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3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N° 42
N° RG 22/05895 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TFKN
M. [R] [U]
C/
S.A.S. MCS & ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me RAYNAUD
Me DAUGAN
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de LORIENT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 23 JANVIER 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Novembre 2023
devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [R] [U]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me François RAYNAUD de la SARL FRANÇOIS RAYNAUD AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉE :
S.A.S. MCS & ASSOCIES
immatriculée au RCS de PARIS sous le n°334 537 206,
venant aux droits de la société coopérative CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN en vertu d’un bordereau de cession en date du 16 octobre 2018, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles DAUGAN de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Yves BENOIST de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau du MANS
Le 14 août 2006, Monsieur [U] et Monsieur [E] ont régularisé un protocole de cession de parts lequel prévoyait une cession des parts sociales de la société LIBRAIRIE L’IMAGINAIRE en deux temps :
– Le 1 er septembre 2006 : acquisition par Monsieur [U] de 37 % du capital de la société, soit 1383 parts sociales ;
– Le 1 er juin 2008 : acquisition par Monsieur [U] de 63 % du capital de la société, soit 2354 parts sociales.
Pour financer l’acquisition de ce premier lot de parts sociales, Monsieur [U] a souscrit un prêt de 90 000 euros auprès du CRÉDIT AGRICOLE, d’une durée de 84 mois, au taux de 3,90 %.
La rentabilité de la librairie s’avérant insuffisante, M. [U] a négocié avec son vendeur une baisse du prix des parts sociales restant à lui céder.
Des cessions complémentaires de parts sociales sont intervenues en 2009 et 2010.
Par acte sous seings privés en date du 9 janvier 2012, Monsieur [N] [E] a cédé à Monsieur [U] [R] 1 085 parts sociales de la S.A.R.L. LIBRAIRIE L’IMAGINAIRE.
Par cette opération, Monsieur [U] est devenu l’associé unique, détenteur de l’ensemble des 3 737 parts sociales.
Afin de financer cette acquisition et réaliser divers investissements, Monsieur [U] a souscrit un prêt professionnel n°00043605634 auprès de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN pour un montant de 106 000 euros, remboursable sur une période de 85 mois au taux annuel fixe de 3,75 %.
Le 12 août 2015, Monsieur [U] était redevable de la somme de 13 799,13 euros au titre des échéances impayées, après avoir régularisé plusieurs incidents de paiement antérieurs.
Monsieur [U] a été mis en demeure de régulariser sa situation, à défaut de quoi la déchéance du terme pourrait être prononcée.
En l’absence de régularisation, la déchéance du terme a été prononcée le 17 novembre 2015.
Suivant bordereau de cession conforme aux dispositions du Code monétaire et financier en date du 16 octobre 2018, le CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN a cédé à la société MCS & ASSOCIÉS un portefeuille de créances comprenant la créance correspondant au prêt n°00043605634 à l’encontre de Monsieur [U].
Monsieur [U] a été régulièrement informé de cette cession de créance et mis en demeure à plusieurs reprises de régler à la société MCS & ASSOCIÉS les sommes dues au titre du prêt n°00043605634.
La société MCS & ASSOCIES, par acte du 12 novembre 2021, a assigné M. [U] aux fins de le voir condamner à lui payer les sommes dues au titre du prêt.
M. [U] a opposé un manquement au devoir de mise en garde du CRÉDIT AGRICOLE et demandé la condamnation du cessionnaire à lui payer des dommages et intérêts.
Par jugement du 19 septembre 2022, le tribunal de commerce de Lorient a :
– Dit que Monsieur [R] [U] avait un statut d’emprunteur averti lors de la souscription du prêt n’O0043605634 d’un montant de 106.000 € auprès de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN ;
En conséquence,
– Dit que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN n’était pas tenue a un devoir de mise en garde envers Monsieur [R] [U] ;
– Débouté Monsieur [R] [U] de sa demande de dommages et intérêts d’un montant de 84.201,23 euros ;
– Condamné Monsieur [R] [U] à payer la société MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MORBIHAN, la somme de 67.660,54 euros au titre du prêt n°00043605634 d’un montant de 106.000 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,75 % par an à compter du 17 novembre 2015 et jusqu’a parfait paiement;
– Condamné Monsieur [R] [U] à payer à la société MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MORBIHAN, la somme de 4.736,24 euros au titre de l’indemnité de recouvrement ;
– Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
Condamné Monsieur [R] [U] à payer à la société MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MORBIHAN, la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté Monsieur [R] [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement ;
– Condamné M. [U] aux dépens.
Appelant de ce jugement, M. [U], par conclusions du 05 janvier 2023, a demandé à la Cour de :
INFIRMER en tous points le Jugement du Tribunal de Commerce en date du 19 septembre 2022,
– JUGER que la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN a manqué à son devoir de mise en garde à l’égard de Monsieur [U],
– CONDAMNER la société MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN à verser à Monsieur [U] une somme de 84.000 euros à titre de dommages-intérêts,
– ORDONNER la compensation entre le montant de la condamnation sollicitée par la société MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN et le montant des dommages-intérêts alloués à Monsieur [U],
– CONDAMNER la société MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN à verser à Monsieur [U] une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,
– DÉBOUTER la société MCS & ASSOCIES, venant aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU MORBIHAN de toutes autres demandes, plus amples ou contraires.
Par conclusions du 30 mars 2023, la société MCS et ASSOCIES a demandé à la Cour de :
– confirmer le jugement déféré,
– condamner M. [U] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le débouter de ses prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il sera relevé à titre liminaire que la SAS MCS ET ASSOCIES, cessionnaire de la créance cédée par le CRÉDIT AGRICOLE, ne conclut pas à l’impossibilité d’agir contre elle compte tenu de son absence de reprise du passif du cédant.
S’agissant de M. [U], la relation qu’il fait de ses difficultés à acquérir la totalité des parts sociales de sa librairie démontre qu’il était parfaitement averti des difficultés de son entreprise et n’avait pas besoin d’être mis en garde.
M. [U] s’est en effet engagé à acquérir la totalité des parts de la société LIBRAIRIE L’IMAGINAIRE par acte signé le 14 août 2006, pour partie au moyen d’un crédit vendeur, pour un prix total de 270.000 euros payable :
– le 1er septembre 2006 à hauteur de 100.000 euros avec acquisition de 37% des parts sociales,
– le 1er juin 2008 à hauteur de 170.000 euros avec acquisition du solde.
Devant l’impossibilité financière de réaliser la seconde tranche de la cession, un avenant du 02 juillet 2008 réduisait le prix de la cession à 239.000 euros et la seconde tranche d’acquisition était reportée à janvier 2009, M. [U] devant verser le 05 janvier 2009 la somme de 139.000 euros pour acquérir les 63% restant des parts sociales.
Cette opération s’avérera impossible à réaliser, les financements nécessaires n’ayant pu être obtenus par M. [U], et un avenant du 15 janvier 2009 va organiser la cession des parts restante sur cinq années, à raison d’un cinquième par année, payable pour un quart au comptant et le solde par crédit vendeur.
Les cessions partielles auront lieu en 2009, 2010 et 2011.
Selon acte du 09 janvier 2012, M. [U] acquerra le solde des parts sociales moyennant un prix de 66.000 euros, qu’il financera au moyen du prêt litigieux, qu’il a souscrit pour un montant de 106.000 euros.
Il en résulte qu’à cette date, M. [U], qui avait dû renégocier trois fois ses conditions initiales d’acquisition était parfaitement averti de la faible rentabilité de la société qu’il avait acquise.
Celle-ci réalisait toutefois à cette date un résultat positif et sa situation n’apparaissait pas irrémédiablement compromise.
Aucune mise en garde n’avait à lui être délivrée, le devoir de mise en garde ayant pour objet de porter à la connaissance de son bénéficiaire un état des risques dont il pourrait ne pas avoir conscience.
Les renégociation déjà citées démontrent que M. [U], à qui un refus de prêt avait été opposé en 2009 (pour 139.000 euros) avait conscience du
risque encouru, soit une rentabilité insuffisante à assurer des remontées de dividendes permettant le remboursement des échéances du prêt.
D’autre part, si M. [U] n’avait pas obtenu son prêt, il n’en serait pas moins resté débiteur auprès du cédant du prix des parts sociales, puisqu’il s’était engagé à les acquérir et que l’avenant de 2009 ne soumettait cet engagement à aucune condition suspensive d’obtention du prêt.
Il serait aussi resté débiteur des sommes dues au titre du prêt souscrit en 2006, dont les échéances devaient être payées jusqu’en octobre 2013 et ont manifestement été réaménagées en les incluant dans le prêt souscrit en 2012 afin que M. [U] n’ait qu’une mensualité à rembourser (qui passait de 1200 à 1400 euros).
Le préjudice allégué est donc inexistant.
Le jugement doit être confirmé en ce que M. [U] a été débouté de sa demande de dommages et intérêts.
S’agissant du montant de la créance de la société MCS & ASSOCIES, celle-ci ne fait l’objet d’aucune critique.
Le jugement déféré est confirmé dans toutes ses dispositions.
M. [U], qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel.
Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement déféré.
Condamne M. [U] aux dépens d’appel.
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,