Parts sociales : décision du 23 janvier 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/02024

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Parts sociales : décision du 23 janvier 2024 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/02024
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ARRET N°20

CP/KP

N° RG 22/02024 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GTOK

[F]

C/

[I]

[E]

[C]

S.A.S. OCEAN NOTAIRES & CONSEILS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 23 JANVIER 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02024 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GTOK

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 juillet 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire des SABLES D’OLONNE.

APPELANT :

Monsieur [H] [F]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 18] (12)

[Adresse 6]

[Localité 9]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Virginie DANO, avocat au barreau NANTES.

INTIMES :

Madame [J] [I]

née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 19]

[Adresse 8]

[Localité 14]

Ayant pour avocat plaidant Me Yves-Noël GENTY de la SELARL CABINET D’AVOCATS GENTY, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE

Monsieur [K] [E]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 15]

[Adresse 11]

[Localité 10]

Ayant pour avocat plaidant Me Marie-Thérèse SIMON-WINTREBERT, avocat au barreau de POITIERS

Monsieur [K] [C]

né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 17] SUR MARNE

[Adresse 7]

[Localité 13]

Ayant pour avocat plaidant Me Yves-Noël GENTY de la SELARL CABINET D’AVOCATS GENTY, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE

S.A.S. OCEAN NOTAIRES & CONSEILS prise en la personne de son Président en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés es-qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 12]

Ayant pour avocat plaidant Me Yves-Noël GENTY de la SELARL CABINET D’AVOCATS GENTY, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par ,Madame Véronique DEDIEU Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique du 30 septembre 1999, Monsieur [H] [F] a acquis 418 parts sociales de la société civile professionnelle [Localité 16]-Chauveau-Chaigne-Massoneau-[I], désormais la société civile professionnelle Océan Notaires, pour un montant de 3.000.000 de francs (457.347€). M. [F] détient ainsi 16,6% du capital de la société.

Par jugement du 13 juillet 2018, le tribunal de grande instance des Sables d’Olonne a prononcé la démission d’office de M. [F], sur constatation de son empêchement définitif.

Par arrêté du 21 juin 2019 paru au journal officiel du 3 juillet 2019, le Garde des [Localité 20] a déclaré l’associé démissionnaire d’office. Le retrait de l’étude de M. [F] est devenu définitif à cette date.

M. [F] n’a pas entendu céder ses parts à un tiers dans le délai de six mois prévu par l’article 32 du décret du 2 octobre 1967.

Le 20 février 2019, la société Ocean Notaires a fait une offre de rachat des parts sociales détenues par M. [F].

M. [F] a refusé de se présenter à la signature de l’acte de cession le 2 mars 2020.

Le 19 mars 2020, une mise en demeure de régulariser la cession au prix de 1.150.000€ a été adressée à M. [F] mais est restée sans effet.

Le 3 décembre 2020, le prix payé par la société Océan Notaires a été consigné par versement sur un compte CARPA disponible le 23 septembre 2020.

Par acte du 8 janvier 2021, M. [F] a attrait la société Océan Notaires devant le président du tribunal judiciaire des sables d’Olonne aux fins de voir désigner un expert judiciaire avec pour mission d’évaluer les parts sociales.

Par jugement du 2 avril 2021, Monsieur [K] [E], expert judiciaire, a été désigné à cet effet. Il a déposé son rapport le 6 décembre 2021.

Régulièrement autorisée par ordonnance de la présidente du tribunal judiciaire des Sables d’Olonne du 1er mars 2022, la société Océan Notaire a assigné à jour fixe M. [F] aux fins de voir :

-homologuer judiciairement la cession forcée des 418 parts sociales lui appartenant pour un prix de 1.150.000 € ;

-dire et juger que cette cession emportant transfert des 418 parts sociales a été entièrement exécutée à cette date, par paiement du prix et sa consignation en CARPA ;

-voir condamner M. [F] à payer une indemnité de 5.000 € au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 12 juillet 2022, rectifié le 23 août 2022, le tribunal judiciaire des Sables d’Olonne a :

-ordonné l’exécution forcée de la cession des 418 parts détenues par M. [F] au sein de la société Océan Notaires pour le prix de 1.150.000€ , au 12 juillet 2022, avec transfert immédiat du prix sur le compte CARPA du conseil du cédant,

-débouté M. [F] de sa demande d’invalidation de la sommation du 19 mars 2020 et de sa demande de constat du caractère non libératoire de la consignation du prix à la CARPA ;

-condamné M. [F] à verser à la société Océan Notaires la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration du 3 août 2022, M. [F] a interjeté appel de cette décision. L’affaire a été enrôlée sous le n° de RG 22/2024.

***

Parallèlement, régulièrement autorisé par ordonnance de la présidente du tribunal judiciaire des Sables d’Olonne en date du 23 mars 2022 et par actes d’huissier de justice en date des 04 et 08 avril 2022, Monsieur [F] a fait assigner à jour fixe à l’audience du 10 mai 2022, Monsieur [K] [E], Madame [J] [I], Monsieur [K] [C] et la SCP Océan Notaires pour voir prononcer la nullité du rapport d’expertise.

Par jugement en date du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire des Sables d’Olonne a notamment débouté M. [F] de sa demande en nullité d’expertise et de ses demandes subséquentes.

Par déclaration du 15 décembre 2022, M. [F] a interjeté appel de cette décision. L’affaire a été enrôlée à la cour sous le n° de RG 22/3111.

***

Monsieur [F], par dernières conclusions d’incident transmises par voie électronique le 21 avril 2023, a demandé au conseiller de la mise en état, au visa des articles 367 et suivants du code de procédure civile, d’ordonner la jonction de la procédure RG 22/02024 à la procédure RG 22/03111.

La société Ocean Notaires, par dernières conclusions d’incident transmises par voie électronique le 10 juillet 2023, a demandé au conseiller de la mise en état de prendre acte que les concluants s’en rapportent sur la demande de jonction des procédures RG 22/02024 et RG 22/03111 dont la dualité résulte précisément du choix initial du demandeur à l’incident.

Par ordonnance du 2 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des instances enrôlées sous le RG no 22/03111 et n°22/02024 lesquelles se poursuivront sous le RG n°22/2024.

***

1) Sur le jugement du 22 novembre 2022 (RG initial 22/3111) :

M. [F], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 24 juillet 2023, demande à la cour de :

– Déclarer Monsieur [H] [F] recevable et bien fondé en son appel ;

– Infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions, en ce qu’elle a :

– Débouté Monsieur [H] [F] de sa demande en nullité du rapport d’expertise judiciaire établi le 6 décembre 2021 par Monsieur [K] [E],

– Débouté Monsieur [H] [F] de ses demandes subséquentes de valorisation des parts à la date de l’expertise, de dommages et intérêts, de nullité de la résolution adoptée par décision des associés en date du 11 février 2020 et de la décision de gérance du 08 septembre 2020 prise à la suite, de modification sous astreinte des statuts de la SCP OCEAN NOTAIRES de nullité de la résolution de l’assemblée générale ordinaire de 2021 ayant procédé à la distribution du bénéfice entre les associés pour l’année 2020.

– Condamné Monsieur [H] [F] à verser à Monsieur [K] [E] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour préjudice moral ;

– Condamné Monsieur [H] [F] à verser à Monsieur [K] [E] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné Monsieur [H] [F] à verser à la SCP OCEAN NOTAIRES la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné Monsieur [H] [F] à verser à Monsieur [K] [C] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Monsieur [H] [F] à verser à Madame [J] [I] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Monsieur [H] [F] aux entiers dépens ;

– Rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Y faisant droit, statuant à nouveau :

– Juger les demandes de la SCP OCEAN NOTAIRES et de Monsieur [E] irrecevables et mal fondées et de les en débouter,

– Déclarer les demandes de Maître [F] recevables et bien fondées, et en conséquence :

– Prononcer la nullité du rapport d’expertise du 6 décembre 2021 pour erreurs grossières,

– Condamner Monsieur [K] [E] à titre de dommages et intérêts à payer Me [F] une somme de 8.000 €,

-Ordonner la valorisation des parts de Me [F] à la date la plus proche de l’ expertise,

-Prononcer la nullité de la résolution adoptée par décision des associés en date du 11 février 2020 ainsi que la décision de gérance du 8 septembre 2020 prise à sa suite,

-Prononcer la nullité de la résolution d’assemblée générale ordinaire de 2021 ayant procédé à la distribution du bénéfice entre les associés pour l’année 2020,

– Débouter les intimés de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes, en ce compris leurs demandes incidentes,

– Condamner solidairement Monsieur [E] et la SCP OCEAN NOTAIRES au paiement de la somme de HUIT MILLE EUROS (8.000 euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner solidairement Monsieur [E] et la SCP OCEAN NOTAIRES aux entiers dépens.

La SAS Océan Notaires, M. [K] [C] et Mme [J] [I], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 2 mai 2023, demandent à la cour de :

-Recevoir l’appel de Monsieur [F],

-Le dire mal fondé.

-Débouter Monsieur [F] de ses entières demandes.

-Confirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement attaqué.

Y ajoutant,

-Condamner Monsieur [F] à payer à la Société OCEAN NOTAIRES & CONSEILS la somme de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

-Condamner Monsieur [F] à payer à Monsieur [K] [C] et Madame [J] [I] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

-Condamner également les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL CABINET D’AVOCATS GENTY, Avocat aux offres de droit.

M. [K] [E], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 21 avril 2023, demande à la cour de :

-En l’absence de preuve d’une faute quelconque ou « erreur grossière » de monsieur [K] [E] dans sa mission d’expertise ordonnée par le Tribunal judiciaire des Sables d’Olonne en date du 2 avril 2021 exactement appréciée par jugement du 12 juillet 2022, ainsi que par jugement du 22 novembre 2022 dont appel,

-Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire des Sables d’Olonne dont appel en ce qu’il a débouté monsieur [F] de l’ensemble des demandes formées à l’encontre de monsieur [K] [E] et condamné monsieur [F] au paiement de la somme de 2000€ au titre de réparation du préjudice moral subi par monsieur [E] ainsi qu’au paiement de la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du CPC,

Y ajoutant

-Recevoir monsieur [K] [E] en son appel incident,

-Condamner monsieur [H] [F] au paiement de la somme de 5000€ au titre de réparation du préjudice moral occasionné par le caractère injurieux et dénué de fondement des propos tenus en cause d’appel à son égard,

-Condamner en outre monsieur [F] au paiement d’une amende civile de 10.000€ au titre de l’article 32-1 du CPC du fait de la poursuite abusive devant la Cour de céans de la procédure entreprise,

-Condamner monsieur [H] [F] au paiement de la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du CPC,

-Condamner monsieur [H] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel mais dire que conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile pour ceux d’appel, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître [O], avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans en avoir reçu provision.

2) Sur le jugement du 12 juillet 2022 rectifié par le jugement du 23 août 2022 :

M. [F], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 21 avril 2023, demande à la cour de :

-Déclarer Monsieur [F] recevable et bien fondé en son appel, y faisant droit,

-Infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions, en ce qu’elle a :

-Ordonné l’exécution forcée de la cession des 418 parts détenues par Monsieur [H] [F] au sein de la SCP OCEAN NOTAIRES au profit de la SCP OCEAN NOTAIRES moyennant le prix de 1.150.000 euros, au 12 juillet 2022, date dudit jugement, avec transfert immédiat du prix sur le compte CARPA du conseil du cédant,

-Débouté Monsieur [H] [F] de sa demande d’invalidation de la sommation du 19 mars 2020 et de sa demande de constat du caractère non libératoire de la consignation du prix à la CARPA,

-Condamné Monsieur [H] [F] à verser à la SCP OCEAN NOTAIRES la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Rejeté la demande d’indemnité formée par Monsieur [H] [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du jugement,

-Condamné Monsieur [H] [F] aux entiers dépens,

-Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire assortissant de droit le présent jugement,

Statuant sur omission :

A titre principal :

– DECLARER la cession forcée des parts appartenant à Me [F] non effectivement réalisée,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

– DECLARER la SCP OCEAN NOTAIRES irrecevable et mal fondée dans toutes ses demandes et de l’en débouter,

– INVALIDER la sommation du 19 mars 2020 envoyée antérieurement à l’expertise pour non-respect de la procédure énoncée à l’article 28 du décret,

A titre subsidiaire, juger de l’absence du caractère libératoire de la consignation du prix à la CARPA,

– CONDAMNER la SCP OCEAN NOTAIRES à payer la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER la SCP OCEAN NOTAIRES aux entiers dépens.

La société Océan Notaires, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 24 janvier 2023, demande à la cour de :

-Recevoir l’appel de M. [F], le dire mal fondé,

-Recevoir l’appel incident de la société Océan Notaires & Conseils,

Y faire droit,

En conséquence,

-Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a ordonné la cession forcée à la date du 12 juillet 2022, date de la décision,

Y substituant,

-Ordonner l’exécution forcée de la cession des parts détenues par Monsieur [F] au sein de la SCP OCEAN NOTAIRES, au profit de la SCP OCEAN NOTAIRES, moyennant le prix de 1.150.000 € au 2 septembre 2020, date de la consignation du prix en CARPA,

-Condamner Monsieur [H] [F] à payer à la SAS OCEAN NOTAIRES & CONSEILS la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

-Condamner également le même aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL CABINET D’AVOCATS GENTY, Avocat aux offres de droit.

***

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur les demandes en lien avec le jugement du 22 novembre 2022 :

A) Sur la nullité alléguée du rapport d’expertise :

M. [F] critique le rapport établi le 6 décembre 2021 par M. [K] [E] qui se conclut ainsi : ‘L’évaluation des 418 parts détenues par Monsieur [H] [F] au sein de la SCP Océan Notaires ressort ainsi à 2.751,20 €par part, soit 1.150.000 € pour 418 titres’.

La cour constate que les moyens développés devant la cour sont strictement les mêmes que ceux soumis au premier juge. L’appelant critique la décision entreprise en ce que le tribunal aurait :

-dénaturé les faits,

-estimé que l’expert n’avait pas dépassé sa mission en qualifiant une clause,

-validé la date d’évaluation des parts sociales retenues par l’expert.

1) Sur la dénaturation des faits :

M. [F] critique les termes suivants du jugement déféré : ‘La SCP OCEAN NOTAIRES a fait une offre de rachat le 20 février 2019, à des conditions identiques à celles proposées et acceptées par Maître [K] [C] et Maître [J] [I], admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Monsieur [F] a refusé de se présenter à la signature de l’acte de cession le 02 mars 2020.Monsieur [F] n’a pas plus régularisé la cession au prix de 1.150.000 euros malgré une mise en demeure adressée le 19 mars 2020″.

M. [F] estime que ce faisant, le tribunal a dénaturé les faits car, selon ses propres termes, la SCP a fait montre d’une réticence dolosive dans la conduite des pourparlers et qu’en sus du prix, une charge susceptible de modifier les conditions financières de son propre rachat apparaît dans les actes de référence du 04 avril 2019.

La cour constate que l’allégation de M. [F] selon laquelle la SCP aurait manifesté une réticence dolosive dans la conduite des pourparlers ne vient nullement remettre en cause les simples constatations faites par le tribunal dans son exposé du litige, rappelées ci-dessus.

Surtout, la cour peine à saisir comment la dénaturation alléguée des faits reprochée au juge, viendrait remettre en cause la validité de l’expertise litigieuse.

2) Sur le dépassement allégué de sa mission par l’expert :

En page 11/16 de son rapport, M. [E] précise : ‘On peut considérer la clause de garantie au bénéfice du cédant comme une condition d’acceptation de la transaction dans son principe, sans incidence défavorable sur le prix.’

M. [F] fait valoir que ‘la motivation du tribunal est particulièrement critiquable puisque pour excuser l’expert, le juge observe que l’expert ne l’a pas qualifiée (la clause), mais donné un simple avis motivé qui ne lie pas le juge.’ Or, selon l’appelant, en faisant une telle déclaration, l’expert opère nécessairement qualification de la clause pour lui donner une portée économique.

Sur ce point, la cour ne peut qu’approuver le tribunal en ce que M. [E] n’a nullement qualifié la clause de garantie mais a donné son avis sur les conséquences qui pouvaient en être tirées, sans que celles-ci ne lient le juge. Il ne saurait dans ces conditions être reproché à l’expert d’avoir dépassé la mission qui lui était confiée.

3) Sur la date d’évaluation retenue par l’expert :

M. [F] se prévaut, au soutien de sa demande de nullité de l’expertise de l’erreur grossière que l’expert aurait commise en ce qu’il aurait tranché une question juridique en fixant la date de la valorisation des parts.

Force est de constater que pour valoriser les parts, l’expert était contraint de fixer une date de valorisation.

Or, pour prétendre à la nullité de l’expertise au motif d’une prétendue erreur grossière, M. [F] vient en réalité reprocher au tribunal d’avoir fait une fausse application de l’article 1843-4 du code civil . La cour observe donc que sous couvert de nullité de l’expertise, l’appelant vient en réalité discuter le fond du droit. Son moyen ne saurait aboutir.

B) Sur les demandes subséquentes :

Compte tenu du rejet de la demande de nullité du rapport d’expert, la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes subséquentes de valorisation des parts à la date de l’expertise, de dommages et intérêts, de nullité de la résolution adoptée par décision des associés en date du 11 février 2020 et de la décision de gérance du 8 septembre 2020 prise à la suite de modification sous astreinte des statuts de la SCP Océan Notaires, de la nullité de la résolution de l’assemblée générale ordinaire de 2021 ayant procédé à la distribution du bénéfice entre les associés pour l’année 2020.

C) Sur les autres demandes :

1) La demande de dommages intérêts de M. [E] :

Le premier juge a condamné M. [F] à payer la somme de 2.000 € à titre de dommages intérêts à M. [E], au motif que l’action intentée contre lui a porté atteinte à son honneur et à sa probité d’expert judiciaire, le demandeur agissant avec une intention dilatoire et malicieuse.

Appelant incident, M. [E] demande à la cour de porter sa demande de dommages-intérêts à la somme de 5.000 €.

La cour approuve le premier juge en ce qu’il a caractérisé l’attitude malveillante de M. [F] et, faisant droit à l’appel incident de l’expert, contraint de s’expliquer à nouveau en cause d’appel, portera le montant des dommages intérêts à la somme de 5.000 €.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

2) L’amende civile :

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose : ‘Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.’

En l’espèce, M. [F] a refusé de céder ses parts en dépit de l’empêchement définitif dont il a fait l’objet, il ne s’est pas présenté à la signature d’un acte de cession, il a demandé la désignation d’un expert, il a contesté la validité du rapport d’expertise déposé, a interjeté appel contre la décision de rejet, à laquelle il n’a pas été fait droit comme il vient d’être vu. Il est manifeste que l’appelant saisit toutes les occasions pour retarder l’issue d’un litige judiciaire qu’il ne cesse d’alimenter vainement. Le comportement dilatoire et abusif de M. [F] est caractérisé. Il sera condamné à une amende civile d’un montant de 5.000 €.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

3) Les frais et dépens :

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les condamnations aux dépens et en application de l’article 700 du code de procédure civile.

II Sur les demandes en lien avec le jugement du 12 juillet 2022 rectifié par le jugement du 23 août 2022 :

A) Sur l’appel principal tendant à voir déclarer la cession forcée des parts de M. [F] non effectivement réalisée :

En droit, l’article 32 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 dispose :

‘L’associé destitué dispose d’un délai de six mois à compter du jour où sa destitution est devenue définitive pour céder ses parts sociales à un tiers dans les conditions prévues à l’article 27.

Si, à l’expiration de ce délai, aucune cession n’est intervenue, il est procédé conformément aux dispositions de l’article 28, dans la mesure où celles-ci sont de nature à recevoir application.

L’associé destitué peut également, avant l’expiration du délai précité, céder ses parts sociales à la société, aux autres associés ou à l’un ou plusieurs de ceux-ci, dans les conditions prévues à l’article 29.’

L’article 28 auquel l’article précédent renvoie, dispose :

‘Dans le cas où la société refuse de consentir à la cession, elle dispose d’un délai de six mois, à compter de la notification de son refus par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, pour notifier, dans la même forme, à l’associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales, un projet de cession ou d’achat de celles-ci, conformément aux dispositions de l’article 19 (alinéa 3) de la loi précitée du 29 novembre 1966.

Ce délai peut être prorogé par le garde des sceaux, ministre de la justice, à la demande de tous les associés, y compris le cédant. Si l’acquéreur est un tiers étranger à la société, les dispositions de l’article 27 sont applicables, à l’exception de celles concernant la notification à la société elle-même et de celles de l’alinéa 3 dudit article.

La requête du cessionnaire doit être transmise au garde des sceaux, ministre de la justice, avant l’expiration du délai mentionné aux premier et deuxième alinéas.

A défaut d’accord entre les parties, le prix de cession est fixé par un expert désigné dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil. Toute clause contraire à cet article est réputée non écrite.

Le cessionnaire prend, par écrit, l’engagement de payer le prix ainsi fixé, son engagement est joint à sa requête et une copie du projet d’acte de cession tient lieu de l’expédition ou de l’un des originaux visés à l’article 27 (alinéa 5).

Si les parts sociales sont acquises par la société, par les associés ou l’un ou plusieurs d’entre eux, il est procédé conformément aux quatre derniers alinéas de l’article 29. En ce cas, l’expédition ou l’un des originaux de l’acte de cession est adressé au garde des sceaux, ministre de la justice, avant l’expiration du délai prévu aux alinéas 1 et 2 ci-dessus.

Lorsque l’associé cédant refuse de signer l’acte portant cession de ses parts à un tiers, à la société ou à ses coassociés, il est passé outre à son refus deux mois après la sommation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à lui faite par la société et demeurée infructueuse. Son retrait de la société est prononcé, s’il y a lieu, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et le prix de cession des parts est consigné à la diligence du cessionnaire.’

En l’espèce, il convient au préalable de reprendre la chronologie des faits :

-20 février 2019 : Offre de rachat de ses parts à M. [L] par la SCP.

-21 juin 2019 : arrêté du Garde des [Localité 20] déclarant M. [F] démissionnaire d’office.

-3 juillet 2019 : point de départ du délai de 6 mois de l’article 32 al 1 du décret de 1967.

-3 janvier 2020 : expiration du délai de 6 mois.

-2 mars 2020 : rendez-vous pour signature de l’acte de cession des parts auquel M. [F] ne s’est pas présenté.

-19 mars 2020 : mise en demeure de M. [F] par la SCP de régulariser la cession au prix de 1.150.000 €.

– 2 septembre 2020 : versement de la somme de 1.150.000 € en CARPA.

-23 septembre 2020 : disponibilité de la somme susvisée.

-8 janvier 2021 : demande de désignation d’un expert judiciaire par M. [F].

-2 avril 2021 : jugement désignant M. [K] [E], expert judiciaire.

-6 décembre 2021 : dépôt du rapport d’expertise.

-1er mars 2022 : assignation de M. [F] la SCP pour voir dire exécutée la cession de parts au prix retenu par l’expert.

Au vu de cette chronologie, la tribunal a estimé qu’il avait bien été satisfait à la procédure de cession forcée énoncée à l’article 28 du décret du 2 octobre 1967.

M. [F] critique cette décision en faisant valoir que le tribunal a commis une erreur de qualification de l’acte présenté à la signature de M. [F] le 2 mars 2020.

Il s’agit sur ce point de rappeler que comme en atteste le constat d’huissier du 2 mars 2020 (pièce n° 8 de la SCP), il était convenu qu’à cette date, M. [F] se rende à l’étude pour signer l’acte de cession de parts sociales. Si en page 20 de ses conclusions, M. [F] demande à la cour d’écarter des débats ledit constat au motif que l’huissier aurait commis un excès de pouvoir, force est de constater que cette demande n’est pas formulée dans le dispositif des conclusions et ne saisit pas la cour.

En toute hypothèse, M. [F] affirme que le projet d’acte présenté à sa signature valait simplement offre de contracter à un prix offert par la SCP pour en déduire que la cession n’a pas pu opérer.

A cet égard, se référant à la chronologie susvisée, la cour constate que si M. [F] a demandé la désignation d’un expert aux fins d’évaluer les parts lui revenant, il l’a fait selon la procédure accélérée au fond, en application de l’article 1843-4 du code civil, comme cela apparaît en page 2 du jugement du 22 novembre 2022. Il s’agit du texte prévoyant qu’en cas de contestation de la valeur des droits sociaux au sein d’une société civile, un expert est désigné, soit par les parties, soit par jugement. En initiant cette procédure, M. [F] s’est implicitement mais nécessairement inscrit dans le processus de cession forcée de parts qu’il tente vainement de contester en évoquant une simple offre d’achat qui lui aurait été faite. C’est pourquoi, tous ses moyens découlant de la mise en demeure du 19 mars 2020 seront écartés.

Dans ses conclusions en appel du 12 juillet 2022, M. [F] conteste en outre les opérations d’expertise. Pour répondre à ces moyens et les écarter, la cour se réfère à ses propres développements concernant l’appel du jugement du 22 novembre 2022.

Enfin, c’est à tort que M. [F] prétend que le premier juge aurait omis de statuer sur la demande tendant à dire que la cession forcée des parts de l’appelant n’était pas effectivement réalisée. En ordonnant cette exécution forcée, il a nécessairement répondu à cette prétention.

B) Sur l’appel incident tendant à fixer la date de la cession forcée à la date du 22 novembre 2022 :

La SCP Océan Notaires demande que la cession forcée des parts soit ordonnée, non à la date du jugement dont appel, comme le premier juge l’a décidé, mais à la date du 2 septembre 2020, date de la consignation du prix en CARPA.

A cet égard, la cour constate que la SCP intimée verse en pièce n° 11 un document émanant de la CARPA du Barreau des Sables d’Olonne aux termes duquel la somme de 1.150.000 € a été versée le 2 septembre 2020, disponible le 23 septembre 2020.

Il y a lieu d’observer que la somme consignée correspond à celle proposée par l’expert et retenue par le juge. Au vu des observations qui précèdent sur le respect de la procédure d’exécution forcée de la cession de parts, ce paiement doit être considéré comme libératoire. M. [F] pouvait en réclamer le versement, via son avocat, dès le 23 septembre 2020. Il ne l’a pas fait. Cette circonstance qui lui est personnellement imputable, ne saurait préjudicier à la SCP Notaires Océans. C’est pourquoi, la cour ordonnera l’exécution forcée de la cession des parts détenues par M. [F] au profit de la SCP Océan Notaires au 23 septembre 2020, date où le prix de la cession était disponible en CARPA.

Le jugement déféré sera infirmé sur la date de l’exécution forcée des parts

sociales.

C) Sur les frais et dépens de première instance :

Rien ne s’oppose à ce que le jugement déféré soit confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux condamnations relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

***

M. [F] qui succombe en toutes ses demandes sera débouté de ses prétentions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Il sera condamné aux entiers dépens d’appel et à payer les sommes suivantes au titre des frais irrépétibles en cause d’appel :

-6.000 € à la SAS Océan Notaires et conseils,

-2.000 € à M.[K] [C],

-2.000 € à Mme [J] [I],

-3.000 € à M. [K] [E].

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire des Sables d’Olonne en date du 22 novembre 2022 sauf en ce qu’il a :

-condamné M. [H] [F] à payer la somme de 2.000 € à M. [K] [E] à titre de dommages-intérêts,

-dit n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile,

Statuant à nouveau de ces deux chefs,

Condamne M. [H] [F] à payer la somme de 5.000 € à M. [K] [E] à titre de dommages-intérêts,

Condamne M. [H] [F] au paiement d’une amende civile de 5.000 €,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire des Sables d’Olonne en date du 12 juillet 2022 rectifié par le jugement du 23 août 2022 sauf en ce qu’il a :

-ordonné l’exécution forcée de la cession des 418 parts détenues par M. [F] au sein de la société Océan Notaires pour le prix de 1.150.000€ , au 12 juillet 2022, avec transfert immédiat du prix sur le compte CARPA du conseil du cédant,

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne l’exécution forcée de la cession des 418 parts détenues par M. [F] au sein de la société Océan Notaires pour le prix de 1.150.000 €, au 23 septembre 2020, avec transfert immédiat du prix sur le compte CARPA du conseil du cédant,

Y ajoutant

Condamne M. [H] [F] aux entiers dépens d’appel,

Déboute M. [H] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [F] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel à payer les sommes suivantes :

-6.000 € à la SAS Océan Notaires et conseils,

-2.000 € à M. [K] [C],

-2.000 € à Mme [J] [I],

-3.000 € à M. [K] [E],

Condamne M. [F] aux entiers dépens d’appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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