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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/53497
N° Portalis 352J-W-B7H-CZTOY
N° : 2
Assignation du :
20 avril 2023
[1]
[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT RENDU SELON
LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
le 19 janvier 2024
par Cristina APETROAIE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.
DEMANDEUR
Monsieur [W] [B]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Maître Fabien PEYREMORTE de la SELARL EIDJ-ALISTER, avocats au barreau de PARIS – #B0034
DEFENDERESSE
La SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Stéphanie MASKER de la SELAFA JEAN CLAUDE COULON ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #K0002, avocat postulant, et par Maître Sylvain NIORD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant,
DÉBATS
A l’audience du 24 novembre 2023, tenue publiquement, présidée par Cristina APETROAIE, Juge, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,
Nous, Président, après avoir entendu les parties représentées par leur conseil, avons rendu la décision suivante :
EXPOSE DU LITIGE
M. [W] [B], alors exploitant d’un magasin de l’enseigne Intermarché, est devenu en 1994, par le truchement de la SA SOMAG, associé par cooptation de la société civile à capital variable des Mousquetaires (ci-après la SC Les Mousquetaires).
Par une lettre du 7 décembre 1997, il a présenté sa démission de ses missions au sein de la SC Les Mousquetaires et a demandé en conséquence le remboursement de la totalité des parts qu’il y détenait.
La SC Les Mousquetaires lui a alors adressé, le 9 février 1999, un chèque d’un montant de 61.696,62 € correspondant à 27 parts d’une valeur unitaire de 2.285,06 €.
Par un courrier du 16 février 1999, M. [W] [B] a indiqué à la SC Les Mousquetaires qu’il contestait ce montant.
Conformément à l’article 13 du règlement intérieur de la SC Les Mousquetaires, M. [W] [B], accompagné d’autres associés, a alors engagé une procédure de tentative de conciliation ayant notamment pour objet de « déterminer la valeur des parts des associés exclus et examiner dans le cadre de cette mission la validité du règlement intérieur, s’agissant des modalités de remboursement des apports des actionnaires sortants. », et désigné à cet effet M. [D] [O], tandis que la SC Les Mousquetaires a désigné Maître [P].
Par un procès-verbal de non-conciliation du 31 janvier 2002, les conciliateurs désignés ont constaté l’impossibilité de rapprocher les parties.
Toujours en application de l’article 13 du règlement intérieur de la SC Les Mousquetaires, M. [W] [B] a alors saisi le tribunal de grande instance de Paris par assignation du 5 avril 2002, aux fins de voir prononcée sa réintégration en tant qu’associé et, subsidiairement, de voir désigné un expert afin de faire estimer la valeur réelle de ses parts sociales.
Par un jugement du 5 juillet 2005, le tribunal de grande instance a rejeté la demande principale de M. [W] [B] au motif qu’il était démissionnaire et qu’il ne pouvait dès lors prétendre avoir été injustement évincé par une décision d’exclusion prise irrégulièrement par l’assemblée générale des associés et l’a débouté de sa demande de désignation d’un expert au regard des dispositions de l’article 1843-4 du code civil qui donnait compétence exclusive au président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour désigner un expert en cas de contestation de la valeur des droits sociaux en cas de cession ou rachat.
A la suite de cette décision, M. [W] [B], par exploit du 26 septembre 2005, a introduit une action au visa de l’article 1843-4 du code civil devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés, aux fins de voir désigner un tiers-évaluateur.
Par ordonnance du 24 novembre 2005, le président du tribunal a fait droit à la demande de M. [W] [B] et désigné M. [V] en qualité d’expert, avec pour mission de « déterminer la valeur des parts sociales de M. [B] à la date de son départ de la SCM selon le ou les critères de calcul qu’il estimera valable ; donner son avis sur la valeur des parts proposée par la SCM au regard de la valeur réelle des parts telle qu’elle sera déterminée dans le cadre de l’expertise ; dire notamment si elle comprend la quote-part de bénéfices de la dite société mise en réserve ou non à la date du départ de la société de M. [B] ; dire si la valeur des parts proposée par la SCM est conforme à la méthode d’évaluation prévue par l’article 16-4 des statuts et l’article 6 du règlement intérieur. »
La SC Les Mousquetaires a formé un appel-nullité de cette ordonnance le 3 avril 2006 au motif que le président du tribunal avait outrepassé ses pouvoirs et méconnu la portée des dispositions de l’article 1843-4 du code civil en se prononçant sur les critères d’évaluation devant être retenus par l’expert et en faisant référence aux dispositions des articles 263 et suivants du NCPC.
Par un arrêt du 3 novembre 2006, la cour d’appel de Paris a déclaré l’appel-nullité irrecevable, au motif que l’ordonnance du 24 novembre 2005 n’était entachée d’aucun excès de pouvoir. Elle a également réformé l’ordonnance en ce qu’elle s’est prononcée sur les critères d’évaluation devant être retenus par l’expert et faisait référence aux articles 263 et suivant du NCPC, en considérant que le technicien doit procéder en toute liberté à l’évaluation qu’il est seul apte à faire.
Par une lettre du 22 juin 2007, M. [V] s’est désisté de sa mission.
Par exploit en date du 22 avril 2008, M. [W] [B] a fait assigner la SC Les Mousquetaires devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, aux fins de voir désigner un nouveau tiers évaluateur dans le but de déterminer les valeurs de ses parts sociales.
Par une ordonnance du 4 juin 2008, le président du tribunal de grande instance de Paris en se fondant sur les statuts de la SC Les Mousquetaires, qui prévoyaient qu’en cas de contestation sur la valeur de rachat des parts d’associés démissionnaires, le prix serait fixé par un expert désigné par ordonnance du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, a désigné M. [U] [N] en qualité de tiers évaluateur avec pour mission notamment de déterminer la valeur des parts sociales de M. [W] [B] dans la société civile des Mousquetaires.
La SC Les Mousquetaires a formé un appel-nullité à l’encontre de cette décision le 9 juillet 2008.
M. [U] [N] s’est alors désisté de sa mission.
Par un arrêt du 30 janvier 2009, la Cour d’appel de Paris a déclaré recevable l’appel nullité et annulé l’ordonnance entreprise en ce qu’elle se réfère aux dispositions du code de procédure civile qui sont seules applicables aux procédures judiciaires. Elle confirme cependant l’ordonnance sur l’étendue de la mission de l’expert et déclare l’appel irrecevable sur le surplus qui comprend notamment le fait qu’il sera référé au magistrat chargé des mesures d’instruction en cas de difficultés de nature en particulier à compromettre le démarrage, l’avancement ou l’achèvement des opérations.
Compte tenu du désistement de M. [U] [N], M. [W] [B] a de nouveau saisi le président du tribunal de grande instance qui, par une ordonnance du 17 mars 2009, a désigné M. [A] en qualité d’expert avec toujours pour mission d’évaluer les parts de M. [W] [B].
Après avoir entendu les parties à plusieurs reprises, M. [A] a déposé son rapport le 20 février 2012, dans lequel il estime la valeur totale des 27 parts à 1.310.742 €, soit 48.546 € chacune.
Par assignation du 20 mars 2012, M. [W] [B] a attrait la SC Les Mousquetaires devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de paiement de cette somme, augmentée des intérêts moratoires sur la valeur des parts.
Dans le cadre de cette procédure, la SC Les Mousquetaires a soulevé une exception d’incompétence au profit d’un tribunal arbitral en se fondant sur le contrat d’enseigne liant la société d’exploitation de M. [W] [B] et le franchiseur ITM Entreprise.
Par une ordonnance du 21 février 2013, le juge de la mise en état a constaté l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris au profit du tribunal arbitral, compte tenu de la qualité de signataire à titre personnel de M. [W] [B] d’un contrat d’enseigne, et du fait qu’il existe un lien certain entre la rupture du contrat d’enseigne et la démission de M. [B] au sein de la SC Les Mousquetaires.
La cour d’appel, par un arrêt en date du 3 décembre 2013, a infirmé cette décision au motif que le lien entre la rupture du contrat d’enseigne et l’exclusion de l’adhérent de la SC Les Mousquetaires ne pouvait emporter application de la clause d’arbitrage aux litiges nés de l’exécution du contrat de société en présence de contrats distincts, conclus entre des parties différentes et alors que les statuts et règlements intérieur de la SC Les Mousquetaires comportent une clause attributive de compétence à la juridiction étatique.
Sur le fond, le tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement le 14 avril 2016, par lequel il annule le rapport d’expertise rendu par M. [A] et déboute M. [W] [B] de ses demandes de paiement, au motif que l’expert a commis une erreur manifeste en se plaçant au jour de l’expertise pour fixer le montant des parts sociale, et que M. [W] [B] n’avait plus la qualité d’associé au moment de l’expertise, de sorte qu’il n’avait plus aucun droit aux bénéfices postérieurement à sa démission.
Cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 septembre 2020, qui a considéré que, pour l’appréciation de la valeur des droits sociaux de M. [B], il y a lieu de retenir la date fixée par les statuts et le règlement intérieur.
A la suite de cette décision, M. [W] [B] s’est pourvu en cassation. Par un arrêt du 9 novembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que « Il résulte des articles 1843-4 et 1869 du code civil qu’en l’absence de dispositions contraires des statuts, les valeurs des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ses droits, auquel il est procédé selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts, sans préjudice du droit pour l’associé qui conteste cette valeur, de la faire déterminer, à la date du remboursement ainsi effectué par un expert désigné dans les conditions prévues par le premier de ces textes.
Si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que la date à laquelle est statutairement fixée l’évaluation des parts est nécessairement celle, s’imposant à l’expert, du jour où est officiellement acté le retrait de l’associé l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure dès lors qu’en se plaçant à la date d’établissement de son rapport en 2012, et non à la date à laquelle la SCM a, le 28 janvier 2002, remboursé ses parts sociales à M. [B] à la valeur fixée par l’assemblée des associés, l’expert a commis une erreur grossière. »
Considérant qu’au regard de l’annulation du rapport de M. [A], il n’existe pas d’évaluation des parts sociales par un expert et qu’ainsi la contestation sur la valeur des parts n’est pas éteinte, M. [W] [B] a, par acte de commissaire de justice du 20 avril 2023, fait assigner la SC Les Mousquetaires devant la présente juridiction statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins de :
« – désigner tel expert qu’il plaira à votre Juridiction aux fins d’évaluer la valeur des parts sociales détenues par Monsieur [W] [B] dans la SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES.
– Condamner la SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES à payer et porter au demandeur, en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 3 000 €.
– Condamner la SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES aux entiers dépens. »
L’affaire a été entendue à l’audience du 24 novembre 2023.
Par des conclusions déposées et soutenues à l’audience, M. [W] [B], sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, a réitéré les demandes formulées dans son assignation.
En réplique, la SC Les Mousquetaires, sur le fondement des articles 1355, 1843-4 dans ses versions antérieures et postérieures à l’ordonnance du 31 juillet 2014 et 1845 du code civil, 122 du code de procédure civile et L. 231-1 et suivants du code de commerce, sollicite de :
« – débouter Monsieur [W] [B] de ses demandes, fins, et conclusions, plus amples ou contraires,
En tout état de cause,
– condamner Monsieur [W] [B] à payer à la S.C.M la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [W] [B] aux entiers dépens. »
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance, aux conclusions susvisées et aux notes d’audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d’expertise
* Sur l’application du nouvel article 1843-4 du code civil issu de l’ordonnance n°2014-863 du 31 juillet 2014
M. [W] [B] soutient à titre principal que l’ordonnance du 31 juillet 2014 modifiant l’article 1843-4 du code civil n’a pas prévu de dispositions transitoires ; que conformément à la jurisprudence, il existe une différence entre le jour où l’expertise est ordonnée et celle à laquelle l’expert est nommé et que c’est la première de ces décisions qui détermine la loi applicable ; qu’en conséquence peu importe que l’expert initialement nommé soit démissionnaire ou empêché et que son rapport soit annulé, seule compte la date à laquelle l’expertise a été initialement ordonnée, soit en l’espèce, antérieurement à l’entrée en vigueur de la nouvelle version de l’article 1843-4 du code civil.
En réplique, la défenderesse soutient que la désignation de l’expert sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil ne relève pas du droit commun ; que le raisonnement de M. [W] [B] trouverait à s’appliquer en cas de remplacement d’un expert, alors qu’en l’espèce, l’expert ayant rendu son rapport, il s’agit d’une demande nouvelle.
L’article 1er du code civil dispose : « Les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures.
En cas d’urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l’ordonne par une disposition spéciale.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels. »
Selon l’article 2 du même code : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. »
L’article 1843-4 dudit code, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 31 juillet 2014, énonçait que : « Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. »
Il est constant que sous l’empire de ce texte, l’expert désigné en cas de contestation de la valeur des droits, avait toute latitude pour déterminer la valeur des actions selon les critères qu’il jugeait opportuns.
L’article 1843-4 du code civil énonce désormais que : « I. – Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II. – Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties. »
Il résulte de ces nouvelles dispositions que l’expert, lorsqu’il est désigné sur ce fondement, est tenu d’appliquer par priorité la méthode de calcul des droits sociaux prévue par les statuts ou toute convention liant les parties.
Aux termes de l’article 1355 du code civil, « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
En l’espèce, il n’est pas discuté que l’ordonnance du 31 juillet 2014 n’est pas interprétative, et n’a par conséquent pas d’effet rétroactif.
En outre, l’ordonnance du 17 mars 2009 a fait droit à la demande de M. [W] [B] de voir désigner un expert aux fins d’évaluation de la valeur de ses parts sociales sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, en ce qu’elle a désigné M. [A] en qualité d’expert, de sorte que cette décision est définitive.
Par ailleurs, eu égard au dépôt de son rapport le 20 février 2012, l’expert a épuisé la mission qui lui avait été confiée par l’ordonnance du 17 mars 2009.
Il en résulte que la demande objet de la présente instance s’analyse en une demande nouvelle, et qu’en conséquence, il y a lieu de retenir l’article 1843-4 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 31 juillet 2014.
* Sur l’applicabilité de l’article 1843-4 I du code civil
M. [W] [B] expose que la SC Les Mousquetaires est une société civile et qu’elle est régie comme telle par les sections 6 et 7 du chapitre II du titre IX du code civil, et plus spécifiquement par les articles 1860 et 1869 qui renvoient expressément à l’article 1843-4 du même code ; qu’il entend se placer sur le fondement de l’article 1843-4 I du code civil auquel renvoie les articles 1860 et 1869 et qu’en conséquence, dans la mesure où les statuts de la SC Les Mousquetaires dans leur version du 24 juin 1997 ne distinguent pas la situation de l’associé démissionnaire de celui qui est exclu, la désignation d’un tiers évaluateur s’impose.
La société SC Les Mousquetaires objecte que l’article 1843-4 I du code civil est inapplicable en l’espèce, compte tenu du fait qu’elle est une société à capital variable et qu’en tant que telle, elle est régie par les dispositions des articles L. 231-1 à L. 231-8 du code de commerce qui sont d’ordre public et ne renvoient pas au I de l’article 1843-4 du code civil.
Il résulte de l’article 1845-1 du code civil que : « Le capital est divisé en parts égales.
Les dispositions du chapitre Ier du titre III du livre II du code de commerce relatives au capital variable des sociétés sont applicables aux sociétés civiles. »
Selon l’article L. 231-1 du code de commerce, « Il peut être stipulé dans les statuts des sociétés qui n’ont pas la forme de société anonyme ainsi que dans toute société coopérative que le capital social est susceptible d’augmentation par des versements successifs des associés ou l’admission d’associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués.
Les sociétés dont les statuts contiennent la stipulation ci-dessus sont soumises, indépendamment des règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, aux dispositions du présent chapitre. »
Il résulte de ces dispositions que, s’agissant des sociétés à capital variable, les dispositions générales sur la société civile contenues dans le code civil renvoient aux dispositions des articles L. 231-1 à L. 231-8 du code de commerce, qui sont d’ordre public et dérogent ainsi à celles du code civil.
Aux termes de l’article 1843-4 I du code civil, « I. – Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.»
Il n’est pas contesté en l’espèce qu’aucune des dispositions des articles L. 231-1 à L. 231-8 du code de commerce ne renvoie à celles du I de l’article 1843-4 du code civil, alors qu’il s’agit d’une condition d’application posée par le texte.
Quant aux articles 1860 et 1869 du code civil, qui certes renvoient tous deux au I de l’article 1843-4 du code civil, ils ne trouvent pas plus à s’appliquer dans la mesure où les situations qu’ils prévoient sont également reprises par les articles L. 231-6 et L. 231-8 du code de commerce, qui trouvent à s’appliquer du fait de leur caractère impératif.
Il s’ensuit que l’article 1843-4 I du code civil est inapplicable en l’espèce et qu’en conséquence, M. [W] [B] sera débouté de sa demande sur ce fondement.
* Sur l’applicabilité de l’article 1843-4 II du code civil
M. [W] [B] soutient se fonder à titre infiniment subsidiaire, sur l’article 1843-4 II du code civil au motif que les statuts de la SC Les Mousquetaires ne prévoient pas de méthode d’évaluation rendant limpide le calcul de la valeur de remboursement des parts sociales des associés exclus ; que la condition de l’existence d’une méthode statutaire rendant déterminé ou déterminable le prix de rachat n’empêche pas pour autant la désignation d’un tiers évaluateur dès lors qu’il existe une contestation sur le remboursement effectué ; que le dernier alinéa de l’article 17 des statuts impose le recours à un tiers évaluateur en cas de contestation sur la valeur des parts sociales.
La SC Les Mousquetaires réplique qu’il résulte des articles 6, 17 et 19 des statuts que la valeur des parts est déterminée et déterminable ; que M. [W] [B] en devenant associé de la SC Les Mousquetaires s’est engagé à respecter les statuts et les stipulations qu’ils contiennent, de sorte que cet accord fait obstacle à l’application de l’article 1834-4 du code civil.
L’article 1843-4 II du code civil prévoit « II. – Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties. »
Il résulte de cet article qu’un expert est désigné dans le cas où un associé sortant conteste la valeur de rachat proposée par la société et que cette valeur n’est ni déterminée ni déterminable dans les statuts.
Or en l’espèce, il résulte de l’article 17, 7 des statuts produits au débat que « la société étant une société à capital variable, chaque associé dispose également de la possibilité de « démissionner », c’est-à-dire que souhaitant se retirer, il peut demander à la société de lui acheter ses parts. (…) En cas de démission, les parts sont achetées par la société par diminution du capital effectif et des réserves. La valeur retenue est celle déterminée par le Règlement Intérieur. A défaut, elle est fixée par l’Assemblée des Associés qui statue sur la démission ou qui ratifie l’acceptation donnée par la gérance. En cas de contestation, la valeur est déterminée à dire d’Expert, comme indiqué ci-dessus en matière de cession. »
L’article 19 de ces mêmes statuts stipule : « Sur la base de l’inventaire établi au jour d’effet de la démission volontaire et dûment approuvée ou sur la base du dernier inventaire régulièrement approuvé dans les cas de démission et d’exclusion, la société rembourse à l’associé qui se retire la fraction libérée et non amortie de son apport. (…) »
L’article 6 du règlement intérieur prévoit, s’agissant de la fixation de la valeur retenue en cas de transaction concernant les parts détenues par les associés, que : « Chaque année, au moment de la réunion de l’assemblée générale annuelle, la gérance devra proposer aux associés la détermination d’une valeur indicative de chaque part composant le capital de la SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES. Pour ce faire, la gérance s’en tiendra aux critères suivants :
La valeur indicative de la part sera celle de l’année d’avant, majorée d’un pourcentage représentant une plus-value de dix pour cent plus l’inflation. Pour ce faire, l’indice retenu sera celui des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé « alimentation et boissons » base 100 en 1990 publié mensuellement par l’I.N.S.E.E. il est rappelé pour mémoire que l’indice de décembre 1992 s’élève à102,9.Toutefois, cette majoration n’interviendra seulement que dans la mesure où le résultat net cumulé et/ou consolidé d’ITM ENTREPRISES et de ses filiales sera au moins égal, en valeur absolue à l’augmentation des parts, née de l’application de la formule ci-dessus.L’Assemblée Générale Extraordinaire pourra toujours modifier cette disposition et choisir d’autres modalités. Elle devra alors modifier le présent article. »
Il ressort également de l’extrait du procès-verbal de l’assemblée générale mixte de la SC Les Mousquetaires du 16 juin 1998, lors de laquelle la démission de M. [W] [B] a été ratifiée, que la résolution n° 5 adoptée à l’unanimité a fixé la valeur de la part à la somme de 14.990 francs (soit environ 2.285,06 €), montant qui n’a pas été contesté par M. [W] [B].
Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments que tant les statuts que le règlement intérieur de la SC Les Mousquetaires décrivent précisément la méthode de fixation de la valeur des parts sociales des associés démissionnaires et que le prix de la part était connu des associés, de sorte que la valeur était précisément déterminée et déterminable.
Il s’ensuit que l’article L. 1843-4 II du code civil ne trouve pas à s’appliquer et que M. [W] [B] sera débouté de sa demande de désignation d’un expert.
Sur les mesures accessoires
1Il sera alloué en équité à la défenderesse une indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans les termes du présent dispositif.
M. [W] [B], qui supportera la charge des dépens de l’instance, est irrecevable en sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Le juge délégué par le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort suivant la procédure accélérée au fond, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,
Déboute M. [W] [B] de sa demande de désignation d’un expert ;
Condamne M. [W] [B] à payer à la SC Des Mousquetaires la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [W] [B] aux dépens ;
Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Fait à Paris le 19 janvier 2024.
Le Greffier,Le Président,
Arnaud FUZATCristina APETROAIE
Décision préparée avec le concours de [G] [X], juriste-assistante