Parts sociales : décision du 30 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/07644

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Parts sociales : décision du 30 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/07644
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28C

DU 30 JANVIER 2024

N° RG 22/07644

N° Portalis DBV3-V-B7G-VSSH

AFFAIRE :

[L], [Z] [C]

C/

Consorts [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2022 par le Président du Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 22/01583

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Dominique REGNIER,

-Me Stéphanie SINGER,

-Me Anne-laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 23 janvier 2024, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [L], [Z] [C]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 16] – BELGIQUE

représentée par Me Dominique REGNIER, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 141

Me Céline CADARS BEAUFOUR de l’AARPI CADARS BEAUFOUR QUER & ASSOCIES, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : L0244

APPELANTE

****************

Monsieur [A], [F], [K] [C]

né le [Date naissance 9] 1957 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 13]

représenté par Me Stéphanie SINGER, avocat postulant – barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN 709 – N° du dossier 226077

Me Karine LE STRAT de l’ASSOCIATION L & ASSOCIES, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : J 60

Monsieur [B], [T] [C]

né le [Date naissance 8] 1966 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 12]

représenté par Me Anne-laure DUMEAU, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 43126

Me Laura LEVY substituant Me Fabrice NICOLAI, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : E1991

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue en chambre du conseil le 06 Novembre 2023, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

[N] [S] est décédée le [Date décès 10] 2013, laissant pour lui succéder [K] [C], son conjoint survivant, donataire des quotités permises entre époux suivant acte du 9 septembre 1975, et les trois enfants nés de leur union : [L] [C], [A] [C] et [B] [C].

[K] [C] a opté pour l’usufruit de la totalité des biens composant la succession.

Les époux avaient préalablement consenti deux donations-partage à leurs enfants :

par acte du 29 novembre 1991, de la nue-propriété d’un certain nombre d’actions de la société des Etablissements [C], avec réserve d’usufruit au décès du dernier donataire,

par acte du 5 janvier 2004, rectifié le 26 décembre 2007, de la pleine propriété d’un certain

nombre d’actions et en nue-propriété d’un certain nombre d’actions de la société des Etablissements [C] avec réserve d’usufruit au décès du dernier donataire.

Par actes sous seing privé du 14 janvier 2008, Mme [L] [C] a cédé des actions de la société des Etablissements [C] lui appartenant en pleine propriété et des actions lui appartenant en nue-propriété.

Le 4 novembre 2014, Mme [L] [C] a assigné MM. [K], [A] et [B] [C] ainsi que les sociétés [18] et [25] et [20] afin d’obtenir le partage de la succession de leur mère et la nullité des cessions d’action.

Par jugement du 1er décembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a, notamment, déclaré Mme [L] [C] prescrite en son action en nullité de cessions de parts sociales et rejeté ses autres demandes.

[K] [C] est décédé le [Date décès 6] 2018.

Par un arrêt du 9 novembre 2018, la cour d’appel de Versailles a, notamment :

confirmé le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande de [K] [C] tendant au remboursement des droits d’enregistrement acquittés aux lieu et place de Mme [C].

Statuant à nouveau de ce chef :

déclaré irrecevable cette demande,

Y ajoutant :

déclaré irrecevables les demandes de Mme [C] fondées sur la violence,

déclaré irrecevable sa demande tendant au partage de la nue-propriété de l’ensemble des biens et droits composant la succession de Mme [S].

Par un arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation a partiellement cassé cet arrêt, seulement en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande en partage de la nue-propriété des biens dépendant de la succession de [N] [S], et remis sur ce point l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris.

Par actes des 20 et 23 octobre 2020, Mme [L] [C] a assigné devant le tribunal judiciaire de Nanterre, ses deux frères, M. [A] [C] et M. [B] [C], notamment aux fins de voir ordonner qu’il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [K] [C] et [N] [S].

Mme [L] [C] s’est désistée par la suite devant le tribunal judiciaire de Nanterre de ses demandes relatives à la succession de leur mère, [N] [S], l’affaire étant pendante devant la cour d’appel de Paris.

Par un jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 16 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

Rejeté l’exception d’incompétence présentée par M. [B] [C] et par M. [A] [C],

Rejeté la demande de désignation d’un mandataire successoral à l’effet d’administrer provisoirement les successions de [K] [C] et de [N] [S],

Rejeté la demande tendant à voir ordonner le versement à Mme [L] [C] d’une avance en capital d’un montant de 3 523 300 euros sur ses droits dans le partage à intervenir,

Condamné Mme [L] [C] à payer à M. [B] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [L] [C] à payer à M. [A] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné Mme [L] [C] aux dépens,

Rappelé que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire,

Mme [L] [C] a interjeté appel de ce jugement le 20 décembre 2022 à l’encontre de MM. [A] et [B] [C].

L’affaire a fait l’objet d’une fixation à bref délai en application des articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 20 janvier 2023, Mme [L] [C] demande à la cour de :

Vu l’article 1380 du code de procédure civile,

Vu l’article 813-1 du code civil,

Vu l’article 815-11 du code civil,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Déclarer recevable et bien-fondé Mme [L] [C] en l’ensemble de son appel et y faire droit,

Infirmer le jugement rendu le 16 décembre 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Nommer tel administrateur judiciaire en qualité de mandataire successoral qu’il plaira à la cour, à l’effet d’administrer provisoirement les successions de M. [K] [C] décédé le [Date décès 6] 2018 et de Mme [N] [S], son épouse, prédécédée le [Date décès 10] 2013,

Dire que le mandataire successoral pourra se faire communiquer par les héritiers tous documents utiles pour l’accomplissement de sa mission et convoquer, le cas échéant, lesdits héritiers,

Autoriser le mandataire successoral à faire dresser s’il y a lieu un inventaire dans les formes prescrites à l’article 789 du code civil,

Dire que le mandataire successoral aura le pouvoir d’accomplir les actes mentionnés à l’article 784 du code civil,

Dire qu’en particulier, il pourra :

toucher le montant de toutes sommes revenant à quelque titre que ce soit à la succession,

rechercher les comptes bancaires, interroger le cas échéant le service FICOBA dépendant du Ministère de l’Economie et des Finances,

retirer des mains, bureaux et caisses, de toutes personnes, banques, établissements et administrateurs quelconques, tous objets, titres, papiers, deniers et valeurs qui auraient été déposés par le défunt, ou contenus dans tous les coffres de ce dernier, et qui seront ouverts à la requête du mandataire,

payer toutes dettes et frais privilégiés de succession,

régler tous comptes, en donner valables quittances,

faire toutes déclarations de succession,

payer tous droits de mutation,

représenter tant en demande qu’en défense la succession dans toutes les instances dont l’objet entre dans la limite de ses pouvoirs d’administrateur, à l’exclusion de celles qui concernent le partage de la succession ou qui conduiraient à des actes de disposition sur les biens successoraux,

faire tous actes d’administration nécessaires,

Dire que la rémunération du mandataire successoral sera mise à la charge de la succession,

Ordonner que soit versée à Mme [L] [C] une avance en capital d’un montant de 2 279 026 euros (deux millions deux cent soixante-dix-neuf mille vingt-six euros) sur ses droits dans le partage à intervenir,

Débouter MM. [A] et [B] [C] de leurs demandes de condamnation de Mme [L] [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum MM. [A] et [B] [C] à verser à Mme [L] [C] la somme de 8000 euros (huit mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2023, M. [B] [C] demande à la cour de :

Vu les articles 813-1 et suivants du code civil,

Vu l’article 815-11 du code civil,

Vu l’article 1353 du code civil,

Confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond par le tribunal judiciaire de Versailles le 16 décembre 2022 en toutes ses dispositions,

Débouter Mme [L] [C] de toutes ses demandes,

Condamner Mme [L] [C] à payer à M. [B] [C] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Dumeau, avocat, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Par conclusions notifiées le 17 février 2023, M. [A] [C] demande à la cour de :

Vu les articles 813-1 et suivants du code civil,

Vu l’article 815-11 du code civil,

Vu l’article 1353 du code civil,

Confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond par le tribunal judiciaire de Versailles le 16 décembre 2022 en toutes ses dispositions,

Débouter Mme [L] [C] de toutes ses demandes,

Condamner Mme [L] [C] à payer à M. [A] [C] la somme de 7.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP B.L.S.T. agissant par Me Stéphanie Singer, avocat, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 21 janvier 2024, Mme [L] [C] demande à la cour d’ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture, d’ordonner la réouverture des débats et d’enjoindre aux parties de conclure sur les faits nouveaux intervenus.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l’appel

Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.

Sur la demande tendant à la révocation de la clôture et à la réouverture des débats

Mme [L] [C] demande à la cour d’ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture, d’ordonner la réouverture des débats et d’enjoindre aux parties de conclure sur les faits nouveaux intervenus au motif qu’elle a fortuitement appris, après l’audience des plaidoiries du 6 novembre 2023, que ses frères avaient vendu le 30 mars 2023 l’ensemble des sept grandes surfaces du groupe familial (la SAS Etablissement [C]). Elle considère que cette vente constitue une « disparition de l’actif familial » et met en péril ses droits successoraux. Elle estime que la cour doit en être informée avant de statuer sur sa demande de provision.

L’article 444 du code de procédure civile dispose que le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

En l’espèce, la cour est saisie de l’appel d’un jugement ayant d’une part, rejeté la demande de nomination d’un mandataire successoral et d’autre part, rejeté la demande d’octroi d’une provision à Mme [L] [C], dans le cadre de la succession de [K] [C] dont le tribunal judiciaire de Nanterre est saisi mais dont les opérations de compte, liquidation et partage n’ont à ce jour pas encore été ordonnées dans l’attente de l’issue de la procédure concernant la succession de son épouse [N] [S], prédécédée, avec qui il était marié sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (procédure actuellement pendante devant la cour d’appel de Paris).

La cour n’est donc saisie que de ces deux demandes : la nomination d’un mandataire successoral et l’octroi d’une provision.

La vente évoquée par Mme [L] [C] concerne le groupe Etablissements [C] et, en l’absence de tout élément précis qui tendrait à démontrer l’inverse à la cour, non la succession de [K] [C].

Par ailleurs, Mme [L] [C] n’énonce ni ne justifie en quoi cette vente serait de nature à prouver l’existence de fonds disponibles dans l’actif successoral permettant d’allouer une provision, ou serait de nature à influer sur le périmètre de saisine de la cour.

Sa demande de réouverture des débats sera par conséquent rejetée.

En outre, la procédure suivie devant la cour étant la procédure à bref délai de l’article 905 du code de procédure civile, en l’absence d’ordonnance de clôture, sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera rejetée.

Par voie de conséquence, sa demande d’enjoindre les parties à conclure sur ces faits nouveaux sera rejetée.

Sur la demande de désignation d’un mandataire successoral

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande, Mme [C] demande à la cour, au fondement de l’article 813-1 du code civil, de désigner un mandataire successoral en invoquant l’existence de fautes commises par ses cohéritiers dans l’administration de la succession, d’une mésentente et d’une opposition d’intérêt entre les héritiers et d’une situation successorale complexe.

Sur les fautes, elle affirme que ses frères ont délibérément sous-évalué certains actifs de la succession (notamment les parts sociales qu’elle a cédées) et que d’autres ont été occultés. Elle soutient que la valeur « murs-fonds-stocks » des supermarchés a été omise de la déclaration de succession et n’était pas comprise, contrairement à ce qu’a prétendu le notaire, dans l’évaluation des actions de la société Etablissements [C]. Elle prétend que la somme de 7 millions d’euros a disparu entre la déclaration de succession de [N] [S] et celle de [K] [C]. Elle déplore que les revenus des forêts, les revenus d’un immeuble sis [Adresse 3], [Adresse 4] et [Adresse 7] à [Localité 14] n’apparaissent nulle part. Outre la mésentente et l’opposition d’intérêts entre héritiers, elle invoque la complexité de la succession, l’existence de donations déguisées dont ont bénéficié ses frères notamment lors du rachat de ses parts sociales par ses frères grâce aux dividendes de [K] [C].

Poursuivant la confirmation du jugement, M. [A] [C] sollicite le rejet de cette demande aux motifs que :

Il n’a jamais été justifié de difficultés dans l’administration de la succession de [K] [C] et les inventaires ont déjà été effectués ;

Il n’est pas démontré que la mésentente entre héritiers aurait des conséquences néfastes sur l’administration de la succession ou entraînerait un péril pour l’intérêt commun des héritiers ;

Les fautes alléguées ne sont pas démontrées et ne sont, en tout état de cause, pas de nature à établir un péril imminent ;

Il n’entre pas dans la mission du mandataire de se prononcer sur la valorisation de l’actif (Selon lui, la valeur « murs-fonds-stocks » des supermarchés est insérée dans la valeur des actions des Etablissements [C]) ; 

La complexité de la succession ne résulte que des écritures de Mme [C] ;

Les fonds prétendument occultés ne le sont pas : il conteste la disparition d’une somme de 7 millions d’euros, en rappelant l’exercice de son usufruit par [K] [C] après le décès de son épouse (certains avoirs se sont donc retrouvés, au moment de la 2e déclaration de succession, sous une autre forme mais sans qu’aucun ne disparaisse) ; le compte bancaire détenu à [Localité 19] (dont les fonds sont bloqués dans l’attente du règlement de la succession) était un bien propre de [N] [S] ;

La « gestion opaque » ou le « péril » allégués par Mme [C] ne sont pas démontrés et les biens dépendants de la succession sont gérés et administrés. Il ajoute que les immeubles sis au [Adresse 2], [Adresse 3] et [Adresse 4] appartiennent à la SCI [Adresse 21] et l’immeuble détenu au [Adresse 5]-[Adresse 7] de cette rue appartient aux Etablissements [C], de sorte qu’ils ne rentrent pas dans la succession de [K] [C].

Il ajoute que la désignation d’un mandataire successoral est inutile. Rappelant le testament du 27 janvier 2017, il indique que les forêts, les actions de société, les maisons et les terres ont été donnés aux deux frères et ne font pas partie de l’indivision. Pour le reste, il indique que les avoirs bancaires de [K] [C] à la [17] sont gelés, qu’une recherche FICOBA a déjà eu lieu et que le bien immobilier à [Localité 24] n’est pas loué. Il précise que la succession ne détient aucune dette, les sommes dues par l’indivision étant payées au fur et à mesure par le notaire.

Poursuivant la confirmation du jugement, M. [B] [C] sollicite également le rejet de cette demande et fait valoir les mêmes moyens de fait et de droit que M. [A] [C]. Il considère qu’il est inutile de nommer un mandataire successoral car : un inventaire suite au décès de [K] [C] a déjà été effectué ; le seul bien immobilier de la succession à [Localité 24] n’est pas loué ; Mme [C] n’apporte pas la preuve de l’existence d’autres comptes que ceux déjà connus ; il ne voit pas d’inconvénient à l’ouverture du coffre familial en présence de Mme [C] ; la succession n’a pas de dette et les droits de mutation ont déjà été payés. Il soutient également qu’elle n’apporte aucun élément nouveau justifiant l’existence de difficultés dans la gestion et l’administration de la succession. Il ajoute que la distribution de dividendes qu’elle reproche à ses frères a été postérieure à la cession de ses parts sociales ; il conteste toute occupation du domicile de [K] [C] (lequel appartient, selon lui, aux Etablissement [C]) ; il considère la réduction de capital de la société Etablissements [C] comme un acte de gestion librement décidé et considère qu’en l’invoquant Mme [C] se place sur le terrain de la valorisation de l’actif, terrain étranger à la mission d’un mandataire successoral.

Appréciation de la cour

L’article 813-1 du code civil dispose que le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.

La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public.

Un mandataire successoral, qui peut être nommé dans toute succession même en l’absence d’indivision, peut être nommé lorsque la mauvaise gestion et la diminution du patrimoine successoral compromettent l’intérêt commun, de sorte qu’une situation conflictuelle, une mésentente ou l’inertie et la carence dans l’administration de la succession justifie la désignation d’un mandataire successoral.

En l’espèce, force est de constater que Mme [L] [C] ne démontre pas par des éléments de preuve tangibles et précis l’existence d’une mauvaise gestion, une inertie, une carence ou des fautes dans la gestion de la succession.

Comme l’a à juste titre relevé le tribunal, il ne rentre pas dans la mission du mandataire successoral de procédure à une évaluation de l’actif. Seul le notaire qui sera commis lors de l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [K] [C] ‘ une fois liquidée la communauté des époux ‘ pourra y procéder, au besoin en s’adjoignant l’aide d’un sapiteur.

C’est par de justes motifs, précis et circonstanciés, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté cette demande.

La cour rappelle que l’action en nullité de la cession de parts de 2008 de Mme [C] est irrévocablement prescrite, la Cour de cassation n’ayant pas cassé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 9 novembre 2018 sur ce point (pièces 16 et 17 [B] [C]).

S’appuyant sur un rapport d’évaluation du groupe [C] de 2013 (pièce 17 appelante), Mme [C] conteste par ailleurs l’absence d’évaluation des « murs-fonds-stocks » des supermarchés dans la déclaration de succession. Force est de constater que ce point concerne l’évaluation de l’actif successoral, qui n’est pas figé de façon définitive dans la déclaration de succession, et ne concerne en rien un mandataire successoral dont la mission est de gérer et administrer les biens relevant de la succession.

Pas plus qu’en première instance, Mme [C] n’apporte d’élément de preuve démontrant des fautes, une carence ou une inertie dans l’administration de la succession, portant atteinte à la consistance de l’actif successoral et à l’intérêt commun des héritiers.

Pas plus qu’en première instance, elle ne démontre la « disparition de la bagatelle de 7 millions d’euros » qu’elle se contente d’alléguer. Elle produit les deux déclarations de succession de ses parents qu’elle a refusé de signer (pièces 44 et 78 appelante) et un tableau de comptes établi par le notaire (pièce 61 appelante) qui calcule de façon prévisionnelle (et donc non définitive) l’état du passif de la succession de [K] [C], l’actif de la communauté [C]/[S], et l’actif de la succession de [K] [C]. Ce tableau, qui n’est qu’un document de travail, ne démontre pas l’absence de 7 millions d’euros.

Les immeubles sis [Adresse 23] appartiennent soit à la SCI [Adresse 3] et [Adresse 4], dont il n’est pas démontré que [K] [C] était associé, soit à la SAS Etablissement [C] dans laquelle [K] [C] ne détenait plus que trois actions ainsi qu’il l’écrit dans son testament (pièces 3, 9 et 10 [B] [C]). Ces biens immobiliers ne dépendent donc pas de la succession.

Ainsi que l’a constaté le tribunal, la déclaration de succession a été établie dans le délai légal et les droits de succession ont été payés (pièces 5 et 6 [A] [C]), deux inventaires ont été effectués, la gestion du bien immobilier de Val d’Isère ne suscite aucune difficulté, une recherche FICOBA a déjà été effectuée (pièce 11 [A] [C]) et les comptes dépendant de la succession sont connus, il n’est établi aucune dette ni aucune procédure.

Dès lors, les conditions de nomination d’un mandataire successoral n’étant pas réunies, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de provision

Moyens des parties

Poursuivant l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande, Mme [C] demande à la cour, au fondement de l’article 815-11 du code civil, de lui allouer une provision de 2 279 026 euros à valoir sur ses droits dans le partage à venir. Elle justifie ce montant par la production des déclarations de succession, par la production d’un tableau récapitulatif de la banque [17], et par un projet de partage établi par le notaire mentionnant des liquidités disponibles à hauteur de 1 286 877,16 euros.

Poursuivant la confirmation du jugement, M. [A] [C] sollicite le rejet de cette demande aux motifs que la quote-part successorale revenant à Mme [C] n’est pas déterminée (dans la mesure où les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [K] [C] n’ont pas commencé et où les déclarations de succession, que Mme [C] a refusé de signer, n’ont qu’une incidence fiscale et ne permettent de déterminer l’actif successoral au jour le plus proche du partage) et qu’elle ne démontre pas l’existence de fonds disponibles pour lui verser cette somme (le compte [17] ayant servi à payer les droits de succession à hauteur de 3,4 millions d’euros, et le tableau du notaire évoque les fonds cumulés des deux successions de [N] [S] et [K] [C]). Il ajoute que Mme [C] ne démontre pas un état de nécessité justifiant l’allocation d’une provision.

Poursuivant la confirmation du jugement, M. [B] [C] sollicite le rejet de cette demande et soutient les mêmes moyens de fait et de droit que M. [A] [C].

Appréciation de la cour

L’article 815-11 du code civil dispose que tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.

A défaut d’autre titre, l’étendue des droits de chacun dans l’indivision résulte de l’acte de notoriété ou de l’intitulé d’inventaire établi par le notaire.

En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive.

A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l’indivisaire dans le partage à intervenir (souligné par la cour).

L’article 815-11, dernier alinéa, du code civil, suppose la détermination de la portion des fonds disponibles de l’indivision dont le versement à titre d’avance est réclamé, et la contestation de cette demande par un indivisaire, ce qui implique nécessairement que l’intérêt du litige est fixé par le montant même du versement réclamé (2ème Civ., 8 juin 1982, 80-12.698).

En l’espèce, c’est par de justes motifs, précis et circonstanciés, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté cette demande.

Il sera ajouté que Mme [C] ne produit pas d’élément, à hauteur d’appel, permettant d’établir l’existence de fonds disponibles suffisants pour lui allouer une avance de plus de 2 millions d’euros, ni d’évaluer ses droits dans le partage à venir.

Elle verse au débat le tableau du notaire (pièce 61 précité) qui est un document de travail mêlant les fonds de la succession [C] et de la communauté [S], datant d’avril 2020, qui ne permet aucunement d’établir l’existence de fonds disponibles suffisants dans la succession de [K] [C].

Elle produit également un récapitulatif des avoirs détenus par [K] [C] à la [17] au 11 octobre 2022 : 63 311,37 euros sur des comptes chèques, et 1 251 084 euros sur des comptes instruments financiers (pièces 82 et 83 appelante).

Or, en l’absence de tout élément précis produit par Mme [C] sur ce point, les avoirs détenus sur des comptes instruments financiers sont par nature non immédiatement disponibles.

En outre, Mme [C] n’explique pas les raisons pour lesquelles elle sollicite cette avance

Par conséquent, le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

Partie perdante, Mme [C] sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera également rejetée.

L’équité commande, en outre, de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

REJETTE la demande tendant au rabat de l’ordonnance de clôture et à la réouverture des débats ;

REJETTE la demande tendant à enjoindre aux parties de conclure sur des faits nouveaux ;

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande de Mme [L] [C] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [L] [C] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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