Parts sociales : décision du 23 janvier 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 23/01401

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Parts sociales : décision du 23 janvier 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 23/01401
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ARRET N°35

FV/KP

N° RG 23/01401 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G2GH

S.A.S. BIO C’ BON SAS

S.E.L.A.F.A. MJA

S.E.L.A.R.L. [U] [X]

C/

[F]

[F]

INDIVISION SUCCESSORALE deMadame [T] [F]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 23 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01401 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G2GH

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 23 mai 2023 rendu(e) par le Juge de la mise en état de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTES :

S.A.S. BIO C’ BON agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 14]

[Localité 9]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant par Timothée GAGNEPAIN, avocat au barreau de PARIS.

S.E.L.A.F.A. MJA mandataire judiciaire, prise en la personne de Maître [Y] [O], es qualité de liquidateur judiciaire de la Société BIO C’BON, suivant jugement du Tribunal de Commerce

de PARIS du 2 novembre 2020

[Adresse 3]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant me Timotéh GAGNEPAI, avocat au barreau de PARIS.

S.E.L.A.R.L. [U] [X] mandataire judiciaire, prise en la personne de Maître [U] [X], es qualité de liquidateur judiciaire de la Société BIO C’BON

[Adresse 5]

[Localité 13]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Timothée GAGNEPAIN, avocat au barreau de PARIS.

INTIMES :

Madame [G] [F] épouse [D] agissant tant en son nom personnel qu’es qualité d’ayant droit de Madame [T] [F] née le [Date naissance 1] 1955 et décédée le [Date décès 2] 2021,

née le [Date naissance 6] 1976

[Adresse 7],

[Localité 11]

Ayant pour avocat postulant Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Ghislain POULARD, avocat au barreau de NANTES.

Monsieur [M] [F] agissant tant en son nom personnel qu’es qualité d’ayant droit de Madame [T] [F] née le [Date naissance 1] 1955 et décédée le [Date décès 2] 2021,

né le [Date naissance 4] 1991

[Adresse 12]

[Localité 8]

Ayant pour avocat postulant Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Ghislain POULARD, avocat au barreau de NANTES.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Fondé en 2008 par Monsieur [W] [N], Bio C’Bon (le Groupe) est un groupe de distribution de produits alimentaires et d’hygiène issus de l’agriculture biologique à travers, principalement, un réseau d’environ 125 points de vente en France.

A partir de 2012, le développement de la chaîne Bio C’Bon a été financé, dans une large mesure, via des investissements réalisés par des épargnants personnes physiques auxquels il était proposé deux types de produits financiers, à savoir :

– des actions de sociétés par actions détenues par la société Marne & Finance (une des sociétés holding du groupe) dont l’objet était d’investir dans des magasins de la chaîne (Bio C’Bon Builder-BCBB) ;

– des parts sociales de sociétés en nom collectif détenues par la société Marne & Finance dont l’objet était d’investir dans les locaux commerciaux qui accueillent les magasins (Immo Capital Builder System-ICBS).

Chaque investissement a été accompagné d’un pacte d’actionnaire ou d’associé, selon les cas, prévoyant un rachat partiel progressif puis total des actions ou parts souscrites.

Entre 2014 et 2017, Madame [T] [F], Monsieur [M] [F] et Madame [G] [F] épouse [D] (les consorts [F]) ont investi des capitaux dans l’achat d’actions de diverses sociétés supports pour le développement de la société BIO C’BON ainsi que de parts sociales de sociétés filiales de la société Marne & Finance.

Déplorant n’avoir pas reçu les sommes attendues au titre de l’année 2019, les consorts [F] ont mis en demeure les sociétés Marne &Finance et BIO C’BON de leur régler les sommes annuelles prévues ainsi que de procéder au rachat total des titres.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 02 septembre 2020, la société BIO C’BON a bénéficié d’une procédure de redressement judiciaire.

Par jugements en date du 02 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession partielle des actifs et activités exploités par les sociétés du Groupe concernées au profit de Carrefour France, prononcé leur liquidation judiciaire et désigné la SELARL [U] [X] et la SELAFA MJA en qualité de liquidateurs judiciaires.

Par actes d’huissier délivrés les 15 et 24 septembre 2020, les consorts [F] ont assigné la société Marne & Finance et la société BIO C’BON, ainsi que la SCP ABITBOL & ROUSSELET, la SCP THEVENOT PARTNERS ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES, la SELAFA MJA – Me [Y] [O] et la SELARL [X] [U] – Me [U] [X], ès qualités de liquidateurs ou administrateurs judiciaires à la liquidation judiciaire de la société BIO C’BON, devant le tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon aux fins, notamment, de :

– condamner Marne & Finance au paiement de diverses sommes au titre de leurs engagements de rachat de leurs souscriptions et des intérêts qui leur seraient dus ;

– faire admettre au passif de la procédure de liquidation judiciaire de Bio C’Bon SAS le montant de leurs créances.

Par conclusions signifiées par RPVA le 16 février 2021, les consorts [F] ont saisi sur incident le juge de la mise en état.

Par ordonnance datée du 08 juillet 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon a statué ainsi :

– Prenons acte de l’intervention volontaire de Madame [G] [F], épouse [D] et de Monsieur [M] [F], en qualité d’ayants-droits de Madame [T] [F],

– Ecartons l’exception d’incompétence soulevée au profit du tribunal de commerce de Paris,

– Déclarons le tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON compétent pour statuer sur les demandes à l’égard de la société MARNE ET FINANCE,

– Condamnons la société MARNE ET FINANCE à verser les provisions suivantes :

à Monsieur [M] [F] la somme de 39.200€, à valoir sur le rachat de ses parts sociales de la SCS ESSORIMMAG,

à Monsieur [M] [F] et Madame [G] [F] épouse [D], ès qualités d’ayants-droits de Madame [T] [F], la somme de 11.200 €, à valoir sur le rachat des parts sociales de la SCS ATLASIMMAG,

dans le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision, et à défaut sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un délai de 6 mois,

– Rejetons le surplus des demandes de provisions,

– Rejetons la demande de délais de paiement de la société MARNE ET FINANCE,

– Condamnons la société MARNE ET FINANCE à verser à Monsieur [M] [F] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile dans la cadre du présent incident,

– Ordonnons la réouverture des débats s’agissant des demandes à l’égard de la société BIO C BON et ENJOIGNONS aux consorts [F] et aux liquidateurs judiciaires de la société BIO C BON :

de produire une éventuelle décision du juge commissaire désigné dans le cadre de la procédure collective de la société BIO C BON, saisi de la vérification des créances des consorts [F],

de se prononcer sur une éventuelle irrecevabilité de l’action intentée par les consorts [F] à l’égard de la société BIO C BON et ses mandataires judiciaires,

– Disons que l’affaire sera rappelée à l’audience sur incident du 07 octobre 2022 à 14 h pour déposer ou plaider impérativement,

Dans l’attente,

– Réservons les autres demandes et les dépens.

Par déclaration au greffe de la cour, la SAS BIO C’BON, la SELARL [U] [X], prise en la personne de Maître [U] [X], la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [Y] [O], tous deux ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS BIO C’BON (les appelants) ont interjeté appel en visant les chefs expressément critiqués.

Selon ordonnance en date du 15 juin 2023, M. le président de la deuxième chambre civile de la Cour d’appel de Poitiers, agissant sur délégation de Mme la première présidente de cette cour, a autorisé les appelants à assigner à jour fixe Madame [G] [F] épouse [D] et Monsieur [M] [F], tous deux agissant, tant en leur nom personnel qu’ès qualité d’ayant droit de [T] [F], décédée le [Date décès 2] 2021, à l’audience collégiale de la deuxième chambre civile du 15 mars 2023.

Par exploits des 04 et 05 juillet 2023, les consorts [F] ont été assignés à l’audience du 04 décembre 2023.

En l’état de leurs dernières conclusions RPVA du 20 novembre 2023, les appelants sollicitent de la cour de :

Vu les articles L.622-21, L.622-24 et suivants et L.624-2 et suivants du Code de commerce,

Vu les articles 75 et suivants, 84 et suivants et 122 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu la jurisprudence citée,

– Déclarer le présent appel recevable et bien fondé ;

Y faisant droit,

– Infirmer l’ordonnance rendue le 23 mai 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon en ce qu’il a :

écarté l’exception d’incompétence soulevée au profit du Juge commissaire du tribunal de commerce de Paris désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la Société BIO C’BON,

déclaré le Tribunal Judiciaire de La Roche-Sur-Yon compétent pour statuer sur les demandes à l’égard de la SELARL [U] [X] et de la SELAFA MJA, ès-qualité de liquidateurs judiciaires de la Société BIO C’BON,

rejeté les demandes des Société BIO C’BON, SELAFA MJA et [U] [X] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

réservé les dépens du présent incident qui suivront le sort des dépens de l’instance au fond.

Statuant à nouveau,

A titre liminaire,

– Déclarer le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon incompétent pour statuer sur la demande de Madame [G] [F] et Monsieur [M] [F] tendant à la fixation de leurs créances au passif de la société BIO C’BON, au profit du juge commissaire de la procédure de

liquidation judiciaire de la société BIO C’BON,

En tout état de cause,

– Rejeter la demande de Madame [G] [F] et Monsieur [M] [F] tenant à voir juger les demandes des liquidateurs judiciaires de la société BIO C’BON irrecevables, les en débouter,

– Débouter Madame [G] [F] et Monsieur [M] [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– Condamner solidairement l’indivision successorale ouverte par le décès de [T] [F], Madame [G] [F] et Monsieur [M] [F] au paiement de la somme de 10.000€ à chacune des exposantes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions RPVA du 11 septembre 2023, les consorts [F] entendent voir la cour :

Vu les articles L 622-21, L 622-22, et L 624-2 du Code de commerce,

– Confirmer la décision du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La roche Sur Yon en date du 23 mai 2023.

– Déclarer la SELARL [U] [X], Maître [U] [X], la SELAFA MJA, Maître [Y] [O], et la société BIO C’BON, irrecevables en leurs demandes.

– Débouter la SELARL [U] [X], Maître [U] [X], la SELAFA MJA, Maître [Y] [O], et la société BIO C’BON, de toutes leurs demandes, fins, et conclusions.

En toutes hypothèses,

– Condamner la SELARL [U] [X], Maître [U] [X], la SELAFA MJA, Maître [Y] [O], et la soiété BIO C’BON, à payer aux consorts [F] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamner la SELARL [U] [X], Maître [U] [X], la SELAFA MJA, Maître [Y] [O], et la société BIO C’BON, aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le tribunal renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L’affaire a été plaidée à l’audience de renvoi du 04 décembre 2023, date à laquelle les parties ont maintenu leurs demandes et prétentions puis, l’affaire a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exception d’incompétence

Il résulte des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile que devant le tribunal judiciaire, en procédure écrite, le juge de la mise en état est seul compétent jusqu’à son dessaisissement pour statuer par voie d’incident sur une exception d’incompétence soulevée postérieurement à sa désignation.

1. L’article L. 624-2 du Code de commerce dispose :

‘Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d’admission est recevable, décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission’.

2. A défaut d’admettre ou de rejeter la créance le juge-commissaire peut donc constater soit qu’une instance est en cours soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.

3. L’instance en cours est une instance au fond intentée avant le jugement d’ouverture contre le débiteur et qui tend à obtenir de la juridiction saisie au principal une décision définitive sur le montant et l’existence de cette créance.

4. Face à une telle instance en cours le juge-commissaire doit en relever d’office l’existence et il est alors dépourvu de son pouvoir juridictionnel et se trouve donc privé de son pouvoir de statuer sur l’existence et la nature de la créance déclarée .

5. Dessaisi mais sans être incompétent, il est privé du pouvoir d’admettre ou de rejeter la créance, étant précisé, que par son ordonnance de constatation de l’instance en cours revêtue de l’autorité de la chose jugée, le juge-commissaire vide sa saisine.

6. Lorsque la créance est fixée à l’issue de l’instance en cours, il appartient au créancier de demander au greffier du tribunal de commerce son inscription au passif de la société en procédure collective.

7. Les appelants font valoir que le texte de l’article L. 624-2 du Code de commerce donne expressément compétence au juge commissaire désigné dans le cadre de la procédure collective pour décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées dès lors qu’aucune instance n’est en cours à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective.

8. Les consorts [F] objectent que les liquidateurs de la société BIO C’ BON ne peuvent pas :

– d’un côté, écrire aux consorts [F] qu’il existe une instance en cours, que celle-ci sera constatée par le juge-commissaire, et que la créance déclarée devra faire l’objet d’une fixation par le juge compétent (ce qui signifie que le juge-commissaire devra se reconnaître incompétent);

– puis, d’un autre côté, par voie de conclusions, contester l’existence d’une instance en cours, demander à ce que soit constatée l’incompétence du tribunal saisi, et cela au profit de la compétence du juge-commissaire.

9. La cour fait observer à titre liminaire que le juge-commissaire de la procédure BIO C’BON dans ses trois ordonnances datées du 12 avril 2023 a, comme l’indiquent eux-mêmes les intimés:

– constaté que la contestation ne relevait pas de son pouvoir juridictionnel ;

– invité chacun des consorts [F] à saisir la juridiction du fond compétente dans le délai d’un mois sous peine de forclusion ;

– sursis à statuer.

10. La lecture de ces ordonnances enseigne en outre que le juge-commissaire de la procédure a motivé ce dispositif du fait que l’ensemble des déclarations de créances dont s’agit comportait pour partie une demande indemnitaire dont le juge-commissaire a indiqué pour chacune d’entre elles, qu’elle dépassait son pouvoir juridictionnel.

11. Il s’ensuit :

– Conformément aux règles issues de l’article L. 624-2 du Code de commerce précité que, contrairement à ce que soutiennent les consorts [F], ce juge-commissaire n’est pas amené à se déclarer incompétent ;

– que ce sursis à statuer dans l’attente d’une décision de la juridiction du fond était exclusivement motivé par l’existence de demandes indemnitaires.

12. A la suite, la cour constate qu’aucune instance n’était en cours au moment où ce juge-commissaire a statué, ce que dernier a d’ailleurs constaté dans les ordonnances du 12 avril 2023, dès lors que, pour rappel, c’est par un jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 02 septembre 2020, que la société BIO C’BON a bénéficié d’une procédure de redressement judiciaire alors que l’instance, objet de l’ordonnance contestée du juge de la mise en état, a débuté suivant assignation devant le tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon datées des 15 et 24 septembre 2020.

13. De l’ensemble des considérations qui précèdent, la cour est en mesure d’indiquer :

– en premier lieu, que c’est à tort que le juge de la mise en état, dans son ordonnance contestée, s’est déclarée compétent pour le tout, en présence d’une décision antérieure du juge-commissaire statuant sur la déclaration de créances des demandeurs à l’instance alors que seul l’examen des demandes de dommages et intérêts dépassait le pouvoir juridictionnel de celui-ci ;

– que la cour ne peut pas davantage, pour le tout, déclarer incompétent le tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon dès lors qu’il appartient à ce dernier de se prononcer sur lesdites demandes indemnitaires, le juge-commissaire ayant invité les parties à mieux se pourvoir en ce domaine.

14. Il y a ainsi lieu de rejeter les exceptions d’incompétence soulevées tant par les appelants que les intimés.

Sur la fin de non-recevoir soulevée devant le juge de la mise en état

15. Il ressort des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état dispose des mêmes pouvoirs et compétences que le juge de la mise en état. Or, aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, notamment, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.

16. La cour appelle qu’en vertu de la règle de l’interdiction des poursuites, édictée à l’article L.622-21, I, du Code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l’article L.641-3 du même code, toute action en paiement d’une somme d’argent est prohibée.

17. Dans cette hypothèse, en effet, il appartient au créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture et, depuis la loi de sauvegarde, au créancier dont la créance postérieure n’est pas éligible au traitement préférentiel, de soumettre sa créance à la procédure de déclaration et vérification des créances.

18. Il est constant que le moyen tiré de l’arrêt des poursuites individuelles est une fin de non recevoir au sens de l’article 122 du Code de procédure civile, qui doit être soulevée d’office s’agissant d’une règle d’ordre public.

19. Les appelants font valoir que l’instance doit impérativement avoir été entamée, c’est-à-dire, que l’assignation ait déjà été placée au jour de l’ouverture de la procédure collective, pour que le juge-commissaire ne puisse plus se prévaloir de l’exclusivité de décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées prévues à l’article L. 624-2 du Code de commerce.

20. Les intimés objectent que le jugement de liquidation judiciaire est intervenu le 02 novembre 2020, comme le reconnaissent les liquidateurs et indiquent, qu’à cette date, la présente instance était assurément en cours, et ce, depuis plusieurs mois, dès lors que les assignations ont été délivrées au mois de septembre 2020.

21. La cour indique, qu’en l’espèce, la date à prendre en considération est celle du jugement d’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire, celle du redressement judiciaire, peu important en effet qu’une conversion soit intervenue à la suite, le prononcé de la liquidation judiciaire au cours de la période d’observation d’un redressement judiciaire n’ouvrant pas une nouvelle procédure collective comme le soutiennent les appelants.

22. Les parties s’accordent sur la date d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SAS BIO C’BON, laquelle a été prononcée au 02 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris. Les parties s’accordent également sur le fait que le tribunal judiciaire a été saisie, pour rappel, par une remise au greffe d’une copie de l’assignation (article 754 du Code de procédure civile) le 15 septembre 2020.

23. Dès lors, au regard des règles qui précèdent, le juge de la mise en état aurait dû, même d’office, statuer sur cette fin de non-recevoir, et cela, bien que ‘les parties ne se so[ient] pas prononcées sur une éventuelle irrecevabilité de l’action sur le fondement [de l’article L. 622-21 du Code de commerce]’.

24. La décision sera en conséquence réformée.

Sur les autres demandes

25. Il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

26. Les consorts [F] qui échouent majoritairement en leurs prétentions en cause d’appel, supporteront in solidum la charge des dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon datée du 23 mai 2023,

Statuant à nouveau,

Rejette les exceptions d’incompétence,

Dit que le juge-commissaire du tribunal de commerce de Paris est exclusivement compétent pour se prononcer sur les créances Madame [G] [F] épouse [D] et Monsieur [M] [F], tous deux agissant, tant en leur nom personnel qu’ès qualité d’ayant droit de [T] [F], strictement limitées :

– pour la créance n°836, à la somme de 53.500 €;

– pour la créance n°837, à la somme de 192.600 € ;

– pour la créance n°838, à la somme de 85.600 € ;

Dit que pour le surplus de chacune des créances susdites, consistant en des demandes de dommages et intérêts, le tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon est compétent,

Déclare irrecevables les demandes en fixation de créances numéros 836, 837 et 838 au passif de la liquidation judiciaire de la société BIO C’BON, respectivement pour des montants de 53.500€, 192.600 € et 85.600 €, présentées par Madame [G] [F] épouse [D] et Monsieur [M] [F], tous deux agissant, tant en leur nom personnel qu’ès qualité d’ayant droit de [T] [F],

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne in solidum Madame [G] [F] épouse [D] et Monsieur [M] [F], tous deux agissant, tant en leur nom personnel, qu’ès qualité d’ayant droit de [T] [F] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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