Parts sociales : décision du 31 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04677

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Parts sociales : décision du 31 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04677
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 31 JANVIER 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04677 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFMTI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2021 -tribunal judiciaire de Paris – 9ème chambre 3ème section – RG n° 18/07935

APPELANTE

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

[Adresse 6]

[Localité 7]

N° SIRET : B 542 016 381

prise en la personne de son président de conseil d’administration domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIMÉS

Madame [O] [G] [X] épouse [C]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Monsieur [M] [C]

né le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 12] (Tunisie)

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentés par Me Réjane GIRARDIN de l’AARPI APM, avocat au barreau de PARIS, toque : K0044

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre, ayant lu le rapport, et M. Vincent BRAUD, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère chargée du rapport

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 février 2022, la société Crédit industriel et commercial a interjeté appel du jugement rendu le 17 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris dans l’instance l’opposant à M. [M] [C] et Mme [O] [X] épouse [C], et dont le dispositif est ainsi rédigé :

‘Déboute la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC de l’ensemble de ses demandes formées contre madame [O] [C] et contre monsieur [M] [C] ;

Condamne la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC à payer à madame [O] [C] et monsieur [M] [C] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC aux dépens ;

Autorise Me Réjane Girardin à recouvrer directement contre la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC les frais compris dans les dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.’

***

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 17 octobre 2023 les prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 16 novembre 2022, l’appelant

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

‘Vu les dispositions des articles 1134 (aujourd’hui 1103) et suivants, 2288 et suivants, 1343-2, 1343-5 et 1353 du Code Civil,

Vu les dispositions des articles 6 et 9 du Code de procédure civile,

Vu les dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation,

Vu les conditions générales du contrat de prêt,

Vu le jugement entrepris,

Il est demandé à la Cour d’appel de PARIS de :

– JUGER que les époux [C], alors qu’ils ont la charge de la preuve, ne démontrent

pas la disproportion des engagements de cautions solidaires consentis au CIC ;

– JUGER qu’au regard des éléments transmis par les époux [C] au CIC, les

engagements de cautions solidaires consentis étaient parfaitement proportionnés à leurs

revenus et à leur patrimoine ;

– JUGER que les époux [C] peuvent faire face à leurs obligations résultant de leurs

engagements de cautions solidaires avec leur patrimoine actuel ;

– JUGER que les époux [C] ne sont pas des débiteurs malheureux et de bonne foi

dont ils ne rapportent pas la preuve ;

En conséquence,

– INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de

PARIS en date du 17 décembre 2021 ;

– DEBOUTER les époux [C] de leur appel incident et de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Statuant à nouveau,

– CONDAMNER solidairement Madame [O] [C] et Monsieur [M] [C], en leur qualité de cautions solidaires de la société SCI IMMO INVEST, à payer au CIC la somme de 1.035.732,20 euros au titre du prêt immobilier retracé sur le compte n°[XXXXXXXXXX04], outre les intérêts au taux contractuel de 4 % l’an à compter du 12 septembre 2017, date des mises en demeure, jusqu’à complet paiement ;

– ORDONNER la capitalisation des intérêts dès que dus pour une année entière ;

– CONDAMNER solidairement Madame [O] [C] et Monsieur [M] [C] à payer au CIC la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’

Au dispositif de leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 17 août 2022, les intimés

présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :

‘Vu les dispositions des articles L. 332-1, L.331-1 et L.343-5 du Code de la consommation

(anciennement L. 341-4 du Code de la consommation)

Vu les dispositions de l’article 1231-5 du code civil

Vu les dispositions de l’article 1343-5 du code civil

Vu pièces versées au débat,

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DECLARER Monsieur [M] [C] et Madame [O] [C] recevables et bien fondés ;

A TITRE PRINCIPAL,

CONFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Si la Cour infirmait la décision entreprise et statuant à nouveau, condamnait solidairement

Monsieur et Madame [C] en qualité de caution de la SCI IMMO INVEST :

Constater que la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC a encaissé depuis la déchéance du terme du prêt la somme totale de 67.226,03 €, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir

En conséquence :

Dire et juger que le quantum des sommes qui seraient dues au titre du prêt depuis la déchéance du terme sera réduit des sommes réglées depuis cette date, soit 67.226,03 €, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir

Dire et juger que la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC ne peut prétendre au paiement des pénalités et intérêts de retard échus entre la date du premier incident, soit le 20 novembre 2016 et la date à laquelle les cautions en ont été informées, soit le 7 juillet 2017.

Sur ce point, Ordonner à la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC de communiquer un décompte d’intérêt sur ladite période ;

Constater que la pénalité de 7 % convenue au point 4 des conditions générales du contrat de prêt constitue une clause pénale manifestement excessive et que l’engagement a été partiellement exécuté ;

En conséquence : Modérer la clause pénale

Subsidiairement sur ce point : Diminuer la clause pénale d’au moins un tiers,

Accorder à Monsieur [M] [C] et à Madame [O] [C] un report de deux ans pour le paiement des sommes dues ;

Confirmer le jugement pour le surplus s’agissant de la Condamnation de la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC à payer à Madame [O] [C] et Monsieur [M] [C] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

Condamner la société anonyme Crédit industriel et commercial – CIC à payer à Madame [O] [C] et Monsieur [M] [C] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la disproportion

En droit (selon les dispositions de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.

La proportionnalité du cautionnement s’appréciera donc au jour de la signature de l’engagement de caution, soit en l’espèce au 20 juillet 2008, date à laquelle M. [M] [C] d’une part, et Mme [O] [X] épouse [C] d’autre part, se sont engagés, dans les mêmes conditions, en garantie d’un prêt d’un montant de 1 199 800 euros destiné

à financer l’acquisition d’un appartement à usage locatif, prêt consenti le 7 juillet 2008 par la banque Crédit industriel et commercial à la société civile immobilière Immo Invest, dont le capital social de 300 000 euros était détenu par MMme [C], chacun à hauteur de la moitié. Ces cautionnements ont été donnés par MMme [C] dans la limite de la somme de 1 439 760 euros, chacun, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 323 mois.

La charge de la preuve de la disproportion manifeste alléguée incombe alors à la caution, et non pas à la banque.

En l’espèce, MMme [C] versent au débat, pour justifier de leur situation financière au jour de la souscription des cautionnements litigeux, et donc caractériser la disproportion manifeste qu’ils invoquent, deux avis d’imposition sur les revenus 2006 et 2007, ce que le Crédit industriel et commercial considère comme insuffisant s’agissant de l’administration de la preuve telle qu’elle est attendue des cautions.

Le tribunal a indiqué au préalable, et ce à bon droit, que les époux étant mariés sous le régime de la séparation des biens, il y a lieu d’apprécier séparément leur situation patrimoniale – contrairement à ce que développe le Crédit industriel et commercial dans ses écritures, pour l’essentiel faisant masse des éléments patrimoniaux du couple pour conclure à l’absence de disproportion et aussi à leur faculté de s’aquitter de la somme qui leur est réclamée.

1- Sur le cautionnement de Mme [O] [C]

A) Pour déclarer manifestement disproportionné l’engagement de caution de Mme [C], au temps de sa signature, le tribunal a retenu :

– que les bulletins de paie produits aux débats par le Crédit industriel et commercial établissent qu’à la date de son engagement de caution, Mme [C] percevait un salaire de 3 949 euros outre une indemnité de 1 156 euros par mois (en tant que conseiller municipal), soit des revenus mensuels de 5 105 euros ; l’avis d’impôt sur les revenus 2007 produit aux débats par Mme [C] indique en outre qu’elle avait alors trois enfants mineurs à charge ;

– que le patrimoine de Mme [C] était constitué essentiellement des parts qu’elle détenait dans la société civile immobilière Immo Invest, à hauteur de 50 % du capital social, ce qui ne permettait pas à Mme [C] de faire face à son engagement de caution, compte tenu de l’endettement de la société, propriétaire de plusieurs biens immobiliers d’une valeur totale de 2 153 000 euros, pour lesquels elle restait redevable de la somme de 928 000 euros au titre de plusieurs prêts immobiliers soit un actif net de la société Immo Invest au maximum de 1 225 000 euros alors que l’engagement de caution portait sur la somme de 1 439 760 euros.

– que l’acquisition d’un nouveau bien, en 2008, pour laquelle le cautionnement a été souscrit, n’avait pas pour effet de modifier substantiellement la situation de la société lmmo Invest, du moment que le prix de vente, s’élevant à 1 090 000 euros, était intégralement financé au moyen du prêt litigieux s’élevant à 1 199 800 euros.

Le Crédit industriel et commercial conteste cette analyse en indiquant que MMme [C], qui lui ont déclaré un patrimoine et des revenus très importants (pièces 24 : demande de prêt du 30 juin 2008, et 29 : tableau récapitulatif des biens immobiliers précédemment acquis par la SCI Immo Invest) étaient, par l’intermédiaire de la SCI Immo Invest propriétaires de plusieurs biens immobiliers générant des revenus locatifs, patrimoine immobilier d’une valeur d’environ 2 193 000 euros, outre une épargne bancaire de 42 000 euros, selon leur propre déclaration faite au Crédit industriel et commercial.

La banque pointe que MMme [C] allèguent que la banque n’a pas tenu compte de la valeur nette de chacun de ces biens entièrement financé par un prêt, mais MMme [C] ne versent au débat pas la moindre pièce en ce sens notamment les offres de prêt et les tableaux d’amortissements qui permettraient de déterminer l’encours dû au titre de chaque prêt. Toutefois selon leurs propres déclarations le restant dû au titre des prêts était de 928 000 euros pour une valeur totale de 2 193 000 euros, ce qui signifie que les prêts étaient déjà largement amortis.

La banque souligne aussi, à juste titre, que MMme [C] prétendent que la SCI Immo Invest est déficitaire, sans produire le moindre bilan, et ajoute que cette situation de déficit foncier est probablement mise en oeuvre pour des raisons fiscales.

En toute hypothèse les biens immobiliers généraient la production de loyers importants, que le tribunal n’a pas pris en compte pour apprécier la situation financière de la SCI Immo Invest et partant, de MMme [C] : sur le tableau récapitulatif fourni au Crédit industriel et commercial (pièce 29) apparaît un montant de 104 874 euros pour l’année 2008, à mettre en perspective avec les échéances des prêts d’un montant total de 78 917 euros.

Ces éléments tels qu’exposés par la banque ne remettent pas fondamentalement en question les constatations du premier juge s’agissant de la valeur nette du patrimoine immobilier détenu par la SCI Immo Invest, et sur lequel Mme [C] n’a de droits qu’à hauteur de la moitié, en raison du quantum de sa participation au capital social. Étant mariée sous le régime de la séparation des biens, la proportionnalité de son engagement de caution ne peut se faire qu’eu égard à son patrimoine propre.

Ainsi, pour faire face à son engagement qui était de 1 439 760 euros, Mme [C] disposait d’un patrimoine immobilier de 2 193 000 ‘ 928 000 / 2 = 632 500 euros auquel il faut ajouter sa participation au capital social de la SCI Immo Invest, de 300 000 /2 = 150 000 euros, l’ensemble faisant un total de 782 500 euros qui ne permet pas de couvrir l’engagement de caution en son entièreté, et ses revenus, de 60 000 euros annuels environ, en s’y ajoutant, n’y suffisant pas non plus.

Sans même à considérer les charges de Mme [C], l’engagement de caution était manifestement disproportionné au moment de sa signature, la preuve en est suffisamment rapportée, et le jugement déféré doit être confirmé de ce premier chef.

B) Néanmoins l’article L. 341-4 du code de la consommation, in fine, exclut de décharger la caution dans la mesure où son patrimoine au moment où elle est appelée lui permet de faire face à ses obligations.

L’assignation étant en date du 29 mai 2018, c’est à ce jour qu’il convient de se placer pour se livrer à cette appréciation, et c’est alors au prêteur qu’il revient de faire la démonstration de ce que la caution était en capacité de s’acquitter de la somme réclamée à cette date.

La société Crédit industriel et commercial demandait alors au tribunal de condamner MMme en leur qualité de cautions solidaires de la SCI Immo Invest à lui payer la somme de 1 035 732,20 euros à majorer des intérêts au taux contractuel de 4 % à compter du 12 septembre 2017.

Le tribunal a jugé que le Crédit industriel et commercial ne démontre pas de retour à meilleure fortune. Selon le premier juge, la seule circonstance que la société Immo Invest soit toujours propriétaire de plusieurs biens immobiliers et que Mme [C] soit encore titulaire de la moitié des parts sociales est insuffisante à établir qu’elle disposerait aujourd’hui d’un patrimoine suffisant pour faire face à son engagement, la banque ne produisant pas d’élément précis sur la valorisation des biens, sur les charges supportées par la société, et plus généralement sur la situation financière de cette dernière. Il est, au contraire, établi que la société civile immobilière rencontre des difficultés sur le plan patrimonial : les défendeurs produisent une attestation de leur conseil faisant état de procédures engagées aux fins de recouvrer, au profit de la société Immo Invest, des loyers impayés s’élevant à la somme globale de 160 000 euros.

L’appelant, contestant cette motivation, fait observer que la valeur du patrimoine immobilier constitué de plusieurs biens situés à [Localité 11], [Localité 9], [Localité 10], n’a pu qu’augmenter depuis 2008, alors que le prix moyen au m² était de 6 000 euros pour dépasser 10 000 euros en 2020, de sorte que la valeur du patrimoine immobilier des époux [C] a quasiment doublé sur cette période – et notamment cette valeur atteint 1 600 000 euros pour l’appartement financé par le prêt cautionné. Par conséquent, la valeur du patrimoine est désormais de 7 000 000 euros minimum, et les prêts sont actuellement largement remboursés. Les 160 000 euros de loyers impayés sont une somme insignifiante par rapport à cette valeur. La vente d’une petite partie de leur patrimoine immobilier permettrait aux époux [C] de désintéresser le Crédit industriel et commercial.

Si la société Crédit industriel et commercial ne produit pas d’autres développements et pièce que la référence sur la base de site internet, à une augmentation substantielle de la valeur de l’immobilier entre 2008 et 2020, il n’en demeure pas moins que son argumentation est pertinente, et conduit à une évaluation qui sans être contredite par Mme [C] permet de conclure que d’ores et déjà, au 29 mai 2018, le patrimoine immobilier de Mme [C] lui permettait, à lui seul, largement et manifestement, de s’acquitter, en réalisant une partie de ses actifs, de la somme réclamée par la banque, étant dès lors sans emport la perte financière subie par la SCI Immo Invest au titre de loyers impayés.

Dès lors, le jugement déféré ne peut être qu’infirmé de ce chef.

2- Sur le cautionnement de M. [M] [C]

Les parties ne contestent pas les énonciations du jugement dont il ressort que la situation de M. [C] est similaire à celle de son épouse, à ceci près qu’il disposait au moment de la signature de son engagement de caution, d’un salaire mensuel de 12 400 euros et de liquidités de 164 168,47 euros, soit des actifs plus importants que ceux de Mme [C].

Ainsi, pour faire face à son engagement qui était de 1 439 760 euros, M. [C] disposait d’un patrimoine immobilier de 2 193 000 ‘ 928 000 / 2 = 632 500 euros auquel il faut ajouter sa participation au capital social de la SCI Immo Invest, de 300 000 /2 = 150 000 euros, l’ensemble faisant un total de 782 500 euros, devant y être ajoutés encore les 164 168,47 euros de liquidités, soit un total d’environ 946 700 euros, ce qui ne permet pas de couvrir l’engagement de caution en son entièreté, et ses revenus, de 150 000 euros annuels environ, quoique conséquents, et s’y ajoutant, n’y suffisant pas non plus.

Le tribunal a donc a juste titre estimé que l’engagement de caution de M. [C] était disproportionné au regard de ses capacités financières.

Le Crédit industriel et commercial critique cette décision en développant une argumentation commune aux époux [C] y compris en ce qui concerne leur capacité à payer la somme qui leur est demandée, sans considération du fait qu’ils sont mariés sous le régime de la séparation des biens.

Les observations faites supra sur la capacité de Mme [C] à s’acquitter des sommes qui lui sont réclamées par la banque sont néanmoins, en définitive, transposables à la situation de M. [C].

Dès lors, le jugement déféré ne peut être qu’infirmé en ce que le tribunal a jugé que le cautionnement de M. [C] ne peut être déclaré opposable à la banque.

Sur le montant de la créance de la banque

Sur la prise en compte des règlements effectués postérieurement à la déchéance du terme

MMme [C] demandent à la cour de constater que la société Crédit industriel et commercial a encaissé depuis la déchéance du terme du prêt la somme totale de 67 226,03 euros – 65 770 euros entre le 31 août 2017 et le 18 septembre 2019, au vu de la pièce adverse n°30, et 1 496,03 euros bloqués par le moyen d’une saisie attribution sur le compte ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne et de prévoyance Ile de France – et en conséquence, de juger que le quantum des sommes qui seraient dues au titre du prêt depuis la déchéance du terme sera réduit des sommes réglées depuis cette date, pour ces montants.

La société Crédit industriel et commercial écrit que depuis le prononcé de la déchéance du terme du prêt, la SCI Immo Invest a procédé au remboursement d’une somme totale de 65 770 euros au titre du prêt immobilier retracé sur le compte n°[XXXXXXXXXX04], et reste devoir au 18 septembre 2019, une somme totale de 1 035 732, 20 euros au titre du prêt consenti.

Il résulte des pièces produites ‘ pièces 22 : décompte de créance au 29 mars 2018, et pièce 30 : décompte de créance au 18 septembre 2019 ‘ des versements aux dates indiquées par MMme [C] pour un montant de 65 770 euros pris en compte par la banque lorsqu’elle demande à la cour de condamner solidairement MMme [C] en leur qualité de cautions solidaires de la société SCI Immo Invest, à lui payer la somme de 1 035 732,20 euros.

Il ressort de la pièce 12 des intimés, que la banque a saisi un huissier de justice afin de faire procéder à une saisie-attribution, procédure qui le 14 février 2020, a permis d’identifier sur un compte professionnel de la SCI Immo Invest ouvert dans les livres de la Caisse d’épargne et de prévoyance Ile de France en son agence du [Adresse 3], une somme de 1 496,03 euros, pour laquelle la banque comme réponse à saisie des valeurs mobilières a indiqué : ‘SBI inapplicable’ ‘Pas de titre’.

Il n’y a donc pas lieu d’opérer de déduction sur la somme réclamée par la société Crédit industriel et commercial, à jour des versements effectués par la SCI Immo Invest.

Sur la modération de la clause pénale

MMme [C] demandent à la cour de constater que la pénalité de 7 % convenue au point 4 des conditions générales du contrat de prêt constitue une clause pénale manifestement excessive, et en conséquence, sollicitent sa modération et tout du moins, sa réduction d’au moins un tiers.

Constitue une clause pénale la clause d’un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée. La peine ainsi convenue peut être même d’office modérée ou augmentée par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire, par application de l’article 1152 ancien devenu 1231-5 du code civil.

Comme relevé à juste titre par MMme [C], dans le décompte produit par la banque la somme exigée au titre de cette indemnité s’élève à 67 054 euros, et ce montant est manifestement excessif eu égard au préjudice réellement subi par la banque en raison de la carence de la SCI Immo Invest, laquelle a remboursé son crédit pendant huit années et cinq mois, d’août 2008 à janvier 2017 date de la première mise en demeure, soit pendant 101 mois sur une durée de totale de 300 mois.

La société Crédit industriel et commercial ne formule aucune remarque sur cette question et au dispositif de ses conclusions s’en tient à solliciter une condamnation des cautions en paiement de sommes assorties de l’intérêt conventionnel.

Au regard de ces éléments, les indemnités conventionnelles dont la banque sollicite

l’application apparaissent manifestement excessives, et il convient d’en réduire le montant, à la somme forfaitaire, de 42 000 euros.

Sur l’information à caution

MMme [C] demandent à la cour de juger, en application des articles L. 333-1 et L. 343-5 anciennement L. 341-1 du code de la consommation, que la société Crédit industriel et commercial, qui n’a pas respecté l’obligation d’informer la caution dès le premier incident de paiement ne peut prétendre au paiement des pénalités et intérêts de retard échus entre la date du premier incident, soit le 20 novembre 2016 et la date à laquelle les cautions en ont été informées, soit le 7 juillet 2017.

L’article L. 333-1 du code de la consommation dispose que : ‘Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement.’

MMme [C] font grief à la banque de ne pas avoir informé les cautions dès le premier incident de paiement constaté, portant sur l’échéance du 20 novembre 2016, Crédit industriel et commercial écrivant à la SCI Immo Invest le 23 décembre 2016 (pièce adverse n°8) : ‘le solde de votre prêt présente à ce jour deux échéances de retard pour un montant total de 13 357,81 euros’ mais attendant le 7 juillet 2017 pour informer les cautions, non pas de l’incident non régularisé, mais de la déchéance du terme prononcée en raison d’impayés de la part de la SCI Immo Invest.

La banque intimée qui ne répond pas spécifiquement sur ce point ne conteste pas la matérialité de ces faits mais au dispositif de ses conclusions demande à la cour la condamnation des cautions pour l’entièreté de sa créance.

Or, il ressort du courrier du 23 décembre 2016 comportant en annexe le décompte de la créance, qu’à cette date l’échéance du 20 novembre 2016 demeurait impayée, et la banque ne justifie pas de ce qu’elle aurait adressé aux cautions un quelconque courrier avant ceux datés du 7 juillet 2017 – pièces 15 et 16.

Néanmoins, le décompte joint au courrier du 7 juillet 2017 mentionne des échéances impayées dont il n’est précisé ni les dates ni le nombre mais dont le montant global est de 19 967,82 euros, soit l’équivalant de trois mensualités, impayées sur la période courue entre le 20 novembre 2016 et le 20 juin 2017, qui en comporte huit. Il s’en induit que des paiements ont été effectués et sont venus régulariser, à un moment ou à un autre, la mensualité impayée la plus ancienne, échue le 20 novembre 2016. Par conséquent, MM [C] n’établissent pas que la banque eût été tenue d’informer les cautions d’un incident de paiement.

Par conséquent, aucune déchéance n’est encourue en application des textes précités, et MM. [C] seront déboutés de leurs demandes formées de ce chef.

Sur les délais de paiement

Enfin, subsidiairement, MMme [C] demandent à la cour de leur accorder un délai de grâce sous la forme d’un report de deux ans pour le paiement des sommes dues, afin notamment de leur permettre de réorganiser les actifs de la SCI Immo Invest et de libérer la somme réclamée, qui est conséquente.

En vertu de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Une demande de report de paiement de la dette pour être reçue doit être appuyée par des éléments suffisamment précis, tangibles, et certains, permettant de croire à un désintéressement du créancier à l’expiration du délai de grâce. Or en l’espèce MMme [C] ne font aucune proposition précise.

Par conséquent, en l’état, la demande de report de paiement de la dette, telle que formulée par MMme [C], ne peut qu’être rejetée.

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Sur les dépens et les frais irrépétibles

MMme [C], partie succombante, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Crédit industriel et commercial formulée sur ce même fondement pour la somme réclamée de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau :

CONDAMNE M. [M] [C] et Mme [O] [X] épouse [C], en leurs qualités de cautions solidaires de la société Immo Invest, à payer à la société Crédit industriel et commercial :

-la somme en principal de 1 035 732,20 euros au titre du prêt immobilier en date du 7 juillet 2008, dont il conviendra de déduire la somme de 67 054 euros correspondant à l’indemnité de résiliation contractuelle de 7 % pour y ajouter celle de 42 000 euros fixée par la cour par application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil,

-dit que cette somme ainsi déterminée portera intérêts au taux contractuel de 4 %  l’an à compter du 12 septembre 2017, date des mises en demeure,

-le tout dans la limite de l’engagement de caution soit le montant de 1 439 760 euros ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dès qu’ils seront dus pour une année entière ;

DÉBOUTE M. [M] [C] et Mme [O] [X] épouse [C] de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE in solidum M. [M] [C] et Mme [O] [X] épouse [C] aux entiers dépens de l’instance ;

CONDAMNE in solidum M. [M] [C] et Mme [O] [X] épouse [C] à payer à la société Crédit industriel et commercial la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*****

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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