Parts sociales : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06407

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Parts sociales : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06407
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7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°25/2024

N° RG 20/06407 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RGOC

S.A.S. LES MANDATAIRES

S.A.R.L. MORL2

C/

Mme [M] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Novembre 2023 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [R], médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTES :

S.A.S. LES MANDATAIRES Représentée par Maitre [N] [B] es qualité de liquidateur judiciaire de SFN CONCEPT CORNER OUEST

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS,Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Valérie BREGER, Plaidant, avocat au barreau de LAVAL

S.A.R.L. MORL2

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS,Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Valérie BREGER, Plaidant, avocat au barreau de LAVAL

INTIMÉE :

Madame [M] [O]

née le 06 Avril 1986 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

Représentée par Me NURY, Plaidant, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND

INTERVENANTE :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEC DE [Localité 2]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [M] [O] a été engagée par la SARL Morl 2 selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 26 heures hebdomadaires en date du 05 décembre 2007. Elle exerçait les fonctions de vendeuse corner dans le magasin exploité par la société Morl 2 sous l’enseigne Noz situé à [Localité 10] et percevait une rémunération mensuelle brute de 950,91 euros.

Par avenant en date du 23 juin 2008, la durée de travail hebdomadaire de Mme [O] passait à 35 heures, le salaire mensuel étant fixé à 1 321,04 euros.

La société SFN Concept corner exerçait une mission de prestation de service pour le compte de la société de franchise Noz, visant à mettre en place et développer des corners spécifiques au sein des magasins Noz et conseiller les sociétés franchisées Noz sur l’application et le respect des process spécifiques définis par le franchiseur sur les corners.

Le 02 décembre 2013, un accord de transfert était signé entre la SARL Morl 2 et la SARL SFN Concept corner. Dans ce cadre, Mme [O] devenait salariée de la SARL SFN Concept corner dans les mêmes conditions (vendeuse corner) à compter du 09 décembre 2013, avec reprise d’ancienneté au 05 décembre 2007.

Par la suite, la SFN Concept corner changeait de dénomination pour devenir la société SFN Concept corner ouest.

Par courrier remis en main propre en date du 31 mars 2018, Mme [O] était informée de la fin des relations contractuelles de la société SFN Concept corner ouest avec le réseau franchise Noz à compter du 31 mars 2018 et que de ce fait, à compter du 1er avril 2018, elle ne devra plus se rendre au magasin auquel elle était affectée.

En réponse, la salariée demandait à son employeur de plus amples précisions par courrier daté du 05 avril 2018.

Par jugement en date du 09 mai 2018, le tribunal de commerce de Marseille prononçait la liquidation judiciaire de l’EURL SFN Concept corner ouest.Maître [S] était désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier en date du 14 mai 2018, Mme [O] était convoquée à un entretien préalable au licenciement prévu le 22 mai 2018. Puis, par courrier recommandé en date du 23 mai 2018, elle se voyait notifier son licenciement pour motif économique.

Mme [O] ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, la fin du contrat de travail était fixée à la date du 13 juin 2018.

***

Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Morlaix le 21 mai 2019 pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de différentes sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités diverses.

La SARL Morl 2 et Me [A] [S], ès qualités de mandataire liquidateur de la société SFN Concept corner ouest demandaient au conseil de prud’hommes de :

A titre principal

– Dire et juger infondées les demandes de Madame [O] et l’en débouter.

A titre subsidiaire

– Limiter à 2,5 mois la créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société SFN Concept corner ouest, représentée par Maître [S], liquidateur, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Condamner Madame [O] à verser à Maître [S] ès-qualités, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’AGS CGEA de [Localité 2] a demandé au conseil de prud’hommes de:

A titre principal

– Débouter Mme [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

A titre subsidiaire,

– Réduire à 2,5 mois de salaire le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloués à Mme [O]

– Mettre hors de cause le CGEA de [Localité 2] dans l’hypothèse où une situation de co-emploi serait reconnue par le conseil de prud’hommes de Morlaix et condamner la société Morl 2 à rembourser au CGEA de [Localité 2] les sommes avancées à Mme [O] à la suite de la liquidation judiciaire prononcée le 09 mai 2018 à l’encontre de la société SFN Concept corner ouest.

En tout état de cause,

– Décerner acte au CGEA de [Localité 2] du rappel de sa garantie légale,

– Dire que les sommes accordées à Mme [O] ne pourront être garanties qu’à concurrence du plafond applicable, déduction faite de sommes d’ores et déjà versées,

– Dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale et ne pourra en conséquence être prise en charge par l’AGS,

– Condamner Mme [O] aux entiers dépens, sans que ces derniers ne puissent, en tout état de cause, être mis à la charge de l’AGS.

Par jugement en date du 27 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Morlaix a :

– Dit et jugé que Mme [O] a fait l’objet d’un prêt de main d’oeuvre illicite et d’un marchandage commis par la SARL Morl 2 et la société SFN Concept corner ouest : Madame [O] était dans une situation de co-emploi.

– Dit et jugé que la SARL Morl 2 et l’EURL SFN Concept corner ouest ont manqué à leur obligation de reclassement.

– Dit et jugé qu’en conséquence le licenciement de Mme [O] est privé de cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1233-44 du code du travail.

Le conseil n’écartant pas l’application de l’article L1235-3 du code du travail au cas de Madame [O].

– Condamné solidairement la SARL Morl 2 et Maître [S] ès-qualité de mandataire liquidateur de l’EURL Concept corner ouest à verser à Mme [O] les sommes suivantes :

– 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d”uvre illicite et co-emploi

– 3 738 euros brut à titre d’indemnité de préavis

– 373,80 euros à titre de congés payés sur préavis

– 10 000 euros net à titre d’indemnité à caractère de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L1235-3 du code du travail

– 3 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Dit que Mme [O] a perçu son indemnité de licenciement à hauteur de 5104,70 euros tel que signifié au dossier par les états produits et en conséquence débouté Mme [O] de sa demande sur ce chef (4984 euros en demande).

– Ordonné à Maître [S] ès-qualités de mandataire liquidateur de l’EURL SFN Concept corner ouest d’établir un relevé de créances au bénéfice de Mme [O] pour les sommes susvisées.

– Mis les dépens à la charge solidaire de la SARL Morl 2 et de la liquidation judiciaire de l’EURL SFN Concept corner ouest ;

– Dit qu’il sera remis à Madame [O] les documents administratifs conformes au présent jugement.

– Débouté Madame [O] de sa demande au titre de l’astreinte sur ce point.

– Débouté Madame [O] de sa demande au titre de l’exécution provisoire au visa de l’article 515 du code de procédure civile.

– Débouté Madame [O] du surplus de ses demandes.

– Déclaré le jugement à intervenir commun et opposable à l’AGS CGEA de [Localité 2] à l’exception de la somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile qui n’a pas la nature de créance salariale.

– Décerné acte au CGEA de [Localité 2] du rappel de sa garantie légale.

– Dit que les sommes accordées à Madame [O] ne pourront être garanties qu’à concurrence du plafond applicable déduction faite des sommes préalablement versées.

– Mis hors de cause le CGEA de [Localité 2] et condamne la société Morl 2 à rembourser au CGEA de [Localité 2] les sommes avancées à Madame [O] à la suite de la liquidation judiciaire prononcée le 09 Mai 2018 à l’encontre de la société SFN Concept corner ouest.

***

La SAS Les mandataires représentée par Maître [S] ès-qualités de liquidateur de la société Concept Corner Ouest et la SARL Morl 2 ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 24 décembre 2020.

L’AGS-CGEA de [Localité 2] d’une part, la SAS Les mandataires représentée par Maître [S] ès-qualités de liquidateur de la société Concept Corner Ouest et la SARL Morl 2, d’autre part, ont saisi le conseiller de la mise en état de conclusions d’incident.

Par ordonnance en date du 30 juin 2022, le conseiller de la mise en état a :

Sur le premier incident :

– Constaté le désistement de l’AGS ayant pour mandataire le CGEA de [Localité 2] concernant le premier incident soulevé le 15 avril 2022 ainsi que l’acceptation de ce désistement par Mme [O],

Sur le second incident :

– Rejeté le moyen soulevé par la société Morl 2 et le mandataire liquidateur de la société SFN Concept corner ouest tiré de l’irrecevabilité des conclusions et pièces notifiées le 3 janvier 2022 par Mme [O],

– Condamné in solidum la société Morl 2 et la SAS Les mandataires, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SFN Concept corner ouest à payer à Mme [O] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Rejeté les demandes de la société Morl 2 et la société Morl 2 et la SAS Les mandataires, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SFN Concept corner ouest fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit que la société Morl 2 et la SAS Les mandataires, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SFN Concept corner ouest supporteront les dépens de la procédure d’incident.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 4 septembre 2023, la SAS Les mandataires ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest demande à la cour d’appel de :

– Recevoir la SAS Les mandataires, représentée par Maître [A] [S] es-qualité de liquidateur de la société SFN Concept corner ouest en son appel, l’y déclarant fondée et y faisant droit,

– Infirmer le jugement entrepris du conseil de prud’hommes de Morlaix en ce qu’il a :

– Dit et jugé que Madame [M] [O] a fait l’objet d’un prêt de main d’oeuvre illicite et d’un marchandage commis par la SARL MORL 2 et la société SFN Concept corner ouest : Madame [O] était dans une situation de co-emploi.

– Dit et jugé que la SARL MORL 2 et l’EURL SFN Concept corner ouest ont manqué à leur obligation de reclassement.

– Dit et jugé qu’en conséquence le licenciement de Madame [O] est privé de cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1233-44 du code du travail.

– Condamné solidairement la SARL MORL 2 et Maître [S], es-qualité de mandataire liquidateur de l’EURL Concept corner ouest à verser à Madame [O] les sommes suivantes :

– 10 000 euros (dix mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d”uvre illicite et co-emploi

– 3 738 euros (trois mille sept cent trente huit euros) brut à titre d’indemnité de préavis

– 373,80 euros (trois cent soixante treize euros quatre vingt euros) à titre de congés payés sur préavis

– 10 000 euros (dix mille euros) net à titre d’indemnité à caractère de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L1235-3 du code du travail

– 3 000 euros(trois mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

– 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Mis les dépens à la charge solidaire de la SARL MORL 2 et de la liquidation judiciaire de l’EURL SFN Concept corner ouest ;

– Dit qu’il sera remis à Madame [O] les documents administratifs conformes au présent jugement.

Et statuant à nouveau :

A titre principal

– Dire et juger irrecevables et en tout cas non fondées toutes les demandes de Madame [O] l’en débouter.

A titre subsidiaire

– Limiter à 2,5 mois la créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société SFN Concept corner ouest, représentée par Maître [S], liquidateur, au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En toute hypothèse :

– Condamner Madame [O] à verser à Maître [S] es-qualités, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner Madame [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La SAS Les mandataires ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest développe en substance l’argumentation suivante:

– Mme [O] ne démontre pas une situation de prêt de main d’oeuvre illicite; elle ne prouve ni qu’elle a été mise à disposition de la société Morl 2 pendant l’exécution de son contrat de travail avec la société SFN Concept Corner Ouest, ni un transfert d’autorité impliquant l’exécution d’un travail sous la subordination juridique de la société Morl 2, ni le caractère lucratif de l’opération prétendue ; bien que le corner soit situé au sein de la société Morl 2, il était exploité par la société dont Mme [O] recevait les directives ;

– Le témoignage de M. [G] est très contestable puisqu’il est lui-même en conflit avec la société SFN Concept Corner Ouest, le conseil de prud’hommes de Laval l’ayant débouté de toutes ses demandes en ne reconnaissant pas le co-emploi revendiqué ; il a fait appel de ce jugement et la cour d’appel d’Angers a confirmé le jugement rendu ;

– Mme [O] ne justifie pas avoir été sous la subordination juridique de la société Morl 2 alors qu’elle était salariée de la société SFN Concept Corner Ouest ; elle ne démontre pas une immixtion permanente de la société Morl 2 dans la gestion économique et sociale de la société SFN Concept Corner Ouest conduisant à la perte d’autonomie d’action de cette dernière ; la signature du contrat de travail par la même personne que celle qui a signé le contrat de travail conclu avec la société Morl 2 ne suffit pas à établir cette immixtion permanente;

– Le licenciement pour motif économique est fondé ; le liquidateur judiciaire était tenu d’y procéder dans les quinze jours du jugement de liquidation judiciaire ;

– La société SFN Concept Corner Ouest n’avait aucun lien capitalistique avec d’autres entités juridiques, qu’il s’agisse de la société Morl 2 ou d’autres sociétés liées au réseau de franchise Noz ; aucune recherche de reclassement n’avait à être effectuée au sein de la société Morl 2; compte-tenu de la cessation complète d’activité de l’entreprise, aucun reclassement n’était possible.

En l’état de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 4 septembre 2023, la SARL Morl 2 demande à la cour d’appel de :

– La recevant en son appel, l’y déclarant fondée et y faisant droit,

– Infirmer le jugement entrepris du conseil de prud’hommes de Morlaix en ce qu’il a :

– Dit et jugé que Madame [M] [O] a fait l’objet d’un prêt de main d’oeuvre illicite et d’un marchandage commis par la SARL MORL 2 et la société SFN Concept corner ouest : Madame [O] était dans une situation de co-emploi.

– Dit et jugé que la SARL MORL 2 et L’EURL SFN Concept corner ouest ont manqué à leur obligation de reclassement.

– Dit et jugé qu’en conséquence le licenciement de Madame [O] est privé de cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1233-44 du code du travail.

Le conseil n’écarte pas l’application de l’article L1235-3 du code du travail au cas de Madame [O].

– Condamné solidairement la SARL MORL 2 et Maître [S], es-qualité de mandataire liquidateur de l’EURL Concept corner ouest à verser à Madame [O] les sommes suivantes :

– 10 000 euros (dix mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d”uvre illicite et co-emploi

– 3 738 euros (trois mille sept cent trente huit euros) brut à titre d’indemnité de préavis

– 373,80 euros (trois cent soixante treize euros quatre vingt euros) à titre de congés payés sur préavis

– 10 000 euros (dix mille euros) net à titre d’indemnité à caractère de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L1235-3 du code du travail

– 3 000 euros(trois mille euros) net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

– 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Mis les dépens à la charge solidaire de la SARL MORL 2 et de la liquidation judiciaire de l’EURL SFN Concept corner ouest ;

– Dit qu’il sera remis à Madame [O] les documents administratifs conformes au présent jugement.

Et statuant à nouveau :

– Dire et juger irrecevables et en tout cas non fondées les demandes de Madame [O] formées contre la société MORL 2, l’en débouter.

– Mettre hors de cause la société MORL 2.

– Condamner Madame [O] à verser à la société MORL 2, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner Madame [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La SARL Morl 2 développe en substance une argumentation identique à celle de la SAS Les mandataires ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest.

En l’état de ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 25 septembre 2023, Mme [O] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de:

– Débouter la SARL Morl 2, la SAS Les Mandataires et l’Unedic AGS-CGEA de toutes demandes fins et conclusions contraires aux présentes ;

– Condamner solidairement la SARL Morl 2 et la SAS Les Mandataires ès-qualité à payer et porter la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– Déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’Unedic AGS-CGEA de [Localité 2] ;

– Condamner solidairement la SARL Morl 2 et la SAS Les Mandataires ès-qualité aux entiers dépens.

Mme [O] fait valoir en substance que:

– M. [P] est à la fois signataire du premier contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société Morl 2, de l’avenant, de l’accord de transfert de la SARL Morl 2 vers la société SFN Concept Corner Ouest et du nouveau contrat liant Mme [O] à la société SFN Concept Corner Ouest ; le mail de Mme [T], gestionnaire des ressources humaines pour ‘l’univers Noz’ du 9 août 2016 démontre une confusion d’activité, d’organisation et de direction; les prestations de travail ne se limitaient pas au seul périmètre de la société SFN Concept Corner Ouest ;

– Plusieurs juridictions (conseils de prud’hommes de Grenoble, Mont-de-Marsan, Montluçon, Chartres et la cour d’appel de Grenoble) ont retenu l’existence d’un prêt de main d’oeuvre illicite et d’un marchandage ; la situation des salariés concernés est identique à celle de Mme [O] puisque tous les magasins Noz ont la même organisation ; la gérante de la SARL Morl 2, Mme [V] était également présidente de la SAS SFN Concept Corner Ouest ; les deux sociétés appliquaient le concept Noz ; la salariée a toujours relevé de la mutuelle AXA Santé Noz et du même service de paie ; les salariés étaient transférés d’une société vers l’autre ; le directeur adjoint des ventes du groupe Noz atteste de ce qu’il encadrait la salariée ; le liquidateur a lui-même noté des liens étroits entre les deux sociétés qui ont adopté une défense commune en faisant choix du même avocat ; elle exécutait au quotidien son travail sous les directives de la SARL mais la partie administrative (contrat de travail, bulletins de paie et mutuelle) était gérée par la société SFN Concept Corner Ouest ;

– Après le transfert de son contrat de travail vers la société SFN Concept Corner Ouest, elle a continué à travailler pour le compte de la société Morl 2; l’attestation de M. [G] le confirme; or, la société Morl 2 ne lui payait aucune rémunération et par le biais de cette économie, elle réalisait une opération de prêt de main d’oeuvre à but lucratif ; elle éludait aussi les règles de représentation du personnel ;

– Elle devait appliquer le guide Noz avec la même organisation de travail et les mêmes consignes, dans le même magasin de [Localité 10], pour la société Morl 2 ou pour la société SFN Concept Corner Ouest ;il s’agissait d’un co-emploi ; il existait une ingérence de la société SFN, via Mme [V], gérante de la société Morl 2 et présidente de la société SFN, dans les deux entités ; le personnel était interchangeable, étant géré dans les deux structures par le même service des ressources humaines ;

– Le motif économique de licenciement n’est pas réel et sérieux ; l’activité de la société SFN Concept Corner Ouest n’a pas cessé puisqu’elle a été aussitôt reprise par le réseau Noz via la SARL Morl 2 et ses salariés ; il n’a été procédé à aucune recherche sérieuse de reclassement ; cette recherche s’imposait au liquidateur.

En l’état de ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 11 juillet 2022, l’Unedic AGS CGEA de [Localité 2] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de débouter Mme [O] de ses demandes.

A titre subsidiaire, il est demandé à la cour:

Pour le cas où la cour confirmerait le jugement qui a considéré que Mme [O] était dans une situation de co-emploi,

– Déclarer hors de cause le CGEA de [Localité 2] ;

– Condamner la société Morl 2 à rembourser au CGEA de [Localité 2] les avances réglées à Mme [O] pour un montant de 14.622,71 euros ;

En toute hypothèse:

– Débouter Mme [O] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de L’AGS ;

– Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L3253-6 et suivants du code du travail ;

– Dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale ;

– Dire et juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L3253-17 et suivants du code du travail ;

– Dépens comme de droit.

L’AGS fait valoir en substance que:

– Mme [O] ne prouve pas avoir travaillé sous l’autorité de la SARL Morl 2 et avoir fait l’objet d’un prêt de main d’oeuvre à but lucratif ; elle était salariée de la société SFN Concept Corner Ouest à partir de décembre 2013 et ne justifie pas à compter de cette date avoir reçu des instructions précises de la SARL Morl 2 pour l’exécution de son travail ; les décisions de justice dont elle fait état ne sont pas définitives et sont relatives à des faits distincts ; le délit de marchandage n’est pas plus établi ;

– Le seul fait que Mme [O] ait appliqué le concept Noz ne la plaçait pas dans une situation de co-emploi ; la preuve d’un lien de subordination avec la société Morl 2 fait défaut ;il n’est pas plus démontré une immixtion permanente de la société Morl 2 dans la gestion économique et sociale de la société SFN Concept Corner Ouest conduisant à une perte d’autonomie de cette dernière ;

– Le liquidateur ayant constaté la cessation complète d’activité de l’entreprise et l’absence de groupe, aucune possibilité de reclassement n’existait.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 26 septembre 2023 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 21 novembre 2023.

Par voie de conclusions signifiées le 27 septembre 2023, soit au lendemain de l’ordonnance de clôture, la SAS Les Mandataires ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest demande à la cour, au visa des articles 15, 16, 802, 803 et 954 du code de procédure civile, de rejeter des débats en raison de leur communication tardive et non conforme au respect du contradictoire, les conclusions récapitulatives prises et notifiées au nom de Mme [O] le 25 septembre 2023 à 13h40.

Par voie de conclusions ‘récapitulatives et en réponse aux conclusions de rejet’ signifiées par RPVA le 7 novembre 2023, Mme [O] demande à la cour de:

– Juger n’y avoir lieu à rejet de ses conclusions signifiées le 25 septembre 2023 avant clôture ;

– Déclarer la SARL Morl 2 et la SAS Les Mandataires mal fondées en leur appel;

– Débouter la SARL Morl 2, la SAS Les Mandataires et l’Unedic AGS-CGEA de toutes demandes fins et conclusions contraires aux présentes ;

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

– Condamner solidairement la SARL Morl 2 et la SAS Les Mandataires ès-qualité à payer et porter la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– Déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’Unedic AGS-CGEA de [Localité 2] ;

– Condamner solidairement la SARL Morl 2 et la SAS Les Mandataires ès-qualité aux entiers dépens.

Par voie de ‘conclusions de procédure n°2″ signifiées le 17 novembre 2023, la SAS Les Mandataires représentée par Me [S] ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest demande à la cour, au visa des articles 15, 16, 802, 803 et 954 du code de procédure civile:

A titre principal:

– Révoquer l’ordonnance de clôture intervenue le 26 septembre 2023 et la reporter à la date des plaidoiries le 21 novembre 2023 ;

– Juger recevables les conclusions et pièces nouvelles notifiées par la SAS Les Mandataires représentée par Me [S] ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest le 17 novembre 2023 ;

A titre subsidiaire:

– Rejeter des débats en raison de leur communication tardive et non conforme au respect du contradictoire, les conclusions récapitulatives prises et notifiées au nom de Mme [O] le 25 septembre 2023 à 13h40.

Par voie de ‘conclusions d’appel récapitulatives n°3″, la SAS Les Mandataires représentée par Me [S] ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest réitère les demandes contenues dans ses conclusions signifiées avant clôture, le 4 septembre 2023.

Le bordereau de pièces annexé à ses conclusions mentionne trois nouvelles pièces constituées de décisions de justice, en l’espèce deux arrêts rendus par la cour d’appel de Riom le 3 octobre 2023 et un arrêt rendu par la cour d’appel de Pau le 5 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture:

L’article 15 du code de procédure civile dispose: ‘Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense’.

En vertu des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile, auxquelles renvoie l’article 907 du même code relatif à la procédure devant la cour d’appel, après l’ordonnance de clôture aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

L’article 803 du même code dispose que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

En l’espèce, Mme [O] qui avait conclu les 3 janvier et 7 février 2022 a fait signifier de nouvelles conclusions la veille de l’ordonnance de clôture, dans lesquelles elle fait notamment valoir le parallèle entre sa situation et celle jugée le 5 avril 2022 dans une décision du conseil de prud’hommes de Chartres rendue en formation de départage.

Outre le fait que cette décision du conseil de prud’hommes de Chartres remonte à plus d’un an et cinq mois avant la notification des dernières conclusions de la salariée, aucun motif sérieux n’explique la tardiveté de cette notification qui, effectuée le 25 septembre 2023 à 13h40, avait nécessairement pour effet de priver les autres parties de la possibilité de répliquer, tandis que l’avis de fixation du 25 avril 2023 informait les parties de ce que l’ordonnance de clôture serait rendue le 26 septembre 2023 à 9 heures.

En présence d’une telle atteinte manifeste au principe de la contradiction, il convient d’écarter des débats les conclusions notifiées par Mme [O] le 25 septembre 2023, ainsi que l’ensemble des conclusions et pièces nouvelles échangées postérieurement à l’ordonnance de clôture.

Il sera donc statué sur le mérite des conclusions d’intimée signifiées par Mme [O] le 3 janvier 2022, dont le dispositif est ainsi rédigé, la cour renvoyant aux dites conclusions pour un plus ample exposé des moyens développés:

– Déclarer la SARL Morl 2 et la SAS Les Mandataires mal fondées en leur appel,

– Débouter la SARL Morl 2, la SAS Les Mandataires et l’Unedic AGS-CGEA de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– Condamner solidairement la Sarl Morl 2 et la SAS Les Mandataires es qualité à payer et porter à Madame [O] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile en cause d’appel,

– Déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à L’Unedic -AGS CGEA de [Localité 2]

– Condamner solidairement la Snc Morl 2 et la SAS Les Mandataires es qualité aux entiers dépens.

2- Sur la demande de dommages-intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite et co-emploi:

L’article L8232-1 du code du travail dispose: ‘Le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit’.

L’article L8241-1 du même code dispose:

‘Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.

Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition’.

Il résulte de ces dispositions légales qu’en dehors des cas de prêt de main d”uvre expressément prévus par le Code du travail, la mise à disposition de personnel doit avoir un but non lucratif pour être autorisée.

Pour qu’un prêt de main d”uvre soit considéré comme illicite, il doit exister deux circonstances cumulatives:

‘ un but lucratif ;

‘ le caractère exclusif du prêt de main d’oeuvre.

Le salarié ayant fait l’objet d’un prêt de main d’oeuvre illicite peut demander la réparation du préjudice subi de ce chef.

Il est également fondé à demander la reconnaissance de la relation de travail salariée entre le donneur d’ordre et lui-même, la situation de prêt de main d’oeuvre illicite conduisant à l’existence une relation de travail entre le salarié d’une part et tant son employeur, que l’entreprise utilisatrice, d’autre part.

A ce dernier titre, la mise à disposition de personnel faisant intervenir deux entreprises, l’une prêteuse, l’autre bénéficiaire, peut caractériser une situation de co-emploi, supposant toutefois qu’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale vis-à-vis de l’une des sociétés conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

En l’espèce, alors que Mme [O] était salariée depuis le 5 décembre 2007 de la SARL Morl 2 exploitant un magasin sous l’enseigne ‘Noz’, sis à [Localité 10] (Finistère), un accord de transfert tripartite a été signé le 2 décembre 2013 entre les sociétés Morl 2, la SARL SFN Concept Corner et l’intéressée, aux termes duquel le contrat de travail à durée indéterminée en cours était rompu d’un commun accord, la salariée acceptant d’occuper le poste d’employée de vente de niveau 2 au sein de la SARL SFN Concept Corner à compter du 9 décembre 2013.

C’est à la suite de la signature de cet accord tripartite de transfert qu’a été signé le 9 décembre 2013 un contrat de travail à durée indéterminée entre la SARL SFN Concept Corner et Mme [O].

L’article ‘Lieu de travail’ stipule: ‘Le salarié est rattaché au siège social de la société SARL SFN Concept Corner situé [Adresse 9] à [Localité 8], avec faculté pour l’employeur de ‘muter définitivement le salarié dans l’un de ses établissements situés dans un périmètre de 100 kilomètres autour de son lieu de travail au moment de la mutation’.

Il était encore stipulé: ‘Le salarié pourra être détaché temporairement dans une autre société, ce qui est expressément accepté par lui’.

Par une ‘lettre d’information liée au transfert de -son – contrat de travail’ datée du 19 septembre 2016, Mme [O] était informée de ce que les gérants de la société SFN Concept Corner Ouest confirmaient leur volonté de céder les parts sociales de ladite société à un repreneur et que le contrat de travail en cours d’exécution était ‘automatiquement transféré vers la société du même nom à compter du 20 septembre 2016″, le rattachement administratif de la salariée étant cette fois fixé à [Localité 2], lieu du siège social de la société SFN Concept Corner Ouest.

Mme [O] affirme qu’au-delà de l’apparence créée par l’accord tripartite de transfert de son contrat de travail qu’elle a dûment signé, elle a en réalité continué à travailler, comme par le passé, pour le compte de la société Morl 2.

Elle produit notamment:

– Des extraits du registre du commerce et des sociétés relatifs aux sociétés Morl 2 et SFN – Société de franchise Noz, qui mentionnent les mêmes dirigeants à savoir Mme [C] [V], à la fois gérante de la première et président de la seconde.

– Un autre extrait du registre du commerce et des sociétés mentionnant Mme [V] en qualité de gérante d’une société en nom collectif Greno, visée dans un jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 28 octobre 2021, également relatif aux conditions et conséquences du transfert d’une salariée, Mme [U], de la dite société Greno vers la société SFN Concept Corner Ouest.

– Un organigramme non daté ni signé dans lequel figure une liste de 12 magasins et, sous deux codes couleurs distincts, les salariés de la société SFN Concept Corner Ouest, au nombre desquels figure Mme [O] comme appartenant au magasin ‘[Localité 3] 2″ et les salariés ‘autres’.

– Un procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 30 octobre 2017, dans lequel est évoquée par M. [D] [G], DP titulaire, le fait que ‘les salariés de notre société SFN CCO seraient repris à moyen terme par le Groupe Noz (…), ce même représentant du personnel indiquant: ‘Nous sommes ravis d’apprendre que nous allons récupérer 3 corners Noz Boutique, à savoir [Localité 3], [Localité 5] et [Localité 7] 2. 3 corners ayant 5 salariés CCO (1 à [Localité 3], 2 à [Localité 5] et à [Localité 7] 2). Que faut-il y voir ”, question à laquelle il est répondu par le gérant: ‘Réorganisation de la côte Nord-ouest’.

– Un échange de courriels en date du mois d’août 2016, entre M. [J] et Mme [T], gestionnaire des ressources humaines, évoquant la question des ‘futurs transferts à prévoir sur les sociétés SFN Concept Corner (Est et Ouest) + les salariés des magasins à basculer sur l’une ou l’autre de ces sociétés (…)’ et le fait que M. [J] avait précédemment ‘communiqué un tableau des propositions de transfert’.

La gestionnaire des ressources humaines indique in fine: ‘J’ai surligné en jaune les personnes pour lesquelles je n’ai pas d’information claire sur la société de transfert. Je vous remercie de m’indiquer la marche à suivre pour ces personnes.

Comme vu ensemble, et une fois la liste définitivement validée des personnes et des sociétés, nous nous pencherons sur les personnes aux dossiers dits ‘sensibles’ (…)’.

– Un échange de courriels datant du mois de janvier 2016 entre M. [F], gestionnaire des ressources humaines et M. [G], directeur adjoint des ventes, ce dernier adressant au premier ‘les noms de gens qui ne travaillent pas actuellement au sein de SFN Concept Corner’.

– Un procès-verbal de réunion ordinaire des délégués du personnel en date du 27 février 2018, qui évoque ‘la rupture du contrat de prestations de services qui liait SFN CCO à SFN’ et la question du devenir des salariés de SFN CCO.

– Une attestation de M. [D] [G], ancien directeur adjoint des ventes au sein du groupe Noz puis au sein de la société SFN Concept Corner Ouest du 1er mars 2011 au 13 juillet 2018, qui indique: ‘(…) Je connais bien ce groupe ainsi que ses pratiques d’autant plus que j’encadrais en qualité de responsable du Concept Noz Boutique, Madame [M] [O].

Cette dernière, lorsqu’elle est devenue salariée SFN Concept Corner à compter du 2 décembre 2013, effectuait les tâches qui lui incombaient en qualité de référente dans le Corner Noz Boutique (vente de bijoux et de produits à forte valeur ajoutée) mais également travaillait dans le rayon ‘confection’ qui dépendait du magasin SARL Morl 2 et ce, à la demande de la direction Noz. Enfin, elle intervenait dans le Corner ‘TDM’, textiles de marque du magasin’.

S’il est constant que les sociétés Morl 2 et SFN ont les mêmes dirigeants, à savoir Mme [C] [V], le dirigeant de la société SFN Concept Corner Ouest étant toutefois distinct en la personne de M. [K], qu’un accord de transfert tripartite a été signé le 2 décembre 2013 entre les sociétés Morl 2, la SARL SFN Concept Corner et Mme [O], aux termes duquel le contrat de travail de cette dernière était rompu d’un commun accord, la salariée acceptant d’occuper le poste d’employée de vente de niveau 2 au sein de la SARL SFN Concept Corner à compter du 9 décembre 2013, que des échanges de mails ont eu lieu sur la question de la reprise des contrats de travail des salariés par les sociétés SFN Concept Corner Est et SFN Concept Corner Ouest, ces éléments ne sont nullement de nature à mettre en évidence une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif un prêt de main-d’oeuvre par la société Morl 2 à la société Concept Corner Ouest.

Les termes de l’attestation de M. [G] ne sont pas de nature à modifier cette appréciation de la situation, alors que le témoin se montre très laconique en rappelant que Mme [O] ‘effectuait les tâches qui lui incombaient en qualité de référente dans le Corner Noz Boutique’, ajoutant toutefois que l’intéressée ‘travaillait dans le rayon ‘confection’ qui dépendait du magasin SARL Morl 2 et ce, à la demande de la direction Noz’, cette dernière affirmation n’étant corroborée par aucun élément objectif de nature à démontrer l’existence d’un lien de subordination juridique ayant continué à lier Mme [O] à la société Morl 2 à la suite de la convention tripartite du 2 décembre 2013 et du contrat de travail du 9 décembre 2013, tandis de surcroît que le liquidateur judiciaire soutient sans être contredit, que M. [G] ne travaillait pas sur le site sur lequel Mme [O] était employée.

Les affirmations de la salariée sur le fait qu’elle devait appliquer ‘le concept Noz’ aussi bien sous la direction de la société Morl 2 que sous celle de la société SFN Concept Corner Ouest ne sont pas pertinentes dans la démonstration d’un prêt de main d’oeuvre illicite puisqu’il est constant que l’activité poursuivie par les sociétés SFN Concept puis SFN Concept Ouest étaient identiques à celle de la société Morl 2, ce qui ne permet pas pour autant de caractériser les infractions alléguées.

Le marchandage et le prêt de main d’oeuvre illicite qu’allègue Mme [O] ne sont pas établis.

Par ailleurs, la nécessaire coordination des actions économiques de sociétés juridiquement distinctes mais connues sous la même enseigne ‘Noz’, a pu conduire à la signature des contrats de travail avec les sociétés Morl 2 puis SFN Concept Corner et SFN Concept Corner Ouest par un même représentant de la partie employeur, M. [P], sans que cependant les éléments susvisés dont se prévaut Mme [O] ne permettent de retenir une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, pas plus qu’un état de domination économique et une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale d’une des deux sociétés vis à vis de l’autre, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.

Rien n’établit que la salariée ait en pratique travaillé sous la subordination juridique de la société Morl 2 alors qu’elle était employée et rémunérée par la société SFN Concept Corner Ouest.

Il convient dès lors, par voie d’infirmation du jugement entrepris de ce chef, de débouter Mme [O] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice subi pour prêt de main d’oeuvre illicite et co-emploi.

3- Sur la contestation du licenciement:

En vertu de l’article L1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article.

Si la réalité de l’indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n’est pas établie, il appartient au juge, au vu de l’ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Par ailleurs, l’article L1233-4 du même Code, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

La tentative de reclassement est donc un préalable nécessaire à tout licenciement économique.

C’est à l’employeur d’établir la preuve de l’impossibilité d’affecter le salarié dans un autre emploi.

Si l’obligation de reclassement n’est qu’une obligation de moyens, encore faut-il que l’employeur démontre avoir mis en ‘uvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution afin d’éviter le licenciement.

A cet égard, la recherche de reclassement doit être sérieuse et loyale.

Lorsque l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En vertu de l’article L3253-8 du code du travail, l’assurance garantie des salaires couvre es créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation.

Dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, il est constant que le licenciement pour motif économique trouve sa cause dans la cessation d’activité découlant de la liquidation judiciaire.

Il n’en demeure pas moins que le liquidateur est tenu, antérieurement au licenciement, d’effectuer la recherche de reclassement prévue par l’article L1233-4 du code du travail.

En l’espèce, Mme [O] qui ne conteste pas utilement la cessation d’activité de la société SFN Concept Corner Ouest par suite de son placement en liquidation judiciaire, soutient que l’activité a cependant été immédiatement reprise et poursuivie par la société Morl 2.

Force est cependant de constater qu’il ne résulte d’aucun élément de preuve que, comme le soutient l’intimée, ‘des salariées’ non précisément désignées de la société Morl 2 aient repris son poste, tandis qu’en tout état de cause, la thèse de Mme [O] repose sur l’affirmation d’une situation de co-emploi qui n’est pas démontrée, ainsi que cela ressort des développements qui précèdent.

Mme [O] soutient encore qu’elle devait être reclassée dans l’entreprise ou ‘dans l’une des entreprises du groupe’.

Outre le fait que la cessation complète d’activité de la société SFN Concept Corner Ouest s’opposait à toute possibilité de reclassement dans l’entreprise, il n’est pas établi que cette société fasse partie d’un groupe au sens des dispositions de l’article L1233-4 susvisé du code du travail.

A cet égard, il doit être rappelé que dans un groupe de reclassement qui recouvre une notion capitalistique, ne peuvent être prises en compte que les sociétés détenant directement ou indirectement une fraction du capital leur conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales, conformément aux dispositions de l’article L. 233-3, I, 1º du Code de commerce ou celles qui, par le biais du pacte d’actionnaires, jouissent d’une influence dominante.

En l’espèce, au-delà d’une permutabilité du personnel entre les sociétés Morl 2 et SFN Concept Corner, qui ressort de la convention tripartite signée par Mme [O] le 2 décembre 2013, il n’est pas établi que la société liquidée SFN Concept Corner Ouest fasse partie d’un groupe au sens des dispositions légales précitées.

Cette affirmation de la salariée est au demeurant formellement contredite par le procès-verbal d’assemblée générale mixte de la société SFN Concept Corner Ouest en date du 20 septembre 2016 qui fait mention d’une cession par les sociétés RA Expansion et SFN – Société de Franchise Noz de 400 parts, hors toute présence à la dite assemblée générale d’un représentant légal de la société Morl 2, instituant M. [W] [K] en qualité d’associé unique de la société SFN Concept Corner Ouest.

Ainsi, à la date où était engagée la procédure de licenciement, rien n’établit que la société Morl 2 et la société SFN Concept Corner Ouest aient fait partie d’un même groupe de sociétés et qu’une recherche de reclassement ait dû être menée au sein des effectifs de la première d’entre-elles.

Par ailleurs, il est établi que le 18 mai 2018, une réunion d’information et de consultation du représentant des salariés de la société EURL SFN Concept Corner Ouest était organisée par le liquidateur judiciaire, en présence de M. [D] [G], avec mention de ce que des courriers de recherches de reclassement avaient été adressés à la société des franchisés Noz, à la société TL Loc et à la société Agence Bleue.

Si dans le courrier qu’il adressait le 16 mai 2018 à la société de franchise Noz, le liquidateur judiciaire indiquait: ‘Je note des liens étroits entre votre société et la société SFN Concept Corner Ouest’, cette seule mention ne permet pas, en l’absence de liens capitalistiques établis, de considérer que la recherche de reclassement afférente au licenciement pour motif économique de Mme [O] s’inscrive dans le cadre d’un groupe au sens de l’article L1233-4 du code du travail.

Au demeurant, dans sa réponse au liquidateur du 24 mai 2018, la société SFN – Société de franchise Noz confirmait que ‘la société SFN n’a plus de lien capitalistique avec la société SFN Concept Corner Ouest depuis le 20 septembre 2016, date à laquelle la société a été totalement cédée à M. [K] [W], qui en est également devenu le gérant.

Par ailleurs nous avons cessé d’avoir tout lien contractuel depuis le 31 mars 2018 (…)’.

La cessation d’activité de la société SFN Concept Corner Ouest par suite de sa liquidation judiciaire justifiait donc le licenciement de Mme [O] et il est établi que le liquidation judiciaire a respecté de façon sérieuse et loyale l’obligation de reclassement à laquelle il était tenu.

Au résultat de l’ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de Mme [O].

Mme [O] sera en conséquence déboutée de l’intégralité des demandes subséquentes qui dérivent toutes de l’affirmation erronée d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

4- Sur les dépens et frais irrépétibles:

Mme [O], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du même code.

L’équité commande en outre de débouter la SAS Les Mandataires représentée par Me [B] ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette les conclusions et pièces nouvelles notifiées par Mme [O] le 25 septembre 2023, ainsi que l’ensemble des conclusions et pièces nouvelles échangées postérieurement à l’ordonnance de clôture ;

Infirme le jugement entrepris ;

Déboute Mme [O] de l’intégralité de ses demandes ;

Déboute la SAS Les Mandataires représentée par Me [B] ès-qualités de liquidateur de la société SFN Concept Corner Ouest de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [O] aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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