précité se réfère à des échantillons ; sur un procès-verbal en date du 24 juin 2016 sur un contrôle du 20 juin 2016 duquel il résulte l’absence de toute constatations par les agents des douanes et qui s’appuie sur des pièces non communiquées ; en se fondant sur une extrapolation selon laquelle les bières contrôlées dans d’autres endroits avaient la même composition que celles importées par la société le Spécialiste, non identifiées sur les rayons, alors même que la composition de bières artisanales aromatisées, comme c’est le cas en l’espèce, peuvent varier dans sa composition, et que les analyses effectuées sur une même bière peut conduire à des résultats différents selon les laboratoires.
L’administration des douanes estime par sa part que le principe du contradictoire et des droits de la défense a été parfaitement respecté :
– dès son intervention le 8 octobre 2015, elle a informé la société le Spécialiste que certaines des bières achetées auprès de la brasserie belge Huygue faisaient l’objet d’un classement fiscal comme boissons soumises à la taxe prémix et que deux d’entre elles relevaient par extension de l’alinéa a) de l’article 1613 bis ;
– le procès-verbal de notification d’infraction n’est pas fondé uniquement sur les analyses de son laboratoire mais sur la composition des bières telle que détaillée sur les étiquettes et sur le fait que les analyses confirment l’assujettissement ;
– les échantillons de référence étaient représentatifs de ceux distribués par la société le Spécialiste puisque le produit, le producteur et la méthode de fabrication étaient identiques ;
– les analyses de ces échantillons ont été communiqués au cours de la rédaction du procès-verbal de notification d’infraction mais la société le Spécialiste en connaissait déjà la teneur par le tableau figurant dans l’avis préalable de taxation ;
– le classement fiscal de la direction générale des douanes et droits indirects de Montreuil est une note interne non communicable ;
– les prélèvements réalisés en octobre 2015 l’ont été dans le respect des dispositions de l’article R26-2 du code précité et la société le Spécialiste ne justifie d’aucun grief ;
– le procès-verbal du 24 juin 2016 est parfaitement valable et la preuve en matière douanière peut être rapportée par tous moyens selon l’article 342 du code des douanes.
Sur ce,
Le principe du contradictoire implique, en matière de contributions indirectes, que la société destinataire d’un avis de mise en recouvrement, ait eu connaissance de l’ensemble des documents sur lesquels l’administration fonde sa décision et ce, en temps utile, afin qu’elle puisse faire valoir ses observations avant que l’administration n’établisse le procès-verbal d’infraction.
Il est effectivement de jurisprudence constante que la procédure suivie par l’administration est déclarée irrégulière eu égard au principe des droit de la défense en raison de l’absence de communication des pièces, si ces pièces fondent la démonstration des faits reprochés et si elles ont été communiquées que tardivement et/ou partiellement au contribuable (cass com 25 novembre 2014 pourvoi n°12-26.141 ; cass com 8 novembre 2017 pourvoi n°14-15.569). Il en est de même de la Cour de justice de l’Union européenne qui estime, s’agissant des droits de la défense du redevable au cours de la procédure administrative douanière, que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Le bénéficiaire des droits de la défense doit avoir été en mesure de faire connaître son point de vue utilement et l’administration doit prendre connaissance de ses observations avec toute l’attention requise (CJCE 18 décembre 2008 aff C-349/07 Sopopré).
Ainsi, l’administration douanière se doit, pour que les droits de la défense soient effectifs, de faire connaître au redevable, avant la notification du redressement, la décision envisagée, les motifs de celle-ci, ainsi que la référence des documents et informations sur lesquels cette décision sera fondée, mais aussi qu’elle communique les documents utilisés comme moyens de preuve de l’infraction (nota cass com 15 novembre 2011 pourvoi n°10-28.225).
En l’espèce, les agents des douanes sont intervenus le 8 octobre 2015 dans les locaux de la société le Spécialiste. Ce jour-là, seule une assistante de gestion était présente. L’avis a été délivré au moment même du contrôle et portait sur de nombreux documents (comptabilité matières de l’entrepôt fiscale des mois ; pièces de dépenses et de recettes relatives aux entrées et sorties de produits soumis à accises ; documents d’accompagnement ; tous renseignements, justificatifs, éclaircissements relatifs aux indications portées dans la comptabilité matières) sans visa de la période concernée. Leur intervention a donné lieu sur place uniquement à la rédaction d’un procès-verbal intitulé ‘inventaire et prélèvement d’échantillon’. Ce dernier, signé par l’employée de la société le Spécialiste, portait sur un prélèvement de quatre bières aromatisées : bière Saint Louis référence kriek lambic ; Floris ‘honey’ ; Boon ‘kriek’ et Chipper ‘grapefruit’. Ce procès-verbal d’une page ne comporte aucun autre prélèvement ou constatation, ne vise pas le but du contrôle et ne mentionne pas la prise en photographie des étiquettes des bières concernées ou d’autres bières et n’a pas été accompagné, comme pour l’intervention ultérieure, d’un procès-verbal d’intervention.
Les agents des douanes sont de nouveau intervenus à l’entrepôt de la société le Spécialiste le 20 juin 2016. L’avis de contrôle plus précis portait sur le contrôle de stock d’alcool lié à son activité d’entrepositaire agréé et apurement des documents ; contrôle de comptabilité liée à son activité d’entrepositaire agréé et apurement des documents ; autres : réception des DAE ; déclaration de la taxe prémix ; contrôle de l’assiette de la taxe prémix. Cette intervention a donné lieu cette fois-ci à la rédaction d’un procès-verbal en date du 24 juin 2016 dont il est indiqué à la fin qu’une copie sera transmise à la société le Spécialiste. Dans ce procès-verbal d’à peine plus d’une page, les agents ont constaté que la réception et l’apurement des DAE étaient conformes, mais qu’aucune déclaration et paiement de la taxe prémix sur les bières aromatisées avaient eu lieu. Les bières, reprises dans ‘un tableau joint au présent’, avaient fait l’objet d’introductions intercommunautaires de Belgique (expéditeur Brasserie Huygue) et selon les douaniers, les dites bières avaient fait l’objet d’un classement fiscal en prémix par le bureau F/3 de la direction génétrale des douanes en date du 3 juin 2016 suite à un rapport d’analyses du laboratoire des finances de [Localité 4]. La société le Spécialiste soutient qu’aucun tableau n’a été joint à ce procès-verbal, ce procès-verbal produit par la société le Spécialiste pièce 4 n’étant pas suivi d’une annexe et l’administration des douanes ne rapporte pas la preuve contraire, puisqu’elle ne produit elle-même aux débats aucun document relatif au contrôle si ce n’est une photocopie quasi illisible d’étiquettes des bières concernées par l’AMR.
Il y a lieu de souligner s’agissant de ce procès-verbal, que pour la première fois, de façon expresse, il est fait référence à la taxe prémix ; qu’il n’est pas indiqué la date à laquelle ce procès-verbal a été communiqué à la société ; que les agents des douanes font expressément référence à un classement fiscal par leur administration en date du 3 juin 2016 des bières litigieuses figurant dans un tableau (dont il n’est pas rapporté la preuve qu’il était joint) et un rapport d’analyses des dites bières par le laboratoire des finances de [Localité 4].
Ce procès-verbal a été suivi très rapidement d’un avis préalable de taxation reçu par la société le Spécialiste le 7 juillet 2016.
Cet avis préalable ne se réfère pas au contrôle du 8 octobre 2015 mais exclusivement à celui du 20 juin 2016. Il reprend dans un tableau toutes les bières importées de Belgique fournies par la brasserie Huyghe ayant fait l’objet de l’établissement de DAE. Puis page 4, il est indiqué ‘des prélèvements faits par nos soins et divers services des douanes entre 2013 et 2015 et des analyses effectuées par le laboratoire SCI de Bordeaux, il ressort que les bières aromatisées ci-dessous ont été reconnues commes des prémix soit au paragraphe a, ou b et pour certains a et b de l’article 1613 bis I du CGI’. Dans le tableau qui suit ce paragraphe, sont référencées neuf bières avec une colonne ‘a ‘dans laquelle il est noté soit ‘cf étiquette jus’ soit ‘A/c 07/10/2015 cf étiquette jus’, soit a/c 28/01/15 cf étiquette jus’, une colonne ‘b’ grisée et une colonne ‘a et b’ indiquant pour chaque bière ‘analyse indiquant le taux de sucre > 35 g’. Page 5, il est précisé ‘des demandes de classement fiscal ont été sollicitées auprès de la direction générale des douanes et droits indirects à Montreuil (93100). Celle-ci a confirmé les avis du laboratoire de [Localité 4]’. Il était ajouté immédiatement ensuite ‘la société le Spécialiste n’a jamais demandé pendant ou avant le contrôle le classement fiscal d’une des bières susvisées’ et le fait que la société le Spécialiste n’avait pas demandé d’analyse, de fiche de composition, et de preuve de changement de recette. La suite du procès-verbal se compose de tableaux de quantité de bières importées et de calcul de taxe prémix, avec le rappel des textes et du délai pour produire des observations.
Il y a lieu de souligner, s’agissant de cet avis, qu’il retient 9 bières qui ne sont pas celles contrôlées en 2015 ; que ces neuf bières ont fait l’objet de prélèvements par différents services de douane entre 2013 et 2015, sans que les circonstances de ces prélèvements ne soient indiqués; que ces prélèvements ont fait l’objet d’analyses et que ces analyses ont été confortées par des avis de classement de la direction générale des douanes.
A ce stade, il y a lieu également de souligner une contradiction entre les deux documents. En effet, dans le procès-verbal du 24 juin 2016, il est indiqué que les bières (à priori les neuf à défaut de tableau joint) ont fait l’objet d’un classement fiscal en prémix par le bureau F/3 de la direction générale des douanes en date du 3 juin 2016 suite à un rapport d’analyses du laboratoire des finances de [Localité 4], mais dans l’avis préalable, il est indiqué qu’il y a eu des avis de classement et des analyses du laboratoire de [Localité 4], suite à des prélèvements entre 2013 et 2015 et l’administration a ensuite expliqué dans sa réponse à observations que A/C signifiait à compter de la date de classement fiscal de la bière concernée, ce qui signifie à la lecture du tableau qu’il s’agit de classement effectué soit le 28 janvier 2015 soit le 7 octobre 2015 et non le 3 juin 2016 et que plusieurs rapports d’analyses ont été réalisés.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 août 2016, la société le Spécialiste a fait valoir ses observations. Il en résulte notamment :
– s’agissant du procès-verbal du 24 juin 2016 que le redevable, par le biais de son conseil, insiste, outre sur l’absence de date de l’avis de contrôle du 20 juin 2016, sur le fait qu’ ‘aucun tableau n’est intégré ou joint avec le procès-verbal reprenant les bières qui seraient soumises à taxation. ce dernier point entraîne ipso facto la nullité du procès-verbal car la société n’a aucune information lui permettant de savoir sur quelles bières il y a un problème’. Toujours page 5 des observations, il est indiqué ‘la base de la taxation se fonde donc sur un classement fiscal interne à l’administration qui lui-même se fonde sur un rapport d’analyse qui n’a jamais été porté à la connaissance du redevable’, le conseil rappelant ensuite la violation caractérisée des droits de la défense.
– s’agissant de l’avis préalable de taxation reçu le 7 juillet 2016, le conseil de la société le Spécialiste souligne que pour la première fois, par cet avis, la société apprend quelles sont les bières concernées. mais sans savoir ce qui signifie la mention ‘a/c suivi d’une date’ dans le tableau, pensant qu’il s’agit de la date du contrôle ce qui crée une incompréhension de sa part, puisqu’elle envisage le contrôle du 8 octobre 2015 dans son entrepôt alors qu’aucun prélèvement des 9 bières n’a été réalisé. Par ailleurs, à plusieurs reprises ensuite, le conseil de la société le Spécialiste souligne qu’elle n’a pas eu connaissance des analyses , par exemple : ‘mais également par l’alinéa b) sur la base d’analyse dont les résultats ne sont pas communiqués et d’un classement fiscal s’appuyant sur celles-ci’ page 7 ; ‘il n’a jamais été communiqué et notifié à la société le Spécialiste le moindre résultat d’analyse sur ces bières qu’il est donc impossible de commenter’page 11 ; ‘comme exposé ci-dessus, les analyses en question qui n’ont jamais été communiquées’ p12 , ‘le ou les classements fiscaux émanant de la direction générale ne sont ni communiqués ni restranscrits dans l’avis de taxation’ page 15 ‘le droit d’être entendu ou de faire connaître ses observations par écrit avant la notification d’infraction est inexistant puisque les observations que devrait pouvoir présenter la société sur le fondement de l’avis préalable de taxation reste en grande partie méconnu et se fonde sur des analyses de laboratoire et des classement fiscaux non communiqués et sur une extrapolation à partir d’autres enquêtes et ce sur la base de constatations matérielles tout aussi peu communiquées à la société’ page 16 mais encore sur d’autres pages.
Or, dans son courrier en date du 17 août 2016, qui concerne la réponse aux observations sur une simple demi-page, l’administration ne répond qu’à certaines observations qui ne sont pas examinées présentement (trois paragraphes) et ne formule aucune réponse à la non communication des pièces ni au fait que le tableau des bières litigieuses n’était pas annexé au procès-verbal du 24 juin se contentant d’expliquer la signification de la mention ‘a/c’ suivie d’une date et de conclure sa réponse proprement dite par ‘l’ensemble des observations sur le fondement légal ne peuvent être retenues dans le cadre de la procédure du droit d’être entendu…. ces observations trouveront toutes leurs pertinences lors du débat qui pourrait avoir lieu après la notification des infractions constatées notamment au stade du règlement contentieux de ce dossier’, alors même que les classements et analyses qu’elle visait dans son procès-verbal du 24 juin 2016 et dans son avis préalable de taxation reçu le 7 juillet 2016 étaient particulièrement importants, comme le soulignait l’avocat de la société le Spécialiste dans ses observations du 5 août 2016, puisque pour l’application de l’alinéa a) de l’article 1613 bis , le mélange de bière doit être associé à une boisson ayant un titre alcoométrique acquis n’excédant pas 1,2% vol et consommable en l’état, la circulaire d’application du 16 mars 2016 excluant d’ailleurs le concentré de jus de fruit s’il n’est pas buvable en l’état, et que la société le Spécialiste produisait un constat d’huissier en date du 26 novembre 2015 effectué au sein de la brasserie Huyghe dans laquelle cet huissier n’avait trouvé que des concentrés de fruit et des arômes, mais aussi des analyses d’un laboratoire Qualtech qui remettaient en cause le taux de sucre inverti supérieur à 35 g/l, résultats conformes au rapport des douanes belges en date du 21 décembre 2015, voire même pour la bière Délirum red, une analyse du laboratoire de [Localité 4] en date du 16 février 2015 qui mettait en évidence un taux de sucre inverti de 27 g/l soit inférieur à 35g/l.
Enfin, s’agissant du procès-verbal de notification d’infraction en date du 30 août 2016,les constatations suivantes s’imposent :
– ce procès-verbal de notification contient dans ses trois premières pages, le déroulement du contrôle du 8 octobre 2015 ce qui ne manque pas d’interpeller puisqu’aucun procès-verbal d’intervention en date du 8 octobre 2015 n’a été dressé à cette époque et que les agents prétendent désormais non seulement avoir indiqué à l’assistante de gestion qui les a reçues qu’ils faisaient des prélèvements d’échantillons sur 4 bières pour déterminer si elles étaient soumises à la taxe prémix, mais aussi avoir soumis à cette employée la liste des neuf bières litigieuses élément qui n’avait jamais transparu dans les actes de procédure précédents. Ils ajoutent même lui avoir dit que des prélèvements avaient été faits par leurs soins sur ces bières début de mois dans d’autres entrepôts et que des analyses étaient en cours à [Localité 4] pour confirmation de précédentes analyses faites par d’autres services douaniers depuis 2012 et que les résultats seraient communiqués à l’entreprise, précisant que ces résultats et la confirmation de leur caractère par leur direction prendraient plusieurs mois.
– pages 5 et 6, figure un tableau des bières litigieuses avec la date du premier classement prémix, la date du premier rapport d’analyse et le taux précis de sucre, précision étant faite que ces résultants proviennent de prélèvements par les douanes de [Localité 7] et [Localité 5] ; page 6, est mentionnée en date du 6 juin 2016 la confirmation par la direction générale du classement fiscal des bières dont les prélèvements ont été effectués en octobre aussi bien chez la société le Spécialiste que chez les autres opérateurs commercialisant les mêmes bières de la brasserie Huyghe, suite aux analyses du laboratoire de [Localité 4]. Cependant, à ce stade, il était conclu que ces bières avaient le caractère de prémix au sens de l’alinéa a) de l’article 1613 bis en raison de leur composition figurant sur leurs étiquettes (mention ‘jus de fruit’). Toutefois, il y a lieu de souligner que pour une des bières, la bière délirium red, une analyse sur un prélèvement du 28 janvier 2015 ayant montré un taux de sucre de 0.27 g/l, les douanes disaient ne plus pouvoir la considérer comme soumise à la taxe prémix au sens de l’alinéa b) de l’article précité à partir de cette date, mais au sens de l’alinéa a) en raison de sa composition figurant sur l’étiquette, les étiquettes des bières étant dans ce procès-verbal reproduites (pages 7 à 10) ;
– à la page 30 (étant précisé que les pages 11 à 38 reproduisent les documents de procédure, les réserves et la communication des pièces comme visé ci-après), figure en date du 3 août 2016, une demande de l’avocat de la société le Spécialiste aux fins d’obtenir un délai supplémentaire pour ses observations, compte tenu de la période estivale, ce que l’administration lui refusait le 4 août 2016 et à la page 34, le report de la date de notification prévue initialement le 23 août au 30 août sur demande de la société le Spécialiste laquelle indiquait ne pas avoir reçu la réponse aux observations du 17 août 2016 (l’accusé de réception n’est pas produit aux débats par l’administration) ;
– contrairement à ce que le premier juge a indiqué, ce procès-verbal a fait l’objet de réserves de la part de la société le Spécialiste (reproduites en caractères minuscules à peine lisibles, parmi lesquelles elle indique notamment qu”elle a sollicité le report de la notification de l’infraction dans l’attente de la communication des documents, pièces, procédure, méthodes déclarées dans son courrier du 5 août 2020′
– l’administration des douanes, juste avant la signature des agents et de la société le Spécialiste, a mentionné ‘disons que nous donnons ce jour à M. [H] copie des bulletins d’analyse effectués sur les références de bières faisant l’objet du présent procès-verbal de notification d’infraction, à l’exception de la référence ‘floris mangue’ ayant fait l’objet d’un classement fiscal par le bureau F/3 de la direction générale des douanes tel que repris dans la copie du présent procès-verbal’ et dès le 1er septembre 2016, un avis de mise en recouvrement n°3742 M d’un montant de 36’617’euros au titre de la taxe prémix due sur la période de 2013 à 2016 à hauteur de 11 euros par décilitre d’alcool pur était émis.
De ces constations sur le procès-verbal de notification d’infraction, il en résulte que l’administration des douanes, bien qu’elle soutienne dans ses conclusions, n’avoir fondé son redressement que sur les étiquettes des bières litigieuses mentionnant ‘jus de fruit’, s’est fondée aussi sur des prélèvements réalisés dans d’autres entrepôts et non, comme indiqué page 5 et 6, dans l’entrepôt de la société le Spécialiste, que ce soit entre 2012 et 2015, mais aussi sur des prélèvements d’octobre 2015, sur des analyses qui ont été faites par le laboratoire de [Localité 4] dès 2013, sur des analyses de 2015 de ce même laboratoire, sur des avis de classement de la direction nationale dès février 2014, puis du 6 juin 2016, mais sans communiquer ces documents et alors même que le tableau des bières litigieuses ne mentionne pas le taux précis de sucre mais uniquement la valeur ‘supérieure à 35 m/g’. La démonstration de ce fondement est mise en exergue tout particulièrement par la bière Délirium Red comme déjà mentionné et par le fait que si seules les étiquettes avaient été prises en compte, il eût suffit qu’elle établisse son redressement uniquement en visant l’étiquette dans son tableau, sans se référer aux prélèvements, analyses, avis de classement, ce qu’elle avait déjà fait dans son procès-verbal du 24 juin et dans son avis préalable de redressement.
Ainsi, elle n’a pas communiqué avant la fin du procès-verbal d’infraction les pièces sur lesquelles elle se fondait malgré les observations de l’avocat de la société le Spécialiste. Par ailleurs, elle a manqué de loyauté dans le déroulement de la procédure vis à vis de la société le Spécialiste. Les agents des douanes relatent opportunément le contrôle du 8 octobre 2015 dans le procès-verbal de notification, sans jamais y avoir fait allusion avant, l’avis préalable ne mentionnant même pas ce contrôle. Dans cette relation du contrôle du 8 octobre, les agents disent avoir indiqué que les quatre bières dont ils prenaient un échantillon ce jour-là avaient été classées prémix et pourtant ces quatre bières ne figurent pas dans la liste des bières litigieuses. L’administration reproche à la société le Spécialiste de ne pas avoir sollicité les avis de classement avant ou pendant la procédure, alors qu’elle indique dans ses écritures qu’il s’agit d’une ‘note’ confidentielle et quand ces avis ont été demandés, elle ne les a pas communiqués. En outre, ce n’est, de façon certaine, que le 7 juillet 2016 que la société le Spécialiste a eu connaissance des bières litigieuses ; la prorogation de délai sollicitée en raison de la période particulière du mois d’août a été refusée ; la première date de notification avait été prévue le 23 août 2016, alors que l’administration n’avait répondu aux observations que par un courrier expédié le 17 août 2016 et l’avis de mise en recouvrement a été édité deux jours seulement après la notification de l’infraction et la communication partielle des pièces, cette précipitation dans la clôture de la procédure interrogeant alors qu’il s’était écoulé dix mois entre les deux visites sur place des agents des douanes.
En conséquence, la société le Spécialiste n’a pas été mise en mesure de faire connaître son point de vue et ses moyens de défense dans un délai suffisant et en connaissance de cause avant l’émission de l’avis de mise en recouvrement. Il en résulte une atteinte grave au principe du respect du contradictoire et des droits de la défense qui rend la procédure de contrôle irrégulière et doit conduire à l’annulation de l’avis de mise en recouvrement du 1er septembre 2016 et à la main levée de la somme placée sous séquestre.
Les intimées seront condamnées aux dépens des instances et à payer une indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Annule l’avis de mise en recouvement n° 16-875 056 du 1er septembre 2016,
Ordonne en conséquence la mainlevée de la somme séquestrée de 36’617 euros sur le produit de la vente du fonds de la société le Spécialiste représentée par M. [H] ancien gérant et ce, suite à l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Chambéry du 8 novembre 2016,
Condamne l’Administration Régionale des douanes et droits indirects de Chambéry et la Recette régionale des douanes et droits indirects de Chambéry aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne l’Administration Régionale des douanes et droits indirects de Chambéry et la Recette régionale des douanes et droits indirects de Chambéry à payer à la société le Spécialiste la somme de 5 000 euros au titre de l’indemnité procédurale,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 20 juin 2023
à
Me Michel FILLARD
Me Sandrine PAVET
Copie exécutoire délivrée le 20 juin 2023
à
Me Michel FILLARD